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L’arnaque au sujet du ‘Contre-Syllabus’

Ceci est une traduction adaptée d’un article rédigé par I. Shawn McElhinney en 2001 pour le site matt1618, dans lequel le mythe d’une contradiction entre Vatican II et le Syllabus est réfuté en détail.

Image: Osservatore Romano, 12 janvier 2023, 12 janvier 2023

Le contenu de n’importe quelle thèse du Syllabus doit être déterminé selon les lois d’interprétation scientifique. Premièrement, nous devons nous référer aux documents pontificaux connectés à chaque thèse. Puisqu’en accord avec le caractère particulier du Syllabus, la signification de la thèse est déterminée par la signification du document dont elle est tirée.

– Encyclopédie Catholique, 1912, à l’article Syllabus

La formulation de nombreuses propositions erronées, telles qu’elles sont rédigées dans le Syllabus, donne à la question condamnée une ampleur apparente que l’on ne retrouve pas dans les propres mots du Pape en ses Allocutions et ses Encycliques.

– Cardinal Saint John Henry Newman, Lettre au Duc de Norfolk, 1873

Si donc j’ignore la valeur du langage, je ferai l’effet d’un Barbare à celui qui parle, et celui qui parle me fera, à moi, l’effet d’un Barbare.

– Saint Paul, première lettre aux Corinthiens, 14:11

Sommaire:


Introduction

Bien que pas un document Magistériel en soi et par soi, le Syllabus des Erreurs est une partie importante de l’histoire de l’Eglise. En promulguant sa lettre Encyclique Quanta Cura, le Pape d’heureuse mémoire Pie IX cherchait à condamner les erreurs communes de son temps. La qualification théologique de cette encyclique est plus élevée que la plupart des lettres encycliques en raison des circonstances impliquées. En condamnant les erreurs doctrinales ou morales, le Siège Apostolique est protégé des erreurs par le Saint Esprit et Quanta Cura était concernée par le fait de condamner de telles erreurs. Bien qu’une qualification théologique précise sur ces condamnations soit débattable, il est difficile de voir en quoi l’encyclique pourrait ne pas être infaillible, qu’elle soit ex cathedra ou autrement. Pour information, l’auteur de cet article considère que l’essentiel de Quanta Cura était définitivement imposé comme liant l’enseignement qui doit être tenu.

Beaucoup d’accusations ont été faites par de nombreux « traditionalistes » auto-proclamés, affirmant que Quanta Cura aurait supposément été contredit par Vatican II ou le Magistère papal post-Concile. Un certain nombre de ces affirmations ont été examinées par l’auteur dans son traité « A Prescription Against ‘Traditionalism’ » et démontrées comme étant sans fondement crédible au-delà de tout doute raisonnable. Cependant, il y a d’autres considérations dans cette veine, qu’aucun projet – même un aussi détaillé, vaste et systématique que le traité sus-cité – ne pourrait couvrir avec les détails nécessaires dans un espace limité.

L’essai présent a pour but d’examiner le Syllabus des Erreurs, que ledit pontife a attaché à son Encyclique Quanta Cura, avec l’intention d’apporter un bref synopsis des erreurs additionnelles précédemment condamnées dans ses lettres apostoliques, lettres encycliques et allocutions susmentionnées. Il est important de noter d’abord et avant tout que le Syllabus en lui-même n’était pas magistériel. Cependant, les erreurs qu’il contenait et qui étaient précédemment proscrites par les papes étaient dans des documents du Magistère pontifical. Par conséquent, le Syllabus des Erreurs, bien que non magistériel, requiert une profonde soumission de la volonté et de l’intelligence par le fidèle (car même sans promulgation par le Pape Pie IX, il fut publié avec l’approbation du Saint Père). Ainsi, à la lumière de ceci, l’auteur désire mettre en avant ce qu’il était nécessaire de souligner. C’est important en raison de ce qu’il représente et du nombre de gens qui en ont une perception erronée. Il y a les post-modernistes destructeurs qui salivent à l’idée que Vatican II ou le Magistère post-Concile incarne en leurs enseignements une répudiation des condamnations contenus dans le Syllabus. La perspective de ces post-modernistes est que si les enseignements des anciens papes en terme de doctrine pourraient être aussi simplement renversés, alors les enseignements actuels sous le présent pape pourraient tout aussi bien être renversées par des papes ou conciles futurs. L’enseignement du Pape Paul VI d’heureuse mémoire sur la contraception ou du pape Jean-Paul II sur l’impossibilité d’ordonner des femmes comme prêtres sont deux sujets controversés qui seraient discutables si les affirmations des post-modernistes étaient valides.

Le Cardinal Joseph Ratzinger (Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ou CDF) se référait à la constitution de Vatican II Gaudium et Spes (GS) comme d’un « contre-syllabus ». Cette référence est malheureuse, non pas pour la véracité de l’affirmation proprement comprise, mais pour les images qu’elle renvoie. Dans l’esprit de ceux qui affirment les positions des post-modernistes, elle confirme leurs présomptions, qui mettraient en péril (si véridiques) le dépôt de la doctrine Catholique. De même, plusieurs personnes bien intentionnées et désirant expliquer logiquement les problèmes de l’Eglise aujourd’hui affirment que les enseignements du Concile et des Papes qui le suivirent sont en quelque sorte responsables de ces problèmes à tous les niveaux. Pour eux, ces commentaires du Cardinal Ratzinger au sujet d’un « contre-syllabus » sont souvent pris comme signifiant que le Syllabus a été renversé dans ses enseignements. En vérité, la signification voulue par le Cardinal Préfet était que la condamnation des erreurs dans le Syllabus pourrait être vue logiquement comme contrée par l’enseignement positif de GS, qui englobe les éléments de vérité impliqués dans les thèses condamnées. En comprenant l’affirmation à la lumière de ces faits, l’élément négatif du sommaire de condamnations, complété par l’enseignement positif et élaboré des éléments de vérités impliqués dans ces thèses erronées précédemment condamnées, résulte en un climat dans lequel nous passons du négatif et réactif au positif et pro-actif. GS soulignait un plan positif tandis que le Syllabus des Erreurs (ainsi que Quanta Cura qui l’a accompagné) se contentait de condamner sans ne souligner de véritable plan.

Dans ce sens, la Constitution Gaudium et Spes, Vatican II, et le Magistère post-Vatican II sont en effet un « contre-Syllabus », mais dans un sens complémentaire et non contradictoire. La plupart des gens sont loin d’être aussi précis théologiquement que le Préfet Cardinal, et l’implication de cette affirmation peut se perdre dans leur esprit. Néanmoins le Cardinal Ratzinger n’est pas le seul éminent théologien de l’Eglise qui échoue à accommoder son discours à la compréhension de l’individu moyen d’une manière à ne pas apparaître troublant en surface. En tant que Cardinal Préfet de la très autoritaire Congrégation du Saint Office, sa position est au second rang dans la hiérarchie Catholique autant qu’il est question d’autorité. Mais il y a eu des théologiens de haut-rang qui ont succombé à ce problème à la fois au cours de Vatican II et depuis sa clôture. Le Pape Paul VI a eu ce problème en abondance – particulièrement au sujet des qualifications théologiques du Concile. De même, le pape Jean-Paul II n’a pas été complètement immunisé à ce problème non plus.

Dans cet examen du Syllabus des Erreurs, les points précis de ces condamnations et sur lesquels elles reposent seront mis en gras pour les faire contraster avec Vatican II et le Magistère post-Concile. L’intention est de montrer qu’il n’y eut aucune contradiction doctrinale entre les enseignements pré et post-Vatican II et les enseignements du Syllabus. A travers cet effort, nous espérons que cessent les suggestions absurdes faites par certains commentateurs selon lesquelles le Syllabus des Erreurs aurait été « aboli » de facto ou de jure. Dans ces sections, les mots du Syllabus seront indiquées sur fond gris, tandis que nos commentaires seront sur fond blanc.


I. Panthéisme, naturalisme et rationalisme absolu:

I. Il n’existe aucun être divin, suprême, parfait dans sa sagesse et sa providence, qui soit distinct de l’universalité des choses, et Dieu est identique à la nature des choses, et par conséquent assujetti aux changements ; Dieu, par cela même, se fait dans l’homme et dans le monde, et tous les êtres sont Dieu et ont la propre substance de Dieu. Dieu est ainsi une seule et même chose avec le monde, et par conséquent l’esprit avec la matière, la nécessité avec la liberté, le vrai avec le faux, le bien avec le mal, et le juste avec l’injuste.
(Alloc. Maxima quidem du 9 Juin 1862)

II. On doit nier toute action de Dieu sur les hommes et sur le monde.
(Alloc. Maxima quidem du 9 Juin 1862)

III. La raison humaine, sans tenir aucun compte de Dieu, est l’unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal ; elle est à elle-même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles pour procurer le bien des hommes et des peuples.
(Alloc. Maxima quidem du 9 Juin 1862)

IV. Toutes les vérités de la religion découlent de la force native de la raison humaine ; d’où il suit que la raison est la règle souveraine d’après laquelle l’homme peut et doit acquérir la connaissance de toutes les vérités de quelque genre qu’elles soient.
(Encycl. Qui pluribus du 9 novembre 1846; Encycl. Singulari quidem du 17 mars 1856; Alloc. Maxima quidem du 9 Juin 1862)

V. La révélation divine est imparfaite, et par conséquent sujette à un progrès continuel et indéfini qui réponde au développement de la raison humaine.
(Encycl. Qui pluribus du 9 novembre 1846; Alloc. Maxima quidem du 9 Juin 1862)

VI. La foi chrétienne est en opposition avec la raison humaine, et la révélation divine non-seulement ne sert de rien, mais elle nuit à la perfection de l’homme.
(Encycl. Qui pluribus du 9 novembre 1846; Alloc. Maxima quidem du 9 Juin 1862)

VII Les prophéties et les miracles exposés et racontés dans les Saintes-Écritures sont des fictions poétiques et les mystères de la foi chrétienne sont le résumé d’investigations philosophiques ; dans les livres des deux Testaments sont contenues des inventions mythiques, et Jésus lui-même est une fiction et un mythe.
(Encycl. Qui pluribus du 9 novembre 1846; Alloc. Maxima quidem du 9 Juin 1862)

Pas une seule des articles sus-cités n’a à aucun moment été contredit par les enseignements du Magistère papal depuis Vatican II ou les enseignements authentiques de Vatican II (qui diffèrent de ce que les post-modernistes appelle « Esprit de Vatican II », qui n’est pas bien différent des fumées de satan auquel le Pape Paul VI se référait en 1972). L’existence de Dieu a bien été affirmée de façon répétée par le Magistère – pendant et après Vatican II. A aucun moment le concile ou le pape a enseigné que Dieu était fait dans l’homme ou que Dieu était identique avec le monde (mélangeant mal et bien, justice et injustice, ou autre absurdité panthéiste). [NdT. voir aussi les réfutations d’interprétations panthéistes de Querida Amazonia]. Il n’y a donc aucune contradiction avec la première condamnation d’erreur dans le Syllabus par le Magistère post-Concile.

Etant donné que l’Eglise continue d’affirmer (i) que Dieu est souverain et (ii) qu’Il interagit avec ce qu’Il choisit de la manière qu’Il choisit, la seconde condamnation d’erreur demeure sans contradiction. L’Eglise continue à enseigne que l’homme ne peut pas faire le bien sans l’assistance de Dieu (et que la raison seule ne suffit pas et n’est pas l’ultime arbitre de ce qui est vrai). Il n’y a alors aucune manière par laquelle les troisième et quatrième erreurs condamnées puissent en aucune manière être affirmée aujourd’hui par l’Eglise. L’Eglise enseigne que Dieu est parfait; et que sa Révélation est aussi parfaite. Elle s’aligne avec le bienheureux Pie IX sur la condamnation de la proposition selon laquelle la révélation divine est imparfaite (erreur numéro cinq). De la même façon, l’Eglise soutient aujourd’hui que la foi et la raison ne sont pas du tout en contradiction. Vatican II l’a enseigné, le Catéchisme de l’Eglise Catholique l’enseigne, et le Pape Jean-Paul II l’a affirmé avec force dans sa Lettre Encyclique Fides et Ratio. Ainsi, la proposition numéro six, qui a été sagement condamnée par le pape d’auguste mémoire, demeure aujourd’hui et pour toujours.

Tous les points condamnés à l’article sept sont restés sans contradiction par les jugements Magistériels ultérieurs. L’authenticité des miracles contenus dans l’Ecriture Sainte, le mystère de la foi chrétienne n’étant pas le résultat d’une investigation philosophique, et la réalité de Notre Seigneur Jésus Christ, non pas comme un mythe, n’ont besoin d’aucune défense ici (puisque quelqu’un qui affirmerait que ces choses se trouvent dans le Magistère serait probablement dans une telle tromperie qu’on ne pourrait plus rien faire pour lui). [NdT. Au sujet d’un miracle, il existe une calomnie contre le Pape François réfutée ici] N’importe quel individu sain d’esprit peut raisonnablement arriver à la conclusion correcte, celle de la septième condamnation, en lisant la Constitution Dogmatique Dei Verbum.

Néanmoins, le point au sujet d’ « inventions mythiques » contenues dans les Testaments est quelque peu complexe. Si par mythe, on entend imaginaire ou artificiel, alors cette affirmation est assurément fausse. Mais si on se réfère plutôt aux différentes histoires de la Bible dans le sens où elles ne sont pas toutes des récits littéralement historiques, ce n’est pas incorrect dans la mesure où nous n’attribuons pas des erreurs à l’Ecriture. Ce que l’Ecriture dit est inerrant en son message et les livres inspirés enseignent la vérité de la manière dont Dieu les a voulues et dans les formes qui étaient convenables aux cultures dans lesquelles les Ecritures ont été rédigées. Il y avait différents styles littéraires utilisés ainsi que des approches différentes. Comme le présent auteur le note dans son essai Christian Unity and the Role of Authority, il y a cinq types de matières préservées dans les traditions orales pour les gens ordinaires, avec une variété de types de contrôles de la transmission:

1) Les peuples du Moyen-Orient expriment leurs valeurs à travers les proverbes, la création et préservation de sagesses et de dictons; 2) Les énigmes – on présente à un enseignant un problème insoluble; 3) La poésie – une forme distincte et non lettrée de verset. La personne qui le récite est nommée Sajali; 4) La parabole ou histoire; 5) Des récits bien racontés au sujet des figures importantes dans l’histoire du village ou de la communauté […]

Il y avait aussi trois types de flexibilité exercée par la communauté dans ces cinq types de traditions:

1) Sans flexibilité – Les proverbes et les poèmes […] Il y a des récitateurs qui doivent répéter mot pour mot les proverbes et les poèmes. Si le récitateur cite un proverbe en manquant le moindre mot, il est sujet à la correction publique, et ainsi à l’humiliation publique. La mémorisation exacte de ces types de traditions est prise pour un acquis, sans aucun changement de formulation autorisé.

2) Quelque flexibilité – La récitation d’histoire et de paraboles […] Dans une histoire une certaine flexibilité est autorisée, et l’ordre des évènements pourrait être renversé. Le déroulement de l’histoire et sa conclusion doit rester le même. La phrase d’accroche récapitulative est inviolable, de même pour les noms des personnages de l’histoire. Tout proverbe inclut dans l’histoire doit être répété verbatim, sinon le récitateur serait rejeté. Le conteur a une certaine liberté dans sa propre manière de raconter l’histoire du moment que le coeur central de l’histoire ne soit pas changé […] Changer le fil de l’histoire de base au cours du récit est impensable. Les narrations historiques qui sont importantes pour la vie des individus et des villages tombe aussi dans ce second niveau de flexibilité qui permet à la fois la continuité et la liberté d’interprétation individuelle de la tradition. Beaucoup des histoires et paraboles racontées dans les Evangiles Synoptiques tombent dans cette catégorie de flexibilité.

3) Flexibilité totale […] Ici les exagérations sont possibles […] ceci n’arrive que dans les plaisanteries, les nouvelles ordinaires du jour, et les matières qui sont impertinentes pour l’identité de la communauté et ne sont pas jugées sages ou précieuses […]

(I. Shawn McElhinney: excerpt from the essay « Christian Unity and the Role of Authority » (c. 2001), citing the essay Oral Tradition and its Reliability, written by « Matt1618 » (c. 1997), reprenant l’étude de Bailey, Kenneth. “Informal, Controlled, Oral Tradition and the Synoptic Gospels.” Asia Journal of Theology. 5.1 (1991) 34-54)

La tradition orale informelle, bien que contrôlée, « tient compte à la fois des évènements et de leur interprétation, de la continuité et de la discontinuité, de la rigidité et de la fluidité, et c’est notre suggestion que cela peut offrir une méthodologie avec laquelle percevoir et interpréter le gros du matériel contenu dans les Evangiles Synoptiques » (ibid.). Ce style expliquerait aussi la manière dont beaucoup d’autres récits des Ecritures, qui apparaissent contradictoires, ne le sont pas en réalité (il y a aussi des points qui peuvent être attribués aux erreurs de traductions, bien que cette affirmation doive toujours être faite avec le plus d’attention possible aux potentielles solutions et résolutions plausibles des difficultés). Par conséquent, puisque différentes formes littéraires peuvent être employées, l’important est de clarifier autant que possible ce que les auteurs prétendaient affirmer, étant donné que c’est le message qui est primordial. Qu’il y eût quelque flexibilité dans différents récits de la tradition orale ne peut être nié. Les différences comme les « deux mille mesures » contenues dans la mer du Temple (1 Rois 7:26) et « trois mille mesures » dans 2 Chroniques 4:5 sont des exemples du genre. Elles sont soit attribuables à des erreurs de scribes au cours de la traduction ou à un simple cas de narration avec liberté dans la manière de raconter – une manière qui pourrait laisser au conteur le choix de donner un chiffre approximatif et des dimensions de la mer dans l’un, et de le chiffre exact dans l’autre.

L’auteur présent affirme dans tous ces cas que le premier recours doit porter sur cette dernière interprétation (format oral incontrôlé) puisque les erreurs dans l’Ecriture Sainte ne sont pas une option. Si nous voulons dire qu’il y a des passages qui en surface paraissent difficile à réconcilier, c’est une tout autre paire de manches. Dans la perspective de l’auteur, l’expression « contradictions en surface » est une meilleure façon de se référer à ces difficultés puisque la proposition selon laquelle l’Ecriture ne contient pas d’erreurs a été définie dogmatiquement par Vatican I. Ainsi, il n’est pas sage d’utiliser le terme « erreur » même si on l’entend dans un sens pleinement orthodoxe. L’Eglise enseigne toujours avec force, à la fois dans la Constitution Dogmatique Dei Verbum (DV) et dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique que les récits dans les Evangiles sont des rapports véridiques de la vie de Jésus et de son ministère, et que Notre Seigneur n’était pas mythique mais bel et bien une vraie personne. Pour citer le catéchisme sur ces sujets (Inspiration et vérité de la Sainte Écriture):

105 Dieu est l’Auteur de l’Écriture Sainte. » La vérité divinement révélée, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Écriture, y a été consignée sous l’inspiration de l’Esprit Saint « .

 » Notre Sainte Mère l’Église, de par sa foi apostolique, juge sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même  » (DV 11).

106 Dieu a inspiré les auteurs humains des livres sacrés.  » En vue de composer ces livres sacrés, Dieu a choisi des hommes auxquels il eut recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens, pour que, lui-même agissant en eux et par eux, ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, et cela seulement  » (DV 11).

107 Les livres inspirés enseignent la vérité.  » Dès lors, puisque toutes les assertions des auteurs inspirés ou hagiographes doivent être tenues pour assertions de l’Esprit Saint, il faut déclarer que les livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée pour notre salut dans les Lettres sacrées  » (DV 11).

[NdT: nous réfutons la fausse interprétation de Dei Verbum selon laquelle on pourrait déduire une inerrance partielle dans cette vidéo]

L’affirmation selon laquelle Jésus Christ était une personne réelle et Dieu fait homme peut être vue dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique (aux paragraphes 422-435). Ainsi les propositions condamnées au point sept ne sont en aucune manière affirmées par le Magistère à un quelconque moment de son histoire.

L’auteur aimerait aussi tourner l’attention du lecteur vers la nature absolue de ces condamnations dans quelques domaines. Souvent, une proposition condamnée repose sur un ou deux mots-clés signifiant une sorte de mandat absolu. Ceci doit être gardé en mémoire au moment de regarder le reste du Syllabus. A ce stade, l’affirmation selon laquelle le Syllabus serait « aboli » ou ses enseignements contredits est sans aucun fondement.


II. Le rationalisme modéré:

VIII. Comme la raison humaine est égale à la religion elle-même, les sciences théologiques doivent être traitées sur le même pied que les sciences philosophiques.
(Alloc. Singulari quadam perfusi du 9 décembre 1854)

IX. Tous les dogmes de la religion chrétienne sans distinction sont l’objet de la science naturelle ou philosophie ; et la raison humaine n’ayant qu’une culture historique, peut, d’après ses principes et ses forces naturelles, parvenir à une vraie connaissance de tous les dogmes, même les plus cachés, pourvu que ces dogmes aient été proposés à la raison comme objet.
(Lettre à l’Archevêque de Frising : Gravissimas du 11 décembre 1862; Lettre au même : Tuas libenter du 21 décembre 1863)

Le Magistère n’a jamais affirmé que la raison humaine et la religion étaient au même niveau et que la théologie devait être traité à la manière des sciences philosophiques. Le Pape Jean-Paul II dit en fait l’exact opposé dans sa Lettre Encyclique Fides et Ratio:

La vérité que la Révélation nous fait connaître n’est pas le fruit mûr ou le point culminant d’une pensée élaborée par la raison.

Les positions affirmatives aux points huit et neuf sont réfutées par cet enseignement (qui est de toute évidence sur la même ligne que les condamnations du Syllabus).

X. Comme autre chose est le philosophe et autre chose la philosophie, celui-là a le droit et le devoir de se soumettre à une autorité dont il s’est démontré la vérité ; mais la philosophie ne peut ni ne doit se soumettre à aucune autorité.
(Lettre à l’Archevêque de Frising : Gravissimas du 11 décembre 1862; Lettre au même : Tuas libenter du 21 décembre 1863)

Le Magistère n’a jamais (i) séparé la révélation divine de la formulation des dogmes ou (ii) prétendu que la raison naturelle pourrait à elle seule les expliquer entièrement. Les papes et Vatican II n’ont jamais affirmé ni impliqué l’idée que la soumission au Magistère dépende de la démonstration sa validité par le philosophe, ni affirmé que le Magistère ne puisse pas corriger les philosophies erronées. Ainsi le point 10 n’a pas été contredit par l’Autorité Enseignante de l’Eglise depuis Vatican II ou par Vatican II.

XI. L’Église non-seulement ne doit, dans aucun cas, sévir contre la philosophie, mais elle doit tolérer les erreurs de la philosophie et lui abandonner le soin de se corriger elle-même.
(Lettre à l’Archevêque de Frising : Gravissimas du 11 décembre 1862)

Les Papes et la CDF ont depuis Vatican II censuré plusieurs théologiens dans l’erreur. Non seulement ils l’ont fait mais ils ont aussi retiré les droits d’enseigner la théologie à quelques théologiens dissidents. Par cet exemple, le Magistère post-Concile a agi contrairement à la position affirmée au point onze (en d’autres mots, il a approuvé le jugement du bienheureux Pie IX).

XII. Les décrets du Siège Apostolique et des congrégations romaines empêchent le libre progrès de la science.
(Lettre au même : Tuas libenter du 21 décembre 1863)

A aucun moment le Magistère n’a approuvé l’idée que ses décrets empêchaient le progrès des sciences. L’affirmation condamnée au point douze reste sans contredit par le Magistère, à la fois à Vatican II et depuis le Concile.

XIII. La méthode et les principes d’après lesquels les anciens docteurs scolastiques ont cultivé la théologie, ne conviennent plus aux nécessités de notre temps et aux progrès des sciences.
(Lettre à l’Archevêque de Frising : Tuas libenter du 21 décembre 1863)

Il est certainement possible que des « traditionalistes » auto-proclamés voient en cette condamnation une approbation de facto de la scolastique à l’exclusion de toutes les autres méthodes en théologie. Mais espérons qu’en étayant un peu ce point, une telle affirmation puisse être vue comme le sophisme de hareng rouge qu’elle constitue.

Là où le bienheureux Pie IX a donné son approbation de la scolastique dans un nombre de ses discours et écrits, il n’y a rien qui fut écrit de lui uniquement sur le sujet de la philosophie. Son successeur Léon XIII a promulgué la Lettre Encyclique Aeterni Patris, qui approuvait la doctrine de St Thomas comme théologie normative de l’Eglise. Tandis qu’un revirement Thomiste était déjà en cours (ayant commencé au début du XIXème), cette approbation par les papes (et en particulier Léon) a mené à la propagation du Thomisme à travers l’Eglise. Un tel mouvement a évidemment porté de bons fruits pour l’Eglise; cependant il fut suivi d’une attitude qui aura mené à sa perte au Second Concile du Vatican.

La condamnation à laquelle nous avons affaire ci-dessus se référait aux « méthodes et aux principes » des anciens docteurs scolastiques. Mais la forme dans laquelle le Thomisme était au début du XXème siècle n’était pas une forme qu’on pourrait dire reflétant correctement les « méthodes et principes » des docteurs scholastiques. La forme de scolastique qui dominait l’école Romaine était plutôt un Thomisme des manuels, et ses adhérents cherchaient à imposer leurs opinions non pas par la persuasion des arguments mais plutôt par le brandissement sans ambages de l’autorité. Les idées neuves et la créativité étaient étouffées par une insistance placée sur les expressions correctes de formulation verbale et les syllogismes. Ce cadre n’eut pas d’utilité pour les idées du monde moderne et prit une approche défensive ad hominem envers ceux qui étaient critiques de ce paradigme de pensée dominant. Les idées du monde moderne étaient caricaturées et sommairement rejetées par des fioritures rhétoriques, qui revenaient à les ignorer in toto. Ceux qui cherchaient à faire un usage plus grand de la philosophie moderne ou de la science, utiliser des méthodes bibliques non-Catholiques, utiliser une expertise non-Catholique, ou même une autre école traditionnelle de philosophie et de théologie dans l’Eglise, étaient dénoncés et condamnés comme « modernistes ». Il est indéniable que certains d’entre eux étaient de fait de ceux qui ont été justement condamnés par le pape St Pie X. Cependant, à la place d’une discussion calme et charitable des sujets en débat, ce sont des tactiques d’intimidation qui ont trop souvent été utilisées. Les néo-scolastiques en positions d’influence ont commencé à utiliser leurs positions théologies comme la « mesure » de l’orthodoxie.

Après la Seconde Guerre Mondiale, les néo-scolastiques sont de nouveau entrés en conflit avec des experts dans l’Eglise qui suivaient d’autres voies philosophiques et théologiques. Un dénominateur commun de beaucoup de ces nouveaux développements étaient le désir d’établir une relation plus positive avec le monde extérieur à l’Eglise. Ceci était évidemment une défiance au modèle du « Catholicisme de Citadelle » si communément épousé dans la période de la Contre-Réforme. Les tentatives de la part d’un assortiment d’experts qui essayaient de formuler une approche de retour aux sources ne pouvaient logiquement pas être considérés comme aussi précis philosophiquement et théologiquement qu’on le voulait, pas plus qu’une idée pourrait logiquement en naître complète. Ces matières prennent du temps à maturer en leur entièreté et ceci aurait dû être évident pour les critiques de la soi-disant « Nouvelle Théologie ». Mais à la place, la réponse de la part des néo-scolastiques dominants (particulièrement ceux en position d’autorité au Saint Siège) était la mise sous silence, les dénonciations, et d’autres tactiques autoritaristes. L’idée d’un dialogue théologique comme il y en a eu historiquement avec divers mouvements théologiques dans l’Eglise (par exemple, entre Dominicains et Jésuites sur la prédestination) était introuvable. Au lieu de cela, si vous n’étiez pas un théologien du manuel néo-scolastique, vous étiez soupçonné d’être en collusion avec le Modernisme – une accusation témérairement lancée à tort et à travers, bien souvent sans aucun fondement.

Evidemment, une fois que quelqu’un était soupçonné, il n’était pas facile de sortir de ce sombre écran de fumée. L’ironie est que ceux qui faisaient ces affirmations étaient des néo-scolastiques, qui en cherchant à revenir aux sources des enseignants, ont utilisé des méthodes qui étaient en bien des aspects étrangers aux maîtres au pic du scolasticisme. Les néo-scolastiques se reposaient sur des manuels dans lesquels ils étaient continuellement impliqués dans l’affinement de points dérivés. Ils n’utilisaient presque pas l’Ecriture dans leurs arguments (excepté indirectement), ni n’avaient un grand usage des Pères à l’exception de références ponctuelles (paraîssant considérer le témoignage de la Patristique comme supplanté – plutôt que complété – par les présentations systématiques des maîtres). Ils semblaient avoir considéré la période Scolastique comme la seule période véritablement pertinente dans l’histoire et refusaient ne serait-ce que de considérer les mérites des idées philosophiques modernes. Au final, ils caricaturaient les idées et philosophies modernes, cherchant à les écartant comme « indignes », et traitait leur propre théologie comme la théologie Catholique. Ces actions étaient sur tous les plans étrangères aux « méthodes et aux principes » de Saint Thomas – qui par implication étaient affirmés comme pertinents à la résolution des problèmes modernes par le Syllabus (et qui furent établies comme continuellement pertinents par le Pape Léon XIII).

« La méthode et les principes » de Saint Thomas (ainsi que des autres maîtres scolastiques) portaient premièrement sur les points fondamentaux de la doctrine (construisant par-dessus ces fondements en discutant des points dérivés). Les méthodes et principes de Saint Thomas utilisaient copieusement l’Ecriture dans l’argumentation, non pas comme un ornement occasionnel. Ils impliquaient le recours aux Pères pour défendre l’apostolicité des points primaires de la doctrine. Ils impliquaient la considération de l’étendue et de la profondeur de l’histoire de l’Eglise dans sa totalité. Saint Thomas lui-même ne considérait pas une période de l’histoire comme étant la période définitive comme s’il était possible d’ignorer toutes les autres périodes de l’histoire de l’Eglise. Les méthodes et principes de Saint Thomas impliquaient de considérer les mérites des idées philosophiques modernes ainsi que les anciennes. Saint Thomas puisait non pas seulement chez Aristote et les Pères – particulièrement Augustin – mais également les philosophes non-Chrétiens comme Averroès, Avicenne et Maïmonide qui étaient presque ses contemporains. Enfin, les méthodes et principes de Saint Thomas n’impliquaient pas de caricaturer les arguments adverses mais au contraire de les résumer correctement avant de les traiter. Parfois, St Thomas formulait et présentait la position d’un opposant d’une meilleure manière que celui-ci. Chaque méthode et principe de Saint Thomas était en opposition directe avec les tactiques prises par les néo-scolastiques. Néanmoins le paradigme du retour aux sources de la soi-disant Nouvelle Théologie était un usage fidèle de la méthode scolastique telle que les maîtres du treizième siècle l’ont utilisée (en particulier St Thomas) sur tous les plans listés ci-dessus. La valeur éternelle de la méthode et des principes scolastiques est enracinée dans l’expérience commune des hommes. Le simple oui ou non à la scolastique ne peut pas rendre justice au problème puisqu’il y a des méthodes scolastiques qui ne sont plus valides aujourd’hui (il y a aussi d’autres méthodes qui le seront toujours). Le Pape Jean-Paul II a parlé au sujet de la valeur perpétuelle de la doctrine de St Thomas dans sa Lettre Encyclique Fides et Ratio:

43. Sur ce long chemin, saint Thomas occupe une place toute particulière, non seulement pour le contenu de sa doctrine, mais aussi pour le dialogue qu’il sut instaurer avec la pensée arabe et la pensée juive de son temps. À une époque où les penseurs chrétiens redécouvraient les trésors de la philosophie antique, et plus directement aristotélicienne, il eut le grand mérite de mettre au premier plan l’harmonie qui existe entre la raison et la foi. La lumière de la raison et celle de la foi viennent toutes deux de Dieu, expliquait-il; c’est pourquoi elles ne peuvent se contredire.44

Plus radicalement, Thomas reconnaît que la nature, objet propre de la philosophie, peut contribuer à la compréhension de la révélation divine. La foi ne craint donc pas la raison, mais elle la recherche et elle s’y fie. De même que la grâce suppose la nature et la porte à son accomplissement, 45 ainsi la foi suppose et perfectionne la raison. Cette dernière, éclairée par la foi, est libérée des fragilités et des limites qui proviennent de la désobéissance du péché, et elle trouve la force nécessaire pour s’élever jusqu’à la connaissance du mystère de Dieu Un et Trine. Tout en soulignant avec force le caractère surnaturel de la foi, le Docteur Angélique n’a pas oublié la valeur de sa rationalité; il a su au contraire creuser plus profondément et préciser le sens de cette rationalité. En effet, la foi est en quelque sorte « un exercice de la pensée »; la raison de l’homme n’est ni anéantie ni humiliée lorsqu’elle donne son assentiment au contenu de la foi; celui-ci est toujours atteint par un choix libre et conscient.46

C’est pour ce motif que saint Thomas a toujours été proposé à juste titre par l’Eglise comme un maître de pensée et le modèle d’une façon correcte de faire de la théologie. Il me plaît de rappeler, dans ce contexte, ce qu’a écrit le Serviteur de Dieu Paul VI, mon prédécesseur, à l’occasion du septième centenaire de la mort du Docteur Angélique: « Sans aucun doute, Thomas avait au plus haut degré le courage de la vérité, la liberté d’esprit permettant d’affronter les nouveaux problèmes, l’honnêteté intellectuelle de celui qui n’admet pas la contamination du christianisme par la philosophie profane, sans pour autant refuser celle-ci a priori. C’est la raison pour laquelle il figure dans l’histoire de la pensée chrétienne comme un pionnier sur la voie nouvelle de la philosophie et de la culture universelle. Le point central, le noyau, pour ainsi dire, de la solution qu’avec son intuition prophétique et géniale il donna au problème de la confrontation nouvelle entre la raison et la foi, c’est qu’il faut concilier le caractère séculier du monde et le caractère radical de l’Evangile, échappant ainsi à cette tendance contre nature qui nie le monde et ses valeurs, sans pour autant manquer aux suprêmes et inflexibles exigences de l’ordre surnaturel ».47

44 Cf. S. Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, I, VII.

45 Cf. idem, Somme théologique, I, q. 1, a. 8, ad 2: « cum enim gratia non tollat naturam sed perficiat ».

46 Cf. Jean-Paul II, Discours aux participants au IXe Congrès thomiste international (29 septembre 1990): Insegnamenti, XIII, 2 (1990), pp. 770-771.

47 Lettre apostolique Lumen Ecclesiæ (20 novembre 1974), n. 8: AAS 66 (1974), p. 680.

L’étude de la méthode et des principes des docteurs scolastiques est et sera toujours viable pour traiter les problèmes de société. Et loin de renverser cette proposition, l’approche même de Vatican II (le retour au source) était sur la droite ligne des méthodes et de la philosophie du plus grand des scolastiques (St Thomas d’Aquin), pratiquement point par point. A la lumière de ces faits, il ne peut pas être raisonnablement affirmé que cette prémisse condamnée ait été en aucune manière affirmée par Vatican II ou le Magistère papal post-Concile.

XIV. On doit s’occuper de philosophie, sans tenir aucun compte de la révélation surnaturelle.
(Lettre à l’Archevêque de Frising : Tuas libenter du 21 décembre 1863)

A aucun moment le Magistère n’a affirmé que la révélation surnaturelle pouvait être complètement séparée de la philosophie. Ainsi, puisqu’il n’y a aucune preuve qui puisse soutenir l’allégation d’une contradiction en toute crédibilité, l’affirmation au point quatorze demeure sans contradiction par le Magistère à Vatican II et depuis le Concile.


III. Indifférentisme, Latitudinarisme

XV. Il est libre à chaque homme d’embrasser et de professer la religion qu’il croit vraie d’après la lumière de la raison.
(Lettre apostolique Multiplices inter du 10 juin 1851; Alloc. Maxima quidem du 9 Juin 1862)

XVI. Les hommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et obtenir le salut éternel dans le culte de n’importe quelle religion.
(Encycl. Qui pluribus du 9 novembre 1846; Alloc. Ubi primum du 17 décembre 1847; Encycl. Singulari quidem du 17 mars 1856)

XVII. Au moins doit-on bien espérer du salut éternel de tous ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véritable Église du Christ.
(Alloc. Singulari quadam du 9 décembre 1854; Encycl. Quanto conficiamur du 17 août 1863)

XVIII. Le protestantisme n’est pas autre chose qu’une forme diverse de la même vraie religion chrétienne, forme dans laquelle on peut être agréable à Dieu aussi bien que dans l’Église catholique.
(Encycl. Noscilis et nobiscum du 8 décembre 1849)

C’est un domaine plus complexe à réconcilier mais pas impossible. Pour aborder le point quinze, nous citerons la Lettre Encyclique Fides et Ratio du Pape Jean-Paul II:

13. Il ne faudra pas oublier en tout cas que la Révélation demeure empreinte de mystère. Certes, par toute sa vie, Jésus révèle le visage du Père, puisqu’il est venu pour faire connaître les profondeurs de Dieu;13 et pourtant la connaissance que nous avons de ce visage est toujours marquée par un caractère fragmentaire et par les limites de notre intelligence. Seule la foi permet de pénétrer le mystère, dont elle favorise une compréhension cohérente.

Le Concile déclare qu’« à Dieu qui révèle il faut apporter l’obéissance de la foi ».14 Par cette affirmation brève mais dense, est exprimée une vérité fondamentale du christianisme. On dit tout d’abord que la foi est une réponse d’obéissance à Dieu. Cela implique qu’Il soit reconnu dans sa divinité, dans sa transcendance et dans sa liberté suprême. Le Dieu qui se fait connaître dans l’autorité de sa transcendance absolue apporte aussi des motifs pour la crédibilité de ce qu’il révèle. Par la foi, l’homme donne son assentiment à ce témoignage divin. Cela signifie qu’il reconnaît pleinement et intégralement la vérité de ce qui est révélé parce que c’est Dieu lui-même qui s’en porte garant. Cette vérité, donnée à l’homme et que celui-ci ne pourrait exiger, s’inscrit dans le cadre de la communication interpersonnelle et incite la raison à s’ouvrir à elle et à en accueillir le sens profond. C’est pour cela que l’acte par lequel l’homme s’offre à Dieu a toujours été considéré par l’Eglise comme un moment de choix fondamental où toute la personne est impliquée. L’intelligence et la volonté s’exercent au maximum de leur nature spirituelle pour permettre au sujet d’accomplir un acte dans lequel la liberté personnelle est pleinement vécue.15 Dans la foi, la liberté n’est donc pas seulement présente, elle est exigée. Et c’est même la foi qui permet à chacun d’exprimer au mieux sa liberté. Autrement dit, la liberté ne se réalise pas dans les choix qui sont contre Dieu. Comment, en effet, le refus de s’ouvrir vers ce qui permet la réalisation de soi-même pourrait-il être considéré comme un usage authentique de la liberté? C’est lorsqu’elle croit que la personne pose l’acte le plus significatif de son existence; car ici la liberté rejoint la certitude de la vérité et décide de vivre en elle.

13 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 4.

14 Ibid., n. 5.

15 Le premier Concile du Vatican, auquel se réfère l’affirmation rappelée ci-dessus, enseigne que l’obéissance de la foi exige l’engagement de l’intelligence et de la volonté. « Puisque l’homme dépend totalement de Dieu comme son Créateur et Seigneur et que la raison créée est complètement soumise à la Vérité incréée, nous sommes tenus de présenter par la foi à Dieu qui se révèle la soumission plénière de notre intelligence et de notre volonté »: Const. dogm. sur la foi catholique Dei Filius, III: DS 3008.

Puisque la « liberté ne se réalise pas dans les choix qui sont contre Dieu », logiquement la liberté n’est pas réalisée dans le choix de n’importe quelle autre religion que la religion Catholique. Cependant, en même temps, le concept de libre arbitre indique logiquement un choix fait par l’agent pour ou contre Dieu. Dans la mesure où l’individu est ignorant du fait que l’Eglise Catholique est l’Eglise fondée par Jésus Christ (en le seul nom duquel on est sauvé) et qu’à elle toutes les grâces du salut ont été confiées, il n’est pas coupable de choisir une autre religion à suivre. Son libre arbitre le lui permet; toutefois, également, il ne réalise pas la vraie liberté proportionnellement à sa connaissance du fait que l’Eglise Catholique a été fondée par Dieu s’il choisit activement contre le fait de joindre l’Eglise (ou de prendre une décision pour Dieu).

Il y a une différence entre le fait d’être libre de choisir une erreur et le fait que l’Eglise permette aux gens d’atteindre des conclusions erronées sans coercition. Il d’agit du principe de double effet, ou de la compréhension du fait qu’afin d’éviter une erreur majeure, il est possible qu’on doive tolérer une erreur mineure. Le Pape Grégoire XVI a fait cela dans les territoires qu’il gouvernait avant que l’Italie saisisse les Etats Pontificaux. Pour citer l’historien séculier Sir Nicholas Cheetham au sujet de Grégoire XVI: « aucune concession à la démocratie ne pouvait être conçue dans le territoire qu’il gouvernait, bien [que dans l’esprit de Grégoire] cela être regrettablement toléré ailleurs » (History of the Popes, c. 1981, pg. 255). De même, puisque la religion ne peut pas être confinée dans la lumière de la raison (mais par son objet même manifeste au contraire des vérités qui transcendent la raison humaine), le raisonnement humain à lui seul ne peut pas être le baromètre à partir de quel on peut choisir une religion donnée. Autant que la véritable liberté est concernée, le Pape Jean-Paul II en l’expliquait dans sa Lettre Encyclique Fides et Ratio:

la liberté ne se réalise pas dans les choix qui sont contre Dieu. Comment, en effet, le refus de s’ouvrir vers ce qui permet la réalisation de soi-même pourrait-il être considéré comme un usage authentique de la liberté? C’est lorsqu’elle croit que la personne pose l’acte le plus significatif de son existence; car ici la liberté rejoint la certitude de la vérité et décide de vivre en elle.

Aucun pape depuis le Concile n’a enseigné différemment, Vatican II non plus, et les preuves qui établissent une contradiction sur ce point sont inexistantes. Ainsi, la condamnation du point quinze n’a pas été contredite. Selon l’Encyclopédie Catholique de 1912, au sujet de la condamnation quinze du Syllabus, « la quinzième thèse, ‘Il est libre à chaque homme d’embrasser et de professer la religion qu’il croit vraie d’après la lumière de la raison’, admet en soi une juste interprétation. » Pour clarifier ce point, l’article note aussi la chose suivante:

En consultant la Lettre Apostolique « Multiplices inter », datée du 10 Juin 1851, d’où la thèse est tirée, on ne trouve pas le rejet de toute signification possible, mais seulement de cette signification particulière que Vigil, un prêtre Péruvien, en 1848, lui avait attribuée dans sa « Defensa ». Influencé par l’indifférentisme et le rationalisme, Vigil affirmait que l’homme devrait faire confiance uniquement à sa raison humaine et non à une raison Divine, c’est-à-dire, le Dieu véridique et omniscient Qui par révélation surnaturelle soutient la véracité d’une religion. C’est dans le sens où la quinzième thèse est comprise dans le livre de Vigile, et seulement dans ce sens, que le Syllabus comprend et condamne cette proposition.

Et à aucun moment, autant que l’auteur sache, le Magistère post-Concile n’a approuvé cette compréhension de la thèse. Par conséquent ce sont ceux qui voudraient affirmer que le Magistère l’a fait qui doivent avancer la pierre sisyphéenne de la preuve, non pas ceux qui ont affirmé la consistance à ce sujet.

Le point seize n’est pas difficile si on lit la condamnation avec précaution. Aucun homme ne peut arriver au salut éternel par l’observance de n’importe quelle religion. Vatican II enseigne que les gens peuvent être sauvées malgré leurs professions religieuses en raison des éléments que leurs religions respectives contiennent de vrai et que l’Eglise Catholique retient en sa totalité. Ceci est parfaitement sur la ligne de l’enseignement de Saint Paul en Romains 2, où les gentils qui ne possèdent pas la loi sont sauvés en faisant ce que la loi prescrit, en aimant leur prochain avec une charité fraternelle.

De même, le Catéchisme du pape Saint Pie X (promulgué par le saint pontife d’heureuse mémoire) a traité de la question « celui qui, sans qu’il y ait de sa faute, se trouverait hors de l’Église, pourrait-il être sauvé ? » (Partie I, Chapitre 9, §2). Sa réponse est que:

Celui qui, se trouvant hors de l’Église sans qu’il y ait de sa faute ou de bonne foi, aurait reçu le Baptême ou en aurait le désir au moins implicite ; qui chercherait en outre sincèrement la vérité et accomplirait de son mieux la volonté de Dieu, bien que séparé du corps de l’Église, serait uni à son âme et par suite dans la voie du salut.

De plus, comme l’auteur l’a souligné dans une thèse sur la Justification, la charité et non la foi seule sauve un homme, comme les protagonistes du NT l’enseignent (y compris Saint Paul, bien que souvent mal représenté). Puisque ni Vatican II ni les papes depuis le Concile n’ont enseigné le salut par n’importe quelle profession religieuse, il ne peut pas être affirmé de manière crédible que le point seize du Syllabus ait été contredit dans les enseignements qui suivirent le Concile; même si certains n’ont pas compris les enseignements du Concile sur la liberté religieuse et l’oecuménisme et l’ont affirmé, par ignorance ou malice délibérée.

Quant au point dix-sept, c’est l’enseignement de base d’une forme d’universalisme et aucun pape ni Vatican II n’a enseigné cette erreur ne serait-ce que de loin [NdT. Nous réfutons aussi ces allégations contre Vatican II, Jean-Paul II, Benoît XVI et le Pape François] En fait, ils enseignent tous le contraire sur la ligne de l’enseignement du bienheureux Pie IX.

Le point dix-huit est directement réfuté par la Constitution Dogmatique Lumen Gentium, qui affirme aux paragraphes quatorze et quinze la chose suivante:

14. Les fidèles catholiques

C’est vers les fidèles catholiques que le saint Concile tourne en premier lieu sa pensée. Appuyé sur la Sainte Écriture et sur la Tradition, il enseigne que cette Église en marche sur la terre est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est médiateur et voie de salut : or, il nous devient présent en son Corps qui est l’Église ; et en nous enseignant expressément la nécessité de la foi et du baptême (cf. Mc 16, 16 ; Jn 3, 5), c’est la nécessité de l’Église elle-même, dans laquelle les hommes entrent par la porte du baptême, qu’il nous a confirmée en même temps. C’est pourquoi ceux qui refuseraient soit d’entrer dans l’Église catholique, soit d’y persévérer, alors qu’ils la sauraient fondée de Dieu par Jésus Christ comme nécessaire, ceux-là ne pourraient pas être sauvés.

Sont incorporés pleinement à la société qu’est l’Église ceux qui, ayant l’Esprit du Christ, acceptent intégralement son organisation et les moyens de salut qui lui ont été donnés, et qui, en outre, grâce aux liens constitués par la profession de foi, les sacrements, le gouvernement ecclésiastique et la communion, sont unis, dans l’ensemble visible de l’Église, avec le Christ qui la dirige par le Souverain Pontife et les évêques. L’incorporation à l’Église, cependant, n’assurerait pas le salut pour celui qui, faute de persévérer dans la charité, reste bien « de corps » au sein de l’Église, mais pas « de cœur» [26]. Tous les fils de l’Église doivent d’ailleurs se souvenir que la grandeur de leur condition doit être rapportée non à leurs mérites, mais à une grâce particulière du Christ ; s’ils n’y correspondent pas par la pensée, la parole et l’action, ce n’est pas le salut qu’elle leur vaudra, mais un plus sévère jugement [27].

Quant aux catéchumènes qui, sous l’action de l’Esprit Saint demandent par un acte explicite de leur volonté à être incorporés à l’Église, par le fait même de ce vœu, ils lui sont unis, et l’Église, maternelle, les enveloppe déjà dans son amour en prenant soin d’eux.

15. Les liens de l’Église avec les chrétiens non catholiques

Avec ceux qui, étant baptisés, portent le beau nom de chrétiens sans professer pourtant intégralement la foi ou sans garder l’unité de la communion sous le Successeur de Pierre, l’Église se sait unie pour de multiples raisons [28]. Il en est beaucoup, en effet, qui tiennent la Sainte Écriture pour leur règle de foi et de vie, manifestent un zèle religieux sincère, croient de tout leur cœur au Dieu Père tout-puissant et au Christ Fils de Dieu et Sauveur [29], sont marqués par le baptême qui les unit au Christ, et même reconnaissent et reçoivent d’autres sacrements dans leurs propres Églises ou dans leurs communautés ecclésiales. Plusieurs d’entre eux jouissent même de l’épiscopat, célèbrent la sainte Eucharistie et entourent de leur piété la Vierge Mère de Dieu [30]. À cela s’ajoute la communion dans la prière et dans les autres bienfaits spirituels, bien mieux, une véritable union dans l’Esprit Saint, qui, par ses dons et ses grâces, opère en eux aussi son action sanctifiante et dont la force a permis à certains d’entre eux d’aller jusqu’à verser leur sang. Ainsi, l’Esprit suscite en tous les disciples du Christ le désir et les initiatives qui tendent à l’union pacifique de tous, suivant la manière que le Christ a voulue, en un troupeau unique sous l’unique Pasteur [31]. À cette fin, l’Église notre Mère ne cesse de prier, d’espérer et d’agir, exhortant ses fils à se purifier et à se renouveler pour que, sur le visage de l’Église, le signe du Christ brille avec plus de clarté.

[26] Cf. Saint Augustin, Bapt. c. Donat. V, 28, 39 : PL 43, 197 : « Il est bien évident que, si l’on dit dans et hors de l’Église, cela doit s’entendre du cœur et non du corps. » – Cf. ibid. III, 19, 26 : col. 152 ; V, 18, 24 : col. 189; In. Io. Tr. 61, 2 : PL 35, 1800, et alibi saepe.

[27] Cf. Lc 12, 48 : « À qui on aura beaucoup donné, il sera beaucoup demandé. » – Cf. aussi Mt 5, 19-20 ; 7, 21-22 ; 25, 41-46 ; Jc 2, 14.

[28] Cf. Léon XIII, épître apost. Praeclara gratulationis, 20 juin 1894 : ASS 26 (1893-1894), p. 707.

[29] Cf. Léon XIII, encycl. Satis cognitum, 29 juin 1896 : ASS 28 (1895-1896), p. 738. – Encycl.Caritatis studium, 25 juillet 1898 : ASS 31 (1898-1899), p. 11. – Pie XII, Message radioph. Nell’alba, 24 décembre 1941 : AAS 34 (1942), p. 21.

[30] Cf. Pie XI, Encycl. Rerum Orientalium, 8 septembre 1928 : AAS 20 (1928), p. 287. – Pie XII, Encycl. Orientalis Ecclesiae, 9 avril 1944 : AAS 36 (1944), p. 137.

[31] Cf. Instruc. de la Sacrée Congrégation du Saint-Office, 20 décembre 1949 : AAS 42 (1950), p. 142.

Le premier paragraphe parle de lui-même. Et pour comprendre le paragraphe 15 correctement, il faut considérer les notes en bas de page. La note 28 se réfère à la Lettre Apostolique Praeclera Gratulationis du Pape Léon XIII, qui affirme précisément ce qu’indique Lumen Gentium. La note 29 se réfère aux documents magistériels contenus dans les Acta Apostolicae Sedis: la Lettre Encyclique Satis Cognitum du pape Léon XIII parmi eux. Le ton de cette dernière Encyclique est évidemment apologétique, comme c’était le cas pour beaucoup d’encycliques et d’autres documents papaux de cette période, qui portaient sur le sujet de l’unité Chrétienne (l’essai du présent auteur sur l’Unité Chrétienne adopte aussi ce ton en certains aspects – une méthode qui a sa place appropriée en certains temps et circonstances). Le contexte de l’encyclique était de considérer l’église universelle et les Pères du Concile se référaient évidemment à l’évocation de Léon XIII de personnes qui désirent suivre le Seigneur bien qu’en dehors du corps de l’Eglise (l’auteur n’a pas pu retrouver le document du Pape Pie XII cité dans la note). Il y a aussi une référence à l’Encyclique Caritatis Studium adressée au clergé et aux fidèles d’Ecosse, qui mentionne également la bonne volonté de ceux qui cherchent à suivre Dieu bien que non comptés parmi le corps des fidèles Catholiques (§5) :

Une grande louange est due à la nation Ecossaise, dans son ensemble, car ils ont toujours montré une révérence et de l’amour pour les Ecrits Inspirés. Ils ne peuvent pas alors refuser d’écouter les quelques mots que Nous voulons dans Notre affection leur adresser à ce sujet en vue du bien éternel; puisque Nous trouvons que dans la révérence pour les Ecritures Sacrées, il y a un accord avec l’Eglise Catholique. Pourquoi ne serait-ce pas un point de départ pour le retour à l’unité?

La note 30 renvoie à deux lettres encycliques, une par le Pape Pie XI et une par le Pape Pie XII. Les deux portaient sur les relations entre les églises Orientales et l’Eglise Romaine. Et loin d’approuver une forme compromise d’extra ecclesia nulla salus, Lumen Gentium (LG) en vérité affirme la chose suivante au sujet du salut de ceux qui ne sont pas membres de l’Eglise (§16):

En effet, ceux qui, sans qu’il y ait de leur faute, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, eux aussi peuvent arriver au salut éternel [33].

[33] Cf. Lettre de la Sacrée Congrégation du Saint-Office à l’archevêque de Boston. : Denz. 3869-72.

« peuvent » exclut spécifiquement la possibilité qu’autre chose soit approuvé que la possibilité de salut pour ceux qui sont en état d’ignorance invincible. La distinction ici est importante. Après tout, que quelqu’un puisse accéder au salut ne sonne pas comme une « bonne espérance » mais au mieux comme une simple « espérance ». Ce fait démontre à lui seul que Vatican II n’a pas affirmé la proposition condamnée dans le Syllabus. Le Concile a souligné les manières par lesquelles les non-Catholiques pourraient être joints d’une manière imparfaite à l’Eglise Catholique soit in re (réalité) or in voto (désir). Même l’affirmation sommaire dans le Syllabus ne rend pas justice à tous les enseignements nuancés du bienheureux Pape Pie IX dans la lettre encyclique en référence. Car loin de dire qu’il y a « bonne espérance » pour une telle personne, l’Encyclique Quanto Conficiamur (QCM) se contente d’affirmer que la possibilité de salut est pour « ceux qui luttent avec une ignorance invincible au sujet de notre très sainte religion. » (§7). L’encyclique article ceci prudemment, tout comme le fait Vatican II, et se réfère à ceux qui d’une manière sont joints à l’Eglise en corps et/ou en esprit.

QCM et Vatican II affirment qu’il n’y a pas de salut en dehors de l’Eglise. QCM le fait dans le même paragraphe où est enseigné simultanément la possibilité d’ignorance invincible, ainsi que la nécessité de l’Eglise pour le salut, renforcée dans le paragraphe d’après. Vatican II le fait dans l’ordre inverse: il renforce la nécessité de l’Eglise pour le salut en LG §14 et parle des possibles circonstances extraordinaires en LG §15 et §16. Ces deux derniers paragraphes sont une discussion nuancée et approfondie de ce qu’on avait l’habitude d’appeler « l’âme » de l’Eglise. Le bienheureux Pie IX évoquait ces éléments en QCM, Saint Pie X les discutait brièvement dans son Catéchisme, et le Pape Pie XII a parlé de l’âme de l’Eglise en sa plus grande dissertation pré-Vatican II dans la Lettre Encyclique Mystici Corporis Christi (voir §103). Ces encycliques démontrent la continuité entre le magistère papal pré-Vatican II et Vatican II. Le Concile, en développant cette doctrine davantage, l’a cependant fait en fidèle adhérence à la Tradition de l’Eglise. Chacune des sources a parlé de la possibilité (et en aucun cas de la « bonne espérance », simplement de « l’espérance ») d’atteindre le salut par l’union à l’âme de l’Eglise. Puisque le traitement de ce sujet par Vatican II et le magistère papal post-concile base toutes ses démonstrations sur la présomption que tout salut implique dans un certain degré l’affiliation à l’Eglise, aucune prétention de « bonne espérance » postulée (s’il y en a une) ne se base sur « ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véritable Église du Christ » (Syllabus #XVII). Par conséquent, l’enseignement de Vatican II et des papes post-concile est en conformité avec la condamnation du bienheureux Pape Pie IX.

Quant au point dix-huit, il suffit de regarder la ruche de frelons qu’a secoué la CDF par sa Déclaration Dominus Iesus l’an dernier. En réaffirmant les enseignements littéraux de Vatican II concernant l’oecuménisme et l’extra ecclesia nulla salus, le décret a été réitéré que les dénominations Protestantes, à l’inverse des communautés Orthodoxes, ne sont pas des églises à proprement parler. Ceci mène difficilement à l’admission que le Protestantisme soit égal d’une quelconque manière à l’Eglise Catholique. En fait, cela indique explicitement que le Protestantisme lui est inférieur.

En résumé, les points quatorze à dix-huit demeurent condamnés à la foi par Vatican II et par le Magistère papal post-Concile (tout comme les points précédents).


IV. Socialisme, Communisme, Sociétés Secrètes, Sociétés bibliques, Sociétés clérico-libérales:

Ces sortes de pestes sont souvent frappées de sentences formulées dans les termes les plus graves dans l’Encyclique Qui Pluribus du 9 novembre 1846, dans l’Allocution Quibus quantisque du 20 avril 1849, dans l’Encyclique Noscitis et nobiscum du 8 décembre 1849, dans l’Allocution Singulari quadam du 9 décembre 1854, dans l’Encyclique Quanto conficiamur mærore du 10 août 1863.

Beaucoup des erreurs condamnées dans cette section étaient d’une époque où les papes étaient à la fois Suprême Pontifes de l’Eglise Universelle et princes temporels à part entière (le bienheureux Pape Pie IX était le dernier pape à être un prince temporel). L’armée Italienne a saisi les Etats papaux en 1870 et les papes étaient concrètement confinés au Vatican jusqu’en 1929 quand la Cité indépendante du Vatican fut créée par le Traité de Latran de 1929 (basé sur un concordat entre le Saint Siège et le gouvernement Italien sous Benito Mussolini). En raison de ces circonstances, beaucoup de ces erreurs ne sont pas applicables aujourd’hui de la même façon qu’elles l’étaient en raison des changements du paysage politique. C’est une nuance importante qui est souvent négligée par les détracteurs du Magistère – qu’il soient « traditionalistes » ou autre.

[NdT. voir aussi « Les Papes et le socialisme« ]


V. Erreurs relatives à l’Église et à ses droits:

XIX. L’Église n’est pas une vraie et parfaite société pleinement libre ; elle ne jouit pas de ses droits propres et constants que lui a conférés son divin Fondateur, mais il appartient au pouvoir civil de définir quels sont les droits de l’Église et les limites dans lesquelles elle peut les exercer.
(Alloc. Singulari quadam du 9 décembre 1854; Alloc. Multis gravibusque du 17 décembre 1860; Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862)

XX. La puissance ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans la permission et l’assentiment du gouvernement civil.
(Alloc. Meminit unusquisque du 30 septembre 1861)


Vatican II affirme spécifiquement en Lumen Gentium §22:

Mais le collège ou corps épiscopal n’a d’autorité que si on l’entend comme uni au Pontife romain, successeur de Pierre, comme à son chef et sans préjudice pour le pouvoir du primat qui s’étend à tous, pasteurs et fidèles. En effet, le Pontife romain a sur l’Église, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Église, un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours exercer librement. 

Vatican II a aussi enseigné que le Pape et les Apôtres recevaient leur autorité de Jésus Christ, Fils de Dieu: Le Christ Seigneur, pour assurer au Peuple de Dieu des pasteurs et les moyens de sa croissance, a institué dans son Église divers ministères qui tendent au bien de tout le corps. (LG §18). Le pouvoir suprême et universel n’est pas subordonné à la notion Césaro-papiste selon laquelle le pape et l’Eglise reçoivent leur pouvoir d’une autre autorité que Dieu. Et les papes ont depuis 1929 maintenu leur souveraineté à l’égard des autres nations, étant entièrement libres d’influences illégitimes. Par conséquent les points dix-neuf et vingt sont réfutés par démonstration et sont réaffirmées les condamnations du bien heureux Pie IX.

XXI. L’Église n’a pas le pouvoir de définir dogmatiquement que la religion de l’Église catholique est la seule vraie religion.
(Lettre apostolique Multiplices inter du 10 juin 1851)


Vatican II a enseigné la chose suivante au sujet de la religion Catholique:

C’est là l’unique Église du Christ, dont nous professons dans le symbole l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité [12], cette Église que notre Sauveur, après sa résurrection, remit à Pierre pour qu’il en soit le pasteur (Jn 21, 17), qu’il lui confia, à lui et aux autres Apôtres, pour la répandre et la diriger (cf. Mt 28, 18, etc.) et dont il a fait pour toujours la « colonne et le fondement de la vérité » (1 Tm 3, 15). Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Église catholique qu’elle subsiste, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui [13]

[12] Cf. Symbolum Apostolicum : Denz. 6-9 (10-13). – Symb. Nic. Const. : Denz. 86 (150) – Coll. Prof. fidei Trid. : Denz. 994 et 999 (1862 et 1868)

[13] Dicitur « Sancta (catholica apostolica) Romana Ecclesia » : in Prof. fidei Trid., l. c. et Conc. Vat. I, sess. 3, Const. dogm. « De fide cath.», Dei Filius : Denz. 1782 (3001).

La note treize de Lumen Gentium §8 se réfère à la Constitution Dogmatique de Vatican I Dei Filius qui implique fortement à travers elle que la religion Catholique et la seule vraie religion. Par conséquent, Vatican II s’accorde par implication à l’affirmation selon laquelle la religion Catholique est la vraie religion – contre l’affirmation vingt-et-une – puisque « l’unique Eglise du Christ » subsiste entièrement en elle. [NdT. Voir aussi les réfutations des sophistes qui cherchent à déduire « deux églises » de cette subsistance]

XXII. L’obligation qui lie strictement les maîtres et les écrivains catholiques se borne aux choses qui ont été définies par le jugement infaillible de l’Église comme des dogmes de foi qui doivent être crus par tous.
(Lettre à l’archevêque de Frising : Tuas libenter du 21 décembre 1863)

Il est intéressant de noter que la plupart des « traditionalistes » auto-proclamés agissent comme s’ils s’accordaient avec la proposition vingt-deux ci-dessus. Les Papes dans leur Professions de Foi publiées depuis le Concile appellent à bien plus d’obéissance qu’au minimum décrit au point vingt-deux. Par implication, cela s’accorde avec la condamnation du bienheureux Pie IX.

XXIII. Les Souverains-Pontifes et les Conciles œcuméniques se sont écartés des limites de leur pouvoir : ils ont usurpé les droits des princes, et ils ont même erré dans les définitions relatives à la foi et aux mœurs.
(Lettre apostolique Multiplices inter du 10 juin 1851)

Vatican II en Lumen Gentium §22 affirme à la fois la pleine et suprême autorité du Pontife Romain ainsi que l’infaillibilité dans la proclamation définitive de doctrines sur la foi et les moeurs (cf LG §25). Par conséquent cette condamnation n’est pas renversée par le Concile ou les papes qui ont suivi.

XXIV. L’Église n’a pas le droit d’employer la force elle n’a aucun pouvoir temporel direct ou indirect.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

XXV. En dehors du pouvoir inhérent à l’épiscopat, il y a un pouvoir temporel qui lui a été concédé ou expressément ou tacitement par l’autorité civile, révocable par conséquent à volonté par cette même autorité civile.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

Depuis 1870, cette condamnation n’est plus applicable. La Cité du Vatican n’a pas d’armée et la garde Suisse est difficilement une force d’invasion pour le dire vulgairement. Mais puisque la Cité du Vatican est un Etat souverain, il y a quelque pouvoir temporel, bien que limité. Ainsi par exemple les papes depuis 1929 ont exercé un pouvoir temporel, et c’est adéquat pour réfuter l’affirmation selon laquelle l’Eglise n’aurait pas de pouvoir temporel. Quant au point vingt-cinq, Vatican II a enseigné que l’épiscopat était investi du pouvoir par Dieu, non pas par des gouvernements temporels. De même, à aucun moment l’Eglise n’a enseigné qu’elle n’ait pas le droit de posséder un pouvoir temporel. Les Etats Pontificaux ont été saisie par l’Italie en 1870 et les papes ont depuis dû vivre avec ce fait. Mais cette accommodation n’implique aucunement une concession d’accord avec la proposition vingt-cinq condamnée. Et comme l’auteur l’a déjà évoqué dans son traité, Gaudium et Spes n’a pas contredit le point vingt-cinq du Syllabus, en dépit des prétentions de quelques « traditionalistes » auto-proclamés au sujet de GS.

XXVI. L’Église n’a pas le droit naturel et légitime d’acquérir et de posséder.
(Alloc. Nunquam fore du 15 décembre 1856; Encycl. Incredibili du 17 septembre 1863)

L’Eglise possède des propriétés et à aucun moment les papes post-Concile (ni Vatican II) n’ont affirmé qu’elle n’a pas le droit légitime de le faire. En fait, les bulletins de l’Eglise qui demandent « souvenez-vous de l’Eglise dans votre testament » sont parfaitement en accord avec l’affirmation du bienheureux Pie IX selon quoi l’Eglise a bel et bien le droit d’acquérir ou de posséder une propriété – l’implication inverse de la proposition condamnée.

XXVII. Les ministres sacrés de l’Église et le Pontife Romain doivent être exclus de toute administration et de toute autorité sur les choses temporelles.
(Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862)

Le simple fait de régner sur la Cité du Vatican – qui est un Etat souverain – réfute cette proposition.

XXVIII. Il n’est pas permis aux Évêques de publier même les Lettres apostoliques sans la permission du Gouvernement.
(Alloc. Nunquam fore du 15 décembre 1856)

XXIX. Les grâces accordées par le Pontife Romain doivent être regardées comme nulles, si elles n’ont pas été demandées par l’entremise du Gouvernement.
(Alloc. Nunquam fore du 15 décembre 1856)

XXX. L’immunité de l’Église et des personnes ecclésiastiques tire son origine du droit civil.
(Lettre apostolique Multiplices inter du 10 juin 1851)

À aucun moment l’Eglise n’a affirmé que les évêques avaient besoin de la permission d’un quelconque gouvernement pour publier des lettres ou que l’octroi de faveurs du Pape dépendait de l’approbation civile (points vingt-huit et vingt-neuf). Il est difficile de savoir dans quel contexte le Pape se référait à l’immunité au point trente ici (puisque cet auteur n’a pas pu trouver le document en question). Mais il n’est pas possible pour cet auteur de comprendre de quelque façon en quoi Vatican II ou les papes post-Concile auraient pu l’affirmer d’une manière ou d’une autre. Et puisque les affirmations de contradiction ne peuvent reposer sur une ambiguïté (mais doivent au contraire avoir des preuves solides à l’appui), sans de telles preuves, le point trente reste incontesté.

XXXI. Le for ecclésiastique pour les procès temporels des clercs, soit au civil, soit au criminel, doit absolument être aboli, même sans consulter le Siège apostolique et sans tenir compte de ses réclamations.
(Alloc. Acerbissimum du 27 septembre 1852; Alloc. Nunquam fore du 15 décembre 1856)

Il est évident qu’aucun pape défendra le fait que l’autorité séculière empiète sur son autorité en matières ecclésiastiques. Mais sans savoir à quels tribunaux il est fait référence, ce point est aussi douteux quant à sa signification précise que le point trente (et comme pour le point trente, aucune contradiction possible entre l’avant et l’après VC II sur ce point ne vient à l’esprit de l’auteur).

XXXII. L’immunité personnelle, en vertu de laquelle les clercs sont exempts de la milice, peut être abrogée sans aucune violation de l’équité et du droit naturel. Le progrès civil demande cette abrogation, surtout dans une société constituée d’après une législation libérale.
(Lettre à l’Évêque de Mondovi, Singularis Nobisque du 20 septembre 1864)

Voilà qui éclaircit un peu le point trente, jusqu’alors obscur; même si encore une fois l’auteur n’a pas été en mesure de trouver le document en question. Il y a de fortes chances qu’il fasse également référence à l’immunité de la conscription militaire et du service dans l’armée. Un autre point qui n’a pas de rapport apparent avec les soi-disant « contradictions » entre les enseignements de Vatican II et les erreurs condamnées du Syllabus.

XXXIII. Il n’appartient pas uniquement par droit propre et naturel à la juridiction ecclésiastique de diriger l’enseignement de la théologie.
(Lettre à l’archevêque de Frising : Tuas libenter du 21 décembre 1863)

Vatican II a affirmé l’autorité de l’épiscopat et les prérogatives de la juridiction épiscopale (voir la Constitution Dogmatique Lumen Gentium §21-22). Par conséquent cette condamnation demeure intacte.

XXXIV. La doctrine de ceux qui comparent le Pontife Romain à un prince libre et exerçant son pouvoir dans l’Église universelle, est une doctrine qui a prévalu au Moyen-Âge.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

Si par « prévalu », on fait référence à un plus grand développement de cet enseignement, cette affirmation est vraie. Si, par « prévalu », on entend que l’enseignement s’est en quelque sorte « imposé » parmi d’autres « doctrines concurrentes », alors l’affirmation est clairement fausse. Vatican II a réaffirmé l’enseignement de Vatican I sur la primauté et l’infaillibilité du Pontife Romain : un enseignement qui inclut la pleine juridiction ordinaire et extraordinaire. Comme l’auteur n’a pas pu trouver la lettre apostolique d’où est tirée cette condamnation, il est impossible de connaître le contexte précis de ce point. Cela amène l’auteur à se demander encore plus comment ceux qui prétendent qu’il y a des « contradictions évidentes » entre le Syllabus et Vatican II dans n’importe lequel de ses décrets peuvent être aussi arrogants. À moins de disposer de tous les documents référencés dans le Syllabus et d’être en mesure de vérifier le contexte de l’affirmation condamnée, ils ne peuvent porter aucun jugement précis sur la question. Cela n’empêche pas les plus radicaux et les plus dissidents d’agir de la sorte.

Le point trente-quatre, comme quelques-uns des points déjà notés, peut être interprété de manière orthodoxe ou hétérodoxe. Il est à espérer que le danger de l’interprétation d’un document comme le Syllabus (qui n’est en soi qu’une courte liste de propositions avec des points de référence dont peu de contexte est donné) devient clairement apparent. Jusqu’à présent, les trente-quatre points abordés ne font apparaître aucune « contradiction » entre les enseignements pré-Vatican II et les enseignements post-Vatican II. Reprenons maintenant cet examen.

XXXV. Rien n’empêche que par un décret d’un Concile général ou par le fait de tous les peuples le Souverain Pontificat soit transféré de l’Évêque et de la ville de Rome à un autre Évêque et à une autre ville.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

XXXVI. La définition d’un Concile national n’admet pas d’autre discussion, et l’administration civile peut traiter toute affaire dans ces limites.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

« [A]u Pontife romain appartient la prérogative de convoquer ces conciles, de les présider et de les confirmer » (Lumen Gentium, §22). Puisque les papes ont parfois annulé des enseignements spécifiques ou même des synodes entiers convoqués œcuméniquement, il est évident que ce qui empêche la réalisation du point trente-cinq, c’est que le dernier mot revient au pape et non au reste du concile ou même à la population. La Constitution Dogmatique Lumen Gentium §22 enseigne également ce qui suit :

Mais le collège ou corps épiscopal n’a d’autorité que si on l’entend comme uni au Pontife romain, successeur de Pierre, comme à son chef et sans préjudice pour le pouvoir du primat qui s’étend à tous, pasteurs et fidèles. En effet, le Pontife romain a sur l’Église, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Église, un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours exercer librement.

En réaffirmant l’enseignement de Vatican I sur la primauté du Pape, la condamnation des points trente-cinq et trente-six demeurent affirmée.

XXXVII. On peut instituer des Églises nationales soustraites à l’autorité du Pontife Romain et tout à fait séparées de lui.
(Alloc. Multis gravibusque du 17 décembre 1860; Alloc Jamdudum cernimus du 18 mars 1861)

La condamnation du bienheureux Pie IX a aussi été affirmée par Vatican II (LG §18):

Ce saint Concile, s’engageant sur les traces du premier Concile du Vatican, enseigne et déclare avec lui que Jésus Christ, Pasteur éternel, a édifié la sainte Église en envoyant ses Apôtres, comme lui-même avait été envoyé par le Père (cf. Jn 20, 21) ; il a voulu que les successeurs de ces Apôtres, c’est-à-dire les évêques, soient dans l’Église, pasteurs jusqu’à la consommation des siècles. Mais, pour que l’épiscopat lui-même fût un et indivis, il a mis saint Pierre à la tête des autres Apôtres, instituant, dans sa personne, un principe et un fondement perpétuels et visibles d’unité de la foi et de communion [37]. Cette doctrine du primat du Pontife romain et de son infaillible magistère, quant à son institution, à sa perpétuité, à sa force et à sa conception, le saint Concile à nouveau la propose à tous les fidèles comme objet certain de foi. De plus, poursuivant la tâche commencée, il veut, devant tous, énoncer et expliciter la doctrine en ce qui concerne les évêques, successeurs des Apôtres qui, avec le successeur de Pierre, vicaire du Christ [38], et chef visible de toute l’Église, ont charge de diriger la maison du Dieu vivant.

[37] Cf. Conc. Vat. I, sess. 4, Const. dogm. Pastor Aeternus : Denz. 1821 (3050s.).

[38] Cf. Conc. de Florence, Decretum pro Graecis : Denz. 694 (1307) et Conc. Vat. I, ibid. : Denz. 1826 (3059).

XXXVIII. Trop d’actes arbitraires de la part des Pontifes Romains ont contribué à la division de l’Église orientale et occidentale.
(Lettre apost. Ad apostolicæ du 22 août 1851)

Il n’y a rien dans cette condamnation qui interdit aux gens d’affirmer que les papes ont contribué à la division de la chrétienté, et ce de manière substantielle (après tout, « jamais l’un sans l’autre »). La condamnation se réfère spécifiquement aux papes qui ont contribué à la division par leurs « actes arbitraire ». Tant que l’on ne maintient pas cette affirmation telle qu’elle est formulée, il n’y a pas de contradiction puisque cette condamnation n’enlève pas aux Pontifes toute responsabilité dans la division. Elle n’interdit pas non plus aux gens de penser que les papes ont pu avoir plus à voir avec la division que les orientaux : une position que l’on peut tenir tout en étant en accord avec l’Église. Et il y a aussi l’affirmation selon laquelle l’Église du Christ est divisée en parties : une notion rejetée par Vatican II dans la Constitution dogmatique Lumen Gentium (LG §8) et réaffirmée depuis dans la Déclaration Dominus Iesus. Par conséquent, les points trente-sept et trente-huit restent intacts et sans contradiction.


VI. Erreurs relatives à la société civile, considérée soit en elle-même, soit dans ses rapports avec l’Église:

XXXIX. L’État, comme étant l’origine et la source de tous les droits, jouit d’un droit qui n’est circonscrit par aucune limite.
(Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862)

XL. La doctrine de l’Église Catholique est opposée au bien et aux intérêts de la société humaine.
(Encycl. Qui pluribus du 9 novembre 1846; Alloc. Quibus quantisque du 28 avril 1849)

XLI. La puissance civile, même exercée par un prince infidèle, possède un pouvoir indirect, négatif sur les choses sacrées. Elle a par conséquent non-seulement le droit qu’on appelle d’exequatur, mais encore le droit qu’on nomme d’appel comme d’abus.
(Lettre apostolique Ad apostolicæ du 22 août 1851)

XLII. En cas de conflit légal entre les deux pouvoirs, le droit civil prévaut.
(Lettre apostolique Ad apostolicæ du 22 août 1851)

Lumen Gentium enseigne que le pape et les évêques ont reçu leur autorité de Dieu (contre le point trente-neuf). De plus, la CDF a publié en 1990 une instruction sur la vocation ecclésiale du théologien, qui affirme spécifiquement que le Magistère n’est pas un fardeau pour la théologie, mais un stimulant pour elle. De même, les enseignements de l’Église ne sont pas « hostiles » au bien-être de la société. Les théologiens dissidents d’aujourd’hui ont fait les mêmes plaintes concernant la théologie et le Magistère que les anticléricaux libéraux du dix-neuvième siècle ont fait concernant les enseignements de l’Église et leur « hostilité » à la société. La Constitution Gaudium et Spes note que « le bien commun du genre humain [est] assurément régi dans sa réalité fondamentale par la loi éternelle » (GS §78). Et plus loin dans la Constitution, on peut lire ce qui suit :

Quant à l’Église, fondée dans l’amour du Rédempteur, elle contribue à étendre le règne de la justice et de la charité à l’intérieur de chaque nation et entre les nations. En prêchant la vérité de l’Évangile, en éclairant tous les secteurs de l’activité humaine par sa doctrine et par le témoignage que rendent des chrétiens, l’Église respecte et promeut aussi la liberté politique et la responsabilité des citoyens.

Cela suffit à montrer la continuité avec l’enseignement du bienheureux Pape Pie IX dans sa condamnation des points quarante et quarante-et-un. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique, au paragraphe 2032, contredit directement le point quarante-deux; étant ainsi sur la droite ligne de la position épousée par le bienheureux Pape Pie IX lorsqu’il a condamné ladite proposition.

XLIII. La puissance laïque a le pouvoir de casser, de déclarer et de rendre nulles les conventions solennelles (concordats) conclues avec le Siége apostolique, relativement à l’usage des droits qui appartiennent à l’immunité ecclésiastique, sans le consentement de ce Siége et malgré ses réclamations.
(Alloc. In consistoriali du 1er novembre 1850; Alloc. Multis gravibusque du 17 décembre 1860)

XLIV. L’autorité civile peut s’immiscer dans les choses qui appartiennent à la religion, aux mœurs et au gouvernement spirituel. D’où il suit qu’elle peut juger des Instructions que les pasteurs de l’Église publient, d’après leur charge, pour la règle des consciences : elle peut même statuer sur l’administration des sacrements et les dispositions nécessaires pour les recevoir.
(Alloc. In consistoriali du 1er novembre 1850; Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862)

L’auteur met au défi n’importe quel lecteur de montrer où le Magistère a à quelque moment que ce soit affirmé la proposition condamnée quarante-trois. Quant à la proposition quarante-quatre, nous avons déjà parlé de l’autorité suprême du Pontife romain sur l’Église universelle. Vatican II l’a confirmée et c’est tout ce dont nous avons besoin pour montrer la conformité avec l’enseignement du Bienheureux Pape Pie IX sur ce point.

XLV. Toute la direction des écoles publiques dans lesquelles la jeunesse d’un État chrétien est élevée, si l’on en excepte dans une certaine mesure les séminaires épiscopaux, peut et doit être attribuée à l’autorité civile, et cela de telle manière qu’il ne soit reconnu à aucune autre autorité le droit de s’immiscer dans la discipline des écoles, dans le programme des études, dans la collation des grades, dans le choix ou l’approbation des maîtres.
(Alloc. In consistoriali du 1er novembre 1850; Alloc. Quibus luctuosissimis du 5 septembre 1851)

XLVI. Bien plus, même dans les séminaires des clercs, la méthode à suivre dans les études est soumise à l’autorité civile.
(Alloc. Numquam fore du 15 décembre 1856)

XLVII. La bonne constitution de la société civile demande que les écoles populaires, qui sont ouvertes à tous les enfants de chaque classe du peuple, et en général que les institutions publiques destinées aux lettres, à une instruction supérieure et à une éducation plus élevée de la jeunesse, soient affranchies de toute autorité de l’Église, de toute influence modératrice et de toute ingérence de sa part, et qu’elles soient pleinement soumises à la volonté de l’autorité civile et politique, suivant le bon plaisir des gouvernants et le courant des opinions générales de l’époque.
(Lettre à l’archevêque de Fribourg : Quum non sine du 14 juillet 1854)

XLVIII. Des catholiques peuvent approuver un système d’éducation en dehors de la foi catholique et de l’autorité de l’Église et qui n’ait pour but ou du moins pour but principal, que la connaissance des choses purement naturelles et la vie sociale sur cette terre.
(Lettre à l’archevêque de Fribourg : Quam non sine du 14 juillet 1854)

XLIX. L’autorité séculière peut empêcher les Évêques et les fidèles de communiquer librement entre eux et avec le Pontife Romain.
(Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862)

L. L’autorité séculière a par elle-même le droit de présenter les Évêques et peut exiger d’eux qu’ils prennent en main l’administration des diocèses avant d’avoir reçu du Saint Siége l’institution canonique et les lettres apostoliques.
(Alloc. Nunquam fore du 15 décembre 1856)

LI. Bien plus, le gouvernement laïque a le droit d’interdire aux Évêques l’exercice du ministère Pastoral, et il n’est pas tenu d’obéir au Pontife Romain en ce qui concerne l’érection des Évêchés et l’institution des Évêques.
(Lettre apostolique Multiplices inter du 10 juin 1851;Alloc. Acerbissimum du 27 septembre 1852.)

LII. Le gouvernement peut, de son propre droit, changer l’âge fixé pour la profession religieuse, tant des femmes que des hommes, et enjoindre aux communautés religieuses de n’admettre personne aux vœux solennels sans son autorisation.
(Alloc. Numquam fore du 15 décembre 1856)

LIII. On doit abroger les lois qui protègent l’existence des familles religieuses, leurs droits et leurs fonctions ; bien plus, la puissance civile peut donner son appui à tous ceux qui voudraient quitter l’état religieux qu’ils avaient embrassé et enfreindre leurs vœux solennels ; de même elle peut supprimer complètement ces mêmes communautés religieuses, aussi bien que les églises collégiales et les bénéfices simples, même de droit de patronage, attribuer et soumettre leurs biens et revenus à l’administration et à la volonté de l’autorité civile.
(Alloc. Acerbissimum du 27 septembre 1852; Alloc. Probe memineritis du 22 janvier 1855; Alloc. Cum sæpe du 26 juillet 1855)

LIV. Les rois et les princes, non-seulement sont exempts de la juridiction de l’Église, mais même ils sont supérieurs à l’Église quand il s’agit de trancher les questions de juridiction.
(Lettre apostolique Multiplices inter du 10 juin 1851)

Tous les points de cette section qui traitent de l’autorité civile ayant une autorité ou une compétence supérieure à celle de l’Église sont facilement réfutés par référence aux enseignements sur l’autorité papale dans Lumen Gentium §22, traité plus haut. Il en va de même pour les points qui parlent des dirigeants comme ayant le « droit » d’interférer dans les questions relatives à la Constitution de l’Église (les points quarante-cinq, quarante-six et quarante-neuf à cinquante-quatre). Parmi les points restants, l’erreur au point quarante-sept était l’affirmation selon laquelle le système décrit ci-dessus serait « la » bonne constitution. Il est évident que ce n’est pas le cas et que l’Église n’affirme pas que c’est le cas. Le point quarante-huit soutient une éducation qui se concentre principalement sur l’ordre temporel et non sur l’ordre spirituel. L’Eglise ne soutient pas non plus cette idée ; en effet, elle enseigne que la fonction propre d’une école:

« de créer pour la communauté scolaire une atmosphère animée d’un esprit évangélique de liberté et de charité, d’aider les adolescents à développer leur personnalité en faisant en même temps croître cette créature nouvelle qu’ils sont devenus par le baptême, et finalement d’ordonner toute la culture humaine à l’annonce du salut de telle sorte que la connaissance graduelle que les élèves acquièrent du monde, de la vie et de l’homme, soit illuminée par la foi » (Déclaration Gravissimum Educationis §8).

Il est incontestable que les points quarante-trois à cinquante-quatre sont incontestés, la position de l’Église étant aujourd’hui solidement conforme à celle du bienheureux Pape Pie IX.

LV. L’Église doit être séparée de l’État et l’État séparé de l’Église.
(Alloc. Acerbissimum du 27 septembre 1852)

Certains affirment que cette proposition est affirmée par Vatican II dans la déclaration Dignitatis Humanae (DH). En réalité, ce n’est pas du tout le cas. Pour citer le Catéchisme de l’Eglise Catholique à ce sujet:

2107 « Si, en raison des circonstances particulières dans lesquelles se trouvent des peuples, une reconnaissance civile spéciale est accordée dans l’ordre juridique de la cité à une société religieuse donnée, il est nécessaire qu’en même temps, pour tous les citoyens et toutes les communautés religieuses, le droit à la liberté en matière religieuse soit reconnu et respecté » (DH 6).

Le catéchisme cite mot pour mot DH §6. En parlant davantage au sujet du droit à la liberté religieuse, le Catéchisme fait les clarifications suivantes:

2108 Le droit à la liberté religieuse n’est ni la permission morale d’adhérer à l’erreur (cf. Léon XIII, enc.  » Libertas præstantissimum « ), ni un droit supposé à l’erreur (cf. Pie XII, discours 6 décembre 1953), mais un droit naturel de la personne humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à l’immunité de contrainte extérieure, dans de justes limites, en matière religieuse, de la part du pouvoir politique. Ce droit naturel doit être reconnu dans l’ordre juridique de la société de telle manière qu’il constitue un droit civil (cf. DH 2).

Notez que le Catéchisme cite le magistère pré-conciliaire du Pape Pie VI, la Lettre Encyclique Quanta Cura du bienheureux Pape Pie IX, et la déclaration Dignitatis Humanae de Vatican II dans le même paragraphe, ce qui indique comment chaque source doit être correctement comprise (bien qu’elles pourraient peut être apparaître irréconciliables en surface). La proposition cinquante-cinq du Syllabus est d’un modèle similaire. Par conséquent, la référence aux actions d’un contemporain de l’époque pourrait éclaircir cette proposition et la signification qui lui était donnée:

En 1864, Pie IX avait publié son Syllabus des Erreurs. Parmi les propositions condamnées figurait celle selon laquelle « L’Église doit être séparée de l’État et l’État séparé de l’Église ». L’Archevêque Spalding de Baltimore publia une lettre pastorale dans laquelle il déclarait que le pape avait « évidemment l’intention » d’adresser ses paroles « aux radicaux et aux infidèles Européens », qui cherchaient à saper l’Église. Selon lui, le Premier Amendement est bien différent, puisqu’il établissait « le principe sain et équitable selon lequel le gouvernement civil, s’en tenant strictement à la sphère de ses devoirs politiques, s’engage à ne pas interférer dans les affaires religieuses, qu’il considère à juste titre comme ne relevant pas de sa compétence ». Spalding a distribué sa lettre pastorale non seulement à la hiérarchie Américaine et aux représentants du gouvernement, mais aussi aux représentants Romains, à qui il avait demandé une clarification. S’il ne reçut jamais la clarification qu’il souhaitait, il ne reçut pas non plus de réprimande.

Fr. Gerald P. Fogarty, S.J.: « The Theology of Tradition in the American Church » Part II (c. 1996)

L’archevêque Spalding n’a reçu aucune réprimande de Rome pour son interprétation du point cinquante-cinq du Syllabus où il soulignait que la cible de la condamnation était « les radicaux et les infidèles Européens qui cherchaient à saper l’Église ». Elle ne peut donc pas être considérée en soi comme une condamnation du type de séparation qu’une république constitutionnelle établirait entre l’Église et l’État (Il ne s’agit pas d’une référence à la séparation libérale exagérée qui n’a aucun fondement ni dans la Constitution Américaine elle-même, ni dans les écrits des auteurs de la Constitution). Bien entendu, la charge de la preuve pèse lourdement sur les épaules de ceux qui prétendent que cette proposition a été condamnée aujourd’hui. L’interprétation ci-dessus est raisonnable et va clairement à l’encontre de l’interprétation de cette proposition souvent répétée par ceux qui ne prennent pas la peine d’acquérir une acuité théologique appropriée avant d’attribuer une erreur au magistère de l’Église divinement guidé.


VII. Erreurs concernant la morale naturelle et chrétienne:

LVI. Les lois de la morale n’ont pas besoin de la sanction divine, et il n’est pas du tout nécessaire que les lois humaines se conforment au droit naturel ou reçoivent de Dieu le pouvoir d’obliger.
(Alloc. Maxima quidem du 9 Juin 1862)

LVII. Les sciences philosophiques et morales, de même que les lois civiles, peuvent et doivent être soustraites à l’autorité divine et ecclésiastique.
(Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862)

LVIII. Il ne faut reconnaître d’autres forces que celles qui résident dans la matière, et toute science morale, toute honnêteté doit consister à accumuler et augmenter ses richesses de toute manière, et à se livrer aux plaisirs.
(Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862; Lettre encyclique Quanto confisiamur du 10 août 1863)

LIX. Le droit consiste dans le fait matériel ; tous les devoirs des hommes sont un mot vide de sens, et tous les faits humains ont force de droit.
(Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862)

Pour aborder les points cinquante-six à cinquante-neuf, la Constitution Gaudium et Spes sera citée (§17):

Mais c’est toujours librement que l’homme se tourne vers le bien. Cette liberté, nos contemporains l’estiment grandement et ils la poursuivent avec ardeur. Et ils ont raison. Souvent cependant ils la chérissent d’une manière qui n’est pas droite, comme la licence de faire n’importe quoi, pourvu que cela plaise, même le mal. Mais la vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. Car Dieu a voulu le laisser à son propre conseil [19] pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude. La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure. L’homme parvient à cette dignité lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le choix libre du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s’en procurer réellement les moyens par son ingéniosité. Ce n’est toutefois que par le secours de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut s’ordonner à Dieu d’une manière effective et intégrale. Et chacun devra rendre compte de sa propre vie devant le tribunal de Dieu, selon le bien ou le mal accompli [20].

La première sentence en gras réfute les points cinquante-huit et cinquante-neuf suscités. La dernière phrase en gras réfute le point cinquante-six. Quant au point cinquante-sept, le Concile a déclaré en Lumen Gentium §14 le principe « hors de l’Eglise point de salut »; donc par déduction logique les matières morales sont sujettes à l’autorité ecclésiastique. Ainsi, les condamnations de ces points demeurent soutenues par Vatican II.

LX. L’autorité n’est autre chose que la somme du nombre et des forces matérielles.
(Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862)

LXI. Une injustice de fait couronnée de succès ne préjudicie nullement à la sainteté du droit.
(Alloc. Jamdudum cernimus du 18 mars 1861)

LXII. On doit proclamer et observer ce qu’on appelle le principe de non intervention.
(Alloc. Novos et ante du 28 septembre 1860)

LXIII. Il est permis de refuser l’obéissance aux princes légitimes et même de se révolter contre eux.
(Lettre encyclique Qui pluribus du 9 novembre 1846; Alloc. Quisque vestrum du 4 octobre 1847; Lettre encyclique Noscitis et Nobiscum du 8 décembre 1849; Lettre apostolique Cum catholica du 26 mars 1860)

LXIV. La violation d’un serment, quel que saint qu’il soit, les actions criminelles et honteuses opposées à la loi éternelle, non-seulement ne doivent pas être blâmées, mais elles sont tout-à-fait licites et dignes des plus grands éloges quand elles sont inspirées par l’amour de la patrie.
(Alloc. Quibus quantisque du 29 avril 1849)

Au sujet du point soixante, nous citerons le Catéchisme de l’Eglise Catholique (§1930):

Le respect de la personne humaine implique celui des droits qui découlent de sa dignité de créature. Ces droits sont antérieurs à la société et s’imposent à elle. Ils fondent la légitimité morale de toute autorité : en les bafouant, ou en refusant de les reconnaître dans sa législation positive, une société mine sa propre légitimité morale (cf. PT 65). Sans un tel respect, une autorité ne peut que s’appuyer sur la force ou la violence pour obtenir l’obéissance de ses sujets. Il revient à l’Église de rappeler ces droits à la mémoire des hommes de bonne volonté, et de les distinguer des revendications abusives ou fausses.

Puisqu’une autorité ne tire pas sa légitimité morale d’elle-même, on ne peut dire en aucune manière que le Magistère approuve le précepte soixante. Quant au point soixante-et-un, l’Église catholique enseigne que toute injustice inflige une blessure (voir les sections du catéchisme sur la justice sociale pour un exemple). En aucun cas, le point soixante-et-un ne peut-être affirmé et l’Église n’a au cours de son histoire jamais affirmé de telles choses.

Il n’est pas possible de connaître le contexte de la proposition soixante-deux sans voir le document dont elle est tirée. Mais comme pour les points trente, trente et un, trente-deux et quarante-trois précédents, la charge de la preuve incombe à ceux qui prétendent que l’Église d’aujourd’hui sanctionne les erreurs citées dans les contextes où elles sont citées (après tout, certaines déclarations peuvent avoir une compréhension à la fois orthodoxe et non orthodoxe). L’auteur affirme que les faits énumérés jusqu’à présent dans cet essai devraient être présumés en l’absence de preuves concrètes du contraire. Après tout, le Magistère mérite le bénéfice du doute dans les domaines où les preuves ne sont pas concluantes.

Le point soixante-trois semble être un poncif des « traditionalistes » auto-proclamés qui aujourd’hui professent l’obéissance à la « Rome éternelle » plutôt qu’au Magistère vivant de l’Eglise. Cependant, comme le note le Catéchisme, il peut avoir une interprétation orthodoxe (§1903):

S’il arrive aux dirigeants d’édicter des lois injustes ou de prendre des mesures contraires à l’ordre moral, ces dispositions ne sauraient obliger les consciences.  » En pareil cas, l’autorité cesse d’être elle-même et dégénère en oppression  » (PT 51).

Nous n’avons pas de raison de présumer que le Magistère aujourd’hui comprendrait la proposition soixante-trois dans un sens complètement différent de celui condamné par le bienheureux Pie IX. Le point soixante-quatre est répudié par le Catéchisme de l’Eglise Catholique, qui enseigne en accord avec Pie IX (§1756):

Il est donc erroné de juger de la moralité des actes humains en ne considérant que l’intention qui les inspire, ou les circonstances (milieu, pression sociale, contrainte ou nécessité d’agir, etc.) qui en sont le cadre. Il y a des actes qui par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances et des intentions, sont toujours gravement illicites en raison de leur objet ; ainsi le blasphème et le parjure, l’homicide et l’adultère. Il n’est pas permis de faire le mal pour qu’il en résulte un bien.

Les points soixante, soixante et un et soixante-quatre restent condamnés dans le sens où le Pape les a condamnés (tout comme les points cinquante-six à cinquante-neuf auparavant). Les points soixante-deux et soixante-trois peuvent évidemment faire l’objet d’une interprétation orthodoxe et hétérodoxe. Nous devons bien sûr supposer que l’Église retient l’interprétation orthodoxe de ces points, comme nous devrions le faire pour les points trente, trente et un, trente-deux et quarante-trois. Le reste des points abordés jusqu’à présent peuvent être montrés comme étant conformes à l’esprit du Bienheureux Pape Pie IX.


VIII. Erreurs concernant le mariage chrétien:

LXV. On ne peut établir par aucune raison que le Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

LXVI. Le sacrement de mariage n’est qu’un accessoire du contrat et qui peut en être séparé, et le sacrement lui-même ne consiste que dans la seule bénédiction nuptiale.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

Il est facile de démontrer que les points soixante-cinq et soixante-six sont rejetés par l’Eglise Catholique aujourd’hui en examinant la section du Catéchisme sur le mariage (puisqu’ils impliquent l’appropriation par l’autorité civile de la réglementation du sacrement du mariage – une prérogative de l’Église seule). Voici le lien: https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P4V.HTM

LXVII. De droit naturel, le lien du mariage n’est pas indissoluble, et dans différents cas le divorce proprement dit peut être sanctionné par l’autorité civile.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851; Alloc. Acerbissimum du 27 septembre 1852)

Pour développer cette condamnation davantage, il faut prendre en considération le contexte de l’affirmation. Référons-nous à l’Encyclopédie Catholique sur le sujet:

Aucun catholique ne peut douter que, même selon la loi naturelle, le mariage est en un certain sens indissoluble. La proposition suivante est condamnée dans le Syllabus de Pie IX (Proposition LXVII) […] Le sens de cette condamnation ressort clairement du document d’où elle est tirée. Il s’agit du Bref papal (« Ad apostolicæ sedis fastigium », du 22 août 1851, dans lequel plusieurs ouvrages du professeur J. N. Nuytz, de Turin, et une série de propositions défendues par lui ont été condamnés, comme il est dit expressément, « de Apostolicæ potestatis plenitudine ». […] Cependant, la partie de la proposition condamnée par Pie IX, dans laquelle il est affirmé : « et dans différents cas le divorce proprement dit peut être sanctionné par l’autorité civile », ne doit pas nécessairement être comprise du mariage selon le droit purement naturel, car Nuytz, dont la doctrine a été condamnée, a affirmé que l’État avait cette autorité en ce qui concerne les mariages chrétiens

(Lehmkuhl, A. (1909). Divorce (in Moral Theology). The Catholic Encyclopedia. New York: Robert Appleton Company. http://www.newadvent.org/cathen/05054c.htm )

En d’autres termes, la doctrine du professeur Nuytz soutenait que l’Etat avait le pouvoir de dissoudre les mariages chrétiens. Il se peut que des « traditionalistes » auto-proclamés prétendent que la situation actuelle, où l’Église autorise dans certains cas des divorces civils, s’apparente aux attitudes condamnées dans le Syllabus. Cela ne pourrait être plus éloigné de la vérité puisque l’Etat ne traite que des questions matrimoniales relatives à la loi séculière. Le Catéchisme de l’Eglise catholique indique clairement que les mariages sacramentels sont indissolubles (§1605) :

Nombreux sont aujourd’hui, dans bien des pays, les catholiques qui ont recours au divorce selon les lois civiles et qui contractent civilement une nouvelle union. L’Église maintient, par fidélité à la parole de Jésus Christ ( » Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à l’égard de la première ; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère  » : Mc 10, 11-12), qu’elle ne peut reconnaître comme valide une nouvelle union, si le premier mariage l’était. Si les divorcés sont remariés civilement, ils se trouvent dans une situation qui contrevient objectivement à la loi de Dieu. Dès lors ils ne peuvent pas accéder à la communion eucharistique, aussi longtemps que persiste cette situation. Pour la même raison ils ne peuvent pas exercer certaines responsabilités ecclésiales. La réconciliation par le sacrement de pénitence ne peut être accordée qu’à ceux qui se sont repentis d’avoir violé le signe de l’Alliance et de la fidélité au Christ, et se sont engagés à vivre dans une continence complète.

Nous espérons que cela suffira à calmer l’idée que la proposition soixante-sept du Syllabus ait été en aucune manière affirmée par l’Eglise.

LXVIII. L’Église n’a pas le pouvoir d’établir des empêchements qui diriment le mariage ; mais ce pouvoir appartient à l’autorité séculière, par laquelle les empêchements existants peuvent être levés.
(Lettre apostolique Multiplices inter du 10 juin 1851)

LXIX. L’Église, dans le cours des siècles, a commencé à introduire les empêchements dirimants non par son droit propre, mais en usant du droit qu’elle avait emprunté au pouvoir civil.
(Lettre Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

Il est facile de démontrer que les points soixante-huit et soixante-neuf sont rejetés par l’Eglise Catholique d’aujourd’hui en examinant la section du Catéchisme sur le mariage (Puisqu’ils impliquent l’appropriation par l’autorité civile de la réglementation du sacrement du mariage – une prérogative de l’Église seule). Encore une fois, voici le lien vers le catéchisme : https://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P4V.HTM

LXX. Les canons du Concile de Trente qui prononcent l’anathème contre ceux qui osent nier le pouvoir qu’à l’Église d’apposer des empêchements dirimants ou bien ne sont pas dogmatiques ou bien doivent s’entendre de ce pouvoir emprunté.
5Lettre Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

LXXI. La forme prescrite par le Concile de Trente n’oblige pas, sous peine de nullité, quand la loi civile établit une autre forme à suivre et veut qu’au moyen de cette forme nouvelle le mariage soit valide.
(Lettre Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

En ce qui concerne les points 70 et 71, le Catéchisme, en réaffirmant les enseignements de Vatican II, a enseigné la pleine et suprême autorité du Pontife romain. Cela est en soi conforme aux condamnations des points soixante-dix et soixante et onze.

LXXII. Boniface VIII a le premier déclaré que le vœu de chasteté prononcé dans l’ordination rend le mariage nul.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

En ce qui concerne le point 72, l’Église a enseigné et continue d’enseigner qu’elle peut établir des empêchements à un mariage valide. On peut supposer que l’erreur dans le point ci-dessus concernant Boniface VIII était liée à l’époque où l’empêchement a été établi. Même si ce n’est pas le cas, où l’Église a-t-elle affirmé depuis Vatican II ce que le bienheureux pape Pie IX a condamné au point soixante-douze ?

LXXIII. Par la force du contrat purement civil, un vrai mariage peut exister entre chrétiens ; et il est faux, ou que le contrat de mariage entre chrétiens soit toujours un sacrement, ou que ce contrat soit nul en dehors du sacrement.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851; Lettre de S. S. Pie IX au roi de Sardaigne du 9 septembre 1852; Alloc. Acerbissimum du 27 septembre 1852; Alloc. Multis gravibusque du 17 décembre 1860)

LXXIV. Les causes matrimoniales et les fiançailles, par leur nature propre, appartiennent à la juridiction civile.
(Lettre apostolique Ad Apostolicæ du 22 août 1851; Alloc. Multis Acerbissimum du 27 septembre 1852)

Il est facile de démontrer que les points soixante-treize et soixante-quatorze sont rejetés par l’Eglise Catholique aujourd’hui en examinant la section du Catéchisme sur le mariage (puisqu’ils impliquent l’appropriation par l’autorité civile de la réglementation du sacrement du mariage – une prérogative de l’Église seule). Le lien vers le Catéchisme a été posté deux fois précédemment, donc inutile de le répéter. En bref, les points soixante-cinq à soixante et onze et soixante-treize à soixante-quatorze peuvent être montrés comme étant en accord avec les enseignements de Vatican II (puisque ni le Concile ni les papes depuis le Concile n’ont affirmé de quelque manière que ce soit ce que le Bienheureux Pape Pie IX a condamné). Quant au point soixante-douze, ceux qui prétendent que le Syllabus a été contesté ont la charge de prouver qu’il a été affirmé par Vatican II ou par le magistère papal post-Concile.


IX. Erreurs sur le principat civil du Pontife Romain

LXXV. Les fils de l’Église chrétienne et catholique disputent entre eux sur la compatibilité de la royauté temporelle avec le pouvoir spirituel.
(Lettre Ad Apostolicæ du 22 août 1851)

LXXVI. L’abrogation de la souveraineté temporelle dont le Saint-Siège est en possession, servirait, même beaucoup [au plus haut degré en anglais], à la liberté et au bonheur de l’Église.
(Alloc. Quibus quantisque du 20 avril 1849)

Le point soixante-quinze fait probablement référence à l’affirmation selon laquelle il n’y a pas de compatibilité entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel (un point que l’Eglise continue de nier à ce jour en continuité avec le jugement du bienheureux Pape Pie IX). Quant au point soixante-seize, tant que les mots en majuscules ne sont pas affirmés, la déclaration peut être affirmée sans crainte de censure. N’oubliez pas que les condamnations sont formulées avec précision. Cependant, même en supprimant les mots en majuscules, il serait très difficile (si tant est que cela soit possible) de prouver que l’Église a enseigné l’affirmation. Et en ce qui concerne l’affirmation condamnée en elle-même, cet auteur ne peut penser à aucun document du Magistère qui l’ait jamais affirmée. Comme il n’est pas possible de prouver définitivement que les points soixante-quinze et soixante-seize ont été renversés par le Magistère depuis le Concile ou au Concile, le catholique fidèle ne présumerait pas a priori qu’ils l’ont été sans une preuve substantielle. Notre mère l’Eglise mérite le bénéfice du doute dans toute situation où un jugement particulier la place sous un mauvais jour. Et l’affirmation selon laquelle le Magistère depuis le Concile a contredit le Syllabus des erreurs est certainement une affirmation qui devrait recevoir une preuve substantielle provenant de sources citées dans leur contexte et non de courtes bribes dans le but explicite de promouvoir un programme de rébellion contre l’Église du Dieu vivant.


X. Erreurs qui se rapportent au libéralisme moderne

LXXVII. À notre époque, il n’est plus expédient que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion de l’État, à l’exclusion de tous les autres cultes.
(Alloc. Nemo vestrum du 26 juillet 1855)

Le point soixante-dix-sept est difficile à affirmer étant donné que les formes républicaines de gouvernement sont plus répandues aujourd’hui. A Vatican II, dans la Déclaration Dignitatis Humanae (DH), l’Église a déclaré ce qui suit au sujet du devoir moral des hommes et des sociétés envers la vraie religion (c’est-à-dire le Catholicisme) :

Or, puisque la liberté religieuse, que revendique l’homme dans l’accomplissement de son devoir de rendre un culte à Dieu, concerne l’exemption de contrainte dans la société civile, elle ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle au sujet du devoir moral de l’homme et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ. En outre, en traitant de cette liberté religieuse, le saint Concile entend développer la doctrine des Souverains Pontifes les plus récents sur les droits inviolables de la personne humaine et l’ordre juridique de la société.

Puisque la doctrine traditionnelle sur le devoir moral des hommes et des sociétés envers la vraie religion a été expressément déclarée intacte, il est impossible que le Concile ait approuvé une contradiction dans l’enseignement des papes, à savoir la condamnation telle qu’elle a été adoptée au point soixante-dix-sept. Depuis que cette erreur a souvent été promue par des factions « traditionalistes » renégates, l’auteur n’a pu trouver l’Allocution citée en référence pour en vérifier le contexte, et il s’en remettra au témoignage d’un contemporain de l’époque. Ici, l’explication du grand théologien et Cardinal John Henry Newman dans sa Lettre au Duc de Norfolk sera citée en référence, car Newman s’est exprimé sur ce thème :

Lorsque nous nous penchons sur l’Allocution, qui est le motif de son insertion dans le Syllabus, qu’y trouvons-nous ? Premièrement, que le pape parlait, non pas des États de manière universelle, mais d’un État en particulier, l’Espagne, définitivement l’Espagne ; deuxièmement, qu’il ne notait pas la proposition erronée directement ou catégoriquement, mais qu’il protestait contre la violation à bien des égards du Concordat de la part du gouvernement espagnol ; d’autre part, qu’il ne se référait à aucun ouvrage contenant ladite proposition, ni n’envisageait aucune proposition du tout ; ni, d’autre part, n’utilisait aucun mot de condamnation quel qu’il soit, ni n’employait de termes plus sévères du gouvernement en question qu’une expression de « son étonnement et de sa détresse ». Et encore une fois, si l’on prend la remontrance du Pape telle qu’elle est, est-ce une grande cause de plaintes pour les anglais, qui ont été si sévères ces derniers temps dans leur législation à l’égard des unitariens, des catholiques, des incroyants et autres, que le Pape ne pense tout simplement pas qu’il soit opportun pour chaque Etat à partir d’aujourd’hui de tolérer toute sorte de religion sur son territoire, et de désétablir l’Église d’un seul coup ? car c’est tout ce qu’il nie. Comme dans le cas de la section précédente, il ne fait que nier un universel, ce que la « proposition erronée » affirme sans aucune explication.

Cela suffit à réfuter l’idée que le point soixante-dix-sept est en désaccord avec Vatican II ou le magistère papal post-Concile.

[NdT. voir aussi la réponse de la CDF au sujet de cette proposition]

LXXVIII. Aussi est-ce avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s’y rendent y jouissent de l’exercice public de leurs cultes particuliers.
(Alloc. Acerbissimum du 27 septembre 1852)

En traitant le point soixante-dix-huit, il convient de faire une distinction entre la tolérance du mal et le droit du mal à exister en tant que tel. L’erreur n’a pas de droits en soi. Cependant, les personnes dans l’erreur ont le droit de ne pas voir leur conscience violée en étant contraintes d’agir contre elle. Il y a aussi la question importante de la loi dans les pays catholiques. Il s’agit donc d’une injonction à l’encontre de l’autorité civile d’une nation Catholique. L’erreur présume que dans un pays Catholique, il est raisonnable [sage en anglais] de promulguer des lois civiles pour déclarer que les non-Catholiques peuvent exercer publiquement leur religion. Vatican II, en ce qui concerne la liberté religieuse, traitait du droit des individus à ne pas être contraints dans la pratique de leur religion, à condition qu’ils ne troublent pas l’ordre public. Voici comment l’ordre public a été défini par DH (§7):

C’est dans la société humaine que s’exerce le droit à la liberté en matière religieuse, aussi son usage est-il soumis à certaines normes qui le règlent.

Dans l’usage de toute liberté doit être observé le principe moral de la responsabilité personnelle et sociale : la loi morale oblige tout homme et groupe social à tenir compte, dans l’exercice de leurs droits, des droits d’autrui, de leurs devoirs envers les autres et du bien commun de tous. À l’égard de tous, il faut agir avec justice et humanité.

En outre, comme la société civile a le droit de se protéger contre les abus qui pourraient naître sous prétexte de liberté religieuse, c’est surtout au pouvoir civil qu’il revient d’assurer cette protection ; ce qui ne doit pas se faire arbitrairement et en favorisant injustement l’une des parties, mais selon des normes juridiques, conformes à l’ordre moral objectif, qui sont requises par l’efficace sauvegarde des droits de tous les citoyens et l’harmonisation pacifique de ces droits, et par un souci adéquat de cette authentique paix publique qui consiste dans une vie vécue en commun sur la base d’une vraie justice, ainsi que par la protection due à la moralité publique. Tout cela constitue une part fondamentale du bien commun et entre dans la définition de l’ordre public.

La distinction entre les deux est finement tracée. Le Concile Vatican II a été très limité dans sa promotion de la liberté religieuse et n’a pas contesté les enseignements du magistère papal sur ces questions au cours des époques précédentes. Le père Brian W. Harrison a traité de ce sujet dans ses écrits et il est conseillé au lecteur de s’y rendre pour un exposé beaucoup plus détaillé de la question s’il le souhaite. Ceux qui refusent de le faire et qui continuent à propager ce genre de calomnies devront répondre devant Dieu de leur participation au partage des vêtements du Christ par tirage au sort (Matthieu 27:35 ; Marc 15:24 ; Luc 23:34 ; Jean 19:23-24).

[NdT. voir aussi la réponse de la CDF au sujet de cette proposition]

LXXIX. En effet il est faux que la liberté civile de tous les cultes, et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l’esprit, et propagent la peste de l’Indifférentisme.
(Alloc. Nunquam fore du 15 décembre 1856)

En développant le point soixante-dix-neuf, pour évaluer le sitz im leben de la condamnation, il est important de réitérer un principe herméneutique important à l’œuvre ici. Le caractère absolu de ces interdictions doit être pris en compte par le lecteur pour une examiner précisément ce qui est énoncé. Premièrement, « tous les cultes » est ridiculement large et pourrait inclure non seulement un groupe ecclésial Protestant tel que les presbytériens, mais aussi le cannibalisme. « Tous les cultes » est une expression aussi large et il est évident que, prise dans cette mesure, elle serait fausse et donc condamnée à juste titre. Mais est-ce ce que Vatican II a vraiment dit ? Les objections des « tradis » à une prétendue contradiction de ce précepte seraient presque certainement basées sur une incongruité perçue du Syllabus avec la Déclaration Dignitatis Humanae (DH). Il convient donc d’examiner le contexte et les objectifs du document lui-même.

On pourrait dire que DH affirme que la dignité humaine des non-catholiques leur donne un droit a priori à être laissés libres par les autres êtres humains d’exercer une activité qui pourrait bien être subjectivement méritoire aux yeux de Dieu. Certainement nous devons présumer que les non-catholiques sont motivés par un sentiment d’obéissance à Dieu tout-puissant, aussi mal informés qu’ils puissent être (puisqu’il serait contraire à la charité de présumer a priori le contraire). La norme traditionnelle du droit public, telle qu’elle était souvent défendue par les théologiens avant Vatican II, affirmait que la diffusion publique de l’erreur religieuse dans les pays majoritairement catholiques était considérée comme une menace suffisamment sérieuse au bien commun pour justifier une répression légale. Une interprétation de l’enseignement préconciliaire sur ce thème communément soutenue peut être résumée dans la déclaration suivante de l’archevêque Marcel Lefebvre :

Il est assez évident que de soi, au simple titre de leur religion erronée, les adeptes de celle-ci ne jouissent d’aucun droit naturel à l’immunité. Laissez-moi illustrer cette vérité par un exemple concret. Si jamais l’envie vous prenait d’empêcher la prière publique d’un groupe de musulmans dans une rue, ou même de troubler leur culte dans une mosquée, vous pécheriez éventuellement contre la charité et assurément contre la prudence, mais vous ne causeriez à ces croyants aucune injustice. (Ils l’ont découronné)

Vatican II a enseigné qu’il y aurait une injustice dans un tel traitement à moins que les musulmans susmentionnés (dans l’exemple de Lefebvre) ne perturbent l’ordre public. Saint Thomas d’Aquin, dans sa Summa Theologica, résumait la position de l’archevêque – et celle de nombreux, sinon de la plupart des « traditionalistes » auto-proclamés – dans les objections suivantes (Le sujet : si la loi humaine doit réprimer tous les vices) :

Objections :

1. Il semble qu’il appartienne à la loi humaine de réprimer tous les vices. Saint Isidore dit en effet : « Les lois sont faites pour que, par la crainte qu’elles inspirent, l’audace soit réprimée. » Or cette audace ne serait pas efficacement réprimée si tout mal n’était pas refréné par la loi. La loi humaine doit donc réprimer tout mal.

2. L’intention du législateur est de rendre les citoyens vertueux. Mais l’on ne peut être vertueux si l’on ne maîtrise pas tous les vices. Donc il appartient à la loi humaine de réprimer tous les vices.

3. La loi humaine dérive de la loi naturelle, on l’a dit. Or tous les vices s’opposent à la loi naturelle. Donc la loi humaine doit réprimer tous les vices.

Avant que le lecteur présume que Saint Thomas avait soutenu les prétentions de l’Archevêque, il faudrait noter quelles étaient ses réponses aux objections sus-citées. Citons encore la Summa:

Solutions :

1.L’audace se réfère à l’attaque d’autrui. Aussi concerne-t-elle surtout ce genre de fautes par lesquelles on fait tort au prochain ; précisément ce genre de fautes est prohibé par la loi humaine, nous venons de le dire.

2. La loi humaine a pour but d’amener les hommes à la vertu, non d’un seul coup mais progressivement. C’est pourquoi elle n’impose pas tout de suite à la foule des gens imparfaits ce qui est l’apanage des hommes déjà parfaits : s’abstenir de tout mal. Autrement les gens imparfaits, n’ayant pas la force d’accomplir des préceptes de ce genre, tomberaient en des maux plus graves, selon les Proverbes (30, 33) : « Qui se mouche trop fort, fait jaillir le sang. » Et il est dit dans saint Matthieu (9, 17) que « si le vin nouveau », c’est-à-dire les préceptes d’une vie parfaite, « est mis dans de vieilles outres » c’est-à-dire en des hommes imparfaits, « les outres se rompent et le vin se répand », c’est-à-dire que les préceptes tombent dans le mépris, et par le mépris les hommes tombent en des maux plus graves.

3. La loi naturelle est une sorte de participation de la loi éternelle en nous ; mais la loi humaine est imparfaite par rapport à la loi éternelle. Saint Augustin l’exprime nettement : « Cette loi qui est portée pour régir les cités tolère beaucoup de choses et les laisse impunies, alors que la providence divine les châtie. Mais parce qu’elle ne réalise pas tout, on ne peut dire pour autant que ce qu’elle réalise soit à réprouver. »

Il ne semble pas pour l’auteur que l’archevêque Lefebvre et d’autres « traditionalistes » auto-proclamés qui pensent comme lui soient en accord avec les opinions du Docteur Angélique sur ce sujet. Mais adoptons une approche légèrement différente. Ne prenons pas l’exemple fourni par l’Archevêque, mais un exemple un peu plus personnel. Plutôt que de perturber arbitrairement le culte des musulmans dans une mosquée (ce qui serait contraire à la logique du Docteur Angélique, comme indiqué ci-dessus), examinons la déclaration de l’archevêque à un niveau personnel. Si en effet il « est assez évident que de soi, au simple titre de leur religion erronée, les adeptes de celle-ci ne jouissent d’aucun droit naturel à l’immunité », alors le père qui élève son fils dans l’erreur objective n’aurait pas le droit d’être libre de toute coercition en le faisant. L’auteur ne voit pas en quoi la déclaration de l’Archevêque à un niveau personnel n’équivaudrait pas à cette même proposition. Après tout, si l’islam est une fausse religion, alors le père proposé ne jouirait pas d’un droit naturel à l’immunité contre la coercition d’autrui dans la manière dont il élève son enfant (car après tout, l’erreur n’a aucun droit.) Mais dans la Summa theologica, Saint Thomas nie explicitement le droit des dirigeants chrétiens d’enlever des enfants juifs ou musulmans à leurs parents afin de les sauver d’un faux enseignement religieux (cf. Summa Theologiae, II-II, q. 10, art. 12). Cet enseignement implique la distinction entre le droit de faire quelque chose et le droit à l’immunité contre toute interférence humaine dans cette chose. [NdT. voir aussi la démonstration limpide du Père Valuet]

Ceux qui s’opposent à la liberté religieuse pourraient prétendre que, dans ces injonctions, Saint Thomas ne défendait pas une liberté religieuse aussi large que celle de Vatican II étroitement définie en DH. Cependant, ils enfonceraient ici une porte ouverte, car toute une série d’ « objections » pourraient être formulées quant à ce que le Docteur Angélique ou tout autre théologien de haute réputation des temps anciens aurait pu penser de sujets qui ont été décidés à des périodes ultérieures de l’histoire (dans des conditions avec lesquelles ils n’étaient même pas familières). À l’époque de Saint Thomas, l’Eglise Catholique était la foi principale de la chrétienté occidentale. Cependant, il ne reconnaissait toujours pas qu’on puisse violer le droit d’un parent d’instruire ses enfants – même si ce parent instruisait ses enfants dans des croyances non-Catholiques. De même, le Docteur Angélique n’a pas approuvé la notion selon laquelle la loi humaine devrait réprimer tous les vices. Il s’agit d’un pas dans la direction de la liberté religieuse telle qu’elle est comprise par Vatican II et qui n’est certainement pas en désaccord avec elle. Cependant, il semblerait que cela ne soit pas conforme à la manière dont l’archevêque Lefebvre et d’autres « traditionalistes » (auto-proclamés bien sûr) ont exposé la croyance « traditionnelle » des papes d’avant Vatican II.

Il n’y a pas de contradiction entre l’enseignement DH et les papes préconciliaires et seule une interprétation non-traditionnelle rigoriste des documents magistériels préconciliaires sur ce sujet pourrait fabriquer une telle contradiction. À la lumière des observations susmentionnées, seule la personne la plus ignorante théologiquement ou la plus partisane oserait prétendre que le point 79 a été contredit par le Magistère, que ce soit à Vatican II ou depuis ce dernier par le Magistère papal. Cela nous amène au point quatre-vingt, mais passons d’abord en revue les soixante-dix-neuf points précédents.

On peut démontrer sans aucun doute, à l’exception des points trente, trente et un, trente-deux, quarante-trois, soixante, soixante et un, soixante-deux et soixante-douze, que le Syllabus des erreurs n’est pas contredit par Vatican II ni par le Magistère postconciliaire. Ces exceptions sont des points qui sont trop vagues pour pouvoir être affirmés ou réfutées d’emblée. Par conséquent, à moins de posséder les documents cités (pour en vérifier le contexte), ces condamnations doivent être présumées comme également soutenues. Toute personne qui n’accorderait pas le bénéfice du doute à l’Église sur cette question n’est pas du tout un enfant fidèle, mais plutôt un enfant rebelle qui cherche n’importe quelle excuse pour ne pas obéir. Si les parents de l’ordre temporel ont le droit de châtier leurs enfants pour désobéissance flagrante, il en va de même pour notre Mère l’Eglise dans l’ordre spirituel (à travers les censures, suspensions excommunications, et semblables). Les points précédents, de la première à la soixante-dix-neuvième, peuvent être résumés avec précision dans la proposition quatre-vingt, que nous allons maintenant aborder.

LXXX. Le Pontife Romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne.
(Alloc. Jamdudum du 18 mars 1861)

Ce point sera traité avec une autre référence à la lettre au Duc de Norfolk du vénérable Cardinal John Henry Newman à propos du Syllabus des Erreurs:

Une autre des « rigoureuses condamnations » de M. Gladstone (sa 18e) est le refus par le pape de la proposition selon laquelle « le pontife romain peut et doit s’accommoder du progrès, du libéralisme et de la nouvelle civilisation ». J’en viens à l’Allocution du 18 mars 1861, et je n’y trouve aucune condamnation formelle de cette proposition. L’Allocution est un long argument selon lequel les partis en mouvement dans ce Progrès, ce Libéralisme et cette Nouvelle Civilisation, en font un usage si grave au détriment de la Foi et de l’Eglise, qu’il est à la fois hors du pouvoir et contraire au devoir du Pape de s’y soumettre. Ces dirigeants ne seraient pas non plus différents de lui ici ; il est certain que dans ce pays, le cri commun est que le libéralisme est et sera la destruction du pape, et ils le souhaitent et le veulent ainsi. Cette allocution sur le sujet est à la fois belle, digne et touchante : et je ne peux concevoir comment M. Gladstone devrait faire de la rigueur sa seule caractéristique de ces condamnations, surtout quand, après tout, il n’y a ici aucune condamnation du tout.

Notez qu’il n’est dit nulle part que le Pontife romain ne pouvait pas, dans un degré limité, accepter les domaines énumérés ci-dessus. Et comme il n’y a pas eu de condamnation formelle de la proposition dans l’Allocution référencée, les « traditionalistes » auto-proclamés ne peuvent pas s’en servir comme d’un bâton pour fouetter Vatican II. Quatre-vingt-dix pour cent de ces condamnations (soixante-douze d’entre elles) sont facilement démontrables comme étant toujours maintenues par l’Église aujourd’hui. Les huit autres ne peuvent être ni affirmées ni niées sur la base des maigres preuves du contenu du Syllabus lui-même. Il devrait être douloureusement évident que les « traditionalistes » auto-proclamés qui prétendent que le Syllabus des Erreurs a été contredit ou aboli n’ont pas la moindre idée de ce dont ils parlent. Mais il ne s’agit pas là d’un fait exceptionnel, loin de là. C’est en fait un point amplement démontré dans de nombreux écrits sur le web – peut-être avec plus de détails systématiques dans le traité de l’auteur intitulé A Prescription Against ‘Traditionalism’ (Une ordonnance contre le ‘traditionalisme’).

Autant que cela touche au Syllabus des erreurs, espérons que l’idée insensée selon laquelle il a été contredit sera définitivement calmée chez ceux qui ont lu cet essai et qui sont de bonne volonté. Pour tous les autres, l’auteur ne peut que recommander la prière et le jeûne pour chasser les démons de dissidence (Matt. 17:14-20 ; Marc 9:13-28 ; Luc 9:37-43).

Dédié au bienheureux Pie IX et au bienheureux pape Jean XXIII d’éternelle mémoire

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