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Sur la validité des nouveaux rites épiscopaux: réponse à Anthony Cekada

Ceci est une traduction d’un article de John Fisher 2.0, publié le 30 décembre 2020.

Voir aussi:

Validité des consécrations épiscopales dans le nouveau rite ? par l’abbé Laguérie

Photo : Ordination épiscopale de Mgr Li Hui en Chine, vaticannews.va

Introduction

Il y a quelques mois, j’ai écrit une réfutation de deux des attaques d’Anthony Cekada sur la validité des Ordinations épiscopales. Ici, j’aimerais fournir une version plus condensée et plus précise de cet article. Avec le recul, je pense que je n’ai pas fait aussi bien que j’aurais pu, j’aurais aimé donner une réponse plus complète aux articles de Cekada. Je veux également le faire à la lumière de ma récente discussion sur les ordres anglicans. Tout d’abord, abordons les principes de base qui sont nécessaires pour une ordination valide.

Selon le Père Cekada, deux choses sont essentielles pour la validité du sacrement.

« La matière : une chose ou une action que vos sens peuvent percevoir (verser de l’eau, du pain, du vin, etc.).

La forme : les mots récités qui produisent effectivement l’effet sacramentel ( « Je te baptise… », « Ceci est Mon corps… », etc.) » [1]

Maintenant, il y a aussi la validité de l’intention et les exigences d’un ministre à la hauteur, mais ceux-ci peuvent être mis de côté pour le moment. L’argument du Père Cekada contre la validité du nouveau rite serait qu’il y a une forme incorrecte qui n’équivaut pas au pouvoir donné à l’évêque lors de l’ordination.
Le Pape Pie XII aborde ce qui est exigé :

« la seule forme sont les paroles qui déterminent l’application de cette matière, paroles qui signifient d’une façon univoque les effets sacramentels, à savoir le pouvoir d’ordre et la grâce de l’Esprit-Saint, paroles que l’Eglise accepte et emploie comme telles. [in that sense, dans ce sens, en anglais] » [2]

Les mots, quelle que soit la forme du rite de consécration, doivent remplir les trois conditions suivantes:

  • Signifier de manière univoque le pouvoir de l’ordre de l’évêque.
  • Signifier de manière univoque la grâce du Saint-Esprit.
  • Être acceptés par l’Église en les signifiant dans leurs sens respectifs.

Le troisième élément doit être souligné en raison du fait que Cekada l’ommet:

« Notez les deux éléments qu’il doit exprimer à sens unique (c’est-à-dire sans ambiguïté) : l’ordre spécifique conféré (diaconat, sacerdoce ou épiscopat) et la grâce du Saint-Esprit » [3]

L’argument le plus faible ?

Ceci nous amène à la réfutation de son objection fournie dans la section X de son article. Il écrit l’argument homme de paille suivant:

« Même si la forme sacramentelle essentielle ne signifiait pas de manière univoque l’un des effets sacramentels (le pouvoir de l’Ordre de l’épiscopat), l’approbation du pape Paul VI garantirait néanmoins la validité de la forme. »

Il poursuit,

« C’est le dernier et le plus faible des arguments en faveur de la validité, non seulement parce qu’il suppose que les déclarations faisant autorité dans l’Église n’ont pas besoin de justification théologique cohérente, mais aussi parce qu’il attribue à tort au pape un pouvoir qu’il ne possède pas. Au début de «Sacramentum Ordinis» , Pie XII, réitérant l’enseignement du Concile de Trente, déclare : « l’Eglise n’a pas le pouvoir sur « la substance des sacrements », c’est-à-dire sur les choses que, au témoignage des sources de la révélation, le Christ Notre-Seigneur a prescrit de maintenir dans le signe sacramentel » » [5]

L’objection ne porte pas sur l’autorité du Pape pour déclarer valide un ensemble de mots déficients, mais pour donner à un ensemble de mots une signification unique dans un sens qui est « accepté et utilisé par l’Église ». Puisqu’il est le chef de l’Église, une telle capacité ne lui serait pas étrangère.

S’il est vrai que le pape n’a aucun pouvoir sur la substance des sacrements, cela ne signifie pas qu’il ne peut pas fournir de nouveaux mots qui énoncent le sacrement, ni donner à ces mots un sens qui soit compris par l’ensemble de l’Église. A travers l’histoire de l’Église, il y a eu divers rites d’ordination, mais ils auraient tous contenu les mêmes traits essentiels énumérés par le pape Pie XII. Historiquement, il existe deux types de formes de sacrements. Selon l’ancienne Encyclopédie Catholique:

« Le Christ a déterminé quelles grâces spéciales devaient être conférées au moyen de rites externes: pour certains sacrements (par exemple le baptême, l’eucharistie), il a déterminé minutieusement (in specie) la matière et la forme : pour d’autres, il a déterminé seulement d’une manière générale (in genere) qu’il devait y avoir une cérémonie extérieure, par laquelle des grâces spéciales devaient être conférées, laissant aux Apôtres ou à l’Église le pouvoir de déterminer ce qu’Il n’avait pas déterminé, par exemple de prescrire la matière et la forme des sacrements de la confirmation et des ordres sacrés » [6]

L’article poursuit,

« Le Concile de Trente (Sess. XXI, cap. ii) a déclaré que l’Église n’avait pas le pouvoir de changer la « substance » des sacrements. Elle ne revendiquerait pas le pouvoir de modifier la substance des sacrements si elle utilisait son autorité divinement donnée pour déterminer plus précisément la matière et la forme dans la mesure où elles n’ont pas été déterminées par le Christ. Cette théorie (qui n’est pas moderne) avait été adoptée par les théologiens : elle permet de résoudre les difficultés historiques relatives, principalement, à la confirmation et aux ordres sacrés » [7]

Puisque le Christ n’a pas donné de matière ou de forme spécifique pour l’ordination, c’est à l’Église elle-même qu’il appartient de changer cela. Cekada, pour éviter cette distinction évidente, profitant de l’ignorance de ses lecteurs, poursuit en fournissant des citations relatives aux sacrements in species et non in genere. Cekada cite Henricus Merkelbach, mais si quelqu’un regarde les notes de bas de page, il cite deux parties différentes de sa Summa Theologiae Moralis III. Merkelback écrit,

« En ce qui concerne les Saints Ordres, « L’Église ne possède aucun pouvoir sur la signification de la forme, car elle se rapporte à la substance du sacrement institué par le Christ. » » [8]

Cependant, c’est là que la citation s’arrête, si vous passez à la partie suivante, nous pouvons lire:

« mais l’église est capable de fixer des mots qui expriment ce sens/signification ou plutôt, parfois, elle devrait le faire. Comme la forme du sacrement, il faut donc considérer les mots qui déterminent l’application de la matière, par lesquels les effets sacramentels sont signifiés de manière univoque, et selon les « paroles que l’Eglise accepte et emploie comme telles » [citation de Pie XII ci-dessus]. [9]. »

Cekada poursuit (en citant Merkelback),

« Le Christ lui-même a prescrit que pour les Saints Ordres, l’Église doit utiliser des signes et des mots « capables d’exprimer… le pouvoir de l’Ordre » » [10]

Mais Merkelback développe encore:

« L’Église a designé des signes divers/différents pour des temps et lieux divers/différents. C’est ainsi que s’explique la diversité de la matière et de la forme dans les ordinations valides de l’Église latine et grecque » [11]

Il confirme que l’Église peut désigner ses propres signes qui déterminent les pouvoirs de l’épiscopat, ou la fonction elle-même, tels qu’ils sont reçus et utilisés par l’Église. Souvenez-vous de cela lorsque nous aborderons les objections de Cekada.

La nouvelle forme épiscopale

« Envoie maintenant sur cet élu la puissance qui vient de toi, l’Esprit souverain que tu as donné à Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé, et qu’il a donné aux saints Apôtres, qui ont fondé l’Eglise en tout lieu, comme ton sanctuaire, pour la gloire et la louange sans fin de ton nom » [12]

L’Esprit Saint est représenté par « l’Esprit souverain » et « la puissance… qu’il a lui-même donné aux saints Apôtres » déterminera l’ordre des évêques. Pour en revenir à notre dernier point, même s’il existe de multiples lectures que Cekada (ou tout autre critique) peut proposer, c’est le sens dans lequel l’Église accepte ces termes qui nous intéresse. Selon le Saint Pape Paul VI, écrivant avec autorité dans la même encyclique prononçant le changement des formes, et représentant l’Eglise, écrit:

« Or, dans la révision des rites des ordinations, outre les principes généraux qui doivent régir la complète restauration de la liturgie, selon les prescriptions du IIe Concile du Vatican, il faut porter la plus grande attention à cette magnifique doctrine, sur la nature et les effets du sacrement de l’ordre, qui a été professée par le Concile dans la Constitution sur l’Eglise [Lumen Gentium] » [13]

C’est dans ce sens que nous devons accepter et comprendre la signification de la forme de la nouvelle ordination épiscopale.

Cekada souligne qu’il y a un problème supposé majeur avec cette forme du rite. Si le gouvernant transmet correctement la grâce de l’Esprit Saint [14], il n’y a pas de référence – où au minimum il y en a une ambigüe – au pouvoir de l’épiscopat. La meilleure ligne d’argumentation contre l’argument du Révérend Cekada a été présentée par l’un de ses interlocuteurs, le Père Pierre-Marie OP. Mais il y avait trois problèmes,

(1) Elle n’était pas correctement formulée.
(2) Elle n’est pas fondé sur les développements trouvés dans Lumen Gentium, un concile dont le but était de mieux définir ce qui constituait l’Ordre des Évêques et l’Église.
(3) Elle mélange la juridiction avec les pouvoirs de l’ordre.

Selon le Révérend Cekada,

« Le Père Pierre-Marie prétend que la phrase du formulaire de Paul VI qui mentionne le « pouvoir donné aux Apôtres d’établir des églises… implique nécessairement celui d’ordonner des prêtres. » Faux, pour au moins deux raisons :
(a) Les Apôtres n’ont fondé des églises que parce qu’ils bénéficiaient d’une juridiction extraordinaire pour le faire. Le théologien Dorsch dit spécifiquement que ce pouvoir n’est pas communiqué aux évêques: « Les fonctions propres aux apôtres ne sont pas toutes également propres aux évêques : par exemple, celle d’établir de nouvelles églises. »
(b) Établir des « églises » (des diocèses, selon la terminologie moderne) est un exercice du pouvoir de juridiction, et non un exercice du pouvoir d’ordre, comme l’ordination des prêtres. Ce pouvoir juridictionnel est propre au seul Pontife romain » [14]

Ailleurs, le Révérend Cekada donne une autre réponse au Frère Ansgar OSB qui s’applique également ici. Cependant, le problème est qu’il utilise la forme d’un sacrement que nous utilisons in specie (le baptême) comme exemple, et non une forme donnée in genere (l’ordination). En fait, des mots comme « Donnez à votre prêtre la plénitude de votre ministère » [15] que l’on trouve dans le vieux rite est aussi implicite des pleins pouvoirs de l’épiscopat, puisqu’il implique que l’évêque élu reçoit ses pouvoirs d’évêque en atteignant la plénitude du ministère sacerdotal, plutôt que de les énumérer.

« Plus précisément, le Frère Ansgar ne cite aucune autorité à l’appui de la notion selon laquelle une forme sacramentelle qui avise «implicitement» est suffisante pour conférer un sacrement de manière valide. En fait, la théologie sacramentelle traditionnelle enseigne le contraire. Si quelqu’un qui administre le baptême dit: « Je te baptise au nom de Dieu », ses paroles impliquent le Père, le Fils et le Saint-Esprit, mais la forme est considérée comme invalide » [16]

Pour en revenir au problème de la façon dont le Père Pierre-Marie a formulé l’argument, celui-ci sort certains éléments du nouveau rite de leur contexte et impose les siens, mais ceux-ci finissent par devenir juridiction (éléments que j’aborderai plus tard).

Pouvoir d’ordre, de juridiction et fonctions sacrées.

Dans le but de fournir des informations contextuelles, nous devons introduire une distinction entre le pouvoir de juridiction de l’évêque et son pouvoir d’ordre. Le pouvoir de juridiction est le droit de gouverner et le pouvoir d’ordre est le pouvoir de distribuer la grâce [17]. Selon l’ancienne Encyclopédie Catholique,

« En ce qui concerne l’épiscopat, le Concile de Trente définit que les évêques appartiennent à la hiérarchie divinement instituée, qu’ils sont supérieurs aux prêtres, et qu’ils ont le pouvoir de confirmer et d’ordonner qui leur est propre (Sess. XXIII, c. iv, can. 6, 7). La supériorité des évêques est abondamment attestée par la Tradition, et nous avons vu plus haut que la distinction entre prêtres et évêques est d’origine apostolique. La plupart des anciens scolastiques étaient d’avis que l’épiscopat n’est pas un sacrement ; cette opinion trouve encore aujourd’hui des défenseurs compétents (par ex., Billot, « De sacramentis », II), bien que la majorité des théologiens tienne pour certain que l’ordination d’un évêque est un sacrement » [18]

Ce sera un fait important pour la suite.

Retour sur la forme de l’ordination

En plus des deux réponses du Révérend Cekada au Père Marie-Pierre, il y a aussi un troisième point. La lecture va à l’encontre des mots clairs, nous utilisons « l' » – comme dans l’article défini – pas « une » église, pas des églises, mais l’Église. Deuxièmement, « Église » (et « Ecclesiam » en latin)[19] prend une majuscule, ce qui renvoie à un nom propre. Ainsi, l’Église n’est pas constituée de localités de petites paroisses, mais de quelque chose d’autre.

Pour les lire, il faut se tourner vers le concile qui a donné le sens de ces mots à travers Lumen Gentium. Selon cette constitution sur l’Église, l’entité se compose de :

« Ceux, en effet, qui croient au Christ, qui sont « re-nés » non d’un germe corruptible mais du germe incorruptible qui est la parole du Dieu vivant (cf. 1 P 1, 23), non de la chair, mais de l’eau et de l’Esprit Saint (cf. Jn 3, 5-6), ceux-là constituent finalement « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis, ceux qui autrefois n’étaient pas un peuple étant maintenant le Peuple de Dieu » (1 P 2, 9-10) » [20]

Les Apôtres n’ont pas fondé des juridictions, mais ils ont fondé le peuple de Dieu. En soi, cela ne suffit pas à signifier un quelconque pouvoir propre à l’ordre de l’évêque. Mais ce n’est pas toute la phrase. Non seulement les Apôtres fondent le peuple de Dieu, mais ils le font d’une certaine manière. Le texte continue, « en tout lieu, COMME TON SANCTUAIRE, pour la gloire et la louange sans fin de ton nom » . La partie d’une église contenant l’autel est le sanctuaire[21], l’Église est le sanctuaire de Dieu – comme l’enseigne également le Concile Vatican II – en plus d’être le Corps du Seigneur. L’Église est le Temple du Saint-Esprit[22]. Cela inclut tous ses éléments visibles.

Alors, en quoi cela signifie-t-il le pouvoir de l’ordre ? Eh bien, la première chose à noter est ce que Lumen Gentium enseigne ici,

« Parmi les différents ministères qui s’exercent dans l’Église depuis les premiers temps, la première place, au témoignage de la Tradition, appartient à la fonction de ceux qui, établis dans l’épiscopat, dont la ligne se continue depuis les origines, sont les instruments de transmission de la semence apostolique… C’est pourquoi le saint Concile enseigne que les évêques, en vertu de l’institution divine, succèdent aux Apôtres, comme pasteurs de l’Église, en sorte que, qui les écoute, écoute le Christ, qui les rejette, rejette le Christ et celui qui a envoyé le Christ (cf. Lc 10, 16) » [23]

Et ici,

« L’ordre des évêques, qui succède au collège apostolique dans le magistère et le gouvernement pastoral, bien mieux dans lequel le corps apostolique se perpétue sans interruption constitue, lui aussi, en union avec le Pontife romain, son chef, et jamais en dehors de ce chef » [24]

Et de nouveau, dans l’annexe,

« On devient membre du collège [des apôtres] en vertu de la consécration épiscopale et par la communion hiérarchique avec le chef du collège et ses membres. Dans la consécration est donnée la participation ontologique aux fonctions (munera) sacrées […] » [25].

Le Concile affirme que les évêques ont non seulement un ministère et un ordre propres, mais qu’ils sont sacramentels parce qu’ils ont un caractère ontologique propre.

« C’est en vertu de la consécration sacramentelle et par la communion hiérarchique avec le chef du collège et ses membres que quelqu’un est fait membre du corps épiscopal. » [26]

À la différence du prêtre, l’évêque porte la marque indélébile des Apôtres. Comme ses prédécesseurs, il érige le sanctuaire, qui est le peuple de Dieu, à perpétuité, à la louange éternelle de son nom , car il possède la plénitude des pouvoirs sacerdotaux des Apôtres, qui peuvent être transmis tout comme le pouvoir d’ordonner. Cependant, comme nous le rappelle le Révérend Cekada, les Apôtres n’ont pas transmis leur pouvoir juridictionnel extraordinaire. Si cela est vrai, comment savoir quel pouvoir des Apôtres est demandé à Dieu ? Le fait que l’Église soit établie en tout lieu ne signifierait-il pas le pouvoir de juridiction ?

Cela nous amène au point suivant : que signifie le fait que les Apôtres aient fondé le peuple de Dieu comme son sanctuaire ? En plus d’être le lieu où l’on fait des sacrifices, le sanctuaire est aussi une marque de la visibilité de l’Église dans ses fonctions sacrificielles quotidiennes.

Sanctuarium, pris dans un autre sens, signifie aussi et est traduit par « temple » dans d’autres versions du texte. Ces deux lieux instituent le sacrifice. Dans l’une ou l’autre traduction, nous prenons le peuple de Dieu et nous le transformons en quelque chose de visible pour le monde ; dans l’Ancien Testament, c’était la nation d’Israël ; maintenant, cela se poursuit dans l’Église catholique, que Lumen Gentium appelle le « Corps du Seigneur et temple du Saint-Esprit » [27].

Il n’y a pas de meilleur exemple de cette action d’unité dans les documents de Vatican II que dans Lumen Gentium où nous lisons le controversé paragraphe suivant,

« Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Église catholique qu’elle subsiste, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Église du Christ, portent par eux-mêmes à l’unité catholique. » [28]

Lorsque nous en arrivons à la référence de « cette Église » en tant que société, il semble qu’un élément important nous échappe : elle est organisée par le Successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui; elle subsiste en tant qu’Église catholique. Ce n’est pas qu’il y ait l’Église catholique visible et la grande Église extérieure, mais le peuple de Dieu a besoin de l’Église catholique pour exister.

Comme le disait le cardinal Ratzinger à l’époque,

« Le concept exprimé par « être » est beaucoup plus large que celui exprimé par « subsister ». « Subsister » est une manière très précise d’être, c’est-à-dire d’être comme un sujet, qui existe en soi.
Ainsi, les Pères du Concile ont voulu dire que l’être de l’Église en tant que telle est une entité plus vaste que l’Église Catholique Romaine, mais qu’au sein de cette dernière, il acquiert, de manière incomparable, le caractère d’un sujet véritable et propre » [29]

De même que la Nation d’Israël a commencé avec Abraham et sa famille et a subsisté en ses descendants, ainsi en est-il de l’Église. Cependant, une fois que le peuple s’agrandit, la Nation développe des institutions comme les lois, la religion et les traditions qui permettent à la famille d’Abraham de subsister. Il suffit de comparer le Livre des Juges avec n’importe quelle partie des Livres des Rois, il y avait un développement institutionnel qui permettait aux Juifs de vivre mieux lorsque les Rois (les fidèles) régnaient sur eux. De même, le collège des Apôtres et le successeur de Pierre gouvernent la société, lui donnant une existence d’une manière organisée et gouvernementale.

De plus, remarquez que cela ne doit pas non plus impliquer votre théologie du chrétien anonyme du Père Karl Rahner SJ. La seule chose à laquelle la clause nous engage est que « de nombreux éléments de sanctification et de vérité se trouvent en dehors de sa structure visible », mais alors quoi ? Les hérétiques peuvent baptiser (et sanctifier) des enfants ainsi qu’enseigner de nombreux éléments de vérité. Je peux affirmer ces vérités dans le cadre d’une herméneutique de continuité. En fait, les sacrements comme le baptême mis en œuvre par Dieu poussent tout le monde à l’unité catholique parce que c’est ainsi que nous faisons des hommes des chrétiens, dont le but est d’obéir aux dictats de l’Église en vertu de ce baptême.

La fondation du Peuple de Dieu en tant qu’entité visible, le Temple du Saint-Esprit, le Sanctuaire pour faire un sacrifice à Dieu, se fait par le pouvoir des Apôtres, transmis aux Évêques qui exercent leur pouvoir en tout temps et en tout lieu. Cela ne se fait pas par la juridiction, mais dans leurs fonctions sacrées, en particulier dans leur travail de missionnaires,

« Les évêques, pris à part, placés à la tête de chacune des Églises particulières, exercent leur autorité pastorale sur la portion du Peuple de Dieu qui leur a été confiée, et non sur les autres Églises ni sur l’Église universelle. Mais, comme membres du collège épiscopal et légitimes successeurs des Apôtres, ils sont tous tenus, à l’égard de l’Église universelle, de par l’institution et le précepte du Christ, à cette sollicitude qui est, pour l’Église universelle, éminemment profitable, même si elle ne s’exerce pas par un acte de juridiction. » [30]

Les évêques n’ont pas besoin d’avoir le pouvoir juridictionnel d’établir des diocèses ou des églises individuelles, comme nous le dit Lumen Gentium,

« L’unité collégiale apparaît aussi dans les relations mutuelles de chacun des évêques avec les Églises particulières et avec l’Église universelle. Le pontife romain, comme successeur de Pierre, est le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles. Les évêques sont, chacun pour sa part, le principe et le fondement de l’unité dans leurs Églises particulières ; celles-ci sont formées à l’image de l’Église universelle, c’est en elles et par elles qu’existe l’Église catholique une et unique. C’est pourquoi chaque évêque représente son Église, et, tous ensemble, avec le pape, représentent l’Église universelle dans le lien de la paix, de l’amour et de l’unité. » [31]

Une autre chose importante à noter est la relation de pouvoir entre l’épiscopat et la papauté. Selon l’annexe,

« on emploie le terme de fonctions (munera) et non pas celui de pouvoir (potestas), parce que ce dernier pourrait s’entendre d’un pouvoir apte à s’exercer en acte. Mais pour qu’un tel pouvoir apte à s’exercer existe, doit intervenir la détermination canonique ou juridique de la part de l’autorité hiérarchique. Cette détermination du pouvoir peut consister dans la concession particulière d’une fonction ou dans l’assignation de sujets, et elle est donnée selon les normes approuvées par l’autorité suprême. » [32]

Les évêques renégats et schismatiques en dehors de la papauté ne peuvent pas apporter l’unité dans l’Église, ils sont des Judas. Ils sont comme un adulte qui est baptisé en dehors de l’Église, bien que son baptême soit valide, il renaît séparé de l’Église et cet adulte ne peut pas exercer ses droits, comme celui à la Sainte Eucharistie. De même, les évêques schismatiques, bien que participant également à la succession des Apôtres, n’ont aucun droit à une juridiction puisqu’ils refusent de travailler dans l’obéissance à la papauté. Ils ne peuvent pas exercer les fonctions sacrées.

Ils n’ont pas non plus le droit d’enseigner de la manière qui convient seulement à un évêque qui exerce ses fonctions sacrées par Pierre. Bien que les Apôtres aient eu une juridiction extra-ordinaire, même cela, nous pouvons le dire, n’est présupposé (1) que par la permission de Pierre, (2) et s’applique aux églises, pas à l’Église.

La plénitude du ministère et les apôtres

Maintenant que nous avons établi que les évêques rassemblent l’Église par leurs fonctions sacrées de sollicitude (évangéliser) – et non par leur pouvoir juridictionnel – qu’en tant qu’Ordre les évêques exercent ces pouvoirs par l’intermédiaire des successeurs de Pierre pour rassembler l’Église comme un temple afin d’offrir des sacrifices à travers les temps, cela devrait nous indiquer qu’en participant à la succession apostolique tous les pouvoirs de l’ordre sont contenus dans celle-ci et sans problème.

Le dernier problème soulevé par le révérend Cekada est que les pouvoirs de l’ordre sont implicites, alors qu’ils doivent être explicitement énoncés. Je ne pense pas que cela soit nécessaire, mais même en l’imaginant, Lumen Gentium nous dit explicitement,

« L’évêque, revêtu de la plénitude du sacrement de l’Ordre, porte «la responsabilité de dispenser la grâce du suprême sacerdoce» , en particulier dans l’Eucharistie qu’il offre lui-même ou dont il assure l’oblation, et d’où vient à l’Église continuellement vie et croissance. » [33]

Nous n’avons donc aucune raison de conclure que, lorsque l’activité des Apôtres n’est pas signifiée dans le rassemblement de l’Église (puisqu’il est déjà un prêtre capable d’offrir le sacrement), ce pouvoir qui leur a été donné n’était rien d’autre que le sacrement de l’Ordre. Si l’on n’est pas prêt à capituler sur le fait que la plénitude de l’Ordre est signifiée, je serai heureux de citer le Révérend Cekada qui, interpellé par le Frère Ansgar sur l’ambiguïté de « plénitude de ton ministère » dans l’ordinal de l’Ancien Rite, dit,

« Les mots qui suffisent pleinement à la puissance et la grâce énoncées se trouvent dans la Préface consécratoire, dont les mots essentiels sont ceux dans lesquels sont exprimés la « plénitude ou totalité » du ministère sacerdotal et le « vêtement de toute gloire » »[34].

Ici le sens des mots qui se rapportent à la plénitude du pouvoir de l’ordre est défini, de même, Lumen Gentium lie aussi la plénitude du sacrement épiscopal dans l’acte d’unification de l’Église.

Contexte, contexte et contexte

Même si le contexte ordinal lui-même augmente la probabilité de l’exactitude de cette lecture, c’est le sens dans lequel l’Église comprend les mots de la forme. La prière plus complète, avec les trois consécrateurs posant leurs mains sur l’évêque, est la suivante,

O Dieu,
le Père de notre Seigneur Jésus-Christ,
le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation,
qui habite dans les hauteurs, mais qui regarde les humbles,
qui connaît toutes choses avant qu’elles ne s’accomplissent,
Tu as établi le plan de ton Église.
Par ta gracieuse parole,
Tu as choisi les descendants d’Abraham pour être ton peuple saint dès le commencement,
Tu as établi des princes et des prêtres,
et tu n’as pas laissé ton sanctuaire sans ministres pour te servir,
qui, dès le commencement du monde, as voulu être glorifié dans ceux que tu as choisis:

Envoie maintenant
sur cet élu la puissance qui vient de toi, l’Esprit souverain
que tu as donné à Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé,
et qu’il a donné aux saints Apôtres,
qui ont fondé l’Eglise en tout lieu, comme ton sanctuaire, pour la gloire et la louange sans fin

de ton nom
[35]

Remarquez le « miroir » ici. Dans le premier paragraphe de la consécration, nous voyons la puissance de Dieu en action, il prend les descendants d’Abraham, en fait son peuple saint (l’Église pré-messianique), établit des prêtres et des princes, et ne laisse pas les sanctuaires sans ministres. C’est le pouvoir que Dieu exerce et que les évêques demandent de transmettre à son élu, qui fait ensuite de même. Mais remarquez que la ligne établit des princes et des prêtres, deux choses qu’est l’évêque (les évêques sont appelés princes de l’église car prince, dans l’anglais plus informel, ne signifiait pas seulement la royauté, mais toute personne assumant un rôle de direction).

L’évêque est plus naturellement lu comme le ministre du service du sanctuaire (le lieu où le sacrifice est offert). Il est donc logique qu’en établissant l’Église en utilisant le pouvoir que Dieu a exercé sur Israël, à savoir la création de sanctuaires, l’acte de créer des ministres soit également mentionné explicitement et constitue donc un pouvoir de l’ordre.

Conclusion

En recevant le pouvoir des Apôtres (les premiers évêques), l’évêque élu est élevé au collège apostolique, et reçoit tous les pouvoirs nécessaires pour lier l’Église dans le temple du Saint-Esprit. Ils sont capables de fournir toutes les conditions requises pour un temple, comme offrir des sacrifices selon leur ministère sacerdotal et nommer des évêques et des prêtres selon leurs pouvoirs épiscopaux. Ce faisant, ils assurent au collège apostolique une existence continue et conduisent un ministère unificateur dans l’Église. De même que l’attribution de la plénitude du ministère sacerdotal impliquait le pouvoir de l’épiscopat dans l’ancien rite, de même l’élévation au collège apostolique implique le pouvoir de l’épiscopat dans le nouveau rite. Il ne s’agit pas de pouvoirs extra-juridictionnels ou juridictionnels, mais de fonctions sacrées qui sont données et ne peuvent être exercées qu’en étant en communion avec l’évêque de Rome. Se contenter de rejeter les Ordres de l’Église catholique sans tenir compte du Concile Vatican II ou de la fonction de Saint Paul VI, serait une façon de contourner la question.

J’espère que toute question relative à nos rites d’ordination pourra être rejetée comme étant absolument nulle et non avenue.

//Mise à jour//3 Janvier 2021/Grammaire//

À titre d’éclaircissement, lorsqu’on parle de la grammaire de la forme, la phrase « qui ont fondé l’Eglise en tout lieu, comme ton sanctuaire, pour la gloire et la louange sans fin de ton nom » doit être lue comme une clause adjective, modifiant le nom (les Apôtres). Son but, comme on l’a vu plus haut, était de fournir un descripteur des fonctions sacrées qui accompagnent le pouvoir de l’Ordre des évêques en termes d’effet. Les pouvoirs et les fonctions sacrées sont co-extensifs (on ne peut pas avoir l’un sans l’autre) et sont partagés entre tous les Apôtres (et leurs successeurs épiscopaux) ; ils sont donnés à tous avec le pouvoir de l’épiscopat. Puisque ces fonctions et le pouvoir de l’ordre sont coextensifs, ils donnent une signification univoque au « pouvoir » mentionné. Puisqu’aucun autre pouvoir n’accorde ces fonctions, le pouvoir de l’évêque est la seule conclusion qui reste.


Notes

[1] Cekada, Toujours nul et toujours vain, page 2.
[2] Pape Pie XII, Sacramentum Ordinis sur le sacrement de l’ordre, 1947, paragraphe 4. http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/cn2.htm
[3] Cekada, Absolument nul et entièrement vain, page 2.
[4] Cekada, Absolument nul et entièrement vain,page 12.
[5] ibid.
[6] Kennedy, D. (1912). Sacraments. The Catholic Encyclopedia. New York : Robert Appleton Company. Consulté le 29 décembre 2020 à l’adresse suivante : http://www.newadvent.org/cathen/13295a.htm.
[7] ibid.
[8] Cekada, Absolument nul et entièrement vain, page 12.
[9] Merkelbach 3:720 : verba autem hunc sensum exprimentia ecclesia stabilire potest, immo quandoque debet. Ut formam sacramenti igitur consideranda sunt verba applicationem materiae determinantia, quibus univoce significantur effectus sacramentales quaeque ab Ecclesia qua talia accipiuntur et usurpantur.
[10] Cekada, Absolument nul et entièrement vain, page 12.
[11] Merkelbach 3,18 :  » ecclesia vero signa determinavit diversa pro diversis temporibus et locis, et sic explicatur diversitas materiae et formae in ordinationibus validis Ecclesiae latinae et gracae. « 
[12] Traduction non-officielle remaniée de: Et nunc effunde super hunc Eleclum eam virtutem, quae a te est, Spiritum prlncipalem, quem dedisti dilecto Filio Tuo Iesu Christo, quem Ipse donavit sanctis Apostolis, qui constituerunt Ecclesiam per singula loca, ut sanctuarium tuum, in gloriam et laudem indeficientem nominis tui.
Pape Paul VI, Nouveau rite pour l’ordination sacrée, 1968
[13] Ibid.
[14] A. Cekada, toujours nul et toujours vain, page 3 « D’après le contexte, l’Esprit Souverain semble signifier, simplement, le Saint-Esprit. Spiritum est en majuscule dans l’original latin, indiquant la Troisième Personne de la Trinité, et le pronom relatif Quem (signifiant ici « qui ») est utilisé, plutôt que quam (qui se référerait à un autre antécédent dans la forme, virtus, c’est-à-dire la puissance) ».
[15] « Comple in Sacerdote tuo ministerii tui summam »
Pape Pie XII, Sacramentum Ordinis sur le sacrement de l’ordre, 1947, paragraphe 7.
[16] Cekada, Toujours nul et toujours vain, page 5.
[17] Ahaus, Hubert. Holy Orders. L’encyclopédie catholique. Vol. 11. New York : Robert Appleton Company, 1911. 27 sept. 2020 http://www.newadvent.org/cathen/11279a.htm
[18] ibid.
[19] Pape Paul VI, Nouveau rite pour l’ordination sacrée, 1968,
[20] Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium promulguée solennellement par Sa Sainteté le pape Paul VI le 21 novembre 1964, Lumen chapitre 2, paragraphe 9.
[21] Dictionnaire catholique: https://www.catholicculture.org/culture/library/dictionary/index.cfm?id=36276
[22] Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium, promulguée solennellement par Sa Sainteté le Pape Paul VI le 21 novembre 1964, Lumen, chapitre 2, paragraphe 17.
[23] Ibid, paragraphe 20
[24] Ibid, paragraphe 22
[25] « Notifications » données par le Secrétaire général du Conseil à la 123e Congrégation générale, 16 novembre 1964, paragraphe 2.
[26] Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium, promulguée solennellement par Sa Sainteté le Pape Paul VI le 21 novembre 1964, Lumen, chapitre 3, paragraphe 22.
[27] Ibid, paragraphe 17
[28] Ibid, paragraphe 8
[29] Réponses aux principales objections contre Dominus Iesus Cardinal Joseph Ratzinger (entretien du 22 septembre 2000 pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung)
https://www.ewtn.com/catholicism/library/answers-to-main-objections-against-dominus-iesus-10119
[30] Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium promulguée solennellement par Sa Sainteté le Pape Paul VI le 21 novembre 1964, Lumen Chapitre 3, paragraphe 23.
[31] Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium, solennellement promulguée par Sa Sainteté le Pape Paul VI le 21 novembre 1964, paragraphe 23.
[32] « Notifications » données par le Secrétaire général du Conseil à la 123e Congrégation générale, 16 novembre 1964, paragraphe 2.
[33] Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium, promulguée solennellement par Sa Sainteté le Pape Paul VI le 21 novembre 1964, paragraphe 26.
[34] A. Cekada, toujours nul et toujours vain, page 5.
[35] P. Marie-Pierre OP, Tableau 3 : Validité des nouvelles consécrations épiscopales. [notre traduction]

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