Une lettre des détracteurs du Pape François échoue (encore) à prouver son hérésie

Ceux ci n’ont su établir que le saint père François était hérétique. Ceci est la traduction de l’article du théologien Matthew A. Shadle daté du 18 septembre 2022.

Voir aussi:

Liste de calomnies honteuses contre le Pape François

Image: Peintre Néerlandais – Parable of the great banquet – National Museum in Warsaw, Domaine Publique, Wikimedia Commons

Les opposants du Pape François l’ont accusé de semer la confusion voire même d’enseigner l’hérésie, et ce depuis les débuts de son pontificat. L’exemple le plus connu est peut-être celui des 5 dubias, ou questions appelant à une clarification, publiés en 2016 par 4 cardinaux suite à l’exhortation apostolique Amoris Laetitia de François. Continuant la surenchère de défiance vis à vis de l’autorité de François, une lettre, semblant accuser formellement le Pape François d’hérésie a été publiée le 16 septembre par un groupe d’opposant à François, dirigé par l’évêque Joseph Strickland de Tyler, basé au Texas, et incluant René Henry Gracida, l’évêque émerite de Corpus Christi, basé au Texas, l’évêque auxiliaire Robert Mutsaerts de S’Hertogenbosch des Pays-Bas, et de l’évêque auxiliaire Athanasius Schneider d’Astana, basé au Kazakhstan, ainsi qu’un certain nombre d’intellectuels. La lettre se concentre spécifiquement sur l’enseignement de François concernant la réception de la communion, et en particulier d’un passage de sa récente lettre apostolique Desiderio Desideravi.

Je laisserai les canonistes discuter du statut formel des accusations de la lettre ou bien des conséquences potentielles pour les signatures épiscopales, mais, en tant qu’argument théologique, la lettre échoue complètement à justifier son propos. En réalité, une étude sérieuse montre à la fois que les remarques du Pape François dans Desiderio Desideravi sont parfaitement orthodoxes et que les arguments de ses détracteurs sont fondés sur une compréhension légère des doctrines impliquées. En effet, sur certains points, les critiques ont probablement fait preuve de mauvaise foi dans leur effort d’interprétation des enseignements du Pape François.

I. L’accusation d’hérésie

Les rédacteurs de la lettre désignent deux lignes dans Desiderio Desideravi comme base de leur accusation d’hérésie.

5. Le monde ne le sait pas encore, mais tous sont invités au repas des noces de l’Agneau (Ap 19, 9). Pour être admis au festin, il suffit de porter l’habit nuptial de la foi, qui vient de l’écoute de sa Parole (cf. Rm 10, 17).

Voici ce que les opposants de la lettre ont à dire à propos de ce passage :

La signification naturelle de ces mots est que, la seule condition pour qu’un Catholique puisse recevoir la sainte Eucharistie est de posséder la vertu de foi, par laquelle il est possible de croire aux enseignements Chrétiens par le fait même qu’ils ont été divinement révélés. De plus, en considérant la lettre Apostolique dans son ensemble, ce point essentiel de la nécessité de la repentance des péchés pour recevoir dignement l’Eucharistie est passé sous silence.

Cette signification naturelle contredit la foi de l’Église Catholique. L’Église Catholique a toujours enseigné que, pour recevoir dignement et sans pécher l’Eucharistie, les Catholiques devaient recevoir l’absolution sacramentelle, si possible, pour tout péché mortel qu’ils auraient pu commettre, et obéir à toutes les autres lois de l’Église concernant la réception de l’Eucharistie.

La lettre poursuit en citant le décret concernant le Très Saint Sacrement de l’Eucharistie du Concile de Trente afin de justifier l’affirmation selon laquelle le prétendu enseignement de François contredirait la doctrine de l’Église. Voici le passage intégral du décret en question :

Chapitre 7

La préparation à apporter pour qu’on reçoive dignement la sainte eucharistie

1646 S’il ne convient pas que qui que ce soit s’approche d’une fonction sacrée si ce n’est saintement, à coup sûr plus un chrétien découvre la sainteté et le caractère divin de ce sacrement céleste, plus il doit diligemment veiller à ne s’en approcher pour le recevoir qu’avec grand respect et sainteté, d’autant plus que nous lisons dans l’Apôtre ces mots pleins de crainte : “Qui mange et boit indignement, mange et boit sa condamnation, ne discernant pas le corps du Christ” 1Co 11,29. C’est pourquoi il faut rappeler à qui veut communier le commandement : “Que l’homme s’éprouve lui-même” 1Co 11,28

1647 La coutume de l’Église montre clairement que cette épreuve est nécessaire pour que personne en ayant conscience d’un péché mortel, quelque contrit qu’il s’estime, ne s’approche de la sainte eucharistie sans une confession sacramentelle préalable.

Ce saint concile a décrété que cela devait être observé toujours par tous les chrétiens, même par les prêtres qui sont tenus par office de célébrer, du moment qu’ils peuvent avoir recours à un confesseur. Que si, en raison d’une nécessité urgente, un prêtre a dû célébrer sans confession préalable qu’il se confesse le plus tôt possible.

Les auteurs de la lettre citent aussi le canon 11 du même décret :

1661 11. Si quelqu’un dit que la foi seule est une préparation suffisante pour recevoir le sacrement de la très sainte eucharistie : qu’il soit anathème.

Donc l’accusation est, qu’en ayant prétendument enseigné que seule la vertu de foi est nécessaire afin de recevoir l’Eucharistie, le Pape François serait tombé dans l’hérésie en niant que les Catholiques devaient d’abord recevoir l’absolution pour leurs péchés mortels commis et non déjà absouts avant de recevoir le sacrement de l’Eucharistie.

II. Qu’est-ce qu’est le vêtement de noce de la foi ?

Comme le théologien Robert Fastiggi l’a montré dans son récent article à propos de la lettre, dans le passage pré-cité de Desiderio Desideravi, le Pape François en appelle à l’image biblique du « vêtement de noce » qui apparaît dans l’Évangile de Saint Matthieu, au chapitre 22, dans la parabole de la fête de mariage, aussi bien que dans le livre de l’Apocalypse au chapitre 19, où les saints sont décrits comme habillés de vêtements de noce. Dans la parabole de la fête de mariage, ceux qui se présentent à la fête revêtus d’un vêtement de noce peuvent y participer, alors que ceux qui n’ont pas cet habit sont jetés « dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.” » (Mt 22:11-13). François interprète cette fête de mariage de façon eucharistique et eschatologique en suggérant que le vêtement de noce permet d’accéder à la célébration eucharistique et à la fête Eucharistique du royaume céleste. La lettre d’accusation contre François repose sur l’affirmation selon laquelle, lorsque François se réfère au « vêtement de noce », « le sens naturel […] est que le seul prérequis pour qu’un Catholique reçoive la sainte Eucharistie est de posséder la vertu de foi ». Pourtant, cette affirmation est très légère pour étayer une accusation aussi sérieuse.

En effet, la signification la plus raisonnable de la référence du Pape François au « vêtement de noce » est précisément conforme à l’usage que l’Église a fait de ce symbole au cours des siècles : celui d’une image de la régénération ou de la justification apportée par le baptême. Dans le rite du baptême pour adulte, le prêtre dit : « N., tu es une création nouvelle dans le Christ : tu as revêtu le Christ. Reçois ce vêtement baptismal et apporte le sans tâche au trône du jugement de Notre Seigneur Jésus-Christ, afin que tu aies la vie éternelle » ; et de même, dans le rituel de baptême des enfants : « N., tu es une création nouvelle dans le Christ : tu as revêtu le Christ; ce vêtement blanc en est le signe. Que tes parents et amis t’aident, par leur parole et leur exemple, à garder intacte la dignité des fils de Dieu, pour la vie éternelle. » En tant que pasteur, François a très certainement ce contexte baptismal en tête lorsqu’il fait allusion au « vêtement de noce ».

Le Concile de Trente lui-même fait ce lien entre le vêtement de noce et la justification. Dans le décret concernant la justification, les pères du Concile déclarent :

C’est pourquoi lorsqu’ils reçoivent la justice véritable et chrétienne, cette première robe Lc 15,22 qui leur est donnée par le Christ à la place de celle que, par sa désobéissance, Adam a perdue pour lui et pour nous, il est ordonné aussitôt à ceux qui viennent de renaître de la conserver blanche et sans tache, pour l’apporter devant le tribunal de notre Seigneur Jésus Christ et avoir la vie éternelle. (VII, 1531)

De la même manière, dans le même chapitre du décret concernant le très Saint Sacrement de l’Eucharistie suivant immédiatement celui qui a été cité dans la lettre des détracteurs, les pères du Concile se réfèrent encore au vêtement de noce. Le décret indique qu’il y a 3 types de personnes recevant l’Eucharistie : les pécheurs qui la reçoivent indignement, et donc de façon uniquement sacramentelle ; ceux qui la reçoivent par la communion spirituelle mais pas sacramentellement ; et ceux qui la reçoivent spirituellement et sacramentellement, «  ce sont ceux qui s’éprouvent et se préparent de telle sorte qu’ils s’approchent de cette table divine après avoir revêtu la robe nuptiale Mt 22,11-14 » (VIII, 1648)

Selon le Concile de Trente, donc, le vêtement de noce désigne la justification apportée par le baptême telle que : « Aussi, avec la rémission des péchés, l’homme reçoit-il dans la justification même par Jésus Christ, en qui il est inséré, tous les dons suivants infus en même temps la foi, l’espérance et la charité. » (Décret sur la justification, chapitre VII, 1530). Avec cette compréhension traditionnelle de l’image du vêtement de noce en tête, le sens naturel des propos du Pape François indiquant que « Pour être admis au festin, il suffit de porter l’habit nuptial de la foi » est tout à fait orthodoxe. Pour argumenter dans le sens contraire, il faudrait prouver que la portion de phrase « de foi » signifie que François suggère une signification du vêtement de noce différente de celle utilisée dans les contextes liturgiques et doctrinaux. Je pense qu’un regard attentif sur l’enseignement de la justification du concile de Trente, suivi d’un examen des passages discutés de Desiderio Desideravi dans leur contexte montre fortement que l’usage de l’image du vêtement de noce fait par François est tout à fait en phase avec ces usages traditionnels.

III. Le Concile de Trente sur la justification

Le Concile de Trente fut le premier concile œcuménique à apporter une explication de ses enseignements plutôt que de simplement établir une liste de propositions condamnées, et, le décret concernant la justification débute en expliquant, à l’opposé de la doctrine du pélagianisme, que le salut est totalement un don de Dieu que personne ne peut atteindre par ses propres œuvres (I, 1521). Le décret poursuit : le don du salut, vient par Jésus-Christ. Contrairement à ce que Jean Calvin, par exemple, qui enseignait que le Christ était mort uniquement pour les élus, le décret affirme que le Christ est mort « pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier » 1Jn 2,2 (II, 1522). Le décret continue en mentionnant, cependant, que : Mais, bien que lui soit “mort pour tous” 2Co 5,15 , tous cependant ne reçoivent pas le bienfait de sa mort, mais ceux-là seulement auxquels le mérite de sa Passion est communiqué (III, 1523). En d’autres mots, bien que Dieu désire le salut de toute la race humaine, le processus du salut nécessite que chaque individu soit rendu juste en prenant part à la justesse du Christ. Le reste du décret décrit ce processus, désigné en tant que justification.

La section suivante nous explique comment Dieu prépare les individus à leur justification par la grâce. Bien que le décret ne rentre pas dans les détails décrivant comment cette grâce («la grâce prévenante ») prépare les individus à la justification, l’idée est qu’à travers des événements survenant dans leur vie, l’exemple des autres, l’écoute de la parole de Dieu, et l’action de Dieu dans leur cœur (« Dieu touchant le cœur de l’homme par l’illumination de l’Esprit Saint  », V, 1525), Dieu suscite un désir de conversion. Le chapitre VI, au numéro 1526, poursuit cette explication : « poussés et aidés par la grâce divine, concevant en eux la foi qu’ils entendent prêcher Rm 10,17, ils vont librement vers Dieu, croyant qu’est vrai tout ce qui a été divinement révélé et promis », et c’est pourquoi ils désirent le baptême. Cette foi déclenche les premières prémisses de l’espoir et d’amour pour Dieu, aussi bien qu’un désir de repentance.

Le baptême, donc, est le point culminant de ce processus, l’instrument par lequel Dieu apporte la justification à un pécheur, et comme cela a déjà été mentionné : « Aussi […] l’homme reçoit-il dans la justification même par Jésus Christ, en qui il est inséré, tous les dons suivants infus en même temps la foi, l’espérance et la charité. » (VII, 1530)

Le décret, en cherchant à répondre aux prétentions protestantes selon lesquelles nous sommes sauvés « par la foi seule », insiste sur le fait que : « la foi à laquelle ne se joignent ni l’espérance ni la charité n’unit pas parfaitement au Christ et ne rend pas membre vivant de son corps. » (VII, 1531), et que les bonnes œuvres, réalisées et rendues méritoires par la grâce du Christ, sont de la même manière nécessaire au salut (XVI, 1545-1550). Pour cette raison, les baptisés ne se voient pas seulement remettre le vêtement de mariage, mais ils reçoivent aussi le commandement « de la conserver blanche et sans tache » (VII, 1531).

Comme précédemment, en rendant compte du sens des propos de l’Apôtre Paul lorsqu’il affirme que « nous avons été justifiés par la foi » (Rm 5:1), le décret mentionne que :

si nous sommes dits être justifiés par la foi, c’est parce que “la foi est le commencement du salut de l’homme”, le fondement et la racine de toute justification, que sans elle “il est impossible de plaire à DieuHe 11,6 et de parvenir à partager le sort de ses enfants (VIII, 1532)

De la même manière, le baptême peut être appelé le « sacrement de la foi » (VII, 1529) parce que ce sont les prémisses de la foi qui suscitent le désire du baptême et qui rendent possible les effets du sacrement. Par conséquent, si l’on peut validement dire que la justification se fait « par la foi », et que le baptême est le « sacrement de la foi », alors il est possible, de la même façon, sans craindre de commettre une hérésie, de se référer à la justification et au baptême par l’image du « vêtement de noce de la foi ».

IV. le Pape François & la lettre Desiderio Desideravi

Afin de renforcer cet argumentaire, regardons le passage cité de Desiderio Desideravi avec son contexte environnant :

4. Personne n’avait gagné sa place à ce repas. Tout le monde a été invité. Ou plutôt, tous ont été attirés par le désir ardent que Jésus avait de manger cette Pâque avec eux : Il sait qu’il est l’Agneau de ce repas de Pâque, il sait qu’il est la Pâque. C’est la nouveauté absolue de ce repas, la seule vraie nouveauté de l’histoire, qui rend ce repas unique et, pour cette raison, ultime, non reproductible : « la Dernière Cène ». Cependant, son désir infini de rétablir cette communion avec nous, qui était et reste son projet initial, ne sera pas satisfait tant que tout homme, de toute tribu, langue, peuple et nation (Ap 5,9) n’aura pas mangé son Corps et bu son Sang. C’est pourquoi ce même repas sera rendu présent, jusqu’à son retour, dans la célébration de l’Eucharistie.

5. Le monde ne le sait pas encore, mais tous sont invités au repas des noces de l’Agneau (Ap 19, 9). Pour être admis au festin, il suffit de porter l’habit nuptial de la foi, qui vient de l’écoute de sa Parole (cf. Rm 10, 17). L’Église taille ce vêtement sur mesure pour chacun, avec la blancheur d’un tissu lavé dans le Sang de l’Agneau (cf. Ap 7, 14). Nous ne devrions pas nous permettre ne serait-ce qu’un seul instant de repos, sachant que tous n’ont pas encore reçu l’invitation à ce repas, ou que d’autres l’ont oubliée ou se sont perdus en chemin dans les méandres de la vie humaine. C’est ce dont je parlais lorsque je disais : « J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation » (Evangelii gaudium, n° 27) : afin que tous puissent s’asseoir au repas du sacrifice de l’Agneau et vivre de Lui. (numéros 4 et 5, Les lignes reprises par la critique sont en gras).

Ces deux paragraphes constituent presque un « court catéchisme » du décret sur la justification du concile de Trente. Nous voyons ici l’affirmation des mêmes doctrines qui sont exposées dans le décret : 1. Le Salut, notre place au festin, n’est pas quelque chose que nous pouvons gagner, mais plutôt un don de Dieu ; 2. Le Christ est l’unique source de notre salut ; 3. La proposition du salut faite par le Christ, l’invitation au festin, s’adresse à tous ; 4. Tous ceux qui ont été invités au festin n’y ont pas été admis, ou encore, tous ceux qui se sont vu proposer le salut ne l’ont pas reçu ; 5. Le salut, l’admission au festin, est suscité « par l’écoute de sa Parole » ; 6. Il faut avoir part à la justesse du Christ, symbolisée par le port du vêtement de noce, pour être admis au festin.

Dans le contexte, il est clair que lorsque le Pape François dit que : «  Pour être admis au festin, il suffit de porter l’habit nuptial de la foi », son intention est de renforcer l’affirmation selon laquelle : « Personne n’a gagné une place au festin », Dieu n’a pas besoin de quoi que ce soit de notre part qu’Il ne nous ait déjà donné. L’affirmation n’est pas destinée à aborder la question de l’absolution avant la communion. En effet, dans la ligne juste après, François affirme que le vêtement de mariage possède « la blancheur d’un tissu lavé dans le Sang de l’Agneau » , et que la blancheur et les proportions du vêtement sont taillés par l’Église. Étant donné tout ce qui a été dit jusqu’ici, il paraît évident que le sens ici est que l’Église nous aide à nous préparer pour le festin en nous offrant l’absolution de nos péchés, nous sommes totalement à l’opposé de ce que les opposants ont pu dire de l’enseignement de François. A leur grand dam, les détracteurs ont isolé cette ligne de leur citation de la lettre apostolique.

V. Quelques remarques du Pape François

C’est pourquoi les opposants sont inexacts lorsqu’ils disent que : « Dans la lettre apostolique dans son ensemble, le silence est fait sur ce sujet essentiel de la repentance du péché pour recevoir dignement l’Eucharistie. » Néanmoins, il est vrai que François ne parle pas plus explicitement de ce sujet. Pour cette raison, même si les détracteurs mettent en avant ces deux lignes de Desiderio Desideravi comme leur preuve principale « d’hérésie », ils renvoient donc vers d’autres déclarations dans lesquelles François a parlé plus explicitement du sujet de la réception de l’Eucharistie afin de soutenir leur argumentation. Ceci comprend sa très célèbre citation déclarant que l’Eucharistie « n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles » (Evangelii Gaudium, §47). Les opposants rencontrent ici deux problèmes.

Le premier est que le Pape François ne dit nulle part que l’absolution des péchés mortels n’est pas nécessaire afin de recevoir la communion. En réalité, dans sa déclaration la plus claire, dans laquelle il fait le plus preuve d’autorité, sur le sujet, son enseignement est parfaitement orthodoxe, et, une nouvelle fois, est aux antipodes de ce que les détracteurs ont prétendu. Dans Amoris Laetitia, le Pape François déclare :

À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église. (§305)

Et, dans une note de bas de page, il explique que « l’aide de l’Église » peut inclure les sacrements, tout particulièrement la Réconciliation et l’Eucharistie, en citant Evangelii Gaudium, §47. Mais, dans ce passage, François ne parle volontairement pas de la réception de la communion dans l’état de péché mortel. Élucidons cela.

Le Pape Jean-Paul II explique, dans son exhortation apostolique Reconciliatio e Paenitentia quelque chose qui doit être familier de tout diplômé d’école Catholique. « est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave et qui, de plus, est commis en pleine conscience et de consentement délibéré » (§17), ou, en d’autres mots, le péché mortel contient à la fois des éléments objectifs et subjectifs. Mais, comme François l’explique dans le passage sus-mentionné d’Amoris Laetitia, lorsqu’il affirme que l’Eucharistie est «  un généreux remède et un aliment pour les faibles », il fait allusion à une personne qui peut être dans un état objectivement peccamineux, mais qui n’en est pas subjectivement entièrement coupable, et donc, cette personne n’est par définition pas en état de péché mortel. Ceci est un point élémentaire, mais fréquemment manqué par les opposants à François. Et ailleurs dans Amoris Laetitia, François déclare que « Lorsque ceux qui communient refusent de s’engager pour les pauvres et les souffrants ou approuvent différentes formes de division, de mépris et d’injustice, l’Eucharistie est reçue de façon indigne. » (§186) Donc, il est clair que François croit qu’il existe des conditions pouvant rendre indigne la réception de l’Eucharistie. Naturellement, la lettre des critiques ne cite pas ce passage. Les autres déclarations de François sur la réception de la communion doivent être interprétées à la lumière de ces affirmations d’Amoris Laetitia.

Le second problème rencontré par les opposants est qu’ils mélangent les affirmations de François sur la réception de l’Eucharistie en général avec celles sur la privation de la communion des Catholiques impliqués dans « la persistance obstinée dans le péché grave manifeste » (CIC 915). Parce que cette dernière implique que le prêtre prive de la communion, contrairement à la situation où le fidèle s’abstient de la recevoir, et que des jugements déterminent ce qui compte comme une « obstination » ou un degré « manifeste », cette dernière situation s’avère être une problématique bien plus complexe que le sujet doctrinal en question. D’aucun peuvent tenir, de façon cohérente, à la fois que le jugement qu’un individu doive choisir publiquement de priver de communion un pécheur, de façon parcimonieuse si cela est nécessaire d’une part, et que ceux qui sont coupables de péché mortel s’abstiennent de communier d’autre part, et donc les remarques de François sur la privation de la communion n’apportent aucun soutien à la problématique doctrinale relevée dans la lettre.

L’hérésie est une accusation sérieuse, et, pour accuser de cette façon le pape, il faudrait avoir une argumentation très sérieuse et soutenue. Cependant, dans notre situation, les auteurs de la lettre ont présenté un argumentaire remarquablement léger afin d’accuser le Pape François d’hérésie par rapport à l’absolution des péchés et la réception de la communion. A travers cette lettre, les détracteurs ignorent le contexte liturgique et doctrinal sous jacent des remarques de François dans Desiderio Desideravi, ils ignorent des affirmations de Desiderio Desideravi et d’ailleurs démontrant l’orthodoxie de ses enseignements, et interprètent mal d’autres déclarations qu’il a pu faire sur le sujet. Un étude attentive du texte de Desiderio Desideravi n’a pas révélée que le Pape était hérétique, mais plutôt que François avait apportée une présentation claire et convaincante de la doctrine de l’Église, conforme à ce que nous attendions du pasteur des fidèles.

Les commentaires sont fermés.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer