Vatican II n’est pas responsable de la baisse de la fréquentation des messes.

Ceci est une traduction et réédition d’un article de The Liguori Militant (12 août 2023) que nous remercions pour sa collaboration mutuelle. L’article répond à la question de savoir si Vatican II est responsable du déclin des assistances à la messe.

Voir aussi:
La vérité sur la Nouvelle Messe: La Crise (Pt 2)
L’orthodoxie du Novus Ordo: démonstration magistrale

Image: Diocèse de Reims et des Ardennes, sur catholique-reims.fr

On blâme souvent le Second Concile du Vatican pour la baisse de la fréquentation des messes. Plusieurs traditionalistes dissidents ont affirmé que la fréquentation des messes était saine, bien avant le Concile. Cependant, les sources disent le contraire. Les personnes qui affirment que la fréquentation des messes était en bonne santé avant le Concile Vatican II l’examinent d’un point de vue américain. Tandis que les États-Unis prospèrent grâce à une fréquentation saine des messes, l’Europe, en revanche, est confrontée à un déclin de la fréquentation des messes dans les années 1940 à 1960. C.S. Lewis [1898-1963, loin d’être le seul auteur à avoir fait le constat,] lamentait dans ses Latin Letters la foi en Europe et affirmait qu’elle était dans un état pire que celui des païens. Il écrit :

« Mais (cela) ne s’est pas produit sans péchés de notre part : car cette justice et cette attention aux pauvres que les communistes annoncent (de la manière la plus mensongère), nous aurions dû en réalité les instaurer il y a bien longtemps. Mais loin de là : nous, Occidentaux, avons prêché le Christ du bout des lèvres, mais nous avons par nos actions instauré l’esclavage de Mammon. Nous sommes plus coupables que les infidèles: car pour ceux qui connaissent la volonté de Dieu et ne l’accomplissent pas, plus grande est la punition. A présent le seul refuge réside dans la contrition et la prière. Nous avons longtemps erré. En lisant l’histoire de l’Europe, sa succession destructrice de guerres, d’avarice ou de persécutions fratricides de chrétiens par des chrétiens, de luxure, de gloutonnerie, d’orgueil, qui pourrait y déceler les traces les plus rares de l’Esprit Saint ?1

C’est assez étonnant de la part de C.S. Lewis. Il y avait un manque d’amour pour Dieu et le prochain et même leur foi de façade signifiait que le communisme était plus attrayant que la foi. Lorsque Lewis parle de la « succession destructrice de guerres », il fait référence aux guerres européennes qui ont eu lieu tout au long de l’histoire, comme les deux guerres mondiales. Des chrétiens tuant d’autres chrétiens. Aux yeux de Lewis, l’Europe a déjà perdu la foi. Il poursuit à propos de l’ampleur de notre chute :

« Ce que tu dis à propos de l’état présent du genre humain est vrai : c’est en fait même pire que ce que tu dis. Car ils négligent non seulement la loi du Christ, mais même la loi de la nature telle que la connaissaient les païens. Car maintenant ils ne rougissent pas de l’adultère, de la trahison, du parjure, du vol et d’autres crimes, et je ne dirai pas les docteurs chrétiens, mais que les païens et les barbares ont eux-mêmes dénoncés. Ils se trompent ceux qui disent : « Le monde redevient païen ». Si seulement c’était le cas! La vérité est que nous tombons dans un état bien pire. L’homme post-chrétien n’est pas le même que l’homme pré-chrétien. Il est aussi éloigné qu’une vierge d’une veuve… il y a une grande différence entre un époux à venir et un époux renvoyé ».2

Lewis affirme que les Européens modernes sont dans un état inférieur au paganisme, et commente la manière dont les païens ont un certain respect pour la loi naturelle et pouvaient savoir ce que la réalité enseignait clairement. Mais les chrétiens européens modernes, eux, sont aveuglés. C.S. Lewis fit un commentaire choquant sur la foi en Europe dans un sens biblique:

« Je ressens certainement que de très graves dangers pèsent sur nous. Cela résulte de l’apostasie d’une grande partie de l’Europe de la foi chrétienne. D’où un état pire que celui dans lequel nous étions avant de recevoir la foi. Car personne ne revient du christianisme dans l’état où il était avant le christianisme, mais dans un état pire : la différence entre un païen et un apostat est la différence entre une femme non mariée et une femme adultère … Par conséquent, beaucoup d’hommes de notre temps ont perdu non seulement la lumière surnaturelle, mais aussi la lumière naturelle que possédaient les païens. »3

Jésus a fait cette mise en garde similaire en Luc 11:24-26:

Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos. N’en trouvant point, il dit : « Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti. » et revenu, il la trouve nettoyée et ornée. Alors il s’en va prendre sept autres esprits plus mauvais que lui et, étant entrés, ils y fixent leur demeure, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier.

Puisqu’il n’y a pas d’amour pour Dieu et le prochain, la foi des Européens modernes devient vide et le diable vient et revient avec d’autres mauvais esprits qui rendent la personne encore pire que son dernier état. Cela révèle beaucoup de choses sur la foi en Europe dans les années 1950, et cela sert de preuve pour le déclin du taux de participation aux messes en Europe.

En Allemagne, l’historien Thomas Grosßolting a écrit un livre sur la vie religieuse en Allemagne après la seconde guerre mondiale. Il affirme que « la perception d’une ‘rechristianisation’ globale s’est révélée, rétrospectivement, être une chimère »4 et écrit que les dirigeants de l’Église, en recourant à des formes traditionnelles de pratiques pastorales et de vie traditionnelle, ont préparé le terrain pour un éloignement accru des fidèles « Derrière la façade d’une religiosité superficielle, les éléments de sa dissolution étaient déjà apparents ».5 Selon l’analyse de Grosßolting, peu après la Seconde Guerre mondiale, la vision morale de l’Église était prise en main: la famille était encore l’Église en miniature. Les questions morales telles que les relations sexuelles hors mariage et les contacts non hétérosexuels étaient mal vus. « Ni la vision morale de l’Église, ni les rôles assignés aux adolescents et adolescentes, aux hommes et aux femmes, n’ont conservé leur pouvoir de façonner les gens », écrit Grosßolting.6

L’historien de l’Église William Damberg affirme qu’ « en 1960, une enquête menée auprès de 9000 jeunes a révélé qu’ils n’avaient que peu ou pas de réaction émotionnelle à l’égard de la liturgie. » 7 Ceci est contraire au fait que « si l’on pense que les gens de l’époque passaient des heures à la messe à écouter pieusement les prières et les chants latins révérencieux » 8, la réalité des services dominicaux était différente. Beaucoup arrivaient en retard à la messe, certains venaient même pendant la consécration ou partaient juste après parce qu’ils pensaient avoir rempli l’obligation dominicale. Certains restaient à l’extérieur de l’église pendant la messe, par exemple pour fumer. Le principal coupable de la baisse de la fréquentation des messes en Allemagne est le sécularisme.

Selon le sociologue des religions Detlef Pollack, l’offre de loisirs augmente dans la société moderne, de même que la possibilité d’accomplissement de soi dans son travail: l’Église est donc soumise à la pression de la concurrence dans son offre.9 Dans le domaine de la pastorale et de l’éducation, tout cela est renforcé par la tendance à l’individualisation. Pollack affirme que « les gens valorisent de plus en plus la capacité de structurer sa propre vie ».10 Si l’Église est perçue comme autoritaire ou dogmatique, comme endurcie et dépassée, voire comme surreprésentée, c’est une raison de plus pour que les fidèles prennent leurs distances. Pollack conclut qu’il est très peu probable que la « libéralisation » de l’Église ait pu entraîner une baisse d’assistance au culte.11

Un autre exemple de pays européen confronté à une baisse de la fréquentation des messes dans les années 1950 était l’Italie. En 1955, l’archevêque de Milan, Giovanni Battista Montini, futur pape saint Paul VI, exprimait sa déception à l’égard de l’Église qui ne parvenait pas à atteindre les travailleurs de la ville, au point qu’il organisait deux ans plus tard une « grande mission de Milan ». Elle impliquait plus d’un millier de prédicateurs et vingt-six évêques et cardinaux.12

« Pendant trois semaines, Milan était une ville assiégée et l’archevêque le commandant des troupes. Dans les grands magasins, dans les banques, à la bourse, dans les inévitables usines, visitant trente églises par jour, il exhortait et plaidait […] Et toujours, il y avait cette supplication spéciale pour ceux qui s’étaient éloignés : « Nous sommes déterminés à placer ceux qui se sont éloignés de nous à la première place de notre activité et de notre prière […] Si une voix peut vous atteindre, vous qui avez quitté l’Église, la première sera celle qui vous demandera pardon. Oui, nous de vous » 13

Le cardinal Montini a tenté de réévangéliser les catholiques qui s’étaient éloignés de la foi ou qui ne s’identifiaient plus comme tels. En 1956, 69% des adultes assistaient à la messe, mais ce chiffre est tombé à 53%, voire moins dans certaines régions d’Italie, en 1961.14

Qu’en est-il des autres pays européens ? La Belgique a également été confrontée au problème de la baisse de la fréquentation des messes. Après la Seconde Guerre mondiale, des appels étaient lancés en faveur de l’émancipation des laïcs, du renouveau de la liturgie et du travail pastoral.15 Cependant, à la fin des années 1940, l’Église belge a dû adopter une attitude défensive en raison de la guerre froide. Ceci a laissé à la Belgique un héritage très problématique.16 Au milieu des années 1950, les fondations de l’empire ecclésiastique ont commencé à trembler. La communauté ecclésiastique belge a changé de mentalité. Les appels au renouveau qui attendaient en marge s’ouvraient peu à peu. Étonnamment, ces appels novateurs émanaient de l’Université catholique de Louvain, composée de plusieurs professeurs de théologie et de philosophie, et de l’Association flamande des étudiants pour l’union catholique.17

À l’instar de la Belgique, la France est également confrontée à une baisse de la fréquentation des messes. En 1961, il a été révélé que seuls 25 % des Français étaient des pratiquants réguliers. Les 75 % restants ne se rendent à l’église que pour les funérailles, le baptême et les mariages.18 Néanmoins, certains critiques affirment que le déclin a commencé après la révolution française. L’historien Nickolas Conrad affirme que le catholicisme a pris un sérieux coup pendant la Révolution française, ce qui affectera la France pour les nombreuses années à venir.19 Selon le témoignage de M. Pourchet, la religiosité était en déclin après la seconde guerre mondiale. Avec l’introduction de l’éducation séculière en 1880, il pense que l’instruction et l’éducation ont favorisé le déclin du catholicisme. Sa preuve était la différence de religiosité entre ses grands-parents et les générations suivantes [toutes avant Vatican II].20 La France a beaucoup souffert des conséquences désastreuses de la Révolution française, de la montée du sécularisme et de bien d’autres facteurs qui ont contribué à la baisse de la fréquentation des messes.

En définitive, il est très peu probable que le Concile Vatican II soit responsable de la baisse de la fréquentation des messes. Il est vrai que même après le Concile Vatican II, la fréquentation des messes continue de diminuer rapidement. Cependant, ce déclin a été détecté bien avant la convocation du Concile Vatican II.


Références:

1 The Latin Letters of C.S. Lewis, Lettre 20, 7 janvier 1953 
2 Ibid., Lettre 23, 17 mars 1953
3 Ibid., Lettre 26, 15 septembre 1953
Katholisch_de (2017) Alternative Fakten zum Konzil, Katholische Kirche in Deutschland. Disponible sur: https://www.katholisch.de/artikel/12137-alternative-fakten-zum-konzil. (allemand)
5 Ibid.
6 Ibid.
7 Ibid.
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ibid.
11 Ibid.
12 Bullivant, S.S. (2020) in Mass exodus: Catholic disaffiliation in Britain and America since Vatican II. Oxford: Oxford University Press, p. 141. 
13 Ibid.
14 Ibid.
15 Annua Nuntia Lovaniensia n° 56 (Leuven: Peeters, 2007), p. 228-236. 
16 Oud en nieuw in politiek België 1944/1950 (Leuven: Van Halewyck, 1995), p. 27-44.  
17 in Miscellanea Albert Dondeyne. Godsdienstfilosofie. Philosophie de la religion (Leuven, Gembloux: University Press/Duculot, 1974), p. 15-40.
18 Conrad, N.G. (2019) The voyage into unbelief: Leaving the Catholic Church in France 1870-1940, eScholarship, University of California. Disponible sur: https://escholarship.org/uc/item/4p38t16t. p.100
19 Ibid.
20 337 Idée libre (Herblay Seine et Oise), Pourquoi nous sommes libres penseurs. ((Herblay): Aux Editions de l’Idée libre, 1939), p.40.

Les commentaires sont fermés.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer