Introduction
Dans le rite latin, la formule de consécration du Pain en Corps du Christ était Hoc est enim corpus meum : « Ceci est mon corps ». Mais le pape saint Paul VI, dans sa réforme liturgique, reprenant les écrits de saint Paul, y a ajouté les mots quod pro vobis tradetur. Ainsi, lors de la Messe Novus Ordo, lorsque le prêtre consacre l’Hostie, il dit : Hoc est enim corpus meum, quod pro vobis tradetur, ou bien : « Ceci est mon corps [qui sera] livré pour vous ».
Le prêtre Guérard des Lauriers et d’autres sédévacantistes affirment que cette forme rendrait la Messe invalide. En effet, d’après eux, l’ajout des mots quod pro vobis tradetur impliqueraient que le Sacrifice s’accomplirait lors de la consécration du pain ; or d’après la doctrine catholique, le Sacrifice n’est accompli que lorsque le pain et le vin ont été consacrés en Corps et Sang du Christ.
Dans cet article, nous démontrerons au contraire que l’ajout de ces mots n’implique nullement la doctrine erronée selon laquelle le Sacrifice s’accomplirait déjà par la consécration du Pain, mais aussi qu’affirmer que ces mots rendent la messe invalide implique plutôt de contredire l’Église.
Rappel sur les questions de validité
Rappelons déjà qu’il n’est donné à aucun théologien de trancher sur la validité ou non d’un rite. Cela revient uniquement au Pape comme l’explique le Pape Pie XII dans son Encyclique Mediator Dei:
« C’est pourquoi au seul Souverain Pontife appartient le droit de reconnaître et établir tout usage concernant le culte divin, d’introduire et approuver de nouveaux rites, de modifier ceux mêmes qu’il aurait jugés immuables ; le droit et le devoir des évêques est de veiller diligemment à l’exacte observation des préceptes des saints canons sur le culte divin. Il n’est donc pas permis de laisser à l’arbitraire des personnes privées, fussent-elles de l’ordre du clergé, les choses saintes et vénérables qui touchent la vie religieuse de la société chrétienne, et de même l’exercice du sacerdoce de Jésus-Christ et le culte divin, l’honneur qui doit être rendu à la très sainte Trinité, au Verbe incarné, à son auguste Mère, et aux autres habitants du ciel, et le salut des hommes. Pour cette raison, aucune personne privée n’a le pouvoir de réglementer les actions extérieures de cette espèce, qui sont au plus haut point liées avec la discipline ecclésiastique et avec l’ordre, l’unité et la concorde du Corps mystique, et qui, plus est, fréquemment avec l’intégrité de la foi catholique elle-même.»
L’Eglise n’ayant jamais déterminé que l’usage du quod pro vobis tradetur soit un facteur d’invalidité du sacrement, alors même que l’occasion ne manquait pas au vu d’anciennes anaphores le contenant (citées plus loin dans l’article), il va de soi que les opinions de théologiens, aussi « objectifs » qu’ils puissent se prétendre, sont au mieux des spéculations novatrices, et certainement pas une preuve décisive que la messe du rite Romain actuel soit invalide.
Signification de « Quod pro vobis tradetur«
Les sédévacantistes qui utilisent cet argument novateur prétendent que le fait que le Christ soit « livré » lors de la première consécration équivaudrait à dire d’une part que le Sacrifice soit accompli dès la première consécration et non par double-consécration (avec celle du vin), et d’une autre que « livré » se réfère strictement à sa livraison aux romains pour son exécution, ce qui n’arrive pourtant pas de nouveau à la Messe. La première prétention est déjà une interprétation conjecturée (et évidemment téméraire), car le fait que le corps du Christ soit livré ne suffit pas à l’accomplissement du Sacrifice (ce que l’Eglise n’a jamais déduit du terme), et le fait que que son sang soit aussi versé, représente bien la double consécration du Corps et du Sang du Christ lors de la Messe.
Pour ce qui est de la seconde déduction, elle tente de forcer une interprétation unique au terme « livré » qui n’a pas été faite par la Tradition Catholique. Gaspar de Seguiran, avec l’approbation des docteurs, réfutait déjà ces assertions 4 siècles et demi plus tôt, en affirmant que le quod pro vobis tradetur équivaut à dire que le Corps du Christ est immolé, rompu. Ainsi, lorsque l’on dit que le corps du Christ sera livré pour nous, cela équivant à dire qu’il sera immolé, rompu pour nous ; et que c’est bien ce qu’il s’est toujours passé durant chaque Messe :
« D’autant qu’étant un vrai sacrifice, il faut que véritablement et réellement l’hostie soit présentée : et de fait cette hostie qui est présentée à Dieu au sacrifice de la Messe, n’est autre que son fils unique, et notre Seigneur même instituant ce saint sacrifice de la Messe, en sa dernière Cène a donné et offert pour hostie son propre corps, voilà pourquoi saint Paul rapportant comme notre Seigneur institua ce sacrifice, certifie même par ces paroles de Jésus-Christ, Hoc est corpum meun, quod pro vobis tradetur que l’hostie qui a été offerte à Dieu n’est autre que son corps : mais remarquez ici deux choses, que saint Paul dit au futur, quod pro vobis tradetur, et saint Luc dit au présent, quod pro vobis datur, pourquoi cela ? C’est pour montrer que deux choses sont nécessaires au sacrifice, l’une qu’il soit offert et présenté, l’autre qu’il soit immolé. Pour montrer qu’il doit être offert et présenté S. Luc dit, quod pro vobis datur, pour dire quod pro vobis offertur ; pour montrer qu’il doit être immolé, S. Paul dit : quod pro vobis tradetur, c’est-à-dire, quod pro vobis immolatur ; ou bien quod pro vobis frangetur. Mais pour ce qui est du sacrifice de la Messe, ne savez-vous pas que les pains de proposition étaient premièrement rompus, et puis étaient offerts ? aussi le corps de Jésus-Christ est premièrement rompu, afin d’être offert à Dieu comme victime, et donné à nous comme viande spirituelle et céleste » – Gaspar de Seguiran, Sermons doctes et admirables sur les Euangiles des dimanches & festes de l’année, pp. 640-641, 1622.
D’autres auteurs enseignent, toujours avec approbation, que quod pro vobis tradetur (« qui sera livré pour vous ») est l’équivalent de quod pro vobis frangitur (« brisé pour vous ») :
« Ces paroles, dit Estius, et avec lui les autres Théologiens, Hoc est corpum meum, quod pro vobis datur, signifient la même chose que celles-ci : Quod offertur præsenti tempore ; et celles de S. Paul, quod pro vobis tradetur, I. Cor. 11. signifient quod pro vobis frangitur. » – Pons Augustin Alletz, Dictionnaire théologique-portatif, contenant l’exposition et les preuves de la Révélation, p. 400, 1761
« Quod pro vobis tradetur. Plusieurs excellents manuscrits (ABC) donnent simplement Τό ύπερ ