Ceci est une traduction remaniée des articles rédigés par Matt1618 sur le site matt1618.freeyellow.com:
DID ANY CHURCH FATHERS TEACH SOLA FIDE? RESPONSE TO A CHALLENGE
DID ANY CHURCH FATHERS TEACH SOLA FIDE? RESPONSE TO A CLAIM

Sommaire:
- St Clément de Rome
- St Ignace d’Antioche
- St Justin Martyr
- Origène
- L’Épître à Diognète
- St Cyprien de Carthage
- St Hilaire de Poitiers
- St Athanase d’Alexandrie
- St Basile de Césarée
- Ambrosiaster
- St Ambroise de Milan
- St Jean Chrysostome
- St Jérôme de Stridon
- St Augustin
- Théodore de Mopsueste
- St Cyrille d’Alexandrie
- Théodoret de Cyr
- St Bède le Vénérable
- St Bernard de Clairvaux
- St Thomas d’Aquin
La Confession de foi de Westminster, la Sola Fide, la Sola Scriptura, et Conclusion
Introduction
J’ai affirmé dans un email adressé à un Protestant que personne ne croyait en la Sola Fide, ou en le salut par la foi seule pendant 15 siècles. Celui-ci m’a répondu en montrant certaines citations de différents Pères de l’Eglise qui selon lui, démontraient que certains croyaient effectivement en la Sola Fide, au moins d’une certaine façon, même quand ils n’ont pas écrit aussi clairement sur le sujet que l’ont fait Calvin ou Luther au XVIème siècle. J’ai fait quelques recherches sur ces Pères individuels et je suis arrivé à la conclusion qu’absolument aucun d’entre eux ne croyait en la Sola Fide ou quelque chose qui s’en rapproche. David King est un défenseur de la position Protestante de la Sola Fide, ou de la justification par la Foi Seule. Sur l’ancien forum de Steve Ray, une autre personne en accord avec lui avait posté un essai dans lequel King affirmait que la position de la Sola Fide n’avait pas surgi au cours de la « Réforme » du XVIème siècle, mais trouvait son précédent dans beaucoup de Pères de l’Eglise. Je ne crois pas qu’il y eut des défenseurs de quelque chose d’approximativement semblable à la Sola Fide dans le sens Protestant. Ici je répondrai aussi aux arguments de King, et j’examinerai les citations des Pères [NdT. et autres importants auteurs], ainsi que les commentaires de King. Merci à Shawn McElhinney, Apolonio, et Joe Gallegos, qui m’ont aidé pour certaines citations.
En répondant aux commentaires de King, je reconnaîtrai que des Pères individuels ont utilisé l’expression « foi seule », mais je nie que leur usage de cette expression signifie qu’ils défendent la « Sola Fide » au sens Protestant. J’articulerai mes raisons dans mon analyse et donnerai un commentaire de ces mêmes Pères pour montrer qu’il est impossible de lire en eux la Sola Fide avec une théologie Protestante, même quand ils auraient peut-être utilisé l’expression ‘sola fide’. Quand les Pères parlent de foi dans la justification, ils ne voient jamais cette foi en opposition avec les bonnes oeuvres dans la grâce. Ils ne voient jamais la foi comme l’unique instrument du salut, comme le font les défenseurs protestants de la Sola Fide. Ici les Pères eux-mêmes énonceront les raisons pour lesquelles ils ne croient pas en une justification déterminée par la foi seule (au sens Protestant). De plus, dans cet examen, nous verrons que les preuves à notre disposition détruisent au passage l’idée que les Pères aient adopté un concept de la Sola Scriptura dans le sens où les Calvinistes l’entendent, notamment dans la Confession de Foi de Westminster. Et ce, sans toucher spécifiquement aux mentions d’autorité de la tradition ou du magistère. J’expliquerai également ceci à la fin de mon examen.
David King écrit: « Regardons certains supports patristiques pour la « Sola Fide » (qui est davantage supportée par le vaste corpus de preuves Scripturaires) » […] « Dans son commentaire sur Romains, Fitzmyer note que Luther n’était pas le seul à invoquer « sola fide » dans sa traduction de Romains. »
Je nie qu’il y ait des preuves Scripturaires pour la Sola Fide mais c’est une autre question. Que quelqu’un ait vraiment traduit Rom. 3:28 avec l’expression « foi seule » est hors de propos. La question est de savoir si les Pères, quand ils ont fait cette traduction, avaient en tête l’exclusion des oeuvres réalisées dans la grâce, ou des sacrements, comme étant déterminants pour le salut. King note qu’il tient des preuves de Joseph Fitzmyer, qui ne considère pourtant pas que la « foi seule » telle que l’interprétait Luther est vraie. Fitzmyer ne s’accorde pas à dire qu’un quelconque Père ait cru en la Sola Fide dans le sens promu par Luther ou Calvin. Il semble clair que King détourne sa pensée. Si des Pères avaient traduit Romains 3:28 par « Sola Fide », ils ne l’avaient certainement pas fait en prêtant à ce verset l’interprétation de Luther. Ils ne l’ont jamais interprété d’une manière à exclure le fait que les oeuvres ancrées dans la grâce soient déterminantes dans le salut d’un homme. Ainsi, s’ils traduisaient effectivement Rom. 3:28 par « foi seule », ils n’avaient certainement pas impliqué quelque chose de proche de la signification que Luther lui a donnée.
En bref, la position Protestante au sujet de la Sola Fide, ou du moins la Sola Fide dans le sens entendu par King, est celle selon laquelle quelqu’un est justifié par la foi comme l’unique instrument de justification. Certes, dans la justification, la sainteté de quelqu’un en est nécessairement un produit, selon les défenseurs de la Sola Fide comme King, mais cette sainteté ne peut jamais être une raison pour cette justification. De leur point de vue, quelqu’un est déclaré juste quand la parfaite justice du Christ est appliquée à son compte, dans un sens légal. Dieu punit Jésus pour nos péchés, et Jésus est lui-même fait pécheur afin d’être puni par Dieu en toute justice. La justice parfaite de Jésus est appliquée à notre compte, indépendamment de nos propres actions. Les bonnes oeuvres s’en suivront, mais uniquement comme un produit et une preuve du fait que l’on soit vraiment justifié. Dans cette théologie, les bonnes oeuvres et la sanctification ne sont en aucun cas des raisons pour notre justification. Nous le verrons plus bas lorsque je donnerai des extraits de la Confession de Foi de Westminster, avec sa déclaration sur la justification. Les sacrements ne sont pas une cause de justification (bien que les Luthériens et d’autres Protestants acceptent la régénération baptismale, ils rejettent cinq sacrements auxquels les Catholiques s’attachent, et nient que l’Eucharistie soit un sacrifice pour le pardon des péchés). On ne peut pas perdre son salut en commettant des actions pécheresses (bien que les Luthériens croient que l’on puisse perdre son salut en cessant de croire), si quelqu’un est véritablement sauvé. C’est ce que les Calvinistes (ainsi que les Luthériens) comme David King croient à propos de la justification. Nous verrons que les Pères n’ont pas adopté de telles opinions sur la justification, même si certains ont bien utilisé l’expression « foi seule ».
Une chose à noter est que dans le Protestantisme, à travers la Sola Scriptura, beaucoup de groupes différents affirment suivre la Sola Fide, la justification par la foi seule. Dans cette réponse je me focalise sur les défenseurs de la Sola Fide comme King, du camp « réformé », et les Luthériens. Il est vrai qu’il y a des différences majeures entre eux sur la régénération baptismale et sur la question de savoir si quelqu’un peut perdre son salut en cessant de croire. Cependant, en tant que pionniers de la rébellion contre l’Eglise du Christ, ils considéraient que la justification était une question fondamentale sur laquelle leur église se fondait, et celle-ci est à la racine de beaucoup de controverses entre Catholiques et Protestants. C’est pourquoi j’ai pensé qu’il serait plus approprié d’aborder les prétentions de ceux qui promeuvent cette version particulière de la Sola Fide, étant donné que Luther et Calvin en étaient les défenseurs originels. Il y a des Protestants qui pourraient être en désaccord avec Calvin et Luther tout en pensant suivre la foi seule, mais s’approchant en fait davantage de la sotériologie Catholique que de Calvin et Luther. Je ne réponds pas à ces gens-là. La question est celle de ce que Luther a dit et sur laquelle son église s’est fondée. Je ne parlerai pas ici des opinions de Protestants qui penseraient que Luther et Calvin avaient tort, malgré leur prétention à garder la Sola Fide. Examinons à présent ces commentaires.
St Clément de Rome
[…] si nous sommes justifiés, ce n’est point par nous-mêmes, ni à raison de notre sagesse, de notre intelligence ou de notre piété, ni par aucune œuvre sainte, faite avec un cœur pur, mais par la foi dont le Dieu tout-puissant s’est toujours servi pour justifier tous ceux qu’il a sauvés. […]
Qu’est-ce que le Pape Clément a voulu dire par « foi »? Et si nous lisions cette phrase en contexte? Voici ce que le Pape Clément de Rome écrit dans son Épître aux Corinthiens (Texte établi par M. de Genoude, Sapia, 1837 (Tome premier, p. 107-141)):
[Chap. XXX, numérotation de Schaff] Puisque nous sommes le partage du Dieu saint, il faut que toutes nos actions tendent à la sainteté ; dès lors loin de nous la médisance, l’impureté, l’excès du vin, l’arrogance, toute passion honteuse, l’adultère si odieux, l’orgueil si détestable. « Car Dieu, dit l’Écriture, résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles. » Lions-nous étroitement à ceux que Dieu remplit de sa grâce ; que la paix soit comme notre vêtement ; soyons humbles, chastes, attentifs à éviter tout murmure, toute médisance ; justes en œuvres et non pas seulement en paroles. « Car, dit l’Écriture, celui qui parle beaucoup écoutera à son tour. » La multitude des paroles prouve-t-elle qu’on est juste ? L’homme, né de la femme, a une vie très-courte : ne la perdez pas dans la multitude des paroles. Plaçons notre gloire dans le Seigneur ; ce n’est pas de nous qu’elle doit sortir, Dieu déteste celui qui se loue lui-même. Laissons aux autres le soin de rendre témoignage à nos bonnes œuvres, ainsi qu’il fut rendu à nos pères, ces hommes si justes. La témérité, l’arrogance, l’audace, caractérisent ceux que Dieu rejette loin de lui ; tandis que la modération, l’humilité, la douceur, sont le partage de ceux qu’il a bénis.
[Chap. XXXI] Recherchons avant tout cette bénédiction sainte, et voyons quel est le moyen de l’obtenir ; rappelons dans notre esprit ce qui s’est passé dès les premiers jours. Pourquoi notre père Abraham a-t-il été béni ? N’est-ce point à cause des œuvres de justice et de vérité qu’il a faites par la foi ? Isaac, plein de confiance dans ce qui devait arriver, s’offrit volontairement en sacrifice. Jacob, humblement soumis, sort de son pays pour échapper à son frère, se retire chez Laban, devient son serviteur, et les douze sceptres d’Israël sont remis entre ses mains.
[Chap. XXXII] Interrogez les faits séparément et avec attention ; alors vous comprendrez toute l’étendue des dons que Dieu a répandus sur nous par ce patriarche : De lui sont sortis les prêtres et les lévites qui servent devant l’autel du Seigneur ; de lui est né, selon la chair, le Seigneur Jésus ; de lui sont descendus les rois, les princes, les chefs du peuple, par la tribu de Juda ; et les autres tribus, dont il est aussi la tige, n’ont pas été sans gloire. Dieu lui avait fait cette promesse : « Ta race sera aussi nombreuse que les étoiles du ciel. » Toutefois ces saints patriarches n’ont acquis tant de gloire et de grandeur, ni par eux-mêmes, ni par leurs œuvres, ni par tout le bien qu’ils ont pu faire, mais par la volonté de Dieu seul. Et nous aussi, appelés à la connaissance de Jésus-Christ, grâce à cette même volonté, si nous sommes justifiés, ce n’est point par nous-mêmes, ni à raison de notre sagesse, de notre intelligence ou de notre piété, ni par aucune œuvre sainte, faite avec un cœur pur, mais par la foi dont le Dieu tout-puissant s’est toujours servi pour justifier tous ceux qu’il a sauvés. À lui la gloire dans tous les siècles !
[Chap. XXXIII] Que ferons-nous donc, mes frères ? Faut-il pour cela cesser de faire le bien, abandonner les œuvres de charité ? Jamais Dieu ne l’approuverait. Portons-nous, au contraire, avec zèle et ardeur à tous les genres de bonnes œuvres. Est-ce que le divin ouvrier, le maître de toutes choses, ne s’applaudit pas lui-même dans ses œuvres ? Les cieux ont été affermis par sa suprême et souveraine puissance, et embellis par son incompréhensible sagesse. Il a séparé la terre de l’eau qui l’environne ; il l’a consolidée comme une tour inébranlable, en lui donnant pour base sa volonté ; et tous les animaux qui s’y trouvent ont reçu de lui l’ordre de l’habiter. Sa puissance a creusé le lit de la mer, et renfermé dans son sein tous les poissons qu’elle nourrit et qui auparavant avaient reçu de lui la vie. De ses mains pures et saintes il a formé l’homme, son chef-d’œuvre, supérieur à toutes les créatures par l’intelligence, l’empreinte de son image. Dieu s’exprime ainsi lui-même : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » Et après avoir fini de créer, il approuva son ouvrage, bénit ses créatures, et leur dit : « Croissez et multipliez. » Comprenons par-là que les bonnes œuvres font l’ornement des justes ; et Dieu lui-même, après s’être comme paré de ses ouvrages, se réjouit. Puisque nous avons ce modèle sous les yeux, faisons-le revivre en nous, conformons-nous à sa volonté, et travaillons de toutes nos forces à faire des œuvres de justice.
[Chap. XXXIV] Le bon ouvrier reçoit avec confiance le prix de son travail ; mais le lâche, le paresseux n’ose regarder en face le maître qui l’emploie. Soyons donc prompts à faire le bien ; de là dépend tout notre avenir. Car il nous est dit d’avance : « Voici le Seigneur qui vient ; le prix de la victoire est entre ses mains ; il va rendre à chacun selon ses œuvres. » Aussi Dieu nous engage, avec effusion de cœur, à n’être ni lents, ni tardifs pour le bien. Plaçons en lui notre gloire et notre confiance.
Avant cette section, Clément a aussi écrit à propos de la justification de Rahab:
[Chap. XII] La courtisane Rahab fut aussi sauvée, grâce à sa foi et à l’hospitalité qu’elle exerça.
Plus tard:
[Chap. XLVIII] Faisons promptement disparaître ce scandale ; revenons au Seigneur, pleurons notre égarement ; prions-le de nous rendre sa protection, de se réconcilier avec nous, de nous replacer, de nous rétablir dans la voie si pure, si glorieuse, de notre première union fraternelle. Elle est la porte même de la justice qui s’ouvre vers la vie, selon ce qui est écrit : « Ouvrez-moi les portes de la justice ; j’y entrerai, je louerai le Seigneur. C’est la porte du Seigneur : par elle les justes iront à lui. » Heureux ceux qui sont entrés par cette porte, qui n’ont point quitté la voie de la sainteté et de la justice, et sont restés fidèles au devoir sans se laisser intimider !
[Chap. L] Quel est notre bonheur, mes frères, si nous savons accomplir les préceptes du Seigneur dans un esprit de paix, de concorde et de charité, et par celle-ci mériter la rémission de nos péchés !
Conclusion – Nous voyons que la citation de Clément (celle que j’ai pu trouver) a été tirée hors de son contexte. Quand il a écrit la phrase citée, nous lisons autour d’elle, avant et après, la nécessité des oeuvres réalisées dans la grâce de Dieu pour le salut. Dans la citation, il faisait le contraste entre une sainteté orgueilleuse à une sainteté qui doit être pratiquée dans la grâce de Dieu. Celle qui ne justifiait pas était celle où quelqu’un essaie de se justifier par lui-même, reposer sur sa propre sagesse, sainteté etc. Quelqu’un qui en effet oeuvre de ses propres forces est condamné par Trente, au Canon I sur la justification. C’est ceci que Clément condamnait, et dire ceci ne passe pas devant Dieu. Il parle spécifiquement de la justification par les oeuvres au Chapitre XXX. Notez cependant que ces oeuvres sont réalisées dans la grâce, ce qu’il dit spécifiquement dans le chapitre en question. Au Chapitre XXXI il dit qu’Abraham a été béni (et le contexte parle de justification), en raison de son acte d’offrir Isaac sur l’autel. Au Chapitre XXXIV, Clément dit que dans la justification il est nécessaire que nos actions soient bonnes. Il nous donne deux choix. Être un serviteur fidèle, travailler (dans la grâce, évidemment) et recevoir la récompense aux cieux. Cependant, en étant paresseux, et en ne réalisant pas le labeur de Dieu, nous allons en enfer. Clément fait évidemment référence à Matthieu 24:45-51. Qu’est-ce que le serviteur paresseux obtient? Les pleurs et les grincements de dents. C’est l’enfer. Pourquoi? Parce qu’il n’a pas oeuvré. Ensuite, Clément le rappelle, il nous est dit d’avance qu’Il rend à chacun selon nos oeuvres (Rom. 2:6, Mt. 16:27). Si seule la foi importe, il n’y aurait pas besoin de nous avertir (parce que notre justification serait absolument assurée), et il n’y aurait pas à craindre la damnation. Au Chapitre XLVIII, il parle de ne pouvoir atteindre le salut qu’en cheminant dans la voie de la sainteté. Ainsi, le cheminement dans la sainteté est une cause de la justification. Au Chapitre L, il note que nous devons garder les commandements et cet amour (pas la foi seulement) par lesquels nos péchés ont remis. Clément note que les oeuvres sont ce qui doit être jugé devant Dieu pour atteindre le salut, et ne fait aucune allusion à une justification légale ou à la Sola Fide.
St Ignace d’Antioche
Mes anciennes Écritures, à moi, c’est Jésus-Christ ; les seules pures et intactes, c’est sa croix, c’est sa mort, c’est sa résurrection, c’est la foi en lui, et c’est par-là que je veux me sanctifier avec le secours de vos prières.
[NdT. Cette citation de la lettre aux Philadelphiens ne fait que compter la foi comme moyen de sanctification, mais pas par opposition à une complémentarité des oeuvres. Cette même lettre rappelle qu’ « à la foi, il faut joindre la charité ».]
Rendez-vous agréables à celui pour qui vous combattez et qui vous donne la solde. Que personne ne déserte ses drapeaux ; que la grâce du baptême soit pour vous un glaive, la foi un bouclier, la charité une lance, la patience le complément de l’armure.
Votre véritable fonds de réserve, ce sont vos œuvres. Faites en sorte qu’elles soient agréées et vous rapportent une digne récompense.
Qu’on ne s’y trompe pas : se séparer de l’autel, c’est se priver du pain de vie. […]
Il est écrit : « Dieu résiste aux superbes. » Nous ne serons soumis à Dieu qu’autant que nous le serons à l’évêque. […]
Si j’en suis trouvé digne par Jésus-Christ, à la faveur de vos prières, et que ce soit sa volonté, dans une seconde lettre que je me propose de vous écrire, je vous développerai ce que je n’ai fait qu’ébaucher concernant le nouvel homme, Jésus-Christ, la foi qui vient de lui, son amour pour nous, sa passion et sa résurrection, surtout si le Seigneur daigne m’éclairer de ses lumières. C’est par la grâce qui découle de son nom que vous vous trouvez tous ensemble réunis dans une même foi, en un même Jésus-Christ, du sang de David selon la chair, tout à la fois fils de Dieu et fils de l’homme. Soyez toujours soumis à l’évêque et aux prêtres dans cet esprit d’union indivisible, rompant avec eux un même pain, aliment d’immortalité, antidote contre la mort, éternelle vie en Jésus-Christ.
Il faut donc lui montrer, en vue de la gloire de celui qui vous le commande, une soumission franche et non mensongère ; autrement c’est tromper, c’est outrager, non pas l’évêque que l’on voit, mais celui qui est invisible ; toute conduite de cette nature s’adresse, non pas à l’homme, mais à Dieu, qui voit le secret des cœurs. Il ne suffit pas d’être appelé Chrétien, il faut l’être en effet et ne pas ressembler à ces personnes pour qui l’évêque n’est qu’un nom, puisqu’elles font tout sans lui. Je ne pense pas qu’elles aient la paix de la conscience. Leur manière de se réunir n’est pas selon la règle, ni de nature à rassurer. Mais, qu’elles y songent, toute chose a sa fin. Deux termes sont là devant nous : la vie et la mort ; chacun trouvera celui qu’il aura mérité.
Deux sortes de monnaie, si je puis ainsi parler, circulent ici-bas : l’une de Dieu, l’autre du monde. Chacune d’elles a son effigie particulière. Les incrédules portent celle du monde ; les fidèles, par la charité, portent celle de Dieu le père en vertu de Jésus-Christ ; d’où nous vient le désir de la mort pour imiter sa passion, désir sans lequel la vie n’est pas en nous.
Conclusion – En Ignace, nous avons quelqu’un qui dit que pour atteindre la vie éternelle, il faut prendre part à l’Eucharistie, écarter le pécher et non le couvrir. Nous voyons le concept Catholique du mérite tel qu’il plaît à Dieu. On doit prendre part au sacrifice (mention de l’autel) de l’Eucharistie. On doit obéir à l’évêque afin de prendre part à la vie éternelle. Puis nous voyons Ignace dire si quelqu’un veut y prendre part, il doit lui-être obéissant même dans la mort. Si quelqu’un se sépare et reste séparé, cette personne est éternellement perdue. Cela n’est pas une trace de la Sola Fide.
St Justin Martyr
Mais il annonçait déjà le seul bain salutaire, le seul véritable, celui de la pénitence, ce baptême qui purifie non par le sang des boucs et des brebis, ou par le sacrifice d’une génisse, ou par une offrande de farine, mais par la foi au sang de celui qui est mort pour expier le péché.
Chapitre XLV du même Dialogue avec Tryphon:
Dès lors qu’ils suivaient les préceptes de la loi naturelle, éternelle, universelle, ils sont agréables à Dieu ; et par Jésus-Christ au jour de la résurrection, Dieu les assimilera aux justes qui les ont précédés, tels que Noé, Hénoch, Jacob et d’autres encore; ils obtiendront tous le salut avec ceux qui reconnaissent Jésus-Christ pour le fils de Dieu
Elle persuade à l’homme que Dieu voit tout ; que le méchant, l’avare, l’assassin, l’homme vertueux sont tous également placés sous la majesté de ses regards ; qu’on ne peut sortir de cette vie sans tomber entre ses mains ; qu’on trouve, selon ses œuvres, une éternité de peine, ou une éternité de bonheur par delà le tombeau. Or, je vous le demande, si ces vérités étaient bien connues, quel homme, se voyant resserré dans une vie si courte, se déclarerait pour le vice, quand il aurait en perspective les feux éternels qu’il lui prépare hors de cette vie ! Quel motif, au contraire, plus capable de le détourner du crime et de le porter à la vertu, afin que celle-ci, devenue l’unique ornement de son âme, le préserve d’un malheur sans fin et lui procure l’éternelle félicité que Dieu nous promet ?
Ce sont les œuvres que Dieu demande ; il ne promet le salut qu’à celui qui pratique sa loi. « Tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! » ce sont ses propres paroles, « n’entreront point dans le royaume des cieux ; mais celui qui fait la volonté de mon père qui est dans le ciel. Celui qui m’écoute et fait ce que je dis, écoute mon père qui m’a envoyé. Plusieurs me diront : Seigneur, n’avons-nous pas bu et mangé en votre nom, et même fait des miracles ? Moi, je vous répondrai : Loin de moi, vous tous qui faites l’iniquité ! C’est alors qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents, lorsqu’on verra les justes briller comme le soleil, tandis que les méchants seront jetés dans le feu éternel. Plusieurs viendront en mon nom, revêtus de peaux de brebis à l’extérieur ; mais au dedans, véritables loups ravissants. Vous les reconnaîtrez à leurs œuvres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. » Ceux qui ne vivent pas selon ces maximes et qui ne sont Chrétiens que de nom, nous vous demandons nous-mêmes de les punir.
Pour nous, nous savons que l’immortalité n’est le partage que de ceux qui se rapprochent le plus de Dieu par la pureté du cœur et la sainteté de la vie ; que ceux qui vivent dans le crime, et n’en veulent pas sortir, ne peuvent échapper au châtiment qui les attend : c’est-à-dire au feu éternel.
Les prophètes nous ont appris que des châtiments ou des récompenses nous sont réservés, selon nos œuvres ; c’est une vérité que nous professons. S’il en est autrement, si tout est soumis aux lois d’une aveugle nécessité, dès lors il n’y a plus de liberté dans l’homme ; s’il est bon ou mauvais, parce qu’ainsi le veut le destin, il n’est ni louable ni répréhensible ; s’il n’a pas la faculté de choisir entre le bien et le mal, quoi qu’il fasse, il est sans crime.
Conclusion – St Justin Martyr montre que l’on doit faire de bonnes oeuvres pour être sauvé. On doit prendre part à la pureté divine de Dieu et réfléchir la sainteté de Dieu dans nos vies pour atteindre la vie éternelle. Il n’y a pas là une trace de Sola Fide.
Origène
« Par la foi, sans les oeuvres de la Loi, ce voleur était justifié… justifié par sa confession seule. »
Retrouvée dans la traduction de Rufin du Commentarium in Epistulam ad Romanos (PG 14), chap. III, §10
[NdT. Dans ce passage, Origène explique simplement que le bon larron sur la croix a été sauvé par sa confession de foi, sans tenir compte de s’il avait suivi la loi de Moïse ou demander qu’il en accomplisse davantage. Encore une fois, il s’agit de montrer que la loi de Moïse ne sauvait pas. Origène n’édicte pas un principe ou une règle sur les oeuvres: il décrit juste que ce larron, qui était aux portes de la mort, n’a pas eu besoin d’en faire, mais c’est normal car il n’en a pas eu l’opportunité. Ce n’est pas un fait qui s’applique à tous les croyants.]
Traité des Principes, Livre III, 1, §6-7 (SC 268):
Et le Seigneur, quand il dit : Moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Et : Celui qui s’emporte contre son frère sera coupable du jugement. Et : Si quelqu’un regarde une femme pour la convoiter, il a déjà commis l’adultère dans son cœur. Et par tous les autres commandements qu’il donne, il affirme qu’il est en notre pouvoir d’observer les préceptes et que nous serons à bon droit condamnés au jugement si nous les transgressons. C’est pourquoi, dit-il, celui qui entend mes paroles et les accomplit sera comparé à un homme sensé qui a bâti sa maison sur la pierre, etc. Celui qui entend, mais n’accomplit pas, est semblable à un fou qui a bâti sa maison sur le sable, etc. Quand il dit à ceux qui sont à sa droite: Venez à moi, les bénis de mon père, etc., car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez abreuvé, il leur donne très clairement ces promesses comme s’ils étaient la cause de ces louanges, et c’est au contraire aux autres comme blâmables par leur faute qu’il dit : Allez, maudits, au feu éternel.
Voyons de quelle manière Paul lui aussi nous parle comme ayant le libre arbitre et étant causes de perdition et de salut : Méprises-tu la richesse de sa bonté et de sa patience et de sa longanimité, ignorant que cette bonté de Dieu te mène à la pénitence? En fonction de ta dureté et de l’impénitence de ton cœur, tu thésaurises pour toi la colère au jour de la colère, de la révélation et du juste jugement de Dieu qui rendra à chacun selon ses œuvres: à ceux qui par leur persévérance à accomplir le bien recherchent la gloire, l’honneur et l’incorruption sera donnée la vie éternelle, mais à ceux qui par chicane n’obéissent pas à la vérité, mais à l’injustice, colère et fureur. Tribulation et angoisse pour toute personne humaine qui fait le mal, Juif d’abord, puis Grec; gloire, honneur et paix à tous ceux qui font le bien, Juif d’abord, puis Grec. On trouve dans les Écritures d’innombrables affirmations, très claires, du libre arbitre.
Traité des Principes, Livre III, 1, §20 (SC 268):
Si donc l’Apôtre ne fait pas des affirmations contradictoires, comment, selon celui qui comprend ainsi les choses, accuse-t-il avec quelque raison le fornicateur de Corinthe ou ceux qui sont tombés sans se repentir des actes d’inconduite et d’intempérance qu’ils ont commis ? Comment bénira-t-il pour leurs bonnes actions ceux qu’il loue, comme la famille d’Onésiphore, quand il dit : Que le Seigneur fasse miséricorde à la famille d’Onésiphore, parce qu’il m’a souvent réconforté el qu’il n’a pas eu honte de mes chaînes, mais, étant allé à Rome, m’a cherché activement et m’a trouvé; que le Seigneur lui donne de trouver miséricorde auprès de lui ce jour-là? Il ne convient pas à ce même Apôtre de tancer le pécheur comme digne de blâme et d’approuver comme louable celui qui a bien agi, et par ailleurs de dire, comme s’il n’y avait pas de libre arbitre, que le Créateur est responsable de ce qu’un vase a été fait pour un usage honorable, un autre pour un usage sans honneur. Comment est-il vrai de dire que : tous nous comparaîtrons devant le tribunal du Christ pour que chacun reçoive selon ce qu’il aura fait par l’intermédiaire de son corps, soit en bien, soit en mal, si ceux qui ont mal agi en sont venus là parce qu’ils ont été créés comme des vases destinés à un usage sans honneur et si ceux qui ont vécu vertueusement ont fait le bien parce qu’ils ont été formés dès le début dans ce but et qu’ils ont été faits comme des vases destinés à un usage honorable? N’y a-t-il pas encore une contradiction entre le fait d’être, par la responsabilité du créateur, un vase d’honneur ou un vase sans honneur, comme le comprennent nos objecteurs à partir des paroles que nous avons citées, et ce qui est dit ailleurs : Dans une grande maison, il n’y a pas seulement des vases d’or et d’argent, mais des vases de bois et de terre, les uns pour un usage honorable, les autres pour un usage sans honneur. Si quelqu’un se purifie lui-même, il sera un vase honorable, sanctifié, utile au maître, prêt à toute œuvre bonne? Car si celui qui se purifie devient un vase honorable et si celui qui a regardé avec indifférence sa propre impureté devient un vase de déshonneur, à s’en tenir à ces paroles le créateur n’en est aucunement responsable. Car ce n’est pas dès le début, selon sa prescience, que le Créateur fait des vases d’honneur et des vases de déshonneur, car il ne condamne pas ni ne justifie d’avance selon elle, mais il fait vases d’honneur ceux qui se sont purifiés et vases de déshonneur ceux qui ont regardé avec indifférence leur propre impureté. Ainsi c’est à la suite de causes précédent leur formation en vases d’honneur ou de déshonneur qu’ils ont été faits les uns pour l’honneur les autres pour le déshonneur.
Conclusion – Origène passe beaucoup de temps dans cette section pour montrer que le jugement d’un individu montre le libre arbitre, et avant tout en quoi ce libre arbitre donne aux gens la capacité d’accomplir des actions qui vont mériter le salut ou la condamnation. Le jugement est basé sur les actions. Il n’y a pas de Sola Fide ici.
L’Épître à Diognète
Qui pouvait couvrir nos crimes, sinon sa sainteté ? Par quel autre que par le fils de Dieu, l’homme injuste pouvait-il être justifié ?
Au paragraphe 8 et 10 de cette même lettre:
Il voulait nous laisser le temps de nous convaincre, par nos propres œuvres, combien nous étions indignes de la vie avant que sa bonté daignât nous l’accorder. Il nous fallait en effet reconnaître que, par nous-mêmes, nous ne pouvions pas parvenir au royaume de Dieu avant que Dieu vînt nous en offrir les moyens. […]
Quand il eut, par les temps écoulés, convaincu notre nature de son impuissance pour s’élever à la vie, il nous a montré le Sauveur, qui seul peut préserver de la mort ce qui périssait sans lui. Par ce double exemple du passé et du présent, il a voulu que nous eussions foi en sa bonté et que désormais l’homme le regardât comme un père qui le nourrit, comme un maître qui le conseille, comme un médecin qui le guérit ; que dirai-je encore ! Comme son intelligence, sa lumière, son honneur, sa gloire, sa force, sa vie, et qu’il cessât de s’inquiéter du vêtement et de la nourriture.
[…]
prendre sur soi le fardeau du malheureux, du lieu élevé où le ciel nous a placés, répandre des bienfaits sur ceux qui se trouvent au dessous de nous, regarder les richesses comme des dons que Dieu fait passer par nos mains pour arriver à l’indigent, c’est devenir le Dieu de ceux qu’on soulage, c’est imiter Dieu lui-même. Alors en passant sur la Terre, vous comprendrez qu’il est au ciel un Dieu qui tient les rênes du monde et qui le gouverne comme un empire. Les Mystères de Dieu se dévoileront à tes yeux, tu en parleras le langage, tu aimeras, tu admireras ces hommes que l’on opprime, parce qu’ils ne veulent pas renoncer à ce Dieu.
Conclusion – Dans cette très courte lettre, il n’y a pas grand-chose en lien avec la justification. Mais de ce qui est à l’intérieur, nous pouvons voir que ce qui justifie est ce qui rend juste, non pas la simple déclaration d’être juste. Notre vertu et nos oeuvres sans la grâce ne méritent rien devant Dieu (Trente, canon I sur la justification). La grâce de Dieu ne se contente pas de nous couvrir mais nous rend aussi capables. Ce qui était en notre nature incapable d’être juste aux yeux de Dieu est à présent lavé par la grâce de Dieu afin de mériter la justification. Il n’y a pas ici de Sola Fide.
St Cyprien de Carthage
« Car si Abraham crut à Dieu, ce qui lui fut imputé à justice, quiconque croit à Dieu, et vit de la foi, est trouvé juste; longtemps d’avance, il est béni et justifié dans le fidèle Abraham »
–Lettre 63 à Cecilius
Certains parlent au nom du Seigneur, ils chassent les esprits mauvais, ils font des signes étonnants. C’est vrai, ce sont de très belles actions. Pourtant, on ne va pas dans le Royaume de Dieu parce qu’on a fait ces choses-là. Pour y aller, il faut marcher sur le bon et droit chemin. Le Seigneur nous avertit en disant : Quand je viendrai, le jour du jugement, beaucoup me diront : « Seigneur, Seigneur, c’est en ton nom que nous avons parlé ! C’est en ton nom que nous avons chassé les esprits mauvais, c’est en ton nom que nous avons fait de nombreux miracles. » Alors je leur dirai : Je ne vous ai jamais connus. Allez-vous en loin de moi, vous qui faites le mal (Mt 7, 22-23). Il faut agir avec justice pour avoir part à la vie avec Dieu, lui, notre juge. Il faut obéir à ses commandements et à ce qu’il nous dit pour que nos actions bonnes reçoivent leur récompense.
Des Bonnes Oeuvres et de l’Aumône:
Mais sa Providence va encore plus loin: elle veille sur l’homme qu’elle a racheté, pour servir ses véritables intérêts et assurer son salut. Après avoir guéri, par son incarnation, les blessures d’Adam et conjuré le venin de l’antique serpent, Jésus imposa sa loi à l’homme régénéré et lui ordonna de ne plus pécher, de peur que son état ne devînt pire. Nous étions donc condamnés à vivre toujours dans l’innocence; et, si la fragilité humaine nous en faisait déchoir, plus de remède pour nous. Mais la miséricorde divine vient encore à notre aide: elle nous montre dans les bonnes oeuvres un moyen de salut et comme une piscine où nous pouvons laver les souillures de notre âme.
[…]
Vous donc, qui possédez les biens de ce monde, achetez au Christ l’or enflammé. Il purifiera, comme le feu, les souillures de votre conscience et vous-même, grâce à vos aumônes, vous deviendrez un métal pur et sans alliage. Achetez la robe blanche, ce vêtement immaculé du Christ, qui couvrira votre nudité et toutes les difformités de votre âme. Et vous, matrone opulente, oignez vos yeux, non avec le lard du démon mais avec le collyre du Christ, si vous voulez, par vos bonnes oeuvres et la pureté de vos moeurs, mériter de voir Dieu.
[…]
L’Esprit-Saint dit encore : Comme l’eau éteint le feu, l’aumône éteint le péché (Eccles., III.). [Cyprien cite ici un livre Deutérocanonique, le considérant comme faisant partie de l’Ecriture] Par là, nous voyons clairement que, si l’eau baptismale éteint le feu de l’enfer, les aumônes et les bonnes oeuvres éteignent dans les âmes régénérées la flamme du péché. Bans le baptême, la rémission n’est accordée qu’une fois; mais les bonnes oeuvres, par leur continuité et leur multiplication, nous obtiennent sans cesse l’indulgence et le pardon de Dieu. C’est ce que nous enseigne le Seigneur dans son Évangile. Comme on lui dénonçait ses disciples, qui mangeaient sans s’être lavé les mains auparavant, il répondit: Celui qui a fait ce qui est dedans a fait aussi ce qui est dehors; donnez l’aumône et pour vous tout sera pur (Luc., XI.). Il nous montre par ces paroles que c’est le coeur et non les mains qu’il faut laver; car les souillures sont au dedans et non au dehors. La purification qui s’exerce au dedans réagit au dehors, et quand l’âme est pure le corps l’est aussi. Or, il fait consister le secret de cette purification dans l’aumône. Ainsi le Dieu de miséricorde veut que nous soyons miséricordieux; et, comme il désire sauver ceux qu’il a rachetés à si grand prix, il les prévient qu’ils peuvent effacer encore les souillures contractées après le baptême.
[…]
Ainsi, Dieu nous indique les moyens de le fléchir; sa parole dicte aux pécheurs ce qu’ils doivent faire. La miséricorde, les bonnes oeuvres , telles sont les expiations qui désarment la justice divine et effacent nos péchés. Nous lisons dans Salomon : Versez votre aumône dans le sein du pauvre, et elle vous délivrera de tout mal (Eccl., XXIX.). Et ailleurs: Celui qui ferme ses oreilles pour ne pas entendre. la voix du pauvre, criera aussi vers Dieu et Dieu ne l’écoutera pas (Prov., XXI.). Ce serait folie d’espérer en la miséricorde divine, si on n’a pas été soi-même miséricordieux. Pour que nos prières sont exaucées, il faut que nous soyons accessibles à la prière du pauvre. C’est ce que nous dit l’Esprit—Saint au livre des Psaumes : Bienheureux celui qui a pitié du pauvre et de l’indigent: Dieu le délivrera aux jours mauvais (Psal., XI). Daniel était imbu de ces. préceptes. Aussi lorsque le roi Nabuchodonosor, effrayé par un songe, lui demanda le moyen de détourner les maux qui les menaçaient, le prophète répondit : O roi, que mon avis vous soit agréable rachetez vos péchés par des aumônes; expiez vos injustices par des oeuvres de miséricorde envers les pauvres, et Dieu supportera vos iniquités avec patience (5). Le roi refusa d’obéir, et il subit tous les châtiments qu’il avait vus en songe. Il les eût évités si, docile à la voix du prophète, il eût racheté ses péchés par des aumônes. L’ange Raphaë1 nous enseigne la même vérité; et, pour que nos aumônes soient abondantes et spontanées, il dit: La prière, (321) accompagnée du jeûne et de l’aumône, est agréable à Dieu; car l’aumône délivre de la mort et efface les péchés (Tob. XII.). [Cyprien cite encore un livre Deutérocanonique] Il nous montré par ces paroles que nos prières et nos jeûnes sont bien peu de chose sans le secours de l’aumône. Pour obtenir, il ne suffit pas de demander: il faut que nos oeuvres nous confèrent des droits à la miséricorde divine.
Conclusion – St Cyprien va jusqu’à dire que les péchés sont purgés par nos oeuvres! Faut-il ajouter un commentaire? Comment pourrions-nous tordre Cyprien au point de lui attribuer la Sola Fide? Il faut évidemment ne pas lire St Cyprien pour conclure ceci. Il n’y a pas ici de Sola Fide.
St Hilaire de Poitiers
Des scribes s’émeuvent de voir que le péché a été remis par un homme — car ils ne considéraient que l’homme en Jésus-Christ, et que ce qu’il a remis est ce que la Loi ne pouvait absoudre : seule, en effet, la foi justifie. [et remissum ab eo quod lex laxare non poterat ; fides enim sola iustificat]
-Commentaire sur Matthieu, §8,6 (PL 9, col. 961 & SC 254)
Les péchés sont pardonnés par la foi. Ici il apparaît que St Hilaire parle de la justification initiale. Il n’entend pas par-là qu’une fois justifié, on ne puisse plus perdre cette justification par le péché comme Calvin ou Luther le diraient. Evidemment, tout comme chez les autres pères, St Hilaire lie explicitement la foi au baptême, et donc la référence à la foi ici ne signifie pas que la justification est faite sans baptême. Il ne dit pas non plus qu’après la justification initiale, les sacrements ou les oeuvres ne sont pas nécessaires pour maintenir cet état de justification. Il énonce juste que la loi sans foi, en elle-même, ne justifie pas, chose avec laquelle un Catholique s’accorderait.
Maintenant, voici quelques citations de St Hilaire lui-même sur la question de la justification. Ce qui suit se trouve dans « La Trinité », Livre IX, §25:
« Jésus, voyant qu’il avait bien répondu, lui dit : Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu » (Mc 12, 34). Que veut dire une
réponse aussi réservée ? La foi qui rend l’homme parfait pour le Royaume des cieux est bien : croire en un seul Dieu, le
chérir de toute son âme, de toutes ses forces et de tout son cœur, aimer aussi son prochain comme soi-même. Ce scribe ne serait-il donc pas déjà dans le Royaume de Dieu, plutôt que : « pas loin » ? Selon un autre texte, le Royaume des cieux est donné à ceux qui revêtent l’homme nu, visitent le malade, servent à manger à l’affamé, abreuvent celui qui a soif, et vont souvent voir le prisonnier : « Venez les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde » (Mt 25, 34). Ailleurs, ce royaume est la récompense promise aux pauvres en esprit : « Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3). Pour tous ceux-ci, leur gain est parfait, leur jouissance est complète, les voici tranquilles : l’héritage du Royaume leur est assuré ! La déclaration du jeune homme avait-elle moins de valeur que tout cela ? Car puisqu’il met sur le même pied l’amour de soi-même et l’amour du prochain, que lui manque-t-il pour arriver à la perfection qu’assure une bonne conduite ? C’est donc qu’être bienveillant à l’occasion et prêt à rendre service n’est pas encore la charité parfaite : certes, la charité parfaite, parce qu’elle ne néglige rien de ce qu’elle doit à l’autre, s’acquitte de tout ce qu’exige une bienveillance qui rend à l’autre autant qu’il lui a été donné
Nous voyons ici que St Hilaire comprend Jésus comme disant que même aimer le Seigneur de toutes ses forces et de tout son coeur est insuffisant devant Dieu. Aimer son prochain est aussi essentiel. Oeuvrer dans la charité est important. il note que dans le passage en Matthieu 25, où Jésus dit que ceux qui vont au paradis, sont ceux qui nourrissent l’affamé et revêtent l’homme nu: c’est-à-dire, font des oeuvres. Ainsi, St Hilaire reconnaît que l’amour, démontré par les actes, doit être ajouté à la foi, et est déterminant dans la justification, la foi sans la charité étant insuffisante par elle-même. La Foi seule, alors, ne rend pas quelqu’un parfait. Nous devons nous donner à autrui pour être juste devant Dieu.
La justification par la foi seule et sans les sacrements, selon la version de la Sola Fide que King nous avance, suffit-elle devant Dieu? Et bien St Hilaire défend le contraire. Il nous dit, dans La Trinité, Livre IX, §9, la chose suivante:
Et maintenant, il poursuit en complétant ce qui a trait à l’économie du salut de l’homme : « En lui aussi, vous avez été circoncis d’une circoncision qui n’est pas faite de main d’homme, par l’ablation d’un morceau de chair de votre corps, mais de la circoncision du Christ. Ensevelis avec lui dans le baptême, avec lui aussi vous êtes ressuscités, parce que vous avez cru à l’action de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts » (Col 2, 11-12). Nous avons donc été circoncis, non d’une circoncision charnelle, mais de la circoncision du Christ, c’est-à-dire que nous sommes renés pour être un homme nouveau. En effet, puisque nous avons été ensevelis avec lui dans son baptême, il nous faut mourir à notre vieil homme, car cette renaissance qu’est le baptême est pour nous: « Puissance de résurrection » (Ph 3, 10).
Lorsqu’il parle de Paul, St Hilaire note qu’il voit le salut des hommes, tel que noté en Colossiens 2, comme étant le fait d’être né de nouveau dans le baptême. Ainsi, le sacrement du baptême est la nouvelle circoncision qui fait de nous des hommes nouveaux. Non pas la Foi à la place du baptême, mais en plus de celui-ci.
L’un des éléments les plus importants dans la Sola Fide telle qu’épousée par les « Réformateurs » est l’idée que l’on justice la sainteté parfaite du Christ par son attribution à notre compte, et donc à notre mort, on ne nécessite pas davantage de purification (pour être justifié), puisqu’on a déjà cette justice parfaite. Cependant, comme le note l’éditeur Protestant des séries de Schaff à propos de St Hilaire:
La bonté parfaite est uniquement une possibilité théorique, et Hilaire n’est pas certain de la condamnation de quiconque excepté pour ceux qui refusent de croire volontairement. Le diable est mêlé en des proportions variables avec le bien dans le caractère des hommes en général; Dieu peut le détecter même chez les meilleurs. Tous ont donc besoin d’être purifié après la mort, s’ils veulent échapper à la condamnation au Jour du Jugement […] Tous ceux qui sont infectés par le péché, l’hérétique qui a erré dans l’ignorance parmi eux, doivent passer par les feux purificatoires après la mort.
– The Theology of St. Hilary of Poitiers, Introduction, Chapter II, NPNF2, Vol. 9, p. xciii-iv.
Donc il n’y a pas de justice étrangère de Jésus qui est attribuée au compte de la personne et qui fonderait la base de la justification. Nous avons besoin d’une véritable purification même après la mort avant de pouvoir faire face à Dieu.
Dans le même Commentaire de Matthieu auquel King se réfère, et qui soi-disant démontrerait la justification par la foi seule, St Hilaire écrit, au chapitre 18, §8 (SC 258):
Et pour inspirer la terreur d’une frayeur intense [celle de perdre le salut selon Schaff] qui fût dans l’immédiat un frein pour chacun, il a fixé d’avance le jugement intangible de la rigueur des apôtres : que ceux qu’ils auront liés sur terre, c’est-à-dire laissés enlacés dans les nœuds du péché, et que ceux qu’ils auront déliés, c’est-à-dire ramenés au salut par l’aveu qui pardonne [confessione uidelicet ueniae receperint in salutem], soient les uns déliés, les autres liés par la clause de la sentence des apôtres.
Il y a une intense frayeur, selon St Hilaire, d’être placé hors de la grâce de Dieu par le péché grave. Le Christ, toutefois, a donné à son Eglise le remède pour ces péchés. Ainsi, l’Eglise a le pouvoir, qui lui a été donné par Jésus lui-même (comme l’Eglise l’enseigne à propos de Matthieu 18:18), de pardonner les péchés. On retrouve cela dans le Catéchisme (§553, §1444). Par conséquent si quelqu’un qui est en état de grâce commet un péché mortel, il doit recourir au sacrement de confession pour voir ce péché pardonné. C’est une contradiction flagrante de la conception de la Sola Fide proposée par les « Réformateurs ».
Martin Luther, en fait, l’inventeur de la Sola Fide, écrit quelque chose qui montre que pour lui le terme « foi seule » est drastiquement différent de ce que St Hilaire ou un quelconque Père de l’Eglise a enseigné. Par exemple, comme mentionné plus tôt, même si Luther n’encourageait pas les gens à pécher dans un certain sens, il ne pensait pas que les péchés pourraient séparer de Dieu, à moins de perdre la foi en Dieu. Il écrit la chose suivante à son ami Philip Melanchton, dans une lettre personnelle (1er août 1521):
Si vous êtes un prêcheur de grâce, alors prêchez une grâce véritable et non factice; si la grâce est véritable, vous devez porter un péché véritable et non factice. Dieu ne sauve pas ceux qui sont seulement des pécheurs factices. Soyez pécheur et péchez avec force, mais croyez et réjouissez vous en Christ avec encore plus de force, car il triomphe sur le péché, la mort, et le monde. Tant que nous sommes ici [dans ce monde], nous devons pécher. Cette vie n’est pas la demeure de la vertu, mais, comme Pierre le dit, nous devons tourner nos regards vers les nouveaux cieux et la nouvelle terre en lesquelles la vertu demeure. Il suffit que par les richesses de la gloire de Dieu, nous soyons arrivés à la connaissance de l’Agneau qui enlève le péché du monde. Aucun péché ne nous séparera de l’Agneau, même si nous commettions fornication ou meurtre mille fois par jour. Pensez-vous que le prix de rachat qui fût payé pour la rédemption de nos péchés, par un Agneau si grand, soit trop maigre? Priez fortement — vous êtes également un grand pécheur.
Luther considérait que peu importe ce que l’on fait, même en commettant fornication ou meurtre 1000 fois par jour, cela ne nous couperait pas de la relation salvifique avec Dieu. Il n’y a absolument aucune « terreur » dans le fait de commettre des péchés. La grâce est une supposée grâce « factice » si l’on peut commettre un meurtre et perdre son salut. Cependant, comme nous le voyons avec St Hilaire, le péché peut effectivement nous écarter de la grâce de Dieu, et il nous a donné un remède pour ce péché, tel que le pouvoir de l’Eglise de lier et de délier le péché par la confession. En fait, Luther appelle « grâce factice » le type de grâce en laquelle St Hilaire croit. Le contraste entre les théologies est flagrant. En aucune manière on ne pourrait faire appel à St Hilaire comme un défenseur de la Sola Fide.
St. Hilaire dit ceci ailleurs également. Nous voyons que si quelqu’un nécessite le pardon de ses péchés, il doit les confesser ou recevoir le châtiment éternel, dans son Commentaire des Psaumes, sur le Psaume 51, §23 :
Il y a un espoir de miséricorde dans le temps et l’éternité; mais en aucun autre temps que la vie présente il n’y a de confession des péchés. Par sa propre volonté chaque homme est admis à la confession et a à travers sa vie la liberté de la choisir. Mais quand nous mourrons nous perdons la vie et avec elle le droit d’exercer notre volonté. Car à la suite une loi déjà établie pour le repos ou le châtiment maintient, en accord avec son exercice passé, la volonté de ceux qui se sont écartés du corps.
(William Jurgens, The Faith of the Early Fathers, vol. 1, Liturgical Press, Collegeville, Minnesota, 1970, p.385)
Les péchés de chacun doivent être confessés, ce qui doit être fait dans l’Eglise comme nous l’avons vu plus haut, afin que ces péchés soient pardonnés. Sois nous obtenons le repos car nous avons confessé nos péchés dans l’Eglise, sois nos péchés n’ont pas été pardonnés par le mandat du Christ donné à l’Eglise, et nous obtenons le châtiment éternel. Il est trop tard après la mort. Ainsi, il n’y a absolument pas de « justice imputée du Christ » appliquée au compte de quelqu’un d’une manière légale à la base de notre justification. Nous allons au paradis en raison de ce que nous avons accompli ou non dans nos actes.
Enfin, St Hilaire nous montre que l’élection est en partie basée sur le mérite. Ainsi, le mérite est salvifique. Dans son Commentaire des Psaumes, sur le Psaume 65 [64], §5 (Ibidem, p.386):
Heureux ton élu, ton familier, il demeure en tes parvis (Psalm 65:5). En effet, toute chair viendra, c’est-à-dire, nous serons réunis ensemble de toute race d’homme: mais celui qui sera élu est béni. Car beaucoup, nous dit l’Evangile, sont appelés, mais peu sont élus (Mt. 22:14). Les élus sont distingués par leur tenue de mariage, splendide dans le corps pur et parfait de la nouvelle naissance. L’élection, ainsi, n’est pas le fruit d’un jugement hasardeux. C’est la distinction qui faite sélectivement sur la base du mérite. Béni, alors, soit celui que Dieu élit: béni parce qu’il est digne d’élection.
St Hilaire dit que l’élection de Dieu est basée sur le mérite du croyant, qui a été rendu digne, non simplement déclaré digne. Le fait que cette élection est basée sur le mérite du croyant nous montre encore une fois que ce Saint n’a absolument pas la trace d’une Sola Fide.
St Athanase d’Alexandrie
Un homme est justifié comme l’était Abraham, non par celles-ci, c’est-à-dire les oeuvres, mais par la foi… An aucune autre manière il ne peut y avoir de rédemption…
-Source inconnue, cité par James Buchanan dans The Doctrine of Justification en 1867
Ainsi méditer sur la loi est nécessaire, mes bien-aimés, ainsi qu’une conversation ininterrompue avec la vertu, « ainsi l’homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne » (2 Timothée 3:17). Car par ces choses la vie éternelle est la promesse, tel que Paul l’a écrit à Timothée, appelant à un constant exercice de méditation, et disant, « Exerce-toi à la piété. Les exercices corporels, eux, ne servent pas à grand-chose : la piété au contraire est utile à tout, car elle a la promesse de la vie, de la vie présente comme de la vie future. » (1 Timothée 4:7-8)
[…]
Car un homme ne s’écartera du péché, pour s’attacher aux actions vertueuses, que par la méditation sur ses actes; et quand il a pratiqué par l’exercice de la sainteté, il possédera la confession de foi, tout comme ce que Paul, après avoir exercé le bon combat, a possédé, c’est-à-dire, la couronne de la vertu qui a été donnée; que le bon Juge donnera, non pas à lui seul, mais à tous ceux qui sont comme lui.
Il purifie nos âmes, comme le prophète Jérémie le dit en un certain passage, « Arrêtez-vous sur les routes et voyez, renseignez-vous sur les chemins de jadis quelle était la voie du bien? Suivez-la et vous trouverez le repos pour vos âmes. » (Jérémie 6:16). Aux anciens temps, le sang des boucs et les cendres d’une génisse, répandus sur ceux qui étaient impurs, étaient seulement propice à purifier la chair (Hébreux 9:13); mais à présent, par la grâce de Dieu le Verbe, tout homme est entièrement purifié.
Sur L’incarnation du Verbe, §56 (SC 199) :
Tu apprendras également sa seconde manifestation en notre faveur, glorieuse et vraiment divine, lorsqu’il viendra, non plus dans l’humilité, mais dans la gloire qui lui est propre, ni dans la petitesse, mais avec la grandeur qui est la sienne; quand il viendra, non plus pour souffrir, mais pour donner à tous le fruit de sa croix, je veux dire la résurrection et l’incorruptibilité, quand il ne sera plus jugé, mais qu’il jugera tous les hommes, selon ce que chacun aura fait avec son corps, en bien ou en mal; lorsqu’aux bons sera réservé le royaume des cieux, mais à ceux qui auront commis le mal, le feu éternel et les ténèbres extérieures. Car ainsi le Seigneur lui-même l’a déclaré: « Je vous le dis: désormais vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la Puissance, et venant sur les nuées du ciel, dans la gloire du Père ». C’est pourquoi il est salutaire, le Verbe qui nous met en garde pour ce jour et nous dit: « Soyez prêts et veillez, car il viendra à l’heure que vous ne savez pas. » [Commentaire de Matt: cela me dépasse que quelqu’un qui dit croire en la Bible puisse lire Mt 25:31-46 et croire en le salut par la foi seule…] Car, selon le Bienheureux Paul, « tous il nous faut comparaître devant le tribunal du Christ pour que chacun reçoive selon ce qu’il a fait par son corps, bien ou mal« .
Conclusion – La Foi n’est pas juste une confiance ou une croyance en la vertu du Christ, selon St Athanase. La Foi est sainteté. La façon dont quelqu’un mène sa vie est ce qui est jugé et qui détermine sa destinée finale devant Dieu au jugement dernier, pas simplement le fait d’avoir reçu la vertu imputée du Christ. La grâce de Dieu purifie et cette purification est ce qui compte devant Dieu au jugement dernier. Un autre aspect d’Athanase est qu’à travers la grâce de Dieu l’homme est divinisé (c’est-à-dire prend part à sa nature divine, et prendre part à sa nature est intimement lié à la justification), mais ce n’est pas directement le sujet ici. Retenons que la Sola Fide est ce qui s’écarte le plus de la pensée d’Athanase. Il n’y a pas de trace de Sola Fide ici.
St Basile de Césarée
« La véritable et parfaite manière de nous glorifier en Dieu est de ne pas nous applaudir de notre justice, mais de reconnaître que par nous-mêmes nous sommes privés de la justice véritable , et que nous ne sommes justifiés que par la foi en Jésus-Christ. »
–Homélie sur l’humilité
[NdT. La suite de cette homélie indique qu’il faut glorifier comme Saint Paul la justice « qui naît de la foi en Jésus Christ », ce qui laisse la porte ouverte à la possibilité d’être jugé sur l’application de cette justice.]
« Retourne, mon âme, à ton repos, car Yahvé t’a fait du bien. » Le repos éternel attend ceux qui ont persévéré dans la vie présente comme observateurs des lois, non pas comme un salaire dû pour nos oeuvres, mais accordé comme un don du Dieu magnifique pour ceux qui ont espéré en Lui. »
Sur le Saint Esprit, Chap. XVI, §40 (SC 17):
Ainsi donc, ceux qui οnt été marqués du sceau de l’Esprit-Saint pour le jour du rachat, et qui ont su conserver intactes, sans les diminuer, les prémices de l’Esprit qu’ils οnt reçues, ceux-là, s’entendront dire : « C’est bien, serviteur bon et fidèle, en de modiques affaires tu t’es montré fidèle, sur de considérables je t’établirai. » De la même façon ceux qui οnt chagriné l’Esprit-Saint par la perversité de leurs moeurs, ou qui n’ont pas fait fructifier le don reçu, seront dépossédés de ce qu’ils avaient reçu, dont la grâce passera à d’autres ; à moins que, d’après l’un des évangélistes, ils ne soient complètement coupés. Coupure qui doit s’entendre d’une séparation complète de l’Esprit.
Bienheureuse est l’âme qui nuit et jour ne roule en ses pensées d’autre souci que celui de savoir comment au grand jour où toutes les créatures se tiendront autour du Juge pour rendre compte de leurs actes, elle pourra elle-même déposer sans angoisse le compte de sa vie. Celui, en effet, qui se met devant les yeux ce jour et cette heure, et qui sans cesse prépare la défense qu’il présentera devant le tribunal qu’on ne trompe pas, celui-là ou bien ne péchera jamais, ou bien ne le fera que très légèrement, parce que, s’il nous arrive de pécher, c’est à cause de l’absence de la crainte. […] Tant que nous vivrons de la vie de cette misérable chair, la prière sera une bonne auxiliaire; et quand nous partirons d’ici, elle sera un viatique suffisant pour le siècle futur.
Conclusion – La Foi seule avec Basile signifie que cette foi doit lutter avec et par la grâce de Dieu pour mériter le salut. La prière, et l’appui sur l’Esprit est un processus sur lequel on doit s’appuyer pour atteindre la vie éternelle. Ce n’est pas la Sola Fide.
Ambrosiaster
« sola fide justificati sunt dono Dei », ils ont été justifiés par don de Dieu à travers la seule foi
– In Epistolam Beati Pauli Ad Romanos » (PL 17, col.79), chapitre IV, verset 5
En ce qui concerne Ambrosiaster, peu d’écrits sont disponibles. Les citations que King donne ne sont en tous cas pas facilement accessibles en anglais. La série de 38 volumes de Schaff n’inclut pas ses écrits, ni les 3 volumes de Jurgens. En allant dans deux librairies différentes, je n’ai pu trouver aucun de ses écrits en anglais. Je ne peux donc ni vérifier les citations, ni leur contexte [NdT. Le latin ne fait que souligner le fait que ça n’est pas les oeuvres qui produisent la justification mais le seul don gratuit de la foi par Dieu, ce qui ne dit rien des devoirs qui doivent s’en suivre]. Dans la série en 4 volumes de Quasten, Patrology, la quatrième série éditée par Angelo Di Berardino se réfère à l’approche d’Ambrosiaster sur la question de la justification. Nous l’utiliserons plus tard pour nous aider à mettre ces citations en perspective:
Dieu a déclaré qu’une personne qui croit au Christ peut être sauvée sans oeuvres: par la foi seule il reçoit gratuitement le pardon des péchés. [Datam dicit gratiam a Deo in Christo Jesu, quae gratia sic data est in Christo Jesu; quia hoc constitutum est a Deo, ut qui credit in Christum, salvus sit sine opere: sola fide gratis accipit remissionem peccatorum.]
– In Epistolam ad Corinthios Primam, chapitre I, verset 4 (PL 17:185)
Rappelons-le, la foi seule, selon les spécialistes d’Ambrosiaster, n’exclut pas les sacrements. Les sacrements ne sont jamais vus en opposition à la « foi seule », mais un supplément nécessaire à celle-ci.
Car la miséricorde de Dieu a été donnée pour cette raison, afin que la Loi cesse; parce que Dieu, ayant pitié de nos faiblesses, a décrété que le genre humain serait sauvé par la foi seule ajoutée à la loi naturelle
[Nam misericordia Dei ad hoc data est, ut Lex cessaret, quod saepe jam dixi; quia Deus consulens infirmitati humanae, sola fide addita legi naturali, hominum genus salvare decrevit.]
– In Epistolam Ad Romanos, chapitre I, verset 11 (PL 17:53)
Il parle ici du fait que les oeuvres de la Loi ne justifient pas. N’importe quel catholique serait d’accord avec cela. En fait, il dit spécifiquement la foi seule « ajoutée à la loi naturelle« . Ce qui signifie que quand il utilise l’expression « foi seule », il ne l’entend comme salvifique qu’en conjonction avec la loi naturelle. Je ne vois aucun commentaire d’un Protestant Sola Fideiste qui dirait, « la foi seule, avec en plus la loi naturelle ». Ceci nous ramène de façon similaire au commentaire de St Chrysostome sur Romains 2 (dont nous parlons plus tard), qui disait que les observateurs de la loi dans la grâce seront justifiés. Ambrosiaster ici ne nie pas ici que les oeuvres remplies de grâces sont salvifiques.
Car si la loi était donnée non pas pour les justes mais pour les injustes, celui qui ne pèche pas est un ami de la loi. Pour lui seule la foi est la manière d’être rendu parfait. Pour les autres le simple évitement du mal ne leur sera d’aucun avantage auprès de Dieu excepté s’ils croient aussi en Dieu, afin qu’ils soient justes sur les deux plans. Pour l’un la justice est temporelle, pour l’autre elle est éternelle. [Si enim justo non est lex posita, sed injustis; qui non peccat, amicus legis est. Iluic sola fides deest, per quam fiat perfectus; quia nihil illi proderit apud Deum abstinare a contrariis, nisi fidem in Deum acceperit, ut sit justus per utraque; quia illa temporis justitia est, haec aeternitatis]
– In Epistolam Ad Romanos, chapitre II, verset 12 (PL 17:67)
Encore une fois, quand les Pères disent « seule foi » cela n’exclut pas les sacrements, mais les implique. Nous l’avons vu pour de nombreux Pères.
« Paul dit que ceux qui vivent sous la loi n’ont aucune raison de se glorifier sur la base de la loi, et de s’en prétendre de la race d’Abraham, étant donné que les hommes ne sont pas justifiés devant Dieu si ce n’est par la foi »
[Reddita ratione, ad eos loquitur, qui agunt sub lege, quod sine causa glorientur, blandientes sibi de lege, et propter quod genus sint Abrahae, videntes non justificari hominem apud Deum, nisi per fidem]
– In Epistolam Ad Romanos, chapitre III, verset 27 (PL 17:81)
La loi ne justifie pas. Faire les oeuvres de ses propres forces ne justifie pas. La foi est en fait d’un chemin vers les sacrements. C’est une réponse aux Judaïsants.
Comment les juifs peuvent penser qu’ils sont justifiés par les oeuvres de la loi comme Abraham, quand nous voyons qu’Abraham n’a pas été justifié par les oeuvres de la loi, mais seulement par la foi? Il n’y a donc pas besoin de la loi quand par la simple foi nous sommes justifiés devant Dieu. [Quomodo ergo Judaei per opera legis justificari se putant justificatione Abrahae; cum videant Abraham non per opera legis, sed sola fide justificarum? Non ergo opus est lex, quando impius per solam fidem justificatur apud Deum]
– In Epistolam Beati Pauli Ad Romanos, chapitre IV, verset 5 (PL 17, col.82-83)
La loi en elle-même ne justifie pas devant Dieu. C’est la grâce qui le fait: et bien que la grâce ne justifie pas si ce n’est dans la coopération avec les oeuvres, la loi en elle-même n’a aucun pouvoir de justifier. C’est un enseignement purement Catholique.
« la justice sans les oeuvres ». Paul renforce ceci par l’exemple du prophète. Les hommes bénis, ont été justifiés devant Dieu sans les oeuvres. Il dit bienheureux ceux que Dieu a acceptés, afin que sans travailler et observation, ils soient justifiés par la seule foi devant Lui. »
[Hoc ipsum munit exemplo prophetae. Beatitudinem hominis, cui Deus accepto fert justitiam sine operibus. Beatos dicit de quibus hoc sanxit Deus, ut sine labore et aliqua observatione, sola fide justificentur apud Deum.]
– In Epistolam Beati Pauli Ad Romanos, chapitre IV, verset 6 (PL 17, col.83)
Rappelons que nous avons vu que la manière dont les Pères utilisent l’expression « seule foi » est différente de ce qu’elle doit impliquer pour les défenseurs de la Sola Fide. Jamais ils ne l’utilisent en opposition aux oeuvres accomplies dans la grâce ou aux sacrements. Elle est généralement utilisée en conjonction avec ceux-ci, non en opposition.
Il y a très peu d’écrits d’Ambrosiaster accessibles par procédé normal. Comme je l’ai dit, je ne suis pas capable de regarder le contexte de ces citations, comme j’ai pu le faire ailleurs avec d’autres Pères.
Je remercie Joe Gallegos qui a découvert une citation d’Ambrosiaster qui montre que pour lui, croire uniquement ne suffit pas au salut.
In Epistolam Beati Pauli Ad Romanos, chapitre II, verset 7 (PL 17, col.66):
Par conséquent, ceux qui cherchent la vie éternelle, ne sont pas seulement ceux qui ont une bonne profession de foi, mais aussi une bonne vie. [Hi ergo quaerunt vitam aeternam, qui non solum bonae professionis sunt, sed et vitae]
Cela montre que quoiqu’il entende par « seule foi », il n’entend pas dire que la simple confiance, la simple croyance, soit une raison suffisante pour la justification. Nous devons mener une bonne vie pour atteindre la vie éternelle. Dans le contexte de l’Eglise qui existait à l’époque, vivre une bonne vie impliquait d’être régénéré par le baptême du Christ, se rendre à la Messe et prendre part à l’Eucharistie, éviter les péchés mortels et les confesser pour les faire pardonner etc.
Dans son Commentaire sur Tite, 3:7 (PL 17, col. 503), il écrit:
Dieu dans sa miséricorde nous a sauvé par le Christ, nés de nouveau dans sa grâce, recevant l’abondance du Saint Esprit; pour que nous puissions compter sur les bonnes oeuvres, nous aidant en toutes choses, afin que par celles-ci nous puissions hériter du royaume des cieux.
[Deus eni misericordia sua salvos nos fecit per Christum, cujus gratia renati, Spiritum sanctum accepimus abunde; ut bonis operibus inniti possimus, ipso nos in omnibus adjuvante, ut per haec haereditatem regni coelorum assequi possimus.]
Ce que nous voyons est qu’Ambrosiaster parle de compter sur les bonnes oeuvres, nées à travers la puissance et la grâce du Saint Esprit, pour obtenir l’héritage du royaume des cieux.
Commentaire sur Galates, 5:6 (PL 17, col. 366):
La seule foi dans la charité est nécessaire pour la justification; car la foi doit être fortifiée par la charité fraternelle, afin que le croyant soit perfectionné.
[sola fides opus est in charitate ad justificationem; fides enim charitate fraterna debet muniri, ut perfectio sit credentis.]
Ainsi, la foi avec la charité est nécessaire pour la justification. Elle doit être fortifiée par la charité pour atteindre le salut.
Pour un lecteur normal, les livres d’Ambrosiaster ne sont pas simplement disponibles en anglais [NdT. depuis l’article de 2002, certaines ont été publiées]. Ici je m’en remets à des citations que l’on m’a transmises. Cependant, pour les spécialistes qui ont étudié la pensée d’Ambrosiaster sur la question de la « seule foi », il est bon de lire les commentaires d’Alister McGrath, un spécialiste « réformé » qui reconnaît qu’aucun Père n’enseigne la Sola Fide, tel qu’affirmé précédemment.
Comme beaucoup de ses contemporains, par exemple, il semble obsédé par l’idée que l’homme peut acquérir le mérite devant Dieu, avec l’idée associée que certaines oeuvres sont nécessaires pour atteindre cela.
(Alister McGrath, IUSTITIA DEI, pg. 22 dans sa référence à Souter, The Earliest Latin Commentaries on the Epistles of St. Paul (Oxford, 1927) pgs. 65, 72-73, 80)
Regardons ce que dit l’étude en quatre volumes de Johannes Quasten, Patrology:
Le problème de la justification est fondamental pour Ambrosiaster. Mettant de côté la loi, la justification n’est obtenue que par le moyen de la foi en Christ: sola fide, sine operibus legis. Par une telle expression, Ambrosiaster entend seulement les pratiques rituelles de la Loi (le Sabbat, la circoncision, les nouvelles lunes, les lois diététiques, etc.), car c’est seulement cet aspect rituel de la Loi qui a été surplombé par l’arrivée du Christ. L’autre partie de la Loi, qui concerne Dieu et la morale, retient aussi toute sa valeur dans la Chrétienté. Le concept Paulinien de justification par la foi, hors de la loi, est alors expliqué par Ambrosiaster au moyen de la distinction entre les diverses parties et aspects de la loi Mosaïque.
De plus, pour Ambrosiaster, la foi, non pas la Loi, constitue le mérite aux yeux de Dieu et apporte la prétention à une récompense éternelle. Ambrosiaster attribue une valeur considérable à l’auto-détermination de l’homme et à son libre-arbitre, et fait de lui l’auteur de sa propre destinée. Dieu aide les efforts de l’homme et appelle au salut ceux qui par Sa prescience sait qu’ils obéiront et seront sauvés.
(Ed. Angelo Di Berardino, Patrology, trad. par Rev. Placid Siolari, O.S.B, Vol. IV, The Golden Age of Latin Patristic Literature, Christian Classics, Inc. Westminster, Maryland, 1992, pp. 188-189)
Ainsi, pour ces spécialistes qui ont étudié Ambrosiaster avant que nous approchions ces citations, nous réalisons que ce qu’il entend par la foi seule n’est pas une exclusion des oeuvres réalisées dans la charité, mais une exclusion de la circoncision, des lois diététiques, et les aspects rituels de l’Ancienne Loi. Par conséquent, les sacrements, les oeuvres dans la grâce, l’obéissance, restent salvifiques, et ne sont pas à exclure de son usage de l’expression « seule foi ». C’est donc une erreur de lire ces citations dans la perspective d’un Sola Fideiste.
St Ambroise de Milan
« Sans les oeuvres de la loi, mais par la foi seule… il n’y a donc pas besoin de la loi, puisque par la foi seule, un homme impie est justifié… »
-Cette citation est en fait d’Ambrosiaster, retrouvable dans In Epistolam Beati Pauli Ad Romanos, chapitre IV, verset 5 (PL 17, col.82-83), déjà discutée précédemment
[NdT. Le premier « foi seule » n’est pas dans le texte latin: « sine operibus legis credenti impio … reputatur fides ejus ad justitiam … Non ergo opus est lex, quando impius per solam fidem justificatur apud Deum ». Ambrosiaster reprenait Saint Paul en Romains 4, et expliquait que si la foi suffisait à justifier le gentil, comme elle avait justifié Abraham, alors la loi de Moïse ne pouvait pas être la cause de son salut. La justification initiale par la conversion n’implique pas que seule la foi comptera au jugement dernier à l’exclusion des bonnes oeuvres. La confusion entre le salut comme produit par la loi de Moïse/les oeuvres humaines; et le devoir de faire des bonnes oeuvre est typiquement la mauvaise interprétation qui est faite de l’épitre de St Paul. Ambrosiaster met l’accent sur le fait que ce ne soit pas les hommes qui se sauvent mais purement le don de Dieu, comme discuté dans sa section]
En échange de ces bienfaits, le pauvre t’apporte davantage, puisqu’il est ton débiteur dans l’ordre du salut : si tu habilles celui qui est nu, c’est toi-même que tu revêts de justice . Si tu fais entrer un étranger sous ton toit, si tu accueilles un indigent, lui t’acquiert l’amitié des saints et « les tentes éternelles ». Cette grâce n’est pas de peu de prix : tu sèmes des biens corporels et tu reçois des biens spirituels.
[…]
Heureux assurément celui de la maison de qui le pauvre n’est jamais sorti la poche vide ; il n’est pas en effet d’homme plus heureux que celui qui s’intéresse aux besoins du pauvre et à l’épreuve du malade et de l’indigent. Au jour du jugement il tiendra son salut du Seigneur qu’il tiendra comme débiteur de sa miséricorde.
[…]
Reste, en cette sorte de problème, la troisième objection : pourquoi les pécheurs regorgent-ils de puissance et de richesses, festoient-ils continuellement, sans tristesse ni deuil, tandis que les justes vivent dans l’indigence et sont affectés par la perte de leur conjoint ou de leurs enfants ? Aux tenants de l’objection cette parabole de l’Évangile aurait dû suffire : le riche était vêtu de lin fin et de pourpre, et tenait chaque jour des festins plantureux, tandis que le pauvre, couvert d’ulcères, recueillait les reliefs de sa table. Mais après la mort de l’un et de l’autre, le pauvre était dans le sein d’Abraham, en possession du repos, tandis que le riche était dans les tourments. N’est-il pas évident que nous attendent après la mort les récompenses ou les tourments dus à nos mérites ?
Et à juste titre : pendant le combat, il y a la peine, mais après le combat la victoire pour les uns, la honte pour les autres. Est-ce que par hasard, avant l’achèvement de la course, on donne à quelqu’un la palme, on lui confère la couronne ? Paul dit avec raison : « J’ai combattu le bon combat, j’ai terminé ma course, j’ai gardé la foi. Pour le reste, la couronne de justice m’est réservée, que le Seigneur me remettra en ce jour-là, lui, le juste juge, et pas seulement à moi, mais encore à ceux qui chérissent son avènement . » C’est en ce jour-là, dit-il, qu’il la remettra, et non pas ici-bas. Or ici-bas, au milieu des peines, au milieu des dangers, au milieu des naufrages, comme un bon athlète, il combattait ; car il savait que c’est à travers de nombreuses tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. Ainsi donc personne ne peut recevoir de récompense s’il n’a combattu régulièrement , et il n’est de glorieuse victoire, que là où furent de pénibles combats.
Or la divine Ecriture a placé la vie éternelle dans la connaissance de la Divinité et dans le profit de la bonne action. Car le témoignage de l’Evangile pour l’une et l’autre affirmation est surabondant. En effet, au sujet de la science, le Seigneur Jésus a ainsi parlé : « Or ceci est la vie éternelle qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé Jésus-Christ ». Et au sujet des oeuvres il a ainsi répondu : « Tout homme qui aura abandonné sa maison ou ses frères ou ses soeurs ou sa mère ou ses fils ou ses champs à cause de mon nom, recevra le centuple et possédera la vie éternelle ».
Traité de la Pénitence, livre II, §35-36 (SC 179):
Mais les apôtres, qui tenaient cela de l’enseignement du Christ, ont enseigné la pénitence, promis le pardon, remis la faute. C’est ce qu’a enseigné aussi David : « Bienheureux ceux dont les iniquités sont remises, et dont les péchés sont recouverts ; bienheureux celui à qui le Seigneur n’a pas imputé son péché. » [Psaumes 32:1-4, cité par Paul en Romains 4:7-8] proclame bienheureux l’un et l’autre : celui dont l’iniquité est remise par le baptême, et celui dont le péché est recouvert par les œuvres bonnes. Car celui qui fait pénitence ne doit pas seulement laver son péché avec ses larmes, mais aussi voiler et recouvrir ses fautes antérieures à l’aide d’actions plus correctes, de façon à ce que son péché ne lui soit pas imputé. Recouvrons donc nos chutes à l’aide de nos actes ultérieurs. Purifions-nous par nos larmes, afin que le Seigneur notre Dieu entende nos gémissements, tout comme il a entendu Éphraïm qui pleurait, ainsi qu’il est écrit : « J’ai entendu » — c’est Dieu qui parle — « j’ai entendu Éphraïm qui se lamentait. » Et les paroles mêmes d’Éphraïm qui se lamente sont rapportées : « Tu m’as corrigé, et j’ai subi la correction; tel un veau, je n’ai pas été dressé. »
Conclusion – St Ambroise n’a évidemment pas en tête la version de la Foi seule qu’avaient Luther ou Calvin. Nous voyons que le jugement des oeuvres n’est pas juste au sujet de celui qui obtient une récompense additionnelle chez les croyants, mais que les oeuvres d’un croyant détermine s’il va au ciel ou va en enfer. Nous voyons aussi un passage souvent pris hors de son contexte par ceux qui citent St Paul en Romain, Romains 4:7-8, qu’Ambroise utilise pour montrer la nécessité des bonnes oeuvres! Il montre même que la pénitence est nécessaire pour effacer le péché. Encore une fois, c’est seulement les oeuvres remplies par la Grâce de Dieu qui justifient devant lui. Il n’y a pas de trace de Sola Fide ici.
St Jean Chrysostome
« Le patriarche Abraham lui-même, avant de recevoir la circoncision, avait été déclaré juste sur la base de la foi seule: avant la circoncision, nous dit le texte « Abraham crut à Dieu, et ce lui fut compté comme justice ».
– Fathers of the Church, Vol. 82, Homilies on Genesis 18-45, 27.7 (Washington, D.C.: The Catholic University of America Press, 1990), p. 167.
N’ayant pas accès à ce livre spécifique, je ne peux pas en vérifier le contexte. King ne le donne pas. Nous savons que Paul oppose la foi seulement aux « oeuvres de la loi », non pas aux oeuvres accomplies dans la grâce. Les judaïsants disaient que la circoncision était nécessaire, et Paul soulignait que cela faisait partie des oeuvres de la loi qui ne justifie pas. Evidemment nous savons que quand St Jean Chrysostome utilise l’expression « foi seule », il n’entend pas par là « faire confiance en la foi uniquement », comme en son commentaire sur Romains 2, où il exclut spécifiquement (comme on le verra) une confiance en la « seule foi » pour la justification. Il ne fait qu’exclure la circoncision ici, qui fait partie des oeuvres non-justifiantes de la loi. De toute évidence, la foi est fondamentale aux oeuvres qui doivent être réalisées.
Avant de passer à la citation suivante de King, nous voyons ses commentaires sur Romains 3:24-25, à propos des Chrétiens déclarés justes. La justification au sens protestant est une déclaration de notre couverture par la justice du Christ, l’essence de la justification étant juridique et légale. C’est un passage Scripturaire qui est utilisé par le Sola Fidéistes pour impliquer une justification légale. D’abord, je citerai ce que St Jean Chrysostome dit de ce passage (Rom. 3:24-25).
Qu’est-ce que cela veut dire : « Montrer sa justice? » Comme la richesse se prouve non-seulement par ce qu’on est riche soi-même, mais parce qu’on enrichit les autres; comme la vie se manifeste non-seulement en ce que l’on vit soi-même, mais en ressuscitant les morts ; de, même la puissance se démontre non-seulement parce que l’on peut soi-même, mais parce que l’on rend la force aux faibles. Ainsi la justice se fait voir non-seulement en ce que l’on est juste soi-même, mais en ce que l’on rend justes immédiatement des hommes consommés dans l’iniquité.
Ce passage en Romains, souvent utilisé par les Protestants pour dire qu’il s’agit de justification légale, est interprété par Chrysostome non pas d’une manière légale, mais d’une manière à considérer intrinsèquement la justification comme étant le fait de se rendre juste. Ainsi, dans la justification la justice du Christ ne nous est pas « imputée », mais est une manière de nous rendre juste. C’est une vision purement Catholique de la justification. Sans doute les Protestants diront qu’ils ne nient pas que l’on soit rendu juste dans la justification, mais que ce n’est pas cela qui cause la justification, c’est un produit de celle-ci. A l’inverse, St Jean Chrysostome voit cela comme la définition même de la justification: être rendu juste. Certes, il dira que nos propres oeuvres ne nous rendent pas juste, en soi, mais que c’est Dieu qui agit. C’est sa grâce qui nous rend justes, mais c’est intrinsèque à la justification. On est loin de faire de la justification un échange juridique. Ainsi, toute action de notre part pour nous rendre injustes, à travers le péché mortel, nous coupera de la justification. Nous verrons cela plus tard dans son commentaire de Romains. En fait, la citation que je viens de donner précède directement celle que King essaie de mettre en évidence, pour contextualiser la perspective de King.
Car si déjà auparavant la circoncision était devenue incirconcision, à plus forte raison maintenant : les deux époques la rejettent. Après avoir dit: « Est exclus », il dit comment. Et comment? « Par quelle loi? Des oeuvres? Non, mais par la loi de la foi ». Voilà qu’il appelle la foi une loi, adoptant volontiers ces dénominations, pour écarter toute apparence de nouveauté. Or, quelle est la loi de la foi? Le salut par la grâce Ici il fait voir la puissance de Dieu, qui non-seulement a sauvé, mais justifié, mais procuré des motifs de gloire, et cela sans les oeuvres et en ne demandant que la foi.
Et si nous lisions la suite du passage pour que Chrysostome puisse s’expliquer lui-même sur ce qu’il entend ici? L’homélie porte en fait sur Romains 2:7, où Paul exclut spécifiquement les oeuvres de la loi comme salvifique, et ces oeuvres qui mènent à l’autoglorification:
L’apôtre parle ainsi pour inspirer la modestie au Juif croyant, et contenir, et attirer celui qui ne croit pas. En effet celui qui est sauvé, s’il est tenté de se glorifier de la loi, apprendra qu’elle lui ferme la bouche, qu’elle l’accuse, qu’elle était un obstacle à son salut, qu’elle lui ôtait tout sujet de gloire; et celui qui ne croit pas, devenu humble par les mêmes motifs, pourra arriver à la foi. Voyez-vous comme la foi est puissante? comme elle détache du passé, en ne souffrant pas qu’on s’en glorifie ?
Ici Paul s’occupe particulièrement des judaïsants. Son but est de corriger les juifs, ainsi que leur fausse vision de la justification. Paul excluait le fait de se glorifier. St Jean Chrysostome souligne encore ici, dans la portion citée par King, qu’il parle ici de la foi qui précède la « circoncision ». Le contexte duquel approcher ce passage est donc, dans la perspective de St Jean Chrysostome, l’idée que la foi précédait la circoncision. Qu’est-ce qui est exclu? La foi qui opère dans l’amour? Selon Chrysostome, c’est la circoncision comme cause de salut à laquelle renvoient les « oeuvres » dont il parle. La circoncision est le point spécifiquement nié comme étant une cause de justification, et c’est ce sujet des oeuvres de la loi auquel Chrysostome nous réfère.
Aussi, en poursuivant le passage, nous voyons qu’il condamne ceux qui ont une haute estime d’eux-mêmes. St Chrysostome note que Paul condamne l’autoglorification. Les oeuvres de la loi sont donc ces oeuvres qui y mènent et enorgueillissent, ce qui se reflète dans la perspective judaïsante de la circoncision. En fait, notre salut ne vient que quand nous travaillons pour notre salut dans la grâce de Dieu avec « crainte et tremblement » (Phil. 2:12-13), lorsque Dieu travaille en nous. La circoncision amenait certains à se glorifier. Donc, les oeuvres de la loi sont liées, selon l’analyse de Paul par Chrysostome, non seulement à la circoncision et autres, mais au fait de se glorifier en elles. Dans la grâce de Dieu, la véritable foi ne mène pas à glorifier quelqu’un d’autre que Dieu, le seul qui nous donne la capacité (Phil. 2:13). St Chrysostome ne dit pas que les oeuvres réalisées dans la grâce ne sont pas nécessaires au salut, mais sur le fait de se reposer sur la circoncision et la glorification dans d’oeuvres similaires, ce que le Catholicisme condamne aussi.
Dans la même homélie, il écrit dans son commentaire du verset 31 ce qu’était l’objet de la loi:
Il démontre ici non-seulement que la foi ne ruine pas la loi, mais qu’elle lui vient en aide au contraire, de même que la loi a préparé les voies à la foi. Car comme la loi rendait d’avance témoignage à la foi (il a dit plus haut : « Etant confirmée par le témoignage de la loi et des prophètes) » : ainsi la foi a raffermi la loi chancelante. Et comment, direz-vous, l’a-t-elle raffermie? Quel était le but de la loi, et à quoi tendaient toutes ses prescriptions? A rendre l’homme juste. Or, elle ne l’a pas pu : « Car », dit l’apôtre, « Tous ont péché ». Or la foi est venue et l’a pu; puisqu’en croyant on devient juste. Donc elle a réalisé l’intention de la loi et atteint le but que celle-ci se proposait en tout. Elle ne l’a donc pas abrogée, mais complétée. Paul démontre ici trois choses : qu’on peut être justifié sans la loi, que la loi n’a pas pu justifier et que la foi n’est point en opposition avec la loi. Comme ce qui troublait le plus les Juifs était que la foi parût contraire à la loi, il prouve plus que le Juif ne demande, à savoir que la foi, loin de contrarier la loi, est son auxiliaire et sa coopératrice; ce que le Juif désirait surtout entendre.
Mais puisque après cette grâce par laquelle nous avons été justifiés, il est nécessaire de bien vivre, montrons un zèle digne d’un si grand don, et nous le montrerons si nous cultivons avec soin la charité, source de tous les biens. Or; la charité ne consiste pas simplement en paroles ni en salutations, mais en assistance et en oeuvres. Comme soulager la pauvreté, secourir les malades, délivrer du danger, tendre la main à ceux qui sont dans l’embarras, pleurer avec ceux qui pleurent, se réjouir avec ceux qui se réjouissent : car ceci est encore l’effet de la charité; bien qu’il semble que ce soit peu de chose de se réjouir avec ceux qui se réjouissent, c’est cependant quelque chose de grand et qui demande de la philosophie.
Le but de la Loi était de nous rendre justes. L’idée de Luther est que son unique but était de nous montrer à quel point nous sommes incapables de la suivre. St Chrysostome montre effectivement que la Loi ne nous donne pas la capacité de la suivre et de nous rendre justes. Il montre que la foi n’est pas opposée à la loi mais qu’elle l’établit. Aussi, que ce n’est pas soit la foi soit la loi, mais la foi qui coopère avec la loi, dans la justification! La grâce qui est donnée doit produire de bonnes oeuvres. Il se réfère à la charité comme la « source » de tous les biens. Il ne dit pas que les bonnes oeuvres sont extrinsèques à la justification, mais qu’elles sont nécessaires pour la justification. Donc pour St Chrysostome, la Loi, qu’elle soit une référence à la circoncision comme il le montre dans sa lecture de Paul aux versets 28 & 29, ou qu’elle soit les oeuvres de la loi morale qui ne justifient pas les Gentils mais les rend conscients d’elle (cf. son commentaire de Rom 3:20);elle ne justifie pas en elle-même. La grâce donnée par Dieu nous donne ce pouvoir d’être rendus justes. Cependant, quand la grâce vient, la loi peut justement être remplie par nous. Ainsi les bonnes oeuvres découlent de la foi et il est un devoir de les mettre à l’oeuvre! La Loi ne justifie pas certes, mais St Chrysostome explique que c’est parce qu’elle ne produit pas la grâce qui nous donne la capacité de la suivre. C’est la grâce à travers la foi qui nous donne cette capacité. En résumé, Chrysostome, tout en niant que la Loi justifie par elle-même, enseigne spécifiquement que les bonnes oeuvres doivent être réalisées. Et il fait spécifiquement la distinction entre les oeuvres qui ne justifient pas (les oeuvres de la loi) de celles qui réalisées dans la grâce de Dieu sont nécessaires. Il n’inclut jamais ces dernières dans les « oeuvres de la loi », et ces oeuvres là sont toujours nécessaires, mais elles ne sont salvifiques que dans la grâce de Dieu.
Comme les Juifs ne cessaient de répéter à tout propos que le patriarche et l’ami de Dieu avait reçu le, premier la circoncision , il veut leur prouver qu’Abraham lui-même a été justifié par la foi; argument victorieux et triomphant. En effet que celui Oui n’a pas les oeuvres soit justifié par la foi , cela n’a rien d’invraisemblable; mais que celui qui a excellé dans les oeuvres ne soit pas justifié par elles, mais seulement par la foi , voilà ce qui est étonnant et ce qui montré la puissance de la foi.
Homélie VIII sur Romains
Ici, nous voyons que Saint Jean Chrysostome parle du fait que c’est Dieu qui nous donne la capacité de réaliser les oeuvres. Ce ne sont pas les oeuvres faites de nos propres forces. La Foi est la raison pour les oeuvres que nous réalisons. Nous ne nous rendons pas justes par nos propres bonnes actions hors de la foi en Christ, et les bonnes actions que nous faisons viennent par la foi en Dieu et la grâce qu’il nous donne. Ainsi, on interprète mal la citation ci-dessus si on pense qu’il entend par-là que la justification ne s’identifie pas par le fait d’être rendu juste, ce que King semble tenter en la citant. Nous ne nous rendons pas justes nous-même, c’est Dieu qui le fait dans notre coopération avec nous. Dans ce même passage, nous voyons ce commentaire de St Jean Chrysostome:
En effet le croyant ne se glorifie pas seulement d’aimer Dieu véritablement, mais aussi d’en être grandement aimé et honoré. Car comme en concevant de lui des idées sublimes, il lui donne une preuve, d’amour, puisque c’est ainsi que l’amour se prouve; de même Dieu l’aime à son tour, quoique mille fois coupable; et non content de le dispenser du châtiment, il le fait encore juste. Le croyant peut donc se glorifier, comme étant l’objet d’un grand amour […]
En parlant de cette gloire, il ne s’agit pas de dire que nous nous glorifions quand nous réalisons quelque chose, et c’est dans ce sens que nous ne sommes pas rendus justes: par nos propres forces. Mais lorsque nous sommes justifiés, nous sommes rendus justes, à travers la foi. Ce que l’on réalise est un don de Dieu, et ce que le Christ fait c’est bel et bien nous rendre juste, tandis que nous manifestons notre appréciation en l’aimant. On ne se glorifie donc pas, on glorifie le fait que Dieu nous ait rendu justes.
Regardons à présent le commentaire qu’il fait de Romains 4:4-5, un passage souvent cité par les protestants comme une preuve de Sola Fide:
Or, à celui qui travaille, le salaire n’est point imputé comme une grâce, mais comme une dette (3 ; 4) ». Mais c’est quelque chose de plus grand, direz-vous. Nullement : car l’imputation est faite au croyant, ce qui n’aurait pas lieu, [excepté] s’il y mettait quelque chose du sien [NdT. La forme positive est peut-être une erreur. La traduction anglaise de Schaff dit « excepté/unless », ce qui correspond davantage au latin « nisi ipse aliquid attulisset », PG 60, col. 456]. Ainsi celui-ci aussi à Dieu pour débiteur, et débiteur non de choses vulgaires, mais de choses grandes et sublimes. En effet, après avoir montré la hauteur de cette intelligence, cette pensée toute spirituelle, Paul ne dit pas simplement : « A celui qui croit, mais à celui « qui croit en celui qui justifie le pécheur (5) ». A celui-là, la foi est imputée à justice. Songez en effet quelle grande chose c’est de croire, d’être pleinement convaincu que Dieu peut immédiatement, non-seulement dispenser du châtiment celui qui a vécu dans l’impiété , mais encore le rendre juste et digne des honneurs immortels.
St Jean Chrysostome considère même Dieu comme un débiteur. Le don qu’il nous fait est une récompense pour nos oeuvres. Nous contribuons donc à notre justification. Ceux qui emploient Romains 4 pour enseigner que les oeuvres ne contribuent en rien à notre justification vont dans une direction différente de St Chrysostome. La justification implique qu’Il nous rende juste, et c’est sa définition de la justification.
On se demande si les ennemis de Dieu, les pécheurs, ceux qui n’étaient justifiés ni dans la loi ni par les oeuvres, obtiendront réellement tout à coup et par la seule foi, la justification qui est le premier des biens. L’apôtre s’étend sur ce chapitre dans l’épître aux Romains, et il s’y étend ici encore. «La parole est fidèle », dit-il, « et digne d’être reçue : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, entre lesquels je suis le premier ». Car, comme c’était là surtout la doctrine que les juifs avaient peine à suivre, il leur persuade de ne pas s’attacher à la loi, car par elle et sans la foi l’on ne peut être sauvé. Il combat donc sur ce point. Il pensait qu’on jugerait incroyable qu’un homme qui aurait étourdiment dissipé toute sa vie antérieure, et l’aurait salement employée à de mauvaises actions, dût être ensuite sauvé par la seule foi. C’est pour cela qu’il dit : La parole est fidèle. Mais quelques-uns ne se bornaient pas à n’y pas croire, ils s’en faisaient les calomniateurs, comme on le fait maintenant encore, lorsque l’on dit : « Faisons le mal, afin que le bien arrive ». (Rom. III, 8.) L’apôtre a dit : « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » . (Ib. V, 20 .)
– Homélie IV sur 1 Timothée 1
Il dit que l’on ne peut pas être sauvé par la loi sans la foi. Evidemment, l’Eglise Catholique n’enseigne pas qu’on puisse se sauver par la seule loi. La loi, en elle-même, est incapable de sauver. Il dit « car par elle et sans la foi l’on ne peut être sauvé ». De plus, il parle ici des judaïsants, comme on peut le voir avec l’expression, « comme c’était là surtout la doctrine que les juifs avaient peine à suivre ». Notez qu’il ne dit pas que la loi est séparée du salut. Il dit simplement que sans la foi, la loi ne sauvera pas. Ainsi, la foi doit coopérer avec la loi afin de sauver. Nous voyons cela dans son commentaire de Romains 8. Toutefois, même dans le contexte immédiat de son affirmation sur 1 Tim:15-16, nous voyons quels les sont les moyens d’obtenir la rémission des péchés. A quoi cette foi seule renvoie dans la rémission des péchés? Au même paragraphe souligné par King pour essayer de démontrer une foi seule à l’exclusion des sacrements, St Chrysostome écrit directement à la suite de la citation:
Lors donc que nous leur parlons de l’enfer; comment, disent-ils, ce dogme est-il digne de Dieu? Si un homme trouve son serviteur coupable de plusieurs fautes, il lui fait grâce et le croit digne de pardon, et Dieu punirait de peines éternelles? Puis, quand nous leur parlons du baptême et de la rémission des péchés conférée par lui, ils nous disent: Comment serait-il digne de Dieu de pardonner les péchés à celui qui a commis tant de fautes? Voyez-vous la perversion de leur pensée, qui cherche surtout à contester?
Ainsi, la « seule foi » » dont il fait mention, n’est efficace pour la rémission des péchés qu’à travers le baptême. Etant donné que ceci apparaît dans l’exact paragraphe relevé par King, c’est qu’il doit être maladroit ou malhonnête, puisqu’il omet de mentionner que cette seule foi justifie quand elle passe par le baptême pour la rémission des péchés. Chrysostome nous montre davantage que la controverse de Paul concerne les judaïsants. Comment obtenons-nous la rémissions des péchés? King laisse cette réponse hors de la citation sélectionnée du Chrysostome!
Dans cette même homélie, St Jean Chrysostome nous réfère aux oeuvres que l’on réalise, l’honneur que nous faisons à Dieu par celles-ci, ainsi qu’au fait que nous ne devons pas commettre de péchés mortels car ils nous sépareront de Dieu. Comment atteindre la vie éternelle? St Chrysostome répond à cela dans le même passage auquel King renvoie, dans l’homélie IV (commentant le verset 17):
En sorte que lui rendre gloire, c’est travailler à notre élévation. De même que celui qui ouvre les yeux pour voir la lumière du soleil, fait un acte utile à lui-même, et qu’en admirant la beauté de cet astre il-ne lui fait point une faveur, car il ne le rend pas plus brillant et le soleil demeure ce qu’il est; de même et bien plus encore en est-il par rapport à Dieu celui qui vénère Dieu et lui rend honneur, se sauve lui-même et se procure le plus grand des biens. Comment? Parce qu’il suit la voie de la vertu et est glorifié par Dieu même. « Ceux qui me glorifient, je les glorifierai » dit-il. (I Rois, II, 30.) Comment donc dit-il qu’il est glorifié par nous, puisqu’il ne jouit pas de l’honneur que nous lui rendons? […] Comment un homme peut-il le glorifier dans son corps? Et comment dans son esprit? L’esprit ici veut dire l’âme, par opposition au corps. Mais comment le glorifier dans son corps? Comment dans son âme? On le glorifie dans son corps en évitant l’impureté, l’ivrognerie, la gourmandise, la vaine parure, en ne prenant de son corps que le soin utile pour la santé; celui-là le glorifie qui ne commet point d’adultère; celle-là, qui ne se parfume point, qui ne farde point son visage, qui se contente de ce que Dieu a formé, sans y rien ajouter par l’art.
Ici il parle d’honorer Dieu, en suivant la voie de la vertu, pour son propre salut. Quelqu’un n’obtiendra le salut qu’en ayant de la vertu. Ainsi, l’oeuvre de vertu est nécessaire au salut, non pas comme une simple preuve de salut. Celui-ci est réservé à ceux qui ne commettent pas d’adultère etc., parce qu’après tout c’est le péché mortel qui nous sépare du Christ. C’est quelque chose de bien différent de ce que Luther a dit au sujet du fait de commettre « fornication ou meurtre mille fois par jours » sans être pour autant séparé du Christ (lettre à Melanchthon, 1er août 1521). Le Calviniste n’admet même pas qu’il y ait des péchés mortels.
Ecoutez, vous qui, pour recevoir le baptême , attendez que vous soyez mourants. Nous demandons que vous fassiez le bien après votre baptême ? Et vous, au contraire, vous voulez absolument sortir de ce monde sans avoir fait aucune action chrétienne. Il ne suffit pas d’être juste seulement par la foi. Nous demandons que vous le soyez aussi par vos bonnes oeuvres.
–Homélie II sur 2 Corinthiens
[NdT. Il y a ambiguïté sur ce que Chrysostome entend dire à « Il ne suffit pas d’être juste seulement par la foi. »: la version anglaise paraît dire l’inverse « For, what though thou be justified: yet is it of faith only. » (quoique que vous soyez justifiés: pourtant de foi seulement); le latin est « si justus quidem fias, sed a fide dumtaxat » PG 61, col.401]
Ici, il parle seulement de ceux qui cherchaient à décaler leur baptême, afin qu’ils mettent la foi en action et se fassent baptiser pour la rémission des péchés. Ce n’est pas la foi seule à l’exclusion des sacrements ou des bonnes actions qui s’en suivent. En fait, dans cette même homélie, St Jean Chrysostome ajoute, au moment de parler de ce que Paul écrit en 2 Cor. 1:6-7:
Or voici le sens de ses paroles : « Ce n’est pas nous seulement qui nous occupons de votre salut, mais vous aussi. En, vous prêchant l’Évangile, nous souffrons l’affliction ; et vous qui écoutez nos enseignements, vous souffrez avec nous; nous souffrons l’affliction pour vous transmettre ce que nous avons reçu , et vous, pour recueillir et conserver ce que l’on vous donne. Peut-il pousser plus loin l’humilité ? Ces chrétiens, qu’il laisse si loin derrière lui, il leur attribue une patience égale à la sienne. « Votre salut s’opère, dit-il, en endurant les mêmes souffrances que nous ». Ce n’est pas seulement votre foi qui vous sauvera , mais la patience avec laquelle vous supportez les mêmes souffrances que nous.
Dans cette même homélie, il dit spécifiquement que le salut n’est pas seulement par la foi, mais que les oeuvres sont déterminantes dans le salut. On doit souffrir et endurer pour accomplir ce salut. La coopération, ou le synergisme, est essentiel au salut. Ainsi, la seule foi de Chrysostome ne signifie pas seulement croire. Il s’agit explicitement de la foi accompagnée d’endurance dans les oeuvres et la souffrance. Cela correspond difficilement à la Sola Fide.
St Jean Chrysostome écrit aussi sur 1 Cor. 9:27 qui dit « Je meurtris mon corps au contraire et le traîne en esclavage, de peur qu’après avoir servi de héraut pour les autres, je ne sois moi-même disqualifié ». Il écrit dans l’Homélie XXIII:
Ne pensez pas, leur dit-il, qu’il vous suffise de croire pour être sauvés. Car si la prédication, l’instruction, la conversion d’une multitude d’hommes ne suffisent pas à me sauver, à moins que je ne me montre irréprochable, beaucoup moins pouvez-vous l’espérer.
Il dit exactement la même chose ici, à savoir que croire est insuffisant au salut. Nous devons manifester une bonne conduite pour obtenir le salut. Si quelqu’un est coupable, cela ne suffit pas pour le sauver. Et pourtant, dans la Sola Fide, il n’est pas possible d’être coupable puisque la parfaite justice du Christ nous a été imputée à notre compte.
Dans ce même livre auquel King nous réfère, le commentaire de St Chrysostome sur 1 Corinthiens explique que les péchés sont effacés dans le sacrifice de l’Eucharistie, dans l’Homélie XXVII:
Assis à la table des sens, reporte ta pensée à cette table auguste, à la cène du Seigneur, à la veille passée par ses disciples dans cette nuit si sainte. Je me trompe, à vrai dire, c’est l’heure présente qui est la nuit. Veillons donc avec le Seigneur; frappons-nous la poitrine avec les disciples ; c’est le temps des prières et non de l’ivresse; c’est le temps, toujours, et surtout pendant les fêtes; car si des fêtes sont instituées, ce n’est pas pour mener une conduite honteuse, ce n’est pas pour accumuler les péchés, mais, au contraire, pour effacer ceux que nous avons commis.
Ceci est juste un extrait de ce que le Saint dit en référence au Saint Sacrifice de la Messe. L’Eucharistie nous aide à effacer nos péchés. Il ne s’agit pas de l’imputation d’une justice externe par la foi seule.
Car c’est chez les gentils surtout qu’éclate la grandeur de ce mystère, et c’est ce que saint Paul dit ailleurs : « Quant aux gentils, ils doivent glorifier Dieu de sa miséricorde ». (Rom. XV, 9.) Oui, la gloire de ce mystère éclate chez les autres ; mais elle éclate surtout chez les gentils. Que des hommes, plus insensibles que des pierres, aient été tout à coup élevés au rang des anges par de simples paroles, par la seule opération de la foi, voilà où est la gloire, où est la splendeur du mystère ! C’est comme si, d’un chien famélique et galeux, hideux et difforme, gisant sur le sol sans pouvoir faire un seul mouvement, on faisait tout à coup un homme, pour faire asseoir cet homme sur un siège royal.
– Homélie V sur Colossiens
Ici il parle de justification initiale. On ne peut pas « oeuvrer » son entrée dans la justification initiale. Il ne s’agit pas de foi comme unique instrument du salut, donc cela n’aide pas King. C’est à travers le baptême, auquel se réfère ce « mystère » dont il parle. Nous savons qu’il parle de baptême puisque dans l’Homélie VI sur la même lettre, nous lisons:
Le dépouillement « absolu », et non pas « le simple dépouillement». Ce terme «du corps des péchés» fait allusion à l’ancienne vie que menaient les fidèles avant leur conversion. Il tourne et retourne toujours et de mille manières les mêmes idées. C’est ainsi qu’il disait plus haut. « Qui nous a arrachés à la puissance des ténèbres et nous a réconciliés avec Dieu qui s’était détourné de nous, afin que nous fussions saints et sans péchés». (Col. I, 13.) Ce n’est plus par le glaive, dit-il, que se fait la circoncision; c’est par le Christ lui-même. Ce n’est pas, comme autrefois chez les Juifs, la main de l’homme, c’est l’esprit qui opère la circoncision; et elle s’opère non sur une partie de l’homme, mais sur l’homme tout entier. Cela est un corps et ceci en est un autre; mais pour le corps du vieil homme, il y a la circoncision charnelle; pour vous, il y a la circoncision spirituelle qui n’a pas lieu comme chez les Juifs; car ce n’est pas de votre chair que vous vous êtes dépouillés, c’est de vos péchés. Quand et comment? Par le baptême. Et ce qu’il appelle circoncision, il l’appelle aussi sépulcre.
Ainsi, il est bien clair que ce qui écarte le corps des péchés est le baptême. Le baptême est la nouvelle circoncision qui accomplit bien plus que la circoncision de l’Ancienne Alliance. Il efface (non pas recouvre) le péché. Le baptême fait de nous des saints.
Il montre ici la grande différence qui sépare le précepte des doctrines. Ou c’est de la foi qu’il parle, en employant ce mot doctrine : car c’est par la foi seule que la doctrine peut nous sauver; ou c’est du précepte évangélique ; par exemple, le Christ a dit : « Je vous le dis, ne vous irritez nullement » [Matthieu 5:22]. Tout cela redent à dire : Si vous croyez que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, vous serez sauvés. Et encore : « Près de toi est la parole, dans ta bouche et dans ton coeur ». (Rom. X, 8.) Ne dites pas : Qui montera dans le ciel, ou qui descendra dans l’abîme, ou qui l’a tiré du milieu des morts? Pour vie il a introduit la foi. Car afin de ne pas nous sauver au hasard, d’une part, il s’est soumis de lui-même au supplice, et de l’autre, il a exigé la foi par la doctrine.
– Homélie V sur Éphésiens
Ici il se réfère à Matthieu 5:22. Il parle de la foi baptismale en opposition à une certaine manière de vivre, des vieux préceptes qui ne rendaient pas juste. Il ne dit pas que les oeuvres et l’obéissance ne sont pas salvifiques, parce que dans l’homélie précédente sur Ephésiens, l’Homélie IV, il écrit au sujet du même verset Matthieu 5:22 que l’on peut perdre notre salut à travers le péché mortel:
Quand nous ferions toutes les autres bonnes oeuvres, si nous n’aidons pas le prochain, nous n’entrerons pas pour cela dans le royaume. Qu’est-ce qui le prouve? L’exemple des serviteurs auxquels avaient été confiés les talents. Un homme dont la vertu était sans reproche, à qui il ne manquait rien d’ailleurs, fut rejeté justement, parce qu’il avait montré de la mollesse à faire fructifier l’argent. Pour une simple injure on peut tomber dans l’enfer : Celui qui dit à son frère : « Fou » sera soumis à la géhenne du feu… Eût-on toutes les vertus, si l’on est porté à l’injure, on n’entrera pas dans le royaume.
Pour pénétrer le Royaume, nous devons avoir la vertu. La vertu est une cause. Être mou peut nous couper de l’entrée au Royaume. Il utilise le passage, que King emploie (Mt. 5:22) pour lui faire enseigner la sola fide, afin de montrer que le simple fait de s’irriter peut ruiner l’oeuvre et le salut, comme Jésus l’a spécifiquement dit.
Nous tirons cette vérité de l’Ecriture et des paroles de Jésus, mais Chrysostome souligne cela un paragraphe plus loin:
Et qu’on n’aille pas accuser Dieu de cruauté parce qu’il en exclut ceux qui sont tombés dans cette faute: Parmi les hommes mêmes, l’homme qui a commis la plus légère prévarication, enfreint une seule des lois, est banni des regards du monarque. Celui qui a porté une accusation calomnieuse, perd sa charge ; celui qui a été surpris en adultère, devient indigne ; il périt, quelles qu’aient pu être ses bonnes œuvres ; s’il a commis un meurtre et qu’il soit dénoncé, cela suffit pour le perdre. Que si les lois des hommes sont protégées avec tant de sollicitude , à combien plus forte raison celles de Dieu !
Nous pouvons nous condamner par un seul péché. Aussi, puisque les oeuvres ont des conséquences méritoires, le péché mortel, n’efface pas les actions de la seule foi qui mène dans la grâce, mais efface les oeuvres qui nous ont maintenu dans la grâce. Comparez cela avec le fondateur de la Sola Fide, Martin Luther, qui dit non seulement que les oeuvres ne sont pas méritoires devant Dieu, mais qu' »aucun péché ne nous séparera de l’Agneau, même si nous commettions fornication ou meurtre mille fois par jour » (lettre à Melanchthon, 1er août 1521). St Jean Chrysostome enseigne de façon très apparente le péché mortel, et ceci est en opposition complète avec ce que Luther (et Calvin) ont écrit.
St Jean Chrysostome conclut aussi cette même homélie IV sur Éphésiens en disant que les bonnes oeuvres sont une cause pour le salut de quelqu’un (dans la mesure où il ne l’efface pas en péchant mortellement):
Cessons donc de nous abuser nous-mêmes avec de telles paroles, veillons, songeons à notre salut, pratiquons la vertu, et excitons-nous nous-mêmes aux bonnes oeuvres, afin que nous soyons jugés dignes d’obtenir cette gloire incomparable en Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Par conséquent, les bonnes oeuvres ne démontrent pas seulement que nous sommes déjà sauvés, mais que nous devons avoir la vertu et les bonnes oeuvres, afin d’être jugé digne d’atteindre cette gloire d’être avec Jésus Christ Notre Seigneur. Il n’y a rien qui dit que l’on soit jugé digne par l’imputation d’une justice externe du Christ. Pour St Chrysostome, si vous n’avez pas les bonnes oeuvres, vous n’êtes pas digne. Pas de Sola Fide.
Les faux apôtres prétendaient que celui qui n’observe pas la loi est maudit, et lui, prouve que celui qui l’observe est maudit, que celui qui ne l’observe pas est béni. Les faux apôtres prétendaient encore que celui qui s’en tient uniquement à la foi est maudit; lui, prouve que celui qui s’en tient uniquement à la foi est béni. Comment donc vient-il à bout de prouver tout cela? Car il ne faut pas supposer que nous avancions cela à la légère. Pour vous en convaincre, écoutez avec soin ce qui va suivre. Cette preuve, il l’avait déjà donnée auparavant quand il avait fait remarquer que l’Ecriture avait dit au patriarche: «Toutes les nations de la terre seront bénies en vous ». Alors ce n’était pas la loi, mais la foi qui agissait; aussi poursuit-il son raisonnement en disant: « Ceux qui s’appuient sur la foi sont donc bénis avec le fidèle Abraham ».
–Commentaire de l’épître aux Galates, chapitre III
En lisant le commentaire de St Chrysostome sur Galates, on peut constater que par moment, il se réfère à « la loi » pour désigner les lois cérémonielles jugées insuffisantes pour sauver. En d’autres moments, il se réfère à la loi pour désigner les commandements, incluant même les commandements moraux, les jugeant insuffisant pour sauver hors de la grâce. Dans cet extrait, nous voyons la référence à Abraham, qui avait la foi, avant sa circoncision. Ici il voit la loi comme une référence à cette dernière, et souligne le fait qu’Abraham était justifié par la foi qu’il avait avant la circoncision. Ainsi, la « foi seule » est mise en contraste avec le rite de circoncision, en tant que « loi » incapable de justifier. Il ne la met pas en contraste avec les oeuvres réalisées dans la grâce de Dieu.
Nous voyons ailleurs dans son commentaire de Galates 5 (chapitre V):
« Vous qui voulez être justifiés par la loi, vous n’avez plus de part à Jésus-Christ, vous êtes déchus de la grâce ». Après avoir donné ses preuves, il prononce désormais ses décisions, et sa décision est qu’ils sont exposés au danger le plus terrible. Puisque celui qui se réfugie sous l’égide de la loi, ne peut être sauvé par elle, et s’exclut de la grâce, à quoi est-il destiné, sinon à un châtiment d’autant plus inévitable que l’une sera sans force pour le protéger, et que l’autre le repoussera loin d’elle ! Il augmente ainsi leurs craintes, porte le trouble dans leurs pensées, et leur montre dans toute son horreur le naufrage qui les attend, puis il leur ouvre tout aussitôt le port de la grâce : ce qu’il fait en toute circonstance, pour faciliter et assurer davantage le salut de ceux qui l’écoutent.
C’est pourquoi il ajoute : « Mais pour nous, c’est en vertu de la foi que nous espérons recevoir du Saint-Esprit nos moyens de justification ». Nous n’avons besoin, dit-il, d’aucune des prescriptions de la loi, car la foi suffit à nous procurer le Saint-Esprit, et par lui notre justification, et mille autres biens précieux. « Car en Jésus-Christ ni la circoncision, ni l’incirconcision ne servent de rien, mais la foi qui est animée par l’amour ». […]
Quel est le sens de ces mots : « La foi animée par l’amour? » En leur parlant ainsi il leur porte un coup bien sensible, car il leur montre que c’est parce que l’amour du Christ n’était pas enraciné dans leur cœur, que le mal a pu s’y introduire; car ce que l’on exigeait d’eux ce n’était pas seulement d’avoir la foi, mais d’avoir aussi l’amour.
St Jean Chrysostome montre que les observances légales ne suffisent pas à sauver. Remarquez ici que quand il mentionne la foi seule, il répudie encore spécifiquement l’idée que seulement croire justifie. Il mentionne aussi que la Loi nous donne des commandements que nous ne pouvons pas suivre hors de la grâce. C’est pour cela que la grâce intervient, pour nous permettre de garder ses commandements. Il dit spécifiquement que croire n’est pas la seule chose qui est demandée pour la justification. Ce qui est demandé, ce sont les oeuvres réalisées dans l’amour. Ainsi dans la justification, il reconnaît que les oeuvres sont une exigence pour le salut, mais que celles-ci doivent être faites dans la grâce de Dieu. Dans son commentaire sur Galates 6:9, qui note que ceux qui sèment pour leur chair récolteront le châtiment éternel, il explique ce qui les attend. Au chapitre VI:
Il n’en est pas de même des choses de l’Esprit, elles produisent même des résultats tout contraires. Voyez plutôt : Vous avez semé l’aumône; les trésors du ciel et une gloire éternelle vous sont réservés : vous avez semé la chasteté, vous récolterez les honneurs, le prix du combat, les éloges des anges et la couronne décernée par le souverain Juge.
Si vous semez de bons fruits, vous irez au ciel. Pratiquer l’aumône apporte le produit du ciel. Si vous ne semez pas de bons fruits, vous n’irez pas au ciel. St Jean Chrysostome montre donc que les oeuvres sont méritoires.
Vous voyez que partout il met les gentils au niveau des Juifs. « Il n’a point fait de différence entre eux et nous, ayant purifié leurs coeurs par la foi (9) ». La foi à elle seule, dit-il, leur a donné tout ce que nous avons. Cela suffisait pour taire rentrer les Juifs en eux-mêmes. Il aurait pu leur apprendre aussi que la foi seule était nécessaire et dispensait des pratiques et de la circoncision
– Homélie XXXII sur les Actes des Apôtres
Dans cette section, St Chrysostome commente le livre 15 des Actes (et je me demande si Mr. King en a étudié la source). Donc, le contexte porte sur la non nécessité des lois de Moïse. Les judaïsants essayaient d’imposer à ceux qui sont venus à la foi en Christ le système de lois incapable d’apporter la grâce. St Chrysostome note qu’en Christ les gentils ont accès au même Dieu que les juifs. Il note justement que Paul et Pierre dans Actes 15 s’opposaient à ces gens qui essayaient de conditionner la justification au fait de garder la circoncision et toutes les lois impliquées dans ce système. Les judaïsants n’essayaient pas de dire « Vous devez réaliser de bonnes oeuvres dans la grâce de Dieu pour être sauvés » quand Pierre et Paul les critiquaient, mais il s’agissait d’imposer la circoncision et les lois qui les ont accompagnées. Ainsi, la référence aux oeuvres impliquait les observances légales comme la circoncision. Dans Actes 15 évidemment, le problème de la circoncision est celui dont parle St Jean Chrysostome, et c’est ce que le contexte indique. Il ne s’agit pas d’exclure les oeuvres d’amour du salut.
Regardons ensuite son commentaire d’Actes 10, dans l’Homélie XXIII:
« Tout homme », dit-il, « qui craint Dieu, et dont les oeuvres sont justes, lui est agréable ». C’est ce que déclare Paul dans ses lettres : « Lors donc que les gentils, qui n’ont point la loi, font les choses que la loi commande ». (Rom. II, 14.) Voilà le dogme et la conduite de Dieu. Si Dieu n’a dédaigné ni les mages, ni l’Ethiopien, ni le larron, ni la courtisane, à bien plus forte raison, ne méprisera-t-il pas ceux qui opèrent la justice et qui la veulent. Mais quoi ? S’ils sont doux et bons, ceux qui ne veulent pas croire ? Eh bien, vous venez de donner la raison, c’est qu’ils ne veulent pas croire. Maintenant, l’homme bon ici, ce n’est pas celui qui a la douceur en partage, mais celui qui opère la justice, c’est-à-dire celui qui, dans toutes ses actions, est agréable au Seigneur, et, pour être agréable, il faut craindre Dieu.
Ainsi, l’homme qui peut pratiquer la loi dans la grâce (comme noté en Romains 2) et qui opère la justice est celui qui est justifié devant Dieu. L’homme doit personnellement être agréable à Dieu dans toutes ses actions. Il n’y a pas la moindre trace d’une justice imputée ou quelque chose du genre. Regardons à présent son commentaire de Romains 14, à l’Homélie XXV:
Car enfin, je vous le demande, ne méritez-vous pas un châtiment si vous péchez? Ne vous a-t-il pas tout prédit? Ne vous a-t-il pas menacé? Ne vous a-t-il pas inspiré des craintes? N’a-t-il pas tout fait pour votre salut à vous? Ne vous a-t-il pas donné l’eau qui régénère, ne vous a-t-il pas remis tout ce que vous aviez fait auparavant? Après cette rémission, après cette ablution, ne vous a-t-il pas encore donné, à vous pécheur, le secours de la pénitence? Ne vous a-t-il pas encore, même après tous ces dons, rendu facile la voie de la rémission des péchés ? Ecoutez donc ce qu’il a commandé : Si vous pardonnez à votre prochain, je vous pardonne moi aussi, dit-il. (Matth. VI, 14.) Où est la difficulté? « Assistez l’orphelin, faites justice à la veuve , et venez , et soutenez votre cause contre moi », dit-il; « et quand vos péchés seraient comme l’écarlate , je vous rendrai blanc comme neige ». (Isaïe, I, 17, 18.) Qu’y a-t-il de pénible là dedans ? « Dites vous-même vos péchés, afin que vous soyez justifié ». (Ib. XLIII, 26.) Où est la difficulté? « Rachetez vos péchés par des aumônes». (Dan. IV, 24.) Faut-il verser beaucoup de sueur pour cela? Le publicain dit : « Ayez pitié de moi qui suis un pécheur » (Luc, XVIII, 13), et il descendit purifié. Faut-il tant se fatiguer pour imiter le publicain ? Mais en dépit de si grands exemples, vous ne voulez pas encore croire à la punition , au châtiment ? Vous ne croyez donc pas que le démon même soit châtié ! «Allez », dit-il, « au feu préparé pour le démon et pour ses anges ». (Matth. XXV, 41.) S’il n’y avait pas de géhenne, il ne serait pas puni; s’il est puni, évidemment nous aussi, qui faisons ses oeuvres, nous devons être punis; car nous aussi nous avons désobéi, quoique nous n’ayons pas désobéi -de la même manière.
Le Protestant Sola Fideiste affirme que l’on ne doit pas répondre de nos péchés si nous sommes dans la grâce de Dieu puisque Dieu ne regarde pas ces péchés, mais la parfaite justice du Christ. Evidemment, St Jean Chrysostome dit que nous faisons face au jugement de Dieu pour nos péchés, y compris pour le châtiment éternel si nous péchons gravement. Ensuite, nous voyons que l’eau qui régénère est celle par laquelle tous nos péchés sont pardonnés. C’est une référence évidente au baptême qui efface tous nos péchés passés, tel qu’on l’a vu plus tôt dans un autre passage. Néanmoins la Sola Fide efface supposément tous les péchés passés et futurs. St Chrysostome indique pourtant que si quelqu’un pèche dans le futur après son baptême, ces péchés ne peuvent être effacés que par la repentance ou la pénitence (et bien qu’il ne précise pas, il prêche sur la nécessité de confession, présumée ici). Il dit même « Rachetez vos péchés par des aumônes » en citant Daniel 4:24 (de la Septante). Ni Luther ni Calvin n’a enseigné qu’on puisse racheter ses péchés par l’aumône. Nous serons punis par nos péchés éternellement si nous nous coupons de la relation avec le Christ par le péché mortel, et pour cela il emploie Matthieu 25:41, qui renvoie à la scène du jugement de Jésus, séparant les brebis des boucs, comme preuve de cela.
En bref, nous avons vu dans ces mêmes homélies de Chrysostome que King a tenté d’utiliser pour faire de lui un défenseur de la Sola Fide, que non seulement la Sola Fide n’était pas enseignée, mais qu’il donnait une perspective totalement contraire à celle-ci. Je monterai à présent d’autres écrits où il enseigne explicitement une doctrine incompatible avec la Sola Fide.
Traité du Sacerdoce, Livre III, §5:
Si l’on vient à réfléchir que c’est un mortel, enveloppé dans les liens de la chair et du sang, qui peut ainsi se rapprocher de cette nature bienheureuse et immortelle, on demeurera étonné de la profondeur de ce mystère, en même temps que pénétré de la grandeur du pouvoir que la grâce de l’Esprit-Saint a conféré aux prêtres. C’est par eux que s’accomplissent ces merveilles, et bien d’autres non moins importantes, pour notre salut comme pour notre gloire. Des créatures qui habitent sur la terre, qui ont leur existence attachée à la terre, sont appelées à l’administration des choses du ciel, à l’exercice d’un pouvoir que Dieu n’a donné ni aux anges ni aux archanges! Car ce n’est pas à ceux-ci qu’il a été dit: Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel; ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. (Matth. XVIII, 18.) Les puissants de la terre ont, eux aussi, le pouvoir de lier, mais seulement les corps; le lien dont parle l’évangile est un lien qui saisit l’âme, et qui s’étend jusqu’aux cieux tout ce que font ici-bas les prêtres, Dieu le ratifie là-haut; le Maître confirme la sentence de ses serviteurs. Il leur a donné pour ainsi dire la toute-puissance dans le ciel. Il dit : Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. (Jean XX, 23.) Est-il un pouvoir plus grand que celui-là? Le Père a donné au Fils tout jugement (Jean V, 22), et je vois le Fils remettre ce même pouvoir tout entier aux mains de ses prêtres.
[…] celui qui reçoit de Dieu une puissance aussi supérieure à celle-là que le ciel est supérieur à la terre, et l’âme au corps, n’aura reçu, au jugement de certaines personnes, qu’une dignité médiocre, une dignité telle enfin qu’on pourra soupçonner quelqu’un d’en avoir méprisé l’honneur et le don! Quelle extravagance! Mépriser une fonction sans laquelle il n’y a pas de salut pour nous, ni d’accomplissement des promesses divines! Nul ne peut entrer dans le royaume de Dieu, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint (Jean III, 5); qui ne mange pas la chair du Seigneur et ne boit pas son sang, est exclu de la vie éternelle. (Jean VI, 54.) Si donc ces bienfaits ne peuvent être conférés que par des mains sanctifiées, conséquemment par celles des prêtres, quel moyen y aurait-il, sans leur ministère, d’éviter le feu de l’enfer, ou de parvenir aux couronnes qui nous sont réservées?
Ici St Chrysostome note que les prêtres sont les agents de Dieu pour le salut. Nous sommes normalement baptisés par un prêtre, dans lequel nous sommes régénérés. C’est à travers les mains du prêtre que nous recevons la grâce salvifique du baptême, selon le saint. Et il note que le grand honneur du prêtre est de remettre les péchés à travers la confession, c’est un grand honneur. Il dit même que nous sommes exclus de la vie éternelle si nous ne consommons pas la chair et le sang de Notre Seigneur Jésus Christ. Ainsi, dans ce passage trois sacrements sont désignés comme salvifiques, ce que King ne rejetterait, ne considérant même pas le troisième (la confession) comme un sacrement. Ainsi, le Christ oeuvre à travers ses prêtres pour accomplir le salut des Chrétiens.
Homélie sur les Statues, IV, §7:
La gloire dont vous serez revêtus sera la digne récompense de mes travaux, et tout mon désir est de vous voir vivre dans la piété. Suivez donc le conseil que je vous donnais hier, que je vous donnerai aujourd’hui, que je ne cesserai de vous donner. Ceux qui jurent, infligez-leur une punition, qui, loin d’être préjudiciable, sera très-salutaire. Préparez-vous à me fournir la preuve d’un changement de conduite. Cette assemblée congédiée, je tâcherai de m’entretenir longuement avec chacun de vous: et dans ce long entretien, je découvrirai ceux qui se sont corrigés. Celui que je surprendrai à jurer, je le dénoncerai à tous ceux qui ont perdu cette mauvaise habitude, et alors nous lui reprocherons son jurement, nous le blâmerons, nous lui ferons sentir sa faute pour le tirer promptement de ce funeste état. Ne vaut-il pas mieux en effet recevoir des reproches ici-bas et se corriger, plutôt que de se voir couvert de confusion et puni en présence de l’univers entier, en ce jour terrible où toutes nos fautes seront révélées? Non, il n’en sera pas ainsi : de cette belle assemblée personne n’éprouvera un tel sort : aidés par les prières des saints, nous quitterons cette vie pleins de confiance, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par quiet avec qui gloire soit au Père, avec le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
La Sola Fide enseigne que ceux qui sont dans sa grâce ne verront jamais leurs péchés examinés, parce que Dieu ne regarde que la justice du Christ imputée à leur compte: il ne regarde pas nos péchés. Si nous recevons des reproches ici-bas, nous serons corrigés ici-bas, afin d’éviter les conséquences futures de nos péchés (excepté la perte de récompenses au ciel). St Jean Chrysostome dit l’inverse: il écrit que nous serons soit condamnés éternellement pour nos péchés mortels, soit nous souffrirons d’une peine temporelle si nous restons dans la grâce, ce qui implique une forme de purgatoire. De même, qu’est-ce qui nous aide à partir en toute confiance? Les prières des saints, [impliquant] les saints défunts qui peuvent prier pour nous. Il y a en leurs prières, qui nous assistent, un trésor qui est efficace pour nous. Celles-ci nous aideront à accomplir les oeuvres qui garantissent que nous partirons vers Dieu en toute confiance. Et pourtant, ces prières sont seulement faites à travers la grâce et la bonté de Notre Seigneur Jésus Christ, ce qui fait qu’elle n’agit pas seulement dans leur prière mais dans les fruits de la vertu accomplie en celle-ci.
Regardons son Homélie IV sur Philippiens:
Aussi n’est-ce pas en vain que les apôtres nous ont laissé la coutume et la loi : vous savez que, d’après eux, dans nos saints et redoutables mystères, il doit être fait mémoire des défunts. Ils savaient quel avantage, quel bien immense ce souvenir devait leur procurer. Dans le moment, en effet, où tout le peuple fidèle, uni au corps sacerdotal, debout, les bras étendus, offre le redoutable sacrifice, comment Dieu ne serait-il pas fléchi par les prières que nous adressons en leur faveur ? Car nous parlons de ceux qui sont morts dans la foi. Les catéchumènes n’ont aucune part à ces consolantes prières; privés de tout autre secours, il leur en reste un cependant, un seul, et lequel ? C’est que nous fassions pour eux l’aumône aux pauvres : leur pauvre âme en recueillera quelque bienfait.
St Jean Chrysostome mentionne que les apôtres eux-mêmes ont commandé de prier pour les morts. Le sacrifice de la Messe, qui donne une grâce efficace, non pas seulement pour nous, mais pour ceux qui sont morts dans la grâce de Dieu. Si nous mourrons en celle-ci, mais avec une âme toujours entâchée de péchés, nous aurons besoin d’une purification après avoir été jugé digne de la présence de Dieu. Apparemment, Chrysostome n’adhère pas au concept de la Sola Fide, dans lequel aucune purification n’est nécessaire après la mort, puisque la justice du Christ a déjà été imputée à notre compte. Il fait presque la même référence dans son Homélie XLI sur 1 Corinthiens, au verset 15:46, où il parle de la nécessité de prier pour les morts à travers les divins mystères (l’Eucharistie) afin d’obtenir leur profit.
Regardons maintenant son Homélie V sur Romains, où il commente Romains 2:6-8:
« Qui rendra à chacun selon ses oeuvres; à ceux qui par leur persévérance dans les bonnes oeuvres, etc. (6,7) ». Après s’être montré terrible et sévère, en parlant du jugement et des peines futures, contre toute attente, au lieu d’insister sur le supplice, il revient tout à coup à un sujet plus doux, à la récompense des bons [Schaff: good actions], et dit : « A ceux qui par la persévérance dans les bonnes oeuvres cherchent la gloire, l’honneur, et l’immortalité; la vie éternelle ». Ici il relève ceux qui avaient failli dans les tentations et leur montre qu’il ne faut pas se fier à la foi seule; car, devant ce tribunal, les actions aussi sont examinées. Et voyez comment, en parlant de l’avenir, il ne peut expliquer clairement en quoi consistent ces biens, mais parle de gloire et d’honneur. En effet, comme ces biens surpassent tous les biens terrestres, il ne trouve rien qui puisse en donner l’image; mais il leur applique comme il peut le nom des choses qui brillent le plus à nos yeux, la gloire, l’honneur, la vie : car voilà surtout ce que les hommes recherchent. Mais tels ne sont pas les biens du ciel, qui l’emportent d’autant plus sur ceux-ci qu’ils sont incorruptibles et immortels. Voyez-vous comme, en parlant d’incorruptibilité, il nous ouvre la porte pour traiter de la résurrection du corps? Car cette incorruptibilité concerne ce corps de corruption. Et comme ce n’était pas assez, il y ajoute la gloire et l’honneur. Car tous nous ressusciterons incorruptibles, mais non tous pour la gloire-: les uns pour le supplice, les autres pour la gloire.
Remarquez qu’il dit bien qu’il ne faut pas se fier à la foi seule. Cela signifie que croire et faire confiance n’est pas suffisant. Nos actions déterminent si nous aurons le châtiment ou la vie éternelle. Ainsi, quoiqu’il ait voulu dire en Romains 4, il n’entendait pas que la justification soit uniquement faite par la foi. Le Protestant Sola Fideiste considère que Romains 2 dit que tous échoueront, en essayant d’accomplir la loi, même dans la grâce. Les Sola Fideistes disent que nous ne pouvons pas être des observateurs de la loi. Quand Romains 2:13 parle de ceux qui mettent en pratique la loi afin d’être justifiés devant Dieu, c’est purement hypothétique, et cela ne peut jamais être accompli dans la justification. Ou si quelqu’un est Chrétien, il essaiera de pratiquer la loi, mais ce ne sera pas une raison pour sa justification. Les Catholiques diront que dans la grâce, il est possible de mettre en pratique la loi. La loi n’est pas salvifique en soi, mais à travers les yeux de la grâce (ou la loi du Christ, Gal. 6:2), nous pouvons accomplir la loi dans la justification. La loi en soi ne sauve pas, mais à travers la grâce, il est possible et nécessaire de la mettre en pratique pour obtenir le salut final. Le Protestant Sola Fideiste niera que cela puisse être une raison d’être justifié devant Dieu. Mais que dit St Jean Chrysostome à ce sujet? Toujours dans l’Homélie V:
« Car quiconque a péché sans la loi, périra sans la loi ; et quiconque a péché sous la loi, sera jugé par la loi » […]
Voyez-vous comme il fait sentir aux Juifs un plus grand besoin de recourir à la grâce? Car comme ils prétendaient être justifiés par la Loi seule et n’avoir pas besoin de la grâce, il leur prouve qu’ils en ont plus besoin que les Grecs, puisqu’ils doivent être punis plus sévèrement. Ensuite il fait un autre raisonnement pour appuyer ce qu’il vient de dire : « Car ce ne sont pas ceux. qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu ».
Il a raison de dire « Devant Dieu » ; car ils peuvent paraître honorables devant les hommes, et beaucoup se vanter, tandis que devant Dieu c’est tout le contraire. « Mais ce sont les observateurs de la loi qui seront justifiés ». Voyez-vous avec quelle vigueur il retourne son raisonnement dans le sens opposé? Si vous demandez, dit-il, à être sauvé par la loi, le Grec sera sauvé avant vous, lui qui paraît avoir, observé ce qui est écrit. Et comment, direz-vous, a-t-il pu observer sans avoir entendu? Cela est possible, répond l’apôtre, et même plus encore, car non-seulement on peut accomplir sans avoir entendu, mais on peut avoir entendu et ne pas accomplir; ce qu’il exprime dans la suite plus clairement. et plus énergiquement, en disant : « Toi qui instruis les autres, tu ne t’instruis pas toi-même ? » En attendant il prouve ici son premier point : « En effet lorsque les gentils, qui n’ont pas la loi, font naturellement ce qui est selon la loi; n’ayant pas la loi, ils sont à eux-mêmes la loi ».
St Chrysostome considère que Paul montre aux Juifs que, d’une part, bien que la loi ne sauve pas par elle-même, il est important de recourir à la grâce, se rendant par cette grâce capable d’être un observateur de la loi. Il n’est même pas nécessaire de l’avoir entendue, même les Gentils peuvent être des observateurs de la loi. La raison de cela est la grâce, et la grâce est nécessaire. Les Juifs ne peuvent être des observateurs de la loi sans la grâce. St Chrysostome considère alors que c’est non seulement possible, mais absolument nécessaire de l’être dans la grâce pour être sauvé.
En conclusion, les idées de St Jean Chrysostome, qui enseignait non seulement la régénération baptismale (que les Luthériens admettent et non les Calvinistes comme King), mais aussi la grâce salvifique de l’Eucharistie, la confession comme moyen ordinaire de remettre les péchés, les oeuvres comme méritoires et essentielles dans le salut, le fait que le prêtre ait le pouvoir de pardonner les péchés, ainsi que l’Eucharistie comme sacrifice pour le pardon des péchés, sont opposées à la Sola Fide telle qu’elle est prêchée par Luther, Calvin ou leurs disciples. Les oeuvres sont d’une absolue nécessité. Les péchés mortels coupent de la grâce de Dieu. Ces choses sont toutes écrites par le saint dans les mêmes commentaires que King a voulu exploiter pour lui attribuer la Sola Fide. Toute tentative de dire qu’il était un pionnier de la pensée de Luther ou de Clavin est réfutée par ces faits.
St Jérôme de Stridon
« Quand un impie se convertit, Dieu le justifie par la foi seule »
– Retrouvée dans Expositio in Epistolam ad Romanos, chap. 4 (PL 30 col. 688)
[NdT. Ce passage commente Romains 4, qui parle du fait qu’Abraham fut justifié par le fait de croire en Dieu. St Jérôme précise à la suite qu’il s’agit de l’impie, et non du pécheur. Il semble clairement dire que Dieu pardonne les péchés dans la conversion sans nécessité d’oeuvre particulière, ce qui est vrai. Cela n’implique pas cependant que cette foi suffira si on ne réalise pas les bonnes actions que cette foi exige après avoir cru.]
Mais est-ce que la Sola Fide accepte la nécessité d’un Purgatoire? Voyons-voir si Jérôme s’accorde (ou s’approche) du concept Protestant de la Sola Fide.
Commentaire sur Isaïe 18 (chap. 66, verset 24; PL 24, col.702):
Et comme pour le diable, tous les renégats et les impies, qui disent dans leur coeur « Il n’y a point de Dieu! », nous croyons aux tourments éternels, ainsi pour les pécheurs et impies, pourtant Chrétiens, dont les oeuvres sont éprouvées et purgées, nous pensons que la sentence du juge sera modérée et partagée.
Contre Jovinien, Livre II, §2:
Comme le jour et la nuit ne peuvent se mêler, ainsi ne le peuvent la justice et l’iniquité, le péché et les bonnes œuvres, le Christ et l’Antéchrist. Si nous ouvrons à Jésus-Christ l’hospitalité de notre cœur, aussitôt nous mettons en fuite le démon. Si nous avons péché, et que le diable soit entré par la porte du péché, à l’instant même Jésus-Christ s’est retiré de nous. Aussi David après son péché s’écrie-t-il : « Rendez-moi, Seigneur, la joie de votre salut, » Psalm. L, 14, évidemment celle qu’il avait perdue en péchant. « Celui qui dit qu’il le connaît et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n’est point en lui. » I Joan. n, 4. Il appelle le Christ, la vérité : « Je suis la voie, la vie et la vérité. » Joan. xiv, 6. En vain, nous applaudissons-nous en Dieu, si nous ne gardons pas ses commandements.
Contre Jovinien, Livre II, §3:
Car la justice de Dieu ne veut pas qu’il oublie vos bonnes œuvres et les assistances que vous avez rendues en son nom et que vous rendez encore aux saints, pour ne se souvenir que de vos fautes. Et l’apôtre Jacques, sachant qu’on peut être tenté après le baptême et succomber par sa propre volonté : « Heureux, dit-il, celui qui souffre la tentation, parce que lorsqu’il aura été éprouvé, il recevra la couronne de vie que Dieu a promise à ceux qui l’aiment. » Jac. i, 12. Et pour que nous ne pensions pas, d’après la Genèse, où il est écrit qu’Abraham fut tenté par Dieu, Genes. xxii, que nous pouvons aussi être tentés par Dieu, l’Apôtre ajoute : « Que nul ne dise, lorsqu’il est tenté, que c’est Dieu qui le tente ; car Dieu est incapable de tenter, et de pousser personne au mal. Mais chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l’emporte et l’attire. Et ensuite quand la concupiscence a conçu, elle enfante le pêché ; et le péché étant accompli engendre la mort. » Jacob . i, 13 et seqq. Dieu nous a créés libres, et nous ne sommes entraînés par nécessité ni à la vertu, ni au vice. Au reste, là où il y a fatalité, il ne saurait y avoir récompense. De même que Dieu conduit à la perfection dans les bonnes œuvres, puisqu’il ne dépend pas de la volonté de celui qui court, mais de la miséricorde et du secours divin que nous ayons la force de parvenir au but; de même dans le mal et le péché, nos désirs sont l’aiguillon, et le diable parfait l’œuvre. Quand il nous voit sur le fondement de Jésus-Christ élever un édifice d’herbes, de bois et de paille, il y met le feu. Edifions donc l’or, l’argent, les pierres précieuses, et il n’osera pas nous tenter, bien qu‘en cela même, la possession ne soit ni certaine ni sûre, parce que le lion est en embuscade dans l’ombre pour donner la mort à l’innocence. « La fournaise éprouve les vases du potier; la tentation et la tribulation, les hommes justes: ». Eccli. xxvii, 6. Et ailleurs, il est écrit: « Mon fils, en entrant au service de Dieu, préparez-vous à la tentation. » Le même saint Jacques dit encore : « Ayez soin d’observer cette parole et ne vous contentez pas de l’écouter. Car celui qui écoute la parole sans la pratiquer, est semblable à un homme qui jette les yeux sur son visage naturel qu’il voit dans un miroir, et qui après s’en, va, et oublie à l’heure même quel il était. » Jacob, i, 22 et seqq . En vain avertirait-il de joindre les œuvres à la foi, si l’on ne pouvait pécher après le baptême.
Contre Jovinien, Livre II, §22:
Et aux Corinthiens : « C’est moi qui ai planté, c’est Apollo qui a arrosé, mais c’est Dieu qui a donné l’accroissement. Ainsi celui qui plante n’est rien, celui qui arrose n’est rien; mais tout vient de Dieu qui donne l’accroissement. Celui donc qui plante et celui qui arrose ne sont qu’une même chose; mais chacun recevra sa récompense particulière selon son travail. Car nous sommes les coopérateurs de Dieu ; et vous, vous êtes le champ que Dieu cultive, et l’édifice que Dieu bâtit. » I Corinth. iii, 6 et seqq. Et encore: « Pour moi, selon la grâce que Dieu m’a donnée, j’ai posé le fondement comme fait un sage architecte : un autre bâtit dessus. Mais personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé, et ce fondement c’est Jésus-Christ. Si l’on élève sur ce fondement un édifice d’or, d’argent, de pierres précieuses, de bois, de foin, de paille, l’ouvrage de chacun paraîtra enfin, et le jour du Seigneur fera voir quel il est, parce que ce jour sera manifesté par le feu, et que ce feu mettra à l’épreuve l’ouvrage de chacun. Si l’ouvrage que quelqu’un aura bâti, résiste au feu, il en recevra la récompense. Si l’ouvrage de quelqu’un est brûlé, il en souffrira la perte ; il ne laissera pas néanmoins d’être sauvé, mais comme en passant par le feu. » Ibid. 10 et seqq . Par conséquent, tandis que celui dont l’ouvrage sera brûlé et périra, souffrira la perte de son travail et en perdra le salaire, mais pourtant sera sauvé lui-même, non cependant sans passer par le feu; celui dont l’ouvrage qu’il avait bâti, demeurera, sera sauvé sans passer par le feu. Il y aura donc salut et salut [des saluts divers: inter salvationem et salvationem utique erit diversitas aliqua].
Conclusion – Le fait que St Jérôme croit au purgatoire devrait écarte l’idée qu’il adhère à un quelconque concept de Sola Fide. Si quelqu’un est dans la grâce de Dieu, il doit éviter les péchés mortels pour atteindre la vie éternelle, et les bonnes oeuvres sont nécessairement liées au salut. Afin de garder le Christ et le salut, nous devons lui rester fidèle. Dieu nous donne la grâce de nous maintenir dans cet état de grâce, mais il y a une possibilité réelle de perdre son salut. Il cite même Romains 9, un passage souvent utilisé par les Calvinistes, pour montrer cette même possibilité. En passant, notons que St Jérôme, qui est souvent cité comme rejetant les livres deutérocanoniques comme faisant partie de l’Ecriture, cite ici le Siracide comme preuve de la nécessité des oeuvres. Il n’y a ni négation des deutérocanoniques, ni affirmation du concept de la Sola Fide.
Saint Augustin
Bien qu’on puisse dire avec raison que les commandements de Dieu se rattachent à la [seule] foi [solam fidem], si l’on entend par là, non la foi morte, mais la foi vivante qui agit par la charité
– De la foi, Livre III: De la foi et des oeuvres, Chapitre XXII, §40 (PL 40, col.223)
La foi qui sauve, ou « seule », est celle qui agit par la charité. Ce qu’Augustin souligne ici, c’est que les commandements ne peuvent être gardés que si les oeuvres sont basées sur la foi. Non pas que la foi est l’unique instrument de justification. En fait, il dit tout le contraire de ce que King affirme comme nous le verrons plus bas. Une fois dans la grâce de Dieu, nous pouvons ensuite mériter la vie éternelle.
King essaie encore de citer St Augustin:
Etonné peut-être de ces paroles, on se demandera si tous ceux qui ont été appelés sont justifiés ? Or, nous lisons ailleurs: « Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus » Tous ceux qui sont élus ayant été assurément appelés aussi, il est évident que la vocation est la première condition de la justification ; mais elle ne suffit pas, il faut de plus avoir été, comme l’Apôtre s’exprime plus haut, « appelé selon le décret. »
– Explication de quelques propositions de l’épître aux Romains, LV
Cela n’a rien à voir avec la Sola Fide. Tout ce que cela dit, c’est que ceux qui sont justifiés ont été appelés et élus. Rien de tout ceci n’implique la foi comme unique instrument du salut.
Evidemment, St Augustin enseigne que nous sommes récompensés par le ciel pour nos oeuvres [dans la grâce]. Diverses questions à Simplicien, livre I, chapitre II, §21:
On nous ordonne de bien vivre, en nous proposant pour récompense le bonheur éternel; mais qui peut bien vivre et bien agir, s’il n’est justifié par la foi ? On nous ordonne de croire, afin de recevoir le don du Saint-Esprit et de faire le bien par l’amour
Non seulement il nous est ordonné de bien vivre, mais la récompense pour ceci est la vie éternelle. Non pas uniquement la foi. Encore une fois, ces bonnes oeuvres ne peuvent venir que si on les fonde dans la foi. Commentaire du Psaume 83, §16:
Il m’a accordé le pardon, il me donnera la justice; il m’a accordé le pardon, il me doit la couronne. Comment la doit-il? Qu’a-t-il reçu? De qui Dieu est-il débiteur? Nous le voyons, Paul regarde Dieu comme un débiteur; il a obtenu le pardon, il exige la vérité: « Le Seigneur », dit-il, « me rendra en ce jour». Que peut-il te rendre, sinon ce qu’il te doit? D’où vient celte dette? Que lui as-tu donné? De qui a-t-il reçu quelque chose, qu’il doive rendre ensuite? Dieu s’est fait lui-même débiteur, non qu’il ait reçu, mais parce qu’il a promis. On ne lui dit point: Rendez ce que vous avez reçu; mais: Donnez ce que vous avez promis.
St Augustin montre que Dieu s’est fait lui-même débiteur, non pas dans le sens où il nous doit quelque chose en raison de ses oeuvres, mais en raison de la fidélité à sa propre promesse. Il accorde le pardon en raison de sa miséricorde, et il récompense la vie éternelle par fidélité à sa promesse. Lettre CXCIV à Sixte, §6 :
De quels mérites pourrait donc se vanter celui qui est délivré, puisque s’il lui était fait selon toute rigueur de justice, il serait condamné? Est-ce à dire que les justes n’aient aucun mérite? Non, sans doute, puisqu’ils sont justes, mais ils n’avaient point de mérites pour devenir justes
Dieu nous récompense selon nos mérites. Cependant, si les mérites n’étaient que les nôtres, nous ne pourrions recevoir que la condamnation éternelle. Toutefois, les mérites que nous avons nous viennent gratuitement de lui:
De quelle manière l’homme peut-il donc mériter la grâce, puisque aucun mérite ne saurait être en nous que l’oeuvre de la grâce, et que, lorsque Dieu couronne nos mérites, il ne couronne que ses dons? (Ibidem, §19)
La grâce est encore une fois un don de Dieu. Le mérite que l’on possède est récompensé par le salut de Dieu. Dieu couronne nos mérites, mais ces mérites sont les propres dons de Dieu. C’est un enseignement Catholique par excellence.
De la Grâce et du Libre Arbitre, chapitre VI, §5:
Dans ce cas, vos prétendus mérites ne sont que des titres au châtiment, car ce sont des mérites mauvais que Dieu ne saurait couronner; et si vos mérites sont bons, ils sont réellement des dons de Dieu, selon cette parole de saint Jacques : « Tout bienfait excellent et tout don parfait nous vient d’en haut, et descend du Père des lumières (Jacq. I, 17) ». Saint Jean le précurseur avait dit également: « L’homme ne peut recevoir que ce qui lui est donné du ciel (Jean, III, 27) ». C’est aussi du ciel que nous est venu le Saint-Esprit, après que Jésus y fut monté, qu’il y eut entraîné notre captivité captive, et qu’il eut versé sur, les hommes ses dons les plus abondants (Ps. LXVII, 19; Eph. IV, 8). Si donc vos mérites sont des dons de Dieu, Dieu en les couronnant couronne ses dons, et non pas vos mérites personnels.
L’affirmation que font parfois les Protestants au sujet du Catholicisme est qu’il enseigne que l’on obtient le salut par nos propres forces. Ou alors s’is admettent que le Catholicisme enseigne que les oeuvres sont habilitées par la grâce, ces oeuvres ne sont cependant pas méritoires dans la justification devant Dieu. St Augustin enseigne pourtant la perspective Catholique sur le mérite et la grâce. Comme il le souligne, on ne peut atteindre le salut par son propre pouvoir et mérite. Cependant si ces oeuvres sont faites dans la grâce de Dieu, si les mérites de quelqu’un dérivent de Dieu lui-même, alors Dieu nous récompense et fait qu’elles méritent le salut. Nos mérites sont les dons de Dieu pour nous. Leur fin est le salut.
Nous voyons Saint Augustin parler clairement du besoin d’un purgatoire purificateur après la mort, et que ce processus est appuyé par le Sacrifice de la Messe, au Sermon CLXXII, §2:
Mais les prières de la sainte Eglise, le sacrifice de notre salut et les aumônes distribuées dans l’intérêt de leurs âmes, obtiennent pour eux sans aucun doute que le Seigneur les traite avec plus de clémence que n’en ont mérité leurs péchés. En effet la tradition de nos pères et la pratique universelle de l’Eglise veulent qu’en rappelant au moment prescrit, durant le sacrifice même, le souvenir des fidèles qui sont morts dans la communion du corps et du sang de Jésus-Christ, on prie pour eux et on proclame que pour eux on sacrifie. Or, si pour les recommander à Dieu on fait des oeuvres. de charité, qui pourrait douter qu’ils n’en profitent, quand il est impossible qu’on prie en vain pour eux? Il est incontestable que tout cela sert aux morts ; mais aux morts qui ont mérité avant leur trépas de pouvoir en tirer avantage après.
Les prières offertes sur le véritable Corps et Sang du Christ, offerts à Dieu en sacrifice, aident ceux qui dans la grâce ont besoin d’aide: ceux qui sont morts dans la grâce de Dieu mais néanmoins nécessitaient purification. Evidemment, cette doctrine est anathème pour quiconque croit en la Sola Fide. Mentionner le nom de Saint Augustin d’une quelconque manière comme d’un prédécesseur, ou pire l’un des fondateurs de ce qui serait plus tard développé par Calvin et Luther dans la Sola Fide, serait soit volontairement sélectif, ignorant et/ou malhonnête. N’importe quelle croyance en le purgatoire indique qu’on ne peut pas l’utiliser comme un prédécesseur de la Sola Fide.
Théodore de Mopsueste
« Paul n’a pas dit « nous estimons » parce qu’il était incertain. Il l’a dit afin de contrer ceux qui en tiraient la conclusion que n’importe qui le désirant pourrait être justifié du simple fait de vouloir la foi. Notez avec précaution que Paul ne dit pas seulement « sans la loi », comme si nous pouvions pratiquer la vertu par la volonté, ou réaliser les oeuvres de la loi par la force. Nous les réalisons parce que nous avons été amenés par le Christ à le faire. «
– Commentaire sur Rom. 3:28, dans Gerald Bray, ed., Ancient Christian Commentary on Scripture, New Testament VI: Romans, Downers Grove: InterVarsity Press, 1998, pp. 104-105.
Ce commentaire se contente d’évoquer le fait que la foi que nous avons et qui justifie est un don de Dieu. Nous ne voulons pas notre propre foi. C’est un don de Dieu. Théodore dit que ce n’est pas par la loi que nous sommes sauvés. La loi ne justifie pas en dehors de la grâce, qui est un don de Dieu. Il ne dit rien au sujet de l’imputation d’une justice externe à notre compte comme base de notre justification, ou que les oeuvres dans la grâce ne sont pas une cause de justification. C’est simplement que la foi est nécessaire, ce avec quoi tout Catholique s’accorde. Pour Théodore de Mopsueste († 428 ap. J-C), nous ne disposons que de commentaires fragmentés. Il y a peu de citations de lui dans Jurgens et les 38 volumes des Schaff n’ont pas ses écrits, donc je n’ai accès qu’à peu de citations. Mais ce que j’ai montré révèle une perspective très anti-sola fidéiste sur la sotériologie. Les sacrements et les oeuvres sont essentielles au salut. Par exemple, nous voyons les oeuvres et les sacrements comme essentiels pour que nos péchés soient pardonnés et pour être capable de faire face au jugement de Dieu dans les Homélies Catéchétiques, XVI:
[Si nous avons péché], le Corps et le Sang de notre Seigneur … nous renforcera, … si nous avons commis [ces péchés] involontairement, s’ils sont arrivés contre notre volonté par la faiblesse de notre nature, si nous sommes tombés en eux contre notre désir, et nous sommes pour cette raison remplis de remords et ayons prié Dieu dans le repentir pour nos chutes … Si avec diligence nous faisons de bonnes oeuvres et nous écartons des mauvaises actions et nous repentons des péchés qui adviennent, sans aucun doute nous obtiendrons la grâce de la rémission des péchés dans la réception du saint Sacrement.
(William Jurgens, The Faith of the Early Fathers, vol. 2, Liturgical Press, Collegeville, Minnesota, 1979, p.83, basé sur l’édition de Mingana, Commentary of Theodore of Mopsuestia on the Lord’s Prayer and on the Sacraments, Cambridge, 1933)
Le Protestant Sola Fidéiste dit que l’on est justifié par la foi seule, et ces péchés, passés, présents et futurs sont pardonnés. La base de ce pardon est la punition du Christ par Dieu, considéré comme un pécheur, et le Chrétien à sa place reçoit sa parfaite justice attribuée à son compte. Ainsi, il n’y a pas de punition pour les péchés, bien que l’on puisse être discipliné sur terre, on ne devra pas ultimement répondre des péchés que l’on commet, parce que Dieu regarde seulement la parfaite justice du Christ, et ne voit aucun des péchés que nous commettons dans le jugement dernier. Cette citation plus haut montre que Théodore de Mopsueste ne pense pas de cette manière. Afin d’obtenir la rémission des péchés, nous devons nous repentir, nous écarter du mal, et faire le bien, selon Théodore.
Il montre cette perspective dans cette même homélie:
Si nous commettons un grand péché contre les commandements … nous devons d’abord pousser notre conscience avec toutes nos forces pour se hâter et se repentir de notre péché comme il se doit, et ne nous accorder aucun autre remède… Ceci est le remède pour les péchés, établi par Dieu et délivré par les prêtres de l’Eglise, qui en font un usage diligent dans la guérison des afflictions humaines. Vous êtes conscients de ces choses, et aussi du fait que Dieu, parce qu’Il s’inquiète pour nous, nous a donné la pénitence et nous a montré le médicament de la repentance; et Il a établi quelques hommes, qui sont prêtres, comme médecins du péché. Si dans ce monde nous recevons à travers eux la guérison et le pardon des péchés, nous serons délivrés du jugement qui est à venir. Il nous incombe alors de nous approcher des prêtres avec grande confiance et de leur révéler nos péchés; et ces prêtres, en toute diligence, sollicitude et amour, en accord avec les règles mentionnées plus haut, accorderont la guérison aux pécheurs. [Les prêtres] ne révèleront pas les choses qui ne doivent être révélées; plutôt, ils garderont le silence au sujet des choses qui sont arrivées, comme cela convient à de véritables pères aimants, qui sont engagés à protéger la honte de leurs enfants dans leur effort pour guérir leurs corps.
(Ibidem, pp.83-84)
Il nous montre qu’il y a des péchés mortels qui nous coupent de la grâce de Dieu. Il n’y a qu’un seul remède que Dieu nous donne pour pardonner ces péchés. Les lecteurs des épîtres de Théodore en sont conscients. Les prêtres ont l’autorité pour donner ce remède, le pardon des péchés. Tous les péchés que nous commettons sont à faire pardonner à travers les prêtres, qui sont nommés « médecins », qui accordent la guérison des péchés à ceux qui viennent à eux. C’est de cette façon que Jésus pardonne les péchés. Théodore est-il donc un véritable Sola Fidéiste?
St Cyrille d’Alexandrie
Quod autem sola fides nisi operum splendore praedita ad conciliandam nobis cum Deo conjunctionem non sufficiat, significat quoque his verbis Christi discipulus: « Tu crederis quoniam unus est Deus: et daemones credunt, et contremiscunt (Jac. 2:19).
– In Joannis Evangelium, Livre X, chapitre XV, §7 (PG 74, col. 368).
[NdT. David King donne seulement la référence en disant qu’elle fait allusion à Jacques 2:19, mais le passage en latin dit précisément que la foi seule ne suffit pas sans les oeuvres, il est possible qu’il n’ait pas vérifié son contenu]
Mr. King ne nous donne même pas une citation à laquelle répondre, lorsqu’il reprend la citation du latin par Fitzmyer. « Faire allusion » à Jacques 2:19 indique très probablement qu’il n’aurait pas parlé de foi seule, puisque Jacques 2 est de toute évidence un passage qui montre précisément que la foi seule ne justifie personne.
St Cyrille voit les sacrements comme un moyen de salut, excluant ainsi la position de la Sola Fide telle qu’avancée par King: par exemple, St Cyrille écrit dans son commentaire des « Douze prophètes mineurs », qui incluent Joël, à la section 32:
L’eau vivante du saint Baptême nous est donnée comme dans la pluie, et le Pain de la Vie comme dans le blé, et le Sang comme dans le vin. En plus de cela il y a l’usage de l’huile, considérée comme perfectionnant ceux qui ont été justifié dans le Christ à travers le saint Baptême.
(William Jurgens, The Faith of the Early Fathers, vol. 3, Liturgical Press, Collegeville, Minnesota, 1979, p.219, basé sur l’édition de P.E. Pusey, Sancti patris nostri Cyrlli archiepiscopi Alexandrini in duodecim prophetas, en deux volumes, Oxford, 1868; aussi en PG 71 et 72, 9-364)
St Cyrille montre que les trois sacrements sont salvifiques. Le baptême est comme la pluie qui donne vie à une âme desséchée. Quelqu’un est justifié à travers le saint Baptême, ce qui n’est pas un argument que King avancerait. Le Pain de la Vie renvoie évidemment au sacrement de l’Eucharistie comme nourriture qui donne vie à l’âme. Il parle de la confirmation comme perfectionnant ceux qui ont été justifié. Mais si c’est seulement la foi qui est un instrument du salut, on n’aurait aucunement besoin d’être perfectionné puisque la justice externe du Christ serait imputée à notre compte.
St Cyrille note aussi que l’onction des malades apporte le pardon des péchés, dans « Sur l’Adoration et le Culte en Esprit et en Vérité », §6 (Ibidem, p.217, basé sur PG 68, 133-1125):
Mais vous, si une partie de votre corps souffre, et si vous croyez que dire les termes « Seigneur Sabaoth! », ou quelque appellation attribuée à Dieu dans les divines Ecritures au sujet de Sa nature, a le pouvoir d’écarter le mal, alors allez et prononcez ces termes, faites-en une prière pour vous-même. Vous ferez mieux qu’à présent du simple fait de prononcer ces noms, et vous donnerez la gloire à Dieu et non aux esprits impurs. Je rappelle aussi ce que disent les Ecritures divinement inspirées: « Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Qu’il appelle les presbytres de l’Église et qu’ils prient sur lui après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera. S’il a commis des péchés, ils lui seront remis. » (Jacques 5:14-15)
St Cyrille parle de la nécessité de prendre part à l’Eucharistie pour le salut: dans son Commentaire de Jean, Livre X, chapitre 2, sur Jean 15:1 (Ibidem, pp.223-224, col. ):
Le Sauveur Lui-même déclare, « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jean 6:56). » Par cette affirmation il faut noter que le Christ ne dit pas qu’il sera en nous seulement après avoir réalisé une relation qui serait seulement intellectuelle, mais aussi à travers une véritable participation selon la nature. Si quelqu’un devait combinait ensemble deux morceaux de cire et les faire fondre avec un feu, afin que les deux fassent un, de même à travers la participation au Corps du Christ et en Son Précieux Sang, Il nous est uni en nous et nous sommes unis en Lui. En aucune autre manière cette nature corruptible pourrait être vivifiée que dans l’unité corporelle au Corps du Christ qui est, par Sa nature même, vie: c’est-à-dire, l’Unique Engendré.
(basé sur l’édition de P.E. Pusey, Sancti patris nostri Cyrilli archiepiscopi Alexandrini in Divi Iohannis evangelium, en trois volumes, Oxford, 1872; aussi en PG 73 et 74, 9-756)
Noter qu’il n’y a pas d’autres façons pour notre nature corruptible d’être vivifiée, exceptée via la participation dans le Corps et le Sang du Christ. Nous voyons que non seulement Cyrille comprend Jean 6 dans la conception Catholique de l’Eucharistie, mais il écrit aussi ceci dans son Commentaire de Matthieu, sur Mt. 26:27 (Ibid., p.220):
Il affirme démonstrativement: « Ceci est Mon Corps » et « Ceci est mon Sang » (Mt.26:26-28), de crainte que vous supposiez que ces choses doivent être comprises comme une métaphore. Au contraire, par un secret du Dieu Tout-Puissant les choses visibles sont transformées en Corps et Sang du Christ, véritablement offerts en sacrifice dans lequel, nous participants, recevons la puissance vivifiante et sanctifiante du Christ.
(basé sur l’édition de J. Reuss, Matthdus-Kommentare aus der griechischen Kirche, Vol. 61 de Texte und Untersuchungen, Berlin 1957, pp. 103-269; aussi en PG 72, 365-374)
La seule manière d’être uni corporellement à Lui, c’est le Pain et le Sang vivifiants du Christ. David King, en tant que Presbytérien, voit l’Eucharistie comme une simple image. St Cyrille utilise Jean 6 non seulement pour le lier à l’Eucharistie, mais en parle aussi comme donnant des conséquences salvifiques. La participation dans le Corps et le Sang du Christ est la seule manière par laquelle la nature corruptible peut être amenée à la vie. Il cite aussi Matthieu non seulement d’une manière catégorique qu’il s’agit de la présence du Christ dans l’Eucharistie (ce qui implique la transsubstantiation), mais que celle-ci est offerte en sacrifice pour que nos âmes reçoivent la puissance vivifiante et sanctifiante du Christ. C’est un sacrifice offert pour nos péchés. Aucun défenseur de la Sola Fide considère l’Eucharistie comme telle. Ce n’est pas un sujet secondaire, mais touche directement à la question du salut.
Regardons un autre commentaire très instructif de Jean 6. Selon lui, ceci a des conséquences pour le salut, dans son Commentaire de Jean, livre IV, chapitre 2, sur Jean 6:53:
A ceux qui par ignorance n’ont pas encore reçu la foi en Christ, laissons-les entendre « si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. » (Jean 6:53). Ceux qui n’ont pas reçu Jésus par la bénédiction mystique [traduit « sacrement » dans l’édition de Routledge, 2000] demeurent complètement sans aucune part ni goût de la vie de sainteté et de bénédiction.
(Ancient Christian Texts: Cyril of Alexandria – Commentary on John, Vol. I, traduit par David Maxwell, Edité par Joel C. Elowsky, Downer Grove, IL: InterVaristy Press, 2013, p.236)
Cyrille parle des conséquences salvifiques de l’Eucharistie, ce qu’il avait déjà déclaré précédemment comme étant le Corps et le Sang du Christ. Maintenant, il dit que ceux qui ne prennent pas part à l’Eucharistie sont en fait « complètement » dénués de part ou de goût de la vie de Jésus Christ. Etant donné que cette grâce nourrit l’âme, ceux qui sont privés de la réception de Jésus à travers le sacrement sont privés d’une quelconque part dans la vie de Jésus. St Cyrille appellerait dirait donc que King est entièrement dénué du Christ. Comment King fait pour avancer Cyrille comme un défenseur de la Sola Fide, alors que cette même personne aurait dit que King demeure personnellement « complètement sans aucune part ni goût de la vie de sainteté et de bénédiction », cela me dépasse.
St Cyrille écrit aussi dans sa lettre à l’évêque Kalosyrius d’Arsinoë, attaché au début de Contre les Anthropomorphistes, §16:
Ce que le Christ a dit, alors, à propos de l’homme riche et de Lazare, se trouve exprimé avec élégance par une parabole […] Etant donné que le Christ Sauveur de tous les hommes n’est pas encore descendu du ciel, la résurrection n’a pas encore eu lieu non plus, ni une action compensatoire donnée à personne; mais par image l’homme riche est décrit par la parabole comme vivant dans la luxure et sans miséricorde, et l’homme comme étant mal en point, de sorte que ceux qui possèdent les richesses de ce monde sachent que s’ils ne veulent pas être bienveillants, généreux et partageurs, et choisir de subvenir aux besoins des pauvres, ils subiront un terrible et inévitable châtiment.
(William Jurgens, The Faith of the Early Fathers, vol. 3, Liturgical Press, Collegeville, Minnesota, 1979, p.236, basé sur l’édition de P.E. Pusey; aussi en PG 76, 1065-1132)
St Cyrille utilise la parabole donnée par Jésus pour montrer que les possesseurs des richesses doivent être bons et aider les pauvres, s’ils veulent aller au paradis. La parabole est cause et effet. S’il est bon, il va au ciel, sinon, il va en enfer, selon le point de vue de ce bon Saint. Cela diffère de la Sola Fide puisque la Sola Fide enseigne qu’on est justifié par la foi seulement, et que bien que les bonnes oeuvres suivent nécessairement, ce ne sont jamais des raisons d’aller au ciel ou en enfer. St Cyrille dit que si un Chrétien refuse d’aider les autres, il subira un « terrible et inévitable châtiment ». Rien à voir avec le fait d’avoir seulement la foi.
Cela semble présenté comme en Matthieu 25:31-46, où nous voyons qu’au jugement dernier les brebis héritent de la vie éternelle sur la base de leurs bonnes actions, ou privées de la vie éternelle sur la base de leur manque d’oeuvres. Nous voyons ici que St Cyrille reconnaît que dans le jugement particulier, ceci est déjà établi sur la base des oeuvres. Certainement pas seulement par la foi.
St. Cyrille discute aussi la nécessité d’obéir les lois de Dieu, le salut suivant les oeuvres, dans son Commentaire sur Isaïe, 4, 2 (Ibid., p.218):
Quand Dieu dit aux pécheurs « Tu seras encore secouru » (Is. 44:2 dans la Septante), il apporte endurance à ceux pour qui, emmêlés dans beaucoup et d’inévitables péchés, il gardera un reste de bonté et de clémence; et Il dit que même eux Il ne les empêchera pas d’être sauvés s’ils choisissent de revenir à des moyens meilleurs et plus appropriés de suivre Ses lois ».
(basé sur Migne, PG 70, 9-1450)
Nous sommes sauvés SI nous gardons Ses lois. Il ne s’agit pas de dire « ils sont déjà sauvés, et démontreront leur salut en essayant de suivre la loi », mais ils seront sauvés uniquement s’ils suivent Ses lois. Ainsi, suivre la loi est une pour laquelle une personne est sauvée.
Théodoret de Cyr
Neque enim laude dignis operibus nostris, sed per solam fidem mystica bona consecuti sumus.
– Graecorum affectionum curatio, Sermo VII (PG 83, 1002)
David King ne donne pas la citation liée à la référence. [NdT. En contexte, il s’agit de la justification initiale par la conversion dans le baptême comme déjà discuté avant. Traduit ainsi dans SC 57.2: « Ayant encore ainsi montré l’inutilité des formes du culte selon la Loi, il promet la rémission des péchés, qu’il accorde au moyen du très saint baptême: «C’est moi, c’est moi qui efface tes fautes à cause de moi, et je ne me souviendrai plus de tes péchés, » Car ce n’est évidemment pas par des actions louables, mais par la seule foi, que nous obtenons les biens mystiques. C’est pour cela que le divin Apôtre aussi a proclamé : « Vous êtes sauvés par la grâce ; et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu, afin que personne ne s’en glorifie. » « . ]
De toutes manières, Théodoret montre que Dieu nous jugera pour nos actions, et que nous irons au paradis ou en enfer, sur la base de ce que l’on fait, non pas en raison d’une justice imputée seulement à travers la foi. Il est pertinent de regarder ce qu’il a écrit ailleurs en lien avec les oeuvres:
Lettre CXXXI, à Longin, Archimandrite de Dolichée (SC 111):
C’est tout à la fois son zèle pour la foi et son amour du prochain qu’a manifestés votre Piété, car les deux sont aujourd’hui liés ensemble. Si on nous attaque, en effet, c’est parce que nous combattons pour défendre la doctrine des apôtres, parce qu’au lieu d’abandonner l’héritage de nos pères, nous préférons endurer tous les tourments plutôt que de laisser avec indifférence retrancher un seul iota de la foi évangélique. Vous vous êtes donc associé à nos souffrances tout à la fois en nous consolant par vos lettres et en nous envoyant les très vénérables et très pieux diacres Matthieu et Isaac, et vous entendrez, j’en suis sûr, cette parole du juste Juge : « J’étais en prison, et vous êtes venu vers moi. » Car bien que pour notre part nous soyons insignifiants et faibles et chargé d’un lourd fardeau de péchés, du moins le Maitre, lui, est magnifique et libéral dans ses dons. C’est bien pourquoi il ne fait pas mention des grands mais des petits lorsqu’il dit « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, qui croient en moi, c’est à moi que vous l’avez fait.» Ainsi donc, puisque vous vous distinguez par l’orthodoxie de votre foi, que vous brillez par votre vie digne de louange et jouissez par là-même d’une grande puissance auprès de Dieu, protégez-moi de vos prières, afin que je puisse résister, selon le mot de l’Apôtre, aux artifices de l’erreur, échapper aux filets du démon et me tenir, au jour de la manifestation (du Seigneur), avec quelque assurance devant le juste Juge.
Il loue le destinataire de cette lettre comme une personne qui a préservé la foi des apôtres. Ici nous voyons que lui et son destinataire se tiendront devant Dieu sur la base de leurs actions. Ainsi, dans le jugement, les oeuvres déterminent leur vie éternelle. Il parle aussi de la nécessité de s’en tenir aux traditions des Pères, et que ce qui est nécessaire pour tenir au jugement est la « vie digne de louange » que l’on maintient. En s’attachant aux doctrines orthodoxes, et en vivant une vie digne est la manière d’échapper aux filets du démon. Ce n’est pas éviter le jugement en raison d’une justice imputée sur la base de la foi comme unique instrument, et les oeuvres n’étant là que comme une preuve quelqu’un soit déjà sauvé. Théodoret est donc un autre Père qui voit Matthieu 25 comme une preuve que la foi seulement ne suffit pas devant Dieu:
Dans son Interprétation des Psaumes, sur le Psaume 31[32]:10, il écrit :
Car tous les hommes, même s’ils sont ornés des oeuvres de vertu, ont besoin de la grâce divine. L’Apôtre également, à ce propos, s’écrie: « Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu. » [Eph. 2:8]
(William Jurgens, The Faith of the Early Fathers, vol. 3, Liturgical Press, Collegeville, Minnesota, 1979, p.247, basé sur l’édition de Migne, PG 80, col. 857-1998)
Il montre ici que, quel que soit le contexte auquel il se référait en parlant de justification « par la seule foi », les oeuvres ne sont salvifiques uniquement qu’en tant qu’action de la grâce de Dieu. Les oeuvres sans la grâce ne suffisent pas devant Dieu. Il dit donc tout simplement qu’il n’épouse pas le Pélagianisme. Cependant, il souligne que la grâce divine est nécessaire au salut et donc les oeuvres qui s’en suivent.
Il éclaircit ce point davantage dans sa Lettre XCI au Préfet Eutrèque (SC 98):
Et pourtant s’ils prêtent l’une et l’autre aux propos de nos adversaires et rendent la sentence qui plait à ces derniers, nous supporterons l’injustice avec la pensée qu’elle nous ouvre le royaume des cieux et nous attendrons le puissant tribunal où règne l’équité, où il n’y а ni accusateur, ni avocat, ni témoin, ni différence entre les dignités, mais jugement sur les actes et les paroles et rétribution suivant les mérites. « « « Car tous, est-il dit, nous aurons à comparaitre devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qu’il a mérité, étant dans son corps, selon ses œuvres, soit en bien, soit en mal.«
La nécessité des oeuvres dans le salut est aussi évoquée dans sa lettre CII à l’évêque Basile (SC 111):
Je ne dirai donc qu’une chose : c’est que, tous, nous comparaitrons devant le tribunal du Christ pour y rendre compte de nos paroles et de nos actes. Pour moi, bien que toutes les raisons me fassent redouter ce tribunal, pour ce qui est des accusations portées contre nous, je puise dans la pensée de се tribunal les motifs de mon réconfort.
Lettre CXXII, à Uranius, évêque d’Émèse (SC 111):
Et en effet, s’ils sont sûrs que nous ne restons pas fidèles au principe de la foi apostolique, mais dévions soit à droite soit à gauche, alors, qu’ils nous haïssent, qu’ils passent dans le camp adverse et se rangent du côté de ceux qui luttent contre nous. Mais s’ils confirment eux-mêmes par leur témoignage que notre enseignement est dans la ligne de la prédication évangélique, nous leur crions : « Soyez donc fermes, vous aussi, les reins ceints de la vérité, les sandales aux pieds, prêts à annoncer l’Évangile de paix », et la suite. Car la vertu, est-il dit [Eph. 6:14], ne comporte pas seulement la tempérance, la justice et la prudence, mais aussi le courage, et c’est par lui que les autres éléments à leur tour prospèrent. La justice, en effet, dans sa guerre contre l’injustice, a besoin d’avoir pour allié le courage, comme aussi la tempérance ne triomphe de l’intempérance que si elle а à son service le courage. Voilà pourquoi le Dieu de l’univers, lui aussi, a dit au prophète : « Mon juste vivra par la foi ; mais, s’il se dérobe, mon âme ne mettra pas sa complaisance en lui », et il a appelé la lâcheté une dérobade. Reste donc attaché, tête chère, à la doctrine des apôtres. « Car encore un peu, bien peu de temps, et celui qui doit venir viendra ; il ne tardera pas » et « Il rendra à chacun selon ses œuvres [Rom. 2:6]» Car « la figure de ce monde passe », et la vérité des faits sera révélée.
Nous devons rester courageux et persévérer. Nous devons être juste, prudent etc. Si nous renonçons au courage, Dieu ne mettra pas sa complaisance en nous, et nous seront séparés de Lui. Théodoret cite aussi Romains 2:6 qui dit que Dieu rendra à chacun selon ses actes. Il le présente dans un sens Catholique. Le Sola Fideiste protestant dit que Romains 2:6 est seulement théorique, et que nos oeuvres ne suffiront jamais devant Dieu, raison pour laquelle nous avons besoin d’une justice imputée. Mais nos oeuvres sont effectivement salvifiques selon Théodoret.
Ensuite, il montre que tout comme St Hilaire, l’élection est basée sur ce qu’une personne fait. Dans son interprétation des Quatorze Epitres de Paul, il commente [sur Rom. 8:30]:
« Ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » [Rom. 8:30] Ceux dont Il a vu d’avance la résolution, Il les a prédestinés depuis le commencement. Les prédestinant, Il les a aussi appelés. Les appelant, Il les a justifiés par le Baptême; et les justifiant, Il les a glorifié, les nommant ses fils et leur donnant la grâce du Saint Esprit. Mais personne ne dirait que Sa prescience est la cause de ceci: car Sa prescience n’accomplit pas de telles choses. Plutôt, Dieu, étant Dieu, voit de loin ce qui sera […] Le Dieu de l’univers, puisqu’Il est Dieu, voit toute chose de loin. Assurément cela n’impose aucune obligation sur quiconque de pratiquer la vertu, ni sur quiconque de pratiquer le mal. Car si un homme était forcé dans l’un ou l’autre, il ne serait pas juste qu’il soit loué et couronné, ou condamné au châtiment. Si Dieu est juste, aussi juste qu’Il soit, Il encourage à ces choses qui sont bonnes, et dissuade du contraire; et Il loue ceux qui font le bien, et punit ceux qui volontairement se tournent vers le mal.
(William Jurgens, The Faith of the Early Fathers, vol. 3, Liturgical Press, Collegeville, Minnesota, 1979, p.248, basé sur l’édition de Migne, PG 82, col. 35-878)
Ici, il montre que sa compréhension de l’élection est basée sur la prescience. Cette prescience montre que Dieu décide de leur condamnation ou de leur salut sur la base de leurs actions. Ainsi, c’est une prescience basée sur le mérite. La position épousée par Théodoret est une position qui, selon les Calvinistes, fait de Dieu un Dieu « impuissant ». La position que Théodoret avance, c’est que c’est la prescience de nos actions qui déterminera si nous sommes prédestinés. Nous avons un choix dans notre destinée finale vers le paradis ou l’enfer selon nos actions. Comme Mr. King est un Calviniste, ceci est en opposition directe avec sa position sur la prédestination, qui dit spécifiquement que Dieu prédestine certains au paradis et certains en enfer sur la seule base de Sa décision. D’un autre côté, selon Théodoret, la justification initiale est faite par le baptême, non la foi seule. Il loue ceux qui font le bien, et condamne ceux qui se tournent vers le mal. Le mérite ou le mal sont des causes pour Sa décision. Donc, Théodoret de Cyr implique qu’il n’opère pas selon la présomption de la seule foi, au contraire. Nous voyons que pour Théodoret, Dieu veut le salut de tous, par opposition à la perspective Calviniste de King, ce qui est confirmé dans sa Lettre LXXVI à Uranius, gouverneur de Chypre (SC 98):
[…] par la mort de sa chair, [Jésus] a détruit la mort elle-même, a ressuscité cette chair et, par là, nous a promis à tous la résurrection, après avoir donné comme gage sûr de notre résurrection celle de son précieux corps. Et il a tant aimé les hommes — alors même que ceux-ci le haïssaient — que certains ne peuvent croire au mystère de l’Incarnation à cause de l’excès même de ses souffrances. Il suffit cependant, pour montrer l’abîme de sa bonté, de voir qu’aujourd’hui encore il appelle chaque jour à lui les incrédules. Et, s’il le fait, се n’est point, certes, qu’il ait besoin du service des hommes — que pourrait-il manquer, en effet, au Créateur de l’univers ? — mais parce qu’il a soif du salut de chacun. Aussi, homme admirable, saisis се don, chante la magnificence de son auteur et procure-nous ainsi, à nous, la plus grande et la plus joyeuse des fêtes.
St Bède le Vénérable
« Puisque l’apôtre Paul, qui prêchait que l’homme est justifié par la foi sans les oeuvres, n’avait pas été bien compris pas ceux qui l’interprétaient comme signifiant qu’en ayant cru en Christ, même s’ils commettaient le mal et vivaient dans la méchanceté, ils pourraient être sauvés par la foi; [Jacques] explique que le passage de l’apôtre Paul doit être compris de la même façon que dans cette lettre. C’est pourquoi il utilise l’exemple d’Abraham à propos du fait que la foi est inutile si elle n’implique pas les bonnes oeuvres, puisque l’apôtre Paul avait aussi utilisé l’exemple d’Abraham pour démontrer que l’homme était justifié sans les oeuvres. Car quand il rappelle les bonnes oeuvres d’Abraham qui ont accompagné sa foi, il montre bien suffisamment que l’apôtre Paul n’enseigne pas en utilisant Abraham que l’homme est justifié sans les oeuvres dans la mesure où n’importe qui qui y croit n’a pas de responsabilité de réaliser de bonnes oeuvres, mais au contraire en raison du fait que personne ne doit penser qu’il ait obtenu le don de la justification, qui est dans la foi, par les mérites de ses oeuvres précédentes. »
– Commentaire de Jacques 2:20-21 (traduction française depuis David Hurst, Commentary on the Seven Catholic Epistles of Bede the Venerable, Cirstercian Publications, 1985, p.30, aussi PL 93, col. 22)
Ceci n’aide pas du tout la Sola Fide. Tout ce qu’il dit c’est que les bonnes oeuvres qui sont méritoires doit être réalisées sur la base de la foi. Ce sont les oeuvres réalisées avant la foi qui ne sont pas salvifiques. C’est quelque chose que n’importe quel Catholique dirait. En fait, il implique que celles qui ont été réalisées après, sur la base de la foi, sont méritoires. Ces bonnes oeuvres qui ne sont pas accomplies dans la foi, ne sont pas méritoires, et ne justifient pas. Cependant, elles justifient si elles sont faites en coopération avec la foi. Remarquez qu’il dit que les seules oeuvres qui ne justifient pas sont celles qui ont été faites avant d’être dans la grâce de Dieu. En fait, il est en train de dire que les oeuvres sont salvifiques dans ce même passage! Mr. King omet la conclusion de St Bede, peut-être parce qu’il nous donne une citation abrégée qui de toutes façons ne soutient pas sa position, ou parce que le livre dont il l’a tirée ne nous donne que l’extrait qu’il cite. Dans ce même commentaire de James 2, il écrit:
Ainsi l’apôtre Paul dit qu’un homme peut être justifié par la foi sans les oeuvres, mais [il entend] les oeuvres anciennes. Car comment une personne justifiée par la foi serait-elle capable d’agir, sinon avec justice? Donc quand Jacques dit, Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les œuvres quand il offrit Isaac, son fils, sur l’autel, il conseillait intentionnellement qu’un exemple de bonne oeuvre soit apprise du patriarche lui-même, opposant ceux qui parmi les Juifs avait cru que comme de bons descendants, ils suivaient les actions de leur premier et plus remarquable ancêtre. […]
En effet, en une et même action du saint Abraham, Jacques louait la qualité remarquable de ses oeuvres, et Paul la constance de sa foi; et néanmoins Paul n’a pas avancé une affirmation dissimilaire et différente de Jacques. Car ils savaient tous deux qu’Abraham était parfait à la fois en foi et en oeuvres, et ainsi chacun d’eux soulignait en prêchant à son propos la vertu qu’ils percevaient comme la plus nécessaire pour leurs auditeurs.
(David Hurst, Commentary on the Seven Catholic Epistles of Bede the Venerable, Cirstercian Publications, 1985, pp.31-32)
Ainsi, St Bède nous montre que Paul et Jacques ont enseigné à la fois la foi et les oeuvres comme nécessités dans la justification. Les oeuvres ne sont pas simplement une évidence extérieure de justification, mais une cause directe de celle-ci. Il nous avertit cependant, que les oeuvres qui ne justifient pas sont celles qui précèdent cette justification. Après la justification, néanmoins, ces oeuvres sont méritoires. En fait, peu après, il commente l’exemple de Rahab, auquel Jacques se réfère en Jc 2:25, pour nous montrer que les oeuvres sont salvifiques.
Et pourtant, par les oeuvres de miséricorde en démonstration d’hospitalité pour les serviteurs de Dieu, même au risque de sa vie, elle a mérité d’être rendue juste au milieu de ses péchés, pour être enrôlée comme un membre du peuple d’Israël, pour être comptée sur la liste de leur lignée royale, pour se mélanger avec les familles de Notre Seigneur et Sauveur lui-même (Mt. 1:5) qui est descendu des patriarches, afin d’être tirée de la dévastation de sa patrie en extinction, dont elle a rejeté la perfidie. Par ces exemples, alors, d’une femme qui s’est tournée vers de meilleures choses, il persuade ses auditeurs d’éviter la ruine d’une patrie en extinction et de se rappeler de se couper, avec des oeuvres fructueuses, de cette terre dont ils avaient repoussé les actes haineux en croyant, puisqu’ils méritaient de rejoindre les rangs des saints et d’appartenir à la communauté de leur Rédempteur.
(Ibidem, p.36)
Notez que sa déclaration de ce qu’est la justification, est dans le fait que Rahab est rendue juste (ou justifiée), et qu’il attribue sa justification à ses oeuvres de miséricorde.
Ensuite, dans son commentaire de Jacques 5, après avoir discuté Jc 5:14 et en quoi il parle du sacrement de l’onction (les Sola Fideistes nient que c’est un sacrement ou qu’il apporte le pardon des péchés), celui qui dit « Qu’il appelle les presbytres de l’Église et qu’ils prient sur lui après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur », il écrit:
Nous lisons dans l’Evangile que les apôtres l’ont aussi fait (Mc 6:13). Et à présent la coutume de l’Eglise maintient que ceux qui sont malades soient oints avec l’huile consacrée par les presbytres, avec les prières qui vont avec, afin qu’ils soient guéris.
(Ibidem, p.61)
Après avoir discuté davantage du sacrement, et en citant James 5:15, qui dit que « S’il a commis des péchés, ils lui seront remis. », il écrit:
Si donc les malades [ont commis] des péchés et les ont confessés aux presbytres de l’Eglise, en essayant sincèrement de les délaisser et de changer, ils leur seront pardonnés. Mais les péchés ne peuvent pas être pardonnés sans une ferme promesse de changement. C’est pourquoi il est approprié d’avoir ajouté en 5:16-17: Confessez donc vos péchés les uns aux autres et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. Cependant, dans cette phrase il faut faire cette distinction, que l’on confesse nos péchés quotidiens et mineurs les uns aux autres en tant que semblables et croyons que nous sommes sauvés par leur prière quotidienne; et puis selon la loi (Lv. 13:49, 14:2-3) faisons connaître l’impureté d’une lèpre plus sérieuse au prêtre et prenons soin d’être purifié dans la manière et pour la durée du temps que son jugement aura décrété.
(Ibid., p.62)
Remarquez la Catholicité de cette déclaration. Premièrement, ce passage montre que les péchés sont pardonnés dans le sacrement de confession. Il ne s’agit pas de nier que les Protestants diront qu’ils doivent être contrits et se repentir de leurs péchés, mais que puisque leur théorie est que Dieu ne regarde pas leurs péchés mais la justice parfaite du Christ, ultimement devant Dieu pour la justification, ces péchés ne doivent pas être pardonnés dans un quelconque sacrement. St Bède reconnaît que Jc 5:16 parle du besoin pour les individus Chrétiens de demander le pardon les uns aux autres, mais note que Jc 5:14 montre que les prêtres (ou presbytres) sont nécessaires pour partager les péchés plus sérieux. Ceci reflète la tradition Catholique qui enseigne que les péchés majeurs doivent être confessés au prêtre. Le passage montre aussi que pour être sauvé, ces péchés doivent être confessé au prêtre. La pénitence est donnée par le prêtre, c’est difficilement conciliable avec une tradition Sola Fideiste. Il faut aussi s’engager fermement à changer pour que ces péchés soient pardonnés. Une vraie peine doit être exprimée dans le sacrement afin de voir ses péchés pardonnés devant Dieu. Enfin, St Bède considère l’onction des malades comme une manière de pardonner les péchés et d’offrir la grâce. Tout ceci est totalement étranger à une conception de la Sola Fide.
On est rendu juste par la confession de nos péchés, selon St Bède:
Notre justice vient à présent de la foi. La justice parfaite n’existe que chez les anges, et à peine chez les anges, s’ils sont comparés à Dieu […] (D’où le fait que le psalmiste dise,) entonnez pour le Seigneur en vous confessant (Ps. 147:7). Entonnez, dit-il. L’entonnement de notre justice est la confession de nos péchés. Vous avez commencé non pas à défendre vos péchés, mais [à cheminer] vers la justice. Celle-ci sera perfectionnée en vous, cependant, quand il vous plaira de ne rien faire d’autre, quand la mort sera engloutie dans la victoire (1 Cor. 15:54), quand la concupiscence ne vous attirera pas, quand il n’y aura plus de lutte contre des adversaires de sang et de chair (Eph. 6:12), quand il y aura couronne de victoire et triomphe sur l’ennemi, quand il y aura une justice parfaite.
(Ibid. p.183)
Le Sola Fideiste croit que la personne justifiée se voit attribuer à son compte la justice parfaite de Jésus, d’une façon légale. Ce n’est pas un procédé, du moins devant Dieu. Cependant, St Bède montre que la justice qui vient de la foi doit grandir, et que la grâce doit augmenter devant Dieu. Une étape dans le processus de justification est montrée comme étant la confession des péchés, qu’il considère comme le début de ce processus. La justice est seulement perfectionnée après un processus dans lequel on persévère.
St Bède écrit:
Edwin était tellement zélé pour le véritable culte, qu’il a également persuadé Earpwald, roi d’Est-Anglie, et fils de Redwald, d’abandonner ses superstitions idolâtres, et de recevoir avec toute sa province la foi et les mystères [sacrements] du Christ. […] Earpwald, peu après avoir embrassé la foi Chrétienne, fut tué par Ricbert, un païen; et depuis ce moment la province a été dans l’erreur pendant trois ans, jusqu’à ce que Sigbert succéda au royaume, frère du même Earpwald, un homme des plus chrétiens et éduqués; qui avait été banni, était parti vivre en Gaule du vivant de son frère, et avait été initié aux mystères de la foi, dont il prit la résolution d’y faire participer toute sa province dès qu’il serait sur le trône. Ses efforts furent noblement promus par l’évêque Felix, qui, se rendant à Honorius, l’archevêque des parties de la Bourgogne, où il était né et ordonné, et lui disant son désir, avait été envoyé par lui pour prêcher la Parole de la vie à la nation d’Angleterre. Ses bons désirs n’étaient pas vains; car le pieux laboureur du champ spirituel y avait tiré une grande récolte de croyants, délivrant toute cette province (selon la signification profonde de son nom) de l’iniquité et du malheur, l’amenant à la foi et aux oeuvres de justice, et aux dons de la joie éternelle.
– Histoire ecclésiastique du peuple anglais, Livre II, chapitre XV
Quand St Bède mentionne la transformation de ceux qui pratiquaient l’idolâtrie, cela l’amène à parler de la foi, mais quand la foi est mentionnée, c’est dans le contexte des sacrements. Ainsi, la foi ne peut pas être séparée des sacrements dans leur pouvoir justificateur. Remarquez que le don de la vie éternelle est seulement donné quand la foi est incluse avec les oeuvres de justice. Ainsi, la récompense du salut est une récompense pour les actes de justice, bien que ces actes de justice soient eux-mêmes un don de Dieu.
St Bède écrit aussi:
Il devait être appelé Pierre: sur laquelle l’Eglise est édifiée, car excepté par la foi et l’amour du Christ, par la réception des sacrements du Christ, et par l’observation des commandements du Christ, on ne peut faire partie des élus ni atteindre la vie éternelle
[Petrus vocaretur : supra quam aedificatur Ecclesia, quia non nisi per fidem et delictionem Christi, per susceptionem sacramentorum Christi, per observantiam mandatorum Christi, ad sortem electorum et aeternam pertingitur vitam]
– Homélie XVI, pour la fête de Pierre et Paul (PL 94, col.222)
La réception des sacrements est nécessaire à la vie éternelle. La foi n’était pas un sacrement, on ne peut pas conclure que la justification est faite par la foi seule.
St Bernard de Clairvaux
« est justifié par la foi seule » [solam justificatus per fidem]
-Sermon in Cantica, XXII, §8 (PL 183, col. 881)
Ce bout a été pris de son commentaire du Cantique des Cantiques [NdT. Traduit ainsi dans SC 431: « Tout homme qui, touché par le regret de ses péchés, « a faim et soif de justice » , « peut croire en toi qui justifies l’impie ». « Justifié par la seule foi », il sera en paix avec Dieu. » ce qui évoque clairement la justification initiale de la conversion, évoquée précédemment]
La foi seulement selon St. Bernard n’exclut pas les sacrements, ni n’exclut les oeuvres dans le salut, ni n’exclut le véritable mérite humain. Nous voyons ceci dans son Traité de la Grâce et du Libre-Arbitre, XIII, §42:
Ses efforts pour le bien sont vains, s’ils ne sont aidés de la grâce et nuls, s’ils ne sont produits par elle, ce qui fait dire à l’Ecriture que « l’esprit de l’homme et toutes ses pensées sont portés au mal dès sa jeunesse (Gen., VIII, 21). » Qu’il ne croie donc pas, comme je l’ai dit plus haut, que ses mérites viennent de lui, mais qu’il croie plutôt qu’ils descendent du Père des lumières, s’il faut toutefois compter au nombre des dons les plus excellents et des plus parfaits, les mérites qui nous assurent le salut éternel.
Remarquez qu’il nous donne ici la perspective Catholique sur les oeuvres. Les oeuvres salvifiques ne sont pas des choses qui sont créées par nous, mais par Dieu le Père. La grâce vient du Père. Ces mérites gagnent le salut éternel, et n’est pas seulement une démonstration de qui est déjà sauvé. C’est clairement une vision Catholique qui montre que dans la grâce, nous méritons le salut, qui est un don de Dieu.
St Bernard poursuit (§43):
Or Dieu, notre roi avant tous les siècles, quand il a fait le salut sur la terre, effectivement divisé les dons qu’il nous a faits en mérites et en récompenses. Il a voulu que les dons qu’il nous fait en cette vie devinssent nos propres mérites par une possession libre, et il a voulu que nous les attendissions de lui, en nous fondant sur ses promesses toutes gratuites, et même que nous fussions en droit de les réclamer comme nous étant dus. […]
Si donc les biens de la voie sont les mérites, de même que ceux de la patrie sont le salut et la vie, et s’il est vrai, comme David le prétend, que « il n’y a personne qui fasse le bien, personne si ce n’est un (Psalm. XIII, 2), » celui-là même dont il est dit: « Il n’y a que Dieu qui soit bon (Marc., X, 18), » il s’en suit évidemment que toutes nos bonnes œuvres sont des dons de Dieu, aussi bien que ses récompenses, en sorte que le même Dieu qui se fait notre débiteur pour les unes, a commencé par les autres. Toutefois, pour faire ces mérites, il daigne se servir des créatures, non pas qu’il en ait besoin, mais pour leur faire du bien par ce moyen, ou pour se servir d’elles dans le bien qu’il veut faire.
Ainsi, nous méritons notre salut sur la base de la promesse de Dieu et des oeuvres que nous accomplissons. Il dit qu’en raison de la promesse de Dieu, celui-ci nous est redevable pour nos oeuvres (« notre débiteur »). Nous devenons objectivement de véritables « méritants ». En fait, il utilise même un passage souvent utilisé contre le Catholicisme par les Sola Fideistes, pour montrer que celui-ci enseigne que les oeuvres sont méritoires (Psaumes 13, Rom. 3).
Dans son traité Sur l’Amour de Dieu, IV, §11:
Et malheur à toi, race méchante et perverse, malheur à toi, peuple sot et insensé, qui ne te complais point dans son souvenir et qui redoutes sa présence! Tu as bien raison de craindre, puisque tu ne veux point échapper maintenant aux filets des chasseurs, car « ceux qui aspirent à devenir riches en cette vie, tombent dans les pièges du démon (I Tim., VI, 9); » tu ne pourras un jour te soustraire à cette parole bien dure, oui, bien dure et bien cruelle : « Allez, maudits, au feu éternel (Matth., XXV, 41). » Combien plus tendre et plus douce est celle que nous entendons répéter tous les jours dans l’Eglise, en souvenir de la passion : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang vivra éternellement (Joan., VI, 55) ! » Ce qui revient à dire : Celui qui honoré ma mort, et, à mon exemple, mortifie sa chair sur la terre, aura la vie éternelle; ou bien, si vous partagez mes souffrances, vous partagera aussi mon royaume. Et pourtant aujourd’hui encore, beaucoup, à ces mots, se retirent et s’éloignent en disant, sinon de la bouche du moins par leur conduite : « Ce discours est bien dur; qui est-ce qui peut l’écouter (Ibidem, 61) ? »
Ce sont des oeuvres, tandis que la désobéissance est une cause de damnation. La seule manière de prendre part à la gloire de Dieu est de partager ses souffrances, une référence claire à Romains 8:17. Il nous renvoie à l’Eucharistie (le mémorial de la Passion) et à la nécessité d’y prendre part, mais aussi à la mortification de la chair (faire « mourir les œuvres du corps », Romains, 8:13), pour hériter de la vie éternelle. Ensuite, il parle de la plainte de ses opposants pour la dureté de ces paroles. Dans les faits, le Sola Fideiste considère qu’il est trop dur de faire de nos oeuvres une cause de justification, tandis que St Bernard dit que quand nos oeuvres sont le don de Dieu pour nous, cela n’est pas aussi dur. Mortifier nos membres est une cause pour notre part dans Sa gloire. Ce n’est pas trop dur.
St Thomas d’Aquin
Mais quant à devenir juste, on voit que l’homme ne peut être justifié par les oeuvres de la Loi, en ce que les sacrements de la loi ancienne ne conféraient pas la grâce (ci-après, IV, 9) : Comment vous tournez-vous de nouveau vers des éléments impuissants, c’est-à-dire qui ne confèrent pas la grâce, et ne la contiennent pas en eux-mêmes. Au contraire, les sacrements de la loi nouvelle sont bien des éléments matériels, mais ce ne sont pas des éléments stériles, parce qu’ils renferment en eux-mêmes la grâce; c’est ce qui fait qu’ils peuvent justifier. Si donc, sous l’ancienne loi, quelques-uns étaient justes, ils n’étaient pas tels par les oeuvres de la Loi, mais uniquement par la foi en Jésus-Christ, que Dieu a proposé pour être la victime propitiatoire par la foi, ainsi qu’il est dit (Rom., III, 20). Il suit de là que les sacrements de la loi ancienne ne furent eux-mêmes que des manifestations de la foi en Jésus-Christ, comme le sont nos sacrements, mais avec cette différence, que les premiers figuraient la grâce de Jésus-Christ, comme devant être donnée dans l’avenir, tandis que nos sacrements témoignent qu’ils contiennent cette grâce maintenant présente. C’est pourquoi l’Apôtre dit expressément que (verset 16) : L’homme n’est pas justifié par les oeuvres de la Loi, mais par la foi en Jésus-Christ, parce que, si dans les temps anciens quelques-uns, pratiquant les oeuvres de la Loi furent justifiés, ils ne l’étaient que par la foi en Jésus-Christ.
– Commentaire de la lettre aux Galates, chapitre II, leçon 4
L’espérance de la justification n’est donc pas dans ces préceptes, mais dans la foi seule ; (Rm III, 28) : « Nous devons reconnaître que l’homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi. »
– Commentaire de la première lettre à Timothée, chapitre I, leçon 3
C’est Dieu qui justifie, » sa foi néanmoins, je veux dire sa foi seule sans les œuvres extérieures, lui sera imputée à justice
– Commentaire de la lettre aux Romains, chapitre 4, leçon 3
St Thomas d’Aquin n’est pas un proto-Protestant, et je suis choqué que quelqu’un qui ait étudié quoi que ce soit capable d’avancer une telle théorie. La première affirmation du dessus dit que les sacrements justifient de fait. [NdT la deuxième ne fait que parler des lois de Moïse et non des oeuvres charitables, la troisième parle en contexte de ceux qui sont sauvés par la foi seule car ils n’ont pas eu le temps de faire des oeuvres extérieures]. Les oeuvres de la loi sont les oeuvres qui ne justifient pas. C’est-à-dire, les oeuvres accomplies hors de la grâce. Le nouveau système sacramentel témoigne qu’il contient la grâce. La foi en Christ résulte de la justification des sacrements. Comment pourrait-il parler de la foi seule ici? Les anciens sacrements de l’Ancienne alliance, ne justifiaient pas, mais les sacrements de la nouvelle alliance justifient bel et bien. Les sacrements manifestent la présence de la grâce. Dire que cela enseigne une imputation de justice séparée des sacrements est réfuté par le fait que les sacrements témoignent de la foi en Jésus Christ. Il lie les sacrements à la foi. Non pas la foi au lieu des sacrements comme le propose King.
Thomas d’Aquin dit dans son Commentaire du Crédo, au septième article du Crédo, « De là, Jésus viendra juger les vivants et les morts »:
Les autres bons, à savoir ceux qui mourront dans la justice, seront sauvés, mais ils seront jugés. En effet bien qu’ils aient quitté cette vie justifiés, ils ont commis quelques fautes au milieu de leurs occupations temporelles. Ils seront donc jugés, mais ils obtiendront le salut. Les hommes seront jugés sur toutes leurs actions bonnes et mauvaises. L’Ecclésiaste (11, 9) : dit en effet : Suis les voies de ton coeur, mais sache que pour tout cela, Dieu te fera venir en jugement. Et (12, 14) : Oui, Dieu citera en jugement toutes les oeuvres des hommes, soit bonnes soit mauvaises. Même sur nos paroles inutiles nous serons examinés. Je vous le déclare, dit le Seigneur (Mat. 12, 36), les hommes rendront compte au jugement de toute parole vaine. Et il en sera de même de nos pensées. La Sagesse (1, 9) : affirme en effet que Dieu fera une enquête sur les pensées de l’impie.
2. De la crainte que doit nous inspirer le jugement de Jésus-Christ.
Nous devons craindre ce jugement pour quatre raisons. Le premier motif de le redouter, c’est la sagesse du Juge. Jésus en effet n’ignore absolument rien de nos pensées, de nos paroles et de nos actions. Tout est à nu et à découvert à ses yeux. (Heb. 4, 13) : et toutes les voies de l’homme n’ont pas la moindre obscurité pour les yeux du Seigneur (Prov. 16, 2). Il connaît également toutes nos paroles : son oreille jalouse entend tout (cf. Sag. 1, 10). Le Seigneur pareillement n’ignore rien de nos pensées. Le prophète Jérémie en effet nous rapporte ces paroles de Dieu (17, 9-10) : Le coeur de l’homme est dépravé et impénétrable. Qui le connaîtra? Moi, le Seigneur qui scrute les coeurs et sonde les reins, qui donne à chacun Selon ses voies et le fruit de ses pensées et de ses oeuvres. Là sera un témoin infaillible : la propre conscience des hommes. L’Apôtre écrit aux Romains (2, 15-16) : Leur conscience leur rend témoignage par la diversité des réflexions qui les accusent ou qui les défendent, au jour où Dieu jugera ce qui est caché dans le coeur des hommes.
Au sujet du dixième article, sur la rémission des péchés, il écrit:
C’est pourquoi, dans le symbole des Apôtres, aussitôt après avoir dit « Je crois à la communion des Saints », nous ajoutons « Je crois à la rémission des péchés ». Aussi il a été donné aux Apôtres de remettre les péchés. C’est pourquoi il faut croire que les ministres de l’Eglise, auxquels les Apôtres ont transmis les pouvoirs qu’ils avaient reçus du Christ, possèdent dans l’Eglise la puissance de lier et de délier et que, dans l’Eglise, le pouvoir de remettre les péchés est plein et entier, mais s’exerce par degrés, c’est-à-dire en partant du Pape, pour se communiquer aux autres prélats.
Les sept sacrements sont un moyen d’obtenir la rémission des péchés. L’idée de la foi seule avancée par King exclut les sacrements comme moyens d’obtenir cela.
La perspective de la Sola Fide n’autorisera absolument pas l’idée d’un purgatoire sous une quelconque forme. Il n’y a pas de souffrance ou de purification nécessaire. Quelqu’un a supposément déjà reçu la justice parfaite et imputée du Christ, ce qui fait que devant Dieu, il est déjà perfectionné. Les Sola Fideistes voient le purgatoire comme une négation de l’oeuvre parfaite de Jésus. Un défenseur de la Sola Fide n’enseignerait certainement pas. Voyons ce que St Thomas d’Aquin, dans son Commentaire du Crédo, dit du cinquième article, disant qu’Il « est descendu aux enfers »:
[…] la venue du Christ aux enfers nous offre un exemple d’amour. Jésus est en effet descendu aux enfers pour délivrer les siens c’est pourquoi nous devons nous aussi nous y rendre en esprit pour venir en aide aux nôtres. Les âmes du purgatoire en effet, ne peuvent rien faire pour elles-mêmes; notre devoir est donc de leur porter secours. Ne serait-il pas extrêmement cruel, celui qui se désintéresserait d’un être cher enfermé dans une prison terrestre? Comme il n’y a aucune comparaison entre les peines de ce monde et les souffrances de ce lieu de purification, combien plus cruel ne sera pas celui qui laisserait sans secours un ami retenu dans le purgatoire? Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous du moins, mes amis, disait le saint homme Job (19, 21) : car la main de Dieu m’a frappé. Et nous lisons au deuxième Livre des Macchabées (12, 46) : C’est une pensée sainte et salutaire de prier pour les défunts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés. D’après saint Augustin, on peut secourir les âmes du purgatoire principalement par trois bienfaits, à savoir par des messes, par des prières et par des aumônes. Saint Grégoire en ajoute un quatrième le jeûne. Il n’y a là rien d’étonnant, puisque même en ce monde un ami peut satisfaire pour un ami.
St Thomas dirait que les protestants comme King seraient durs de coeur et « cruels » s’ils ne prient pas pour ces âmes au purgatoire. Comme le système de King ne le permet pas, et interdit les prières pour les morts, les disant non nécessaires, il est nommé cruel. St Thomas est loi de défendre la position de King sur la justification.
St Thomas parle aussi du fait que dans la grâce de Dieu, il est possible de mériter la grâce de Dieu. Le Catholicisme enseigne que les oeuvres d’une personne sont méritoires. St Thomas parle beaucoup du mérite dans sa Summa Theologica. Par exemple, au sujet de savoir si un homme peut mériter quelque chose de Dieu, l’une des objections sonne comme une objection Protestante. Nous voyons ensuite la réponse de St Thomas. Rappelons que le Catholicisme enseigne que quelqu’un peut mériter la vie éternelle, de plein droit. Par exemple, une Encyclopédie Catholique de 1991 explique à ce propos:
Une grâce ou une faveur donnée par Dieu à quelqu’un qui a accomplie une action moralement bonne. En effet, le mérite de plein droit est le droit en justice qu’une personne reçoive un bénéfice surnaturel de Dieu, en raison de l’exécution d’un acte surnaturel. Dieu récompense la personne qui a réalisé l’acte. Afin de mériter de plein droit, la personne vivante doit être en état de grâce tout en réalisant librement une action moralement bonne dirigée par Dieu. La récompense pour une bonne action réside en l’observation de la révélation de Dieu et égale et proportionnelle à l’acte. Quand une personne mérite la grâce, elle coopère avec l’acte méritoire de notre rédemption forgé par le Christ.
(Ed. Reverend Peter M. J. Stravinskas, Our Sunday Visitor’s Catholic Encyclopedia, Our Sunday Visitor Publishing Division, Huntington, Indiana, 1991, pp. 243-244)
Dieu récompense sur la base de sa propre promesse sur les actions que nous réalisons. Le Protestant Sola Fideiste objecterait seulement que même en état de grâce, on ne peut pas mériter la vie éternelle. Jésus a « payé » pour notre salut, dont quoi que l’on fasse, on ne peut pas mériter la vie éternelle.
St Thomas dit ceci à ce propos, dans la Somme Théologique IIae, question 114, article 3:
Objections :
1. Il semble que non, car l’Apôtre écrit aux Romains (8, 18) : « Les souffrances du temps présent ne sont pas d’une telle valeur qu’on puisse les comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. » Or, parmi les oeuvres méritoires, il n’en est pas de supérieures aux souffrances des saints. Donc aucune oeuvre humaine ne mérite de plein droit la vie éternelle.
[…]
Cependant :
La rétribution accordée d’après un jugement équitable apparaît comme méritée de plein droit. Mais la vie éternelle est accordée par Dieu d’après un jugement de justice, selon l’Apôtre (2 Tm 4, 8) : « Et maintenant, voici qu’est préparée pour moi la couronne de justice que le Seigneur me donnera en ce jour-là, lui, le juste juge. » C’est donc que l’homme peut mériter de plein droit la vie éternelle.
Conclusion :
L’oeuvre méritoire de l’homme peut être envisagée à un double point de vue : soit en tant qu’elle procède du libre arbitre ; soit en tant qu’elle procède de la grâce du Saint Esprit. Si on la considère en elle-même et en tant qu’elle procède du libre arbitre, il ne peut y avoir mérite de plein droit en raison d’une trop grande inégalité. Mais l’on peut parler de convenance, à cause d’une certaine égalité proportionnelle ; il apparaît convenable en effet qu’à l’homme qui agit selon son pouvoir Dieu réponde en le récompensant excellemment selon son pouvoir à lui.
Si nous parlons de l’oeuvre méritoire en tant qu’elle procède de la grâce du Saint Esprit, alors c’est de plein droit qu’elle est méritoire de la vie éternelle. En ce sens en effet, la valeur du mérite se mesure à la vertu de l’Esprit Saint qui nous meut vers la vie éternelle, selon cette parole en saint Jean (4, 4) : « Il y aura en lui une source jaillissant en vie éternelle. » Le prix de l’oeuvre également correspond à la noblesse de la grâce, par laquelle l’homme, fait participant de la nature divine, est adopté par Dieu comme fils, à qui est dû l’héritage par le droit de l’adoption, selon cette parole de saint Paul (Rm 8, 17) : « Si nous sommes fils, nous sommes aussi héritiers. »
Solutions :
1. L’Apôtre parle des souffrances des saints considérées en elles-mêmes, dans leur réalité substantielle.
Ainsi, Saint Thomas, celui qui est venu avec l’expression de « mériter de plein droit », avance que l’on peut mériter la vie éternelle, sur la base des promesses de Dieu. Ces oeuvres dans la grâce méritent bel et bien la vie éternelle.
La Confession de foi de Westminster, la Sola Fide, la Sola Scriptura, et Conclusion
Après avoir examiné ces écrits, regardons à présent ce que la doctrine par la foi seule signifie pour le Protestant à partir d’une proclamation officielle de la Sola Fide telle que la Confession de foi de Westminster. Voici ce que King prétend avoir un précédent chez les Pères. Ainsi, les principales catégories dans la définition de la Sola Fide à laquelle King adhère, devrait avoir un fondement dans leurs écrits. Si ces Pères ne s’attachent pas au moins d’une certaine manière à la doctrine fondamentale de la foi Protestante, ils ne peuvent en aucune façon être pris comme des exemples ou des pionniers de la Sola Fide.
CHAPITRE 11.
La justification
1. Ceux que Dieu a efficacement appelés, il les a aussi gratuitement justifiés (Rm 8 : 30; 3 : 24): non pas que la justice leur ait été infusée, mais leurs péchés ont été pardonnés et leurs personnes tenues et reçues comme justes; non pas à cause de quelque chose qui ait été introduite en eux ou qu’ils auraient faite, mais eu égard au Christ seul; non pas que leur foi elle-même, ou leur acte de croire, ou quelque autre obéissance évangélique leur aient été imputés à justice, mais parce que leur ont été imputées l’obéissance et la satisfaction du Christ (Rm
4 : 5-8; 2 Co 5 : 19,21; Rm 3 : 22,24-25,27-28; Tt 3 : 5,7; Ep 1 : 7; Jr 23 : 6; 1 Co 1 : 30-31; Rm 5 : 17-19); par la foi, ils ont reçu Christ et sa justice auxquels ils se sont remis; et cette foi, ils ne la tiennent pas d’eux-mêmes, elle est le don de Dieu (Ac 10 : 44; Ga 2 : 16; Ph 3 : 9; Ac 13 : 38-39; Ep 2 : 7-8).
2. La foi par laquelle sont reçus Christ et sa justice auxquels on se remet est le seul moyen de justification (Jn 1 : 12; Rm 3 : 28; 5 : 1); mais cette foi n’est pas seule dans la personne justifiée, car elle est toujours accompagnée de toutes les autres grâces salutaires; et elle n’est pas foi morte mais foi œuvrant par amour (Jc 2 : 17,22,26; Ga 5 : 6).
Voilà l’aspect fondamental de la Sola Fide tel que proposé par King: la justice du Christ est imputée à notre compte. L’infusion de la grâce n’est pas le fondement de la justification. Rien de ce que l’on fait n’a aucune base dans notre justification. Evidemment, nous avons vu qu’en réalité les Pères avaient dit que leur propre sainteté, oeuvres réalisées dans la grâce, et obéissance, étaient une cause nécessaire de justification. En fait, chacun d’entre eux montrait que les oeuvres qu’ils accomplissaient étaient méritoires dans la justification, de St Hilaire, St Cyrille d’Alexandrie, St Augustin, St Bernard, St Thomas d’Aquin etc., que King a cru pouvoir s’approprier. Ainsi, les choses qui ont été forgées en eux méritaient effectivement le salut. En fait, si ces oeuvres n’avaient pas été réalisées, ils ne seraient plus justifiés. Et nous avons aussi vu qu’aucun d’entre eux n’avait formulé que l’obéissance et satisfaction du Christ prenait la place de notre obéissance et satisfaction dans la justification. L’imputation de la justice du Christ, l’entière base pour nier la nécessité des oeuvres dans la justification, est totalement absente de ces auteurs que King nous a donnés, y compris leurs citations.
En plus de cela, absolument aucun de ces auteurs ne fait la distinction que la Confession de Westminster fait dans la justification: que la foi est l’unique instrument dans la justification, tandis que les oeuvres, sacrements etc. ne sont que des effets de notre justification, et non des causes. Ces mêmes Pères voyaient l’obéissance et les sacrements comme des causes essentielles de justification. Ainsi, ces mêmes Pères prouvent qu’il y a d’autres instruments en plus de la foi, même si la foi demeure un instrument premier dans cette justification.
5. Dieu continue à pardonner les péchés de ceux qui sont justifiés (Mt 6 : 12; 1 Jn 1 : 7,9; 2 : 1-2); mais ceux-ci, bien qu’ils ne puissent jamais déchoir de l’état de justification (Lc 22 : 32; Jn 10 : 28; Hé 10 : 14), peuvent cependant, par leurs péchés, tomber sous le déplaisir paternel de Dieu; et ils ne retrouvent la lumière de sa face qu’après s’être humiliés, avoir confessé leurs péchés, imploré le pardon et renouvelé leur foi et leur repentance (Ps 89 : 31-33; 51 : 7-12; 32 : 5; Mt 26 : 75; 1 Co 11 : 30,32; Lc 1 : 20).
Maintenant, il est vrai que la Confession dit que nous devrions confesser nos péchés à Dieu (bien qu’elle rejette le besoin d’une confession sacramentelle, que les Pères jugeaient nécessaire pour voir nos péchés pardonnés par Dieu), mais notre justification ne dépend pas de cette confession, puisque personne ne peut jamais déchoir de la justification. Nous avons vu ces mêmes Pères dire que les péchés que nous commettons, non seulement nous apportent un déplaisir de Dieu, mais nous condamne effectivement en enfer. Par exemple, nous avons vu que St Cyrille d’Alexandrie, prétendu défenseur d’une Sola Fide, dire que même un manque de bonnes oeuvres nous tirerait de l’état de grâce vers une terrible condamnation. C’est totalement différent de dire que nous ne puissions jamais déchoir de l’état de justification. Evidemment ces supposés Pères de la Sola Fide enseignaient que le péché peut couper de la justification.
CHAPITRE 16.
Les œuvres bonnes
5. Nous ne pouvons, par nos meilleures actions, mériter le pardon du péché ou la vie éternelle auprès de Dieu tant est grande la disproportion entre elles et la gloire à venir, et infinie la distance entre nous et Dieu; nous ne pouvons ni tirer d’elles avantage, ni payer, par elles, la dette de nos péchés antérieurs (Rm 3 : 20; 4 : 2,4,6; Ep 2 : 8-9; Tt 3 : 5-7; Rm 8 : 18; Ps 16 : 2; Jb 22 : 2-3; 35 : 7-8); mais quand nous avons fait tout ce que nous pouvions faire, nous n’avons fait que notre devoir et sommes des serviteurs inutiles (Lc 17 : 10); nos œuvres, lorsqu’elles sont bonnes, procèdent du Saint-Esprit (Ga 5 : 22-23), et, pour autant qu’elles viennent de nous, elles sont souillées et mêlées à tant de faiblesse et d’imperfection qu’elles ne peuvent supporter la sévérité du jugement de Dieu (Es 64 : 6; Ga 5 : 17; Rm 7 : 15,18; Ps 143 : 2; 130 : 3).
Bien qu’ailleurs dans le chapitre, nous voyons que la Confession déclare que les bonnes oeuvres sont importantes, elles ne peuvent pas mériter la vie éternelle, parce que notre nature est surplombée par le péché, au point qu’il souille même les bonnes choses que nous faisons. C’est la raison pour laquelle une justice imputée est nécessaire à la justification. Cependant, comme nous l’avons vu des Pères que nous avons pu examiner, et auquel King nous amené, les bonnes oeuvres méritent bien la vie éternelle. En fait, s’il y a toujours des péchés véniels en notre âme au moment de la mort, la purification est toujours nécessaire. Nous avons vu que si quelqu’un commet des péchés mortels, les Pères pointent vers l’Eglise elle-même, à travers les prêtres comme médiateurs, qui pardonnent les péchés à travers le sacrement de confession. Ce sacrement n’est pas nécessaire dans la Sola Fide de King. De plus, il se trouve que ces mêmes Pères nous mènent à la doctrine du purgatoire, qui demeure totalement incompatible avec un quelconque concept de Sola Fide. En fait, même si toutes ces autres citations qui montraient la nécessité des oeuvres et des sacrements n’existaient pas, le fait d’avancer la nécessité d’une purification purgatorielle après la mort rendrait déjà en soi impossible une conciliation de ces pères avec la Sola Fide. Quand ces Pères ont utilisé l’expression de foi, ou de seule foi dans la justification, ils demeuraient consistants dans leur propre théologie en parlant de purification après la mort.
CHAPITRE 18.
L’assurance de la Grâce et du Salut
1. Les hypocrites et les autres irrégénérés peuvent vainement s’imaginer, par de faux espoirs et des présomptions charnelles, qu’ils ont trouvé grâce aux yeux de Dieu et sont sauvés (Jb 8 : 13-14; Mi 3 : 11; Dt 29 : 19; Jn 8 : 41); leurs espoirs seront déçus (Mt 7 : 22-23). Par contre, ceux qui croient vraiment en Jésus le Seigneur, l’aiment sincèrement et s’efforcent de marcher devant lui en toute bonne conscience peuvent, dès cette vie, être sûrs et certains qu’ils sont
en état de grâce (1 Jn 2 : 3; 3 : 14,18-19,21,24; 5 : 13) et se réjouir dans l’espérance de la gloire de Dieu; leur espérance ne les rendra jamais confus (Rm 5 : 2,5).
Ceci réitère que quelqu’un qui est dans la grâce ne peut pas perdre le salut. Ainsi, quelqu’un qui croit vraiment en Jésus est assuré du salut, selon la Confession. Cependant, nous avons vu que les Pères considèrent que les péchés mortels nous coupent de notre relation avec Dieu, et que nos actions peuvent causer notre damnation éternelle.
CHAPITRE 27.
Les sacrements
4. Il n’y a que deux sacrements prescrits par Christ notre Seigneur dans l’Évangile: le Baptême et la Sainte Cène; ils ne peuvent être administrés que par un ministre de la Parole légitimement ordonné (Mt 28 : 19; 1 Co 11 : 20,23; 4 : 1; Hé 5 : 4).
La Confession enseigne qu’il n’y a que deux sacrements. Nous avons vu non seulement une vaste différence entre celle-ci et les Pères au sujet du nombre de sacrements, mais aussi sur ceux que ces sacrements fonts. Les Pères qui abordent le sujet enseignent unanimement la régénération baptismale, chose que la Confession n’enseigne et pas et contredit explicitement (Chapitre 29, §5). Nous avons aussi vu que ces supposés pères de la Sola Fide réfutent la version de King en défendant plus que deux sacrements ainsi que leur contribution au salut. Nous les avons vu montrer par l’Ecriture que les autres sacrements sont salvifiques et nécessaires. Par exemple, St Jean Chrysostome et d’autres montraient que le prêtre est médiateur établi par le Christ (Jean 20:23) pour pardonner les péchés, et offrir le sacrifice de la Messe, qui contribue à notre salut. Ainsi, l’office du saint sacerdoce est établi par le Christ, et montre la validité d’un sacrement que King ne reconnaît pas. De même, le ministère que les prêtres détiennent offre le sacrement de confession, quelque chose de nécessaire au pardon des péchés, afin que l’on puisse retourner dans la grâce de Dieu en cas de péché qui nous coupe d’elle. Nous avons également vu que ces mêmes supposés pères Sola Fideistes enseignent que le sacrement de l’onction des malades apporte aussi le pardon des péchés. Bien que je ne me sois pas focalisé sur le sacrement de confirmation dans cet examen, plusieurs de ces Pères pointent aussi vers sa validité et sa contribution à la vie spirituelle, ayant des implications salvifiques.
CHAPITRE 29.
La Sainte Cène
2. Dans ce sacrement, Christ n’est pas offert à son Père, et il n’y fait aucun réel sacrifice pour la rémission des péchés des vivants ou des morts (Hé 9 : 22,25-26,28), mais il est fait une commémoration de l’unique offrande de Christ par lui-même sur la croix une fois pour toutes, et une oblation spirituelle à Dieu de toute louange possible pour cette offrande (1 Co 11 : 24- 26; Mt 26 : 26-27). Ainsi, le sacrifice papiste de la messe (comme ils l’appellent) est très abominablement injurieuse pour le seul et unique sacrifice, pour la seule propitiation pour tous les péchés des élus (Hé 7 : 23-24,27; 10 : 11-12,14,18).
[…]
5. Les éléments extérieurs de ce sacrement, dûment réservés à l’usage établi par Christ, ont un lien si étroit avec lui crucifié qu’en toute vérité – mais seulement sacrementalement – ils sont parfois désignés par le nom des réalités qu’ils représentent, à savoir: le corps et le sang de Christ (Mt 26 : 26-28); mais, en substance et en nature, ils demeurent vraiment et seulement du pain et du vin tels qu’ils étaient auparavant (1 Co 11 : 26-28; Mt 26 : 29)
Nous avons vu que chacun des Pères qui ont parlé sur le sujet montraient que le sacrement de l’Eucharistie était le véritable Corps et Sang du Christ. En fait, nous avons vu des Pères qui disaient même que si nous ne mangions pas la chair et ne buvions pas le sang du Christ, ce qui était compris par eux comme une référence à l’Eucharistie, nous ne pourrions pas avoir de vie en lui. Ainsi, l’implication salvifique est claire. Comparez ceci à l’affirmation de la Confession. Nous avons aussi vu à travers St Chrysostome et d’autres qu’offrir le Christ dans l’Eucharistie est un vrai sacrifice propitiatoire pour les péchés. Ceci est encore une fois une invalidation totale d’une idée de Sola Fide, non pas seulement la version en laquelle croit King, mais même la version Luthérienne qui reconnaît une véritable présence, car elle nie vigoureusement que l’Eucharistie soit un vrai sacrifice pour la rémission des péchés. Dans nos études nous avons vu que St Cyrille d’Alexandrie, St Jean Chrysostome, Théodore de Mopsueste, et St Bernard parlaient de l’efficacité de l’Eucharistie vers la vie éternelle. Evidemment ces auteurs voyaient la Sainte Eucharistie comme véritable chair et sang du Christ, mais nous focalisant sur la justification, nous voyons que son importante était telle que Cyrille, par exemple, disait que si quelqu’un n’y prenait pas part, on ne partagerait pas la vie du Christ. Cette attaque contre le « sacrifice papiste de la Messe » est une attaque directe contre ces pères que King a essayé de détourner comme défenseurs de la théologie Sola Fideiste. L’attaque du sacrifice Eucharistique nommé « papiste » est un blasphème de la part de la Confession. St Augustin, qui enseigne clairement que la Messe est un sacrifice propitiatoire parle de ces gens (en répondant aux Manichéens) qui traitent les sacrements avec légèreté. Il dit dans Contre Fauste le Manichéen, XXIX, Chapitre 11:
Or, les hommes ne sauraient être unis en, un corps de religion vraie ou fausse, sans être liés par une communauté de signes ou de sacrements visibles sacrements dont la puissance est inexprimable et dont le mépris fait les sacrilèges. Car on ne méprise pas sans impiété ce qui est nécessaire pour former la piété.
Au milieu de sa défense de l’absolue nécessité des sacrements comme le baptême et l’Eucharistie, St Augustin écrit que ceux qui raillent la nécessité des sacrements, traitant l’Eucharistie d’abomination (ou de papiste selon la Confession, tandis qu’Augustin en parle comme d’un sacrifice), sont dans l’impiété. La perspective de King est donc impie selon St Augustin. La définition de la Cène du Seigneur donnée par la Confession de Westminster est clairement étrangère aux Pères, en particulier St Augustin, qui écrit la chose suivante (Contre Fauste XX, chapitre 18):
Quant aux Hébreux, dans les sacrifices d’animaux qu’ils offraient à Dieu sous des formes nombreuses et variées, comme le sujet le méritait, ils honoraient prophétiquement le futur sacrifice que le Christ a consommé. Ensuite les chrétiens célèbrent à leur tour la mémoire du sacrifice accompli, par la très-sainte oblation et la réception du corps et du sang du Christ. Mais les Manichéens ignorant ce qu’il faut condamner dans les sacrifices des Gentils, ce qu’il faut entendre dans les sacrifices des Hébreux, et ce qu’il faut croire et observer dans le sacrifice des chrétiens, offrent leur folie en sacrifice au démon qui les a trompés, s’éloignant de la foi pour se livrer à des esprits séducteurs et aux doctrines des démons hypocrites et menteurs.
La perspective de l’Eucharistie et de ses implications salvifiques donnée par King est ce que St Augustin appelle blasphématoire. St Augustin nommerait cette perspective impie. Et pourtant, King en appelle à St Augustin. Pour une étude plus profonde de la pensée d’Augustin sur l’Eucharistie, la présence réelle du Christ et le fait que ce soit un sacrifice (ce que la Confession voit comme blasphématoire,) voir ceci [anglais]: https://www.catholicfidelity.com/apologetics-topics/eucharist/st-augustine-on-the-eucharist-by-phil-porvaznik/
CHAPITRE 01.
L’Écriture Sainte
6. Tout le Conseil de Dieu, c’est-à-dire tout ce qui est nécessaire à la gloire du Seigneur ainsi qu’au salut, à la foi et à la vie de l’homme, est expressément consigné dans l’Écriture ou doit en être déduit comme une bonne et nécessaire conséquence; rien, en aucun temps, ne peut
y être ajouté, soit par de nouvelles révélations de l’Esprit, soit par les traditions humaines (2 Tm 3 : 15-17; Ga 1 : 8-9; 2 Th 2 : 2). Néanmoins, nous reconnaissons que l’illumination
intérieure de l’Esprit de Dieu est nécessaire pour une compréhension à salut de ce qui est révélé dans la Parole (Jn 6 : 45; 1 Co 2 : 9-12). Certains aspects du culte dû à Dieu, et du gouvernement de l’Église, communs à toutes activités et sociétés humaines, doivent être arrangés selon la lumière naturelle et la sagesse chrétienne, dans le respect des règles générales de la Parole qui doivent toujours être observées (1 Co 11 : 13-14; 14 : 26,40).
7. Tout dans l’Écriture n’est pas également évident, ni également clair pour tous (2 P 3 : 16). Cependant, ce qu’il faut nécessairement connaître, croire et observer en vue du salut est si clairement exposé et révélé dans tel ou tel autre passage de l’Écriture que l’ignorant, et pas seulement l’homme cultivé, peut, sans difficulté, en acquérir une compréhension suffisante (Ps 119 : 105,130).
Ceci est la compréhension de la Sola Scriptura donnée à Westminster: elle admet qu’en certaines partie l’Ecriture peut être mal comprise. Cependant, sur le sujet du salut, l’Ecriture enseigne clairement les mêmes propositions qui sont données plus haut sur la justification. Résumons les points principaux de son enseignement sur la justification:
- Dans la justification, nous obtenons l’imputation de la justice parfaite du Christ à notre compte
- Les bonnes oeuvres, bien qu’un produit nécessaire du fait d’être justifié, ne sont jamais une raison pour cette justification
- Si quelqu’un est véritablement sauvé, il ne peut pas perdre son salut. Parce que la justice parfaite du Christ devient la leur, peu importe ce qu’ils font. Evidemment quelqu’un va persévérer s’il est sauvé, mais aucun péché ne peut couper qui que ce soit de la grâce de Dieu (comme mentionné plus tôt, Luther soutient essentiellement même chose, comme l’adultère ou le meurtre n’étant pas un péché mortel, avec seulement la perte de foi qui puisse mener à la perte de justification)
- Il n’y a que deux sacrements, et aucun d’entre eux ne peut être une raison pour la justification. Les deux sacrements que la Confession reconnaît sont des symboles et des représentations, et bien qu’elle les dise importants, ils ne sont pas salvifiques. Le baptême ne régénère pas, et l’Eucharistie ne contribue en rien au salut ou au pardon des péchés. De plus, il n’y a aucun sacrement qui contribue au salut tel que la confession, le sacerdoce à travers lequel le Christ oeuvre pour accorder la grâce dans le salut, l’onction des malades ou le sacrement de confirmation. Vu que ces sacrements n’existent pas, évidemment ils ne contribuent en rien au salut.
Aucun de ces Pères auquel King nous renvoie, dans les citations que nous avons vues, ne croit en un de ces quatre points, alors que chacun d’entre eux est fondamental pour la position de la Sola Fide telle qu’épousée par la Confession de Westminster. Bien sûr, la version Luthérienne de la Sola Fide diffère légèrement dans quelques-uns des aspects tirés de cette Confession, et nous nous concentrons sur celle adoptée par King. Et même si les pères ne croyaient qu’en une ou deux chose des points cités plus haut, cela ne suffirait pas puisque tous sont fondamentaux pour la Confession. Ils y sont prononcés de manière à manifester leur importance. Le fait est que, avec les preuves que j’ai apportées (et beaucoup plus pourrait être avancé au-delà des extraits limités ici), il est absolument impossible de demeurer honnête et d’affirmer que ces Pères ont enseigné quelque chose qui ressemblait de loi à la Sola Fide, puisqu’ils n’ont pas confessé un seul des quatre points énoncés dans la Confession de Foi de Westminster. Toute tentative de les exploiter comme des prédécesseurs de Calvin ou Luther sur ces points est nécessairement fausse.
La définition de la Sola Scriptura donnée à Westminster affirme que l’Ecriture enseigne clairement que les oeuvres ne sont pas une cause de justification. L’Ecriture enseigne a priori clairement qu’il n’y a que deux sacrements, qu’en étant justifié nous obtenons une imputation de la justice du Christ et que ceci est la seule raison pour notre justification. Les péchés comme l’adultère ne peuvent pas nous couper du Christ. Ceci montre clairement que les Pères ne croyaient pas non plus en une version de la Sola Scriptura, puisqu’ils n’enseignent clairement pas la Sola Fide. La Confession insiste ostensiblement que la justification est clairement enseignée dans l’Ecriture comme étant basée sur la foi seule. Cependant, le fait qu’aucun de ces Pères n’ait enseigné la justification de la manière dont la Confession l’enseigne, démontre que peu importe ce qu’ils ont enseigné sur l’autorité de l’Eglise, la tradition, et la Bible; ils n’ont pas cru en la Sola Fide, ce qui réfute cette définition donnée de la Sola Scriptura. Aucun des Pères n’a pensé que Jacques 2:24 (c’est par les œuvres que l’homme est justifié et non par la foi seule) enseignait clairement que l’on est justifié par la seule foi. Aucun des Pères n’a enseigné qu’1 Pierre 3:21 (c’est le baptême qui vous sauve à présent) signifiait que le baptême ne nous sauve pas. On ne trouve pas non plus de Père qui écrive que Jean 20:23 (Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis) signifiait que ni les apôtres ni leurs successeurs pourraient remettre les péchés. Ainsi, ces passages qui enseignent sur le salut de façon claire, n’étaient pas clairement vu par les Pères comme enseignait l’exact opposé de ce qu’ils disent, c’est-à-dire la position de la Confession de Westminster, la position épousée par King.
Tout ceci indique qu’aucun des Pères n’a enseigné la Sola Scriptura ou la Sola Fide. Pour ce qui est de ce que les Pères enseignaient spécifiquement au sujet de l’autorité de l’Eglise, de l’Ecriture ou de la Tradition, je recommande fortement le site de Joe Gallegos [anglais] ici:
http://www.cin.org/users/jgallegos/rule.htm
Cependant, nous pouvons déduire la fausseté de ces deux Solae avant même d’examiner ces autres sujets. Si l’Ecriture avait clairement enseigné l’imputation d’une justice externe, l’existence de seulement deux sacrements qui ne sont pas nécessaires au salut, que l’on ne puisse pas perdre son salut par les péchés mortels, et que les oeuvres ne sont en aucun cas méritoires dans la justification (tous ces points étant fondamentaux pour la Sola Fide), alors aucun de ces auteurs ne l’ont bien compris à travers 1500 ans. En fait, Alister McGrath, spécialiste Protestant, reconnaît ce que King et compères nient, c’est-à-dire:
« La discussion d’Augustin sur la iustitia, effectuée seulement à travers la justification de l’homme, démontre en quoi la doctrine de justification englobe l’ensemble de l’existence Chrétienne à partir du moment de la foi à travers le progrès dans la justice devant Dieu et l’homme, jusqu’à la perfection finale de cette justice dans la cité eschatologique. La justification porte sur le fait d’être rendu juste. »
(Alister McGrath, Iustitia Dei : A History of the Christian Doctrine of Justification, p.36)
« Bien que Luther considérait la justification comme un processus essentiellement unitaire, il introduisait néanmoins une rupture décisive avec la tradition théologique occidentale dans son ensemble en insistant qu’à travers la justification, l’homme est intrinsèquement pécheur mais extrinsèquement juste. » (Ibidem, p.182)
« L’importance de la distinction Protestante entre la justification et la régénération est qu’une discontinuité fondamentale a été introduite dans la tradition théologique occidentale là où aucune n’avait existé auparavant. Malgré la diversité théologique étonnante dans la période médiévale tardive, un consensus sur la nature de la justification a été maintenu tout le long. La compréhension Protestante de la nature représente une novum théologique, tandis que la compréhension de son mode ne l’est pas. » (p.184)
« La période médiévale a été étonnamment fidèle à l’enseignement d’Augustin sur la question de la nature de la justification, là où les réformateurs s’en sont écartés ». (p.185)
« La caractéristique essentielle des doctrines de la Réforme sur la justification est une distinction délibérée et systématique entre la justification et la régénération. Bien qu’il faille souligner que cette distinction est purement notionnelle, dans la mesure où il est impossible de séparer les deux dans le contexte de l’ordo salutis, le point essentiel est qu’une distinction notionnelle est faite là où aucune n’avait été admise avant dans l’histoire de la doctrine chrétienne. Une discontinuité fondamentale a été introduite dans la tradition théologique occidentale là où aucune n’avait existée, ni même envisagée auparavant. La compréhension de la Réforme au sujet de la nature de la justification – à l’opposé de son mode – doit être regardé comme une véritable nouveauté théologique. » (p.186)
Notre examen des « Pères de la Sola Fide » ne fait que prouver que McGrath disait vrai. Il n’y avait aucun Père qui a posé les fondements du principe de la Sola Fide tel qu’exprimé par Luther, Calvin ou n’importe lequel de leurs disciples. Cet examen des auteurs auxquels King nous renvoie, y compris des citations qu’il donne, montre au contraire qu’au sujet de la justification, ils étaient des Pères Catholiques.
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