Ceci est une traduction d’un extrait du livre de James Likoudis et de Kenneth D. Whitehead, « The Pope, the Council, and the Mass: Answers to Questions the « Traditionalists » Have Asked » (Emmaus Road Publishing, 2006, pp.134-138).

Question 13. Indépendamment de mots particuliers, de formules, ou de parties du texte de la Messe en elle-même, la définition de la Messe publiée dans la « Présentation Générale du Missel Romain » n’était-elle pas une preuve suffisante que le Novus Ordo est une version protestantisée de la messe ?
La “définition de la Messe” à laquelle la question fait allusion, encore largement répandue dans une certaine littérature traditionaliste, est comme telle : « A la messe ou Cène du Seigneur, le peuple de Dieu est convoqué et rassemblé, sous la présidence du prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur ».
Avant de discuter cette « définition de la Messe », nous devons souligner qu’elle est apparue dans la Présentation Générale du Missel Romain (PGMR) originale. En raison des critiques levées contre elle, cependant, elle a été révisée. La révision suivante peut se trouver dans la version définitive de la Présentation Générale du Missel Romain approuvée et promulguée par le pape Paul VI et est présentement en vigueur [1].
«A la messe ou Cène du Seigneur, le peuple de Dieu est convoqué et rassemblé, sous la présidence du prêtre, qui représente la personne du Christ, pour célébrer le mémorial du Seigneur, ou sacrifice eucharistique. C´est pourquoi ce rassemblement local de la sainte Église réalise de façon éminente la promesse du Christ: «Lorsque deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d´eux» (Mt 18,20) . En effet, dans la célébration de la messe où est perpétué le sacrifice de la croix, le Christ est réellement présent dans l´assemblée elle-même réunie en son nom, dans la personne du ministre, dans sa parole et aussi, mais de façon substantielle et continuelle, sous les espèces eucharistiques. » (Chapitre II, 7) [2]
Il est trompeur de continuer à faire circuler la première version comme si elle représentait une « définition » officielle pour l’Eglise post-Vatican II, ou prouvait quoique ce soit à propos de la nature du Nouvel Ordre de la Messe. A ceux qui pourraient répondre que la Présentation Générale du Missel Romain a été révisée seulement après que l’incomplétude de la première formulation a été pointée du doigt, nous pourrions répondre que cela prouve simplement que ceux, si tant est qu’ils aient eu l’intention de voir la première, controversée « définition de la Messe », publiée dans un document Romain officiel, échouèrent à le faire ! Cela devrait donner plus de confiance dans le jugement ultime du Saint Siège sur ces questions, pas créer des doutes. L’Eglise, en son aspect humain, n’a jamais été préservée de la confusion, et à travers son histoire certains ont essayé de l’utiliser pour leurs propres fins. Un fait remarquable de son histoire, cependant, est qu’elle retombe toujours sur ses pattes en dépit des efforts faits pour l’ébranler. Et nous ne devrions jamais sous-estimer sa capacité à le faire. Cela étant dit, nous pourrions ajouter que même la première version incomplète citée au-dessus ne fût jamais écrite avec l’intention de donner une définition complète de la Sainte Messe, mais seulement une brève description, assez traditionnelle et orthodoxe en elle-même en tant que description parmi les autres. De plus, elle devait être comprise dans le contexte des nombreux autres paragraphes (341 en tout) de la PGMR. Cette description en particulier, d’ailleurs, vient après un chapitre de la Présentation nommé « La Structure de la Messe, ses Eléments et ses Parties », et dans une section nommée « Structure Générale de la Messe ». Une description de la « structure » est quelque chose qui de toute évidence n’implique ni ne requiert une définition stricte.
Le Pape Paul VI, dans sa Constitution Apostolique Missale Romanum, expliquait que la PGMR « établit les nouvelles normes pour la célébration du Sacrifice Eucharistique [Eucharistici Sacrificii], tant en ce qui concerne les rites et les fonctions de chacun des participants qu’en ce qui traite des objets nécessaires et de la disposition des lieux du culte. »
C’était, en d’autres termes, non pas un traité complet sur la théologie de l’Eucharistie. Pour un tel traité, comme nous l’avons noté précédemment (Question 11 [du livre]), nous invitons les intéressés à consulter l’encyclique de 1965 du même Pape, Mysterium Fidei, dans laquelle la foi complète de l’Eglise sur le mystère central de notre foi est mise en avant admirablement.
Même si la Présentation Générale du Missel Romain est principalement dévouée aux rubriques de la Messe, elle contient cependant des références au caractère sacrificiel de la Messe. On nous dit, par exemple, que l’Eucharistie est «le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang ». [3] Aussi, l’entièreté du récit de la Sainte Cène est répétée, et il est réaffirmé que dans la Messe « le sacrifice de la croix est sans cesse rendu présent dans l´Église lorsque le prêtre, représentant le Christ Seigneur, fait cela même que le Seigneur lui-même a fait et qu´il a confié à ses disciples pour qu´ils le fassent en mémoire de lui. » [4] Et, se référant à l’autel, le PGMR dit clairement que sur celui-ci « le sacrifice de la croix est rendu présent sous les signes sacramentels ». [5] Revenant au préambule de la Présentation Générale, nous trouvons, comme nous l’avons déjà noté en réponse à la Question 7 [cf. livre], que le document a bien explicitement reconnu la définition de la Messe du Concile de Trente. [6]
Nous pourrions continuer mais le message est passé ; tous ceux qui sont intéressés devraient lire la Présentation Générale du Missel Romain pour se satisfaire eux-mêmes du fait que la Messe décrite en celle-ci est véritablement le sacrifice que l’Eglise a toujours offert.
Mais même dans la version originale citée plus haut, une « définition » de la Messe aussi brève et inadéquate qu’elle puisse être, il n’y a rien de particulièrement « Protestant ». Les mots « peuple de Dieu […] convoqué et rassemblé », ont été objectés par certains. Mais le latin original est “sacra synaxis seu congregatio.” L’expression “sacra synaxis” est un terme utilisé dans l’Eglise des premiers siècles pour se référer à la Messe. Elle a une connotation mystique qui pointe vers le corps sacré du peuple rassemblé – le Corps Mystique du Christ. En fait, le mot “Messe” n’est certainement venu en usage qu’avec Saint Ambroise à la fin du quatrième siècle, à travers les mots, « Ite, Missa est, » comme l’a rendu clair il y a de nombreuses années l’ancienne Encyclopédie Catholique, dans un article du Père Adrian Fortescue. [7]
Les mots “congrégation” [en français traduit comme « rassemblement »] ou “convocation” ont souvent été utilisés dans la tradition pour se référer à l’Eglise. [8] Ces mots, tout comme “le mémorial du Seigneur”, sont riches en résonnances sacrificielles, et ne sont en aucune manière simplement « Protestants ».
Les mots « with a priest presiding, » – ou, comme certains les ont traduits, « sous la présidence du prêtre » – représentent une traduction regrettable de ce qui est, cependant, une expression très traditionnelle, « sacerdote praeside ».
« Présider » vient du mot « praesidere », « présider, avoir la charge ou la direction de» – ce mot en Latin n’a pas la connotation « démocratique » qu’elle attache au « président » en anglais mais se réfère simplement au pouvoir du prêtre d’officier lors du sacrifice. Comme le dit le Pape Pie XII, le prêtre représente le Christ « en tant que Chef de tous les membres s’offrant lui-même pour eux […] [le prêtre est] supérieur au peuple » [9]
Le mot “praeside” est alors riche en connotation théologique dans l’histoire de l’Ouest Latin et ne porte pas de contestable saveur « Protestantisante » que certains ont choisi de voir en celui-ci.
[le chapitre continue en décrivant l’origine patristique de la participation des fidèles et le sens authentiquement catholique qui lui est donné]
Sources:
[1] Ce à quoi on se réfère ici est la seconde édition de la PGRM promulguée le 27 Mars 1975, qui remplace la version de 1970. Une version anglaise révisée (la troisième édition) a été approuvée par la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements en Mars 2003 et est présentement en vigueur. Le paragraphe pertinent de la PGRM de 2003 est comme tel […]
[En Français ici : « A la messe ou Cène du Seigneur, le peuple de Dieu est convoqué et rassemblé, sous la présidence du prêtre, qui agit en la personne du Christ, pour célébrer le mémorial du Seigneur, ou sacrifice eucharistique[37]. C´est pourquoi ce rassemblement local de la sainte Église réalise de façon éminente la promesse du Christ: « Lorsque deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d´eux » (Mt 18, 20). En effet, dans la célébration de la messe où est perpétué le sacrifice de la croix[38], le Christ est réellement présent dans l´assemblée elle-même réunie en son nom, dans la personne du ministre, dans sa Parole et aussi, mais de façon substantielle et permanente, sous les espèces eucharistiques[39]. »]
[2] Les textes en question de la Présentation Générale du Missel Romain, chap. II, no. 7, peuvent être trouvés [en français sur clerus.org : http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/g2a.htm ]
[3] Ibid., chap. I, no. 2
[4] Ibid., chap. II, no. 48
[5] Ibid., chap. V, no. 259
[6] Ibid.
[7] Voir Fortescue, “Mass, Liturgy of” in The Catholic Encyclopedia, p. 790. Disponible en ligne sur http://www.newadvent.org/cathen/09790b.htm
Pour une discussion complète de l’origine du terme « Messe » en description du sacrifice Eucharistique, voir aussi Jungmann, The Mass of the Roman Rite, pp. 129-133.
[8] Saint Cyrille de Jérusalem, Cat. 18, 23-25: P. 6. 33, 1043-1047.
[9] Pope Pius XII, Mediator Dei, no. 84 137 [en français sur introibo.org] : https://www.introibo.fr/Mediator-Dei-1947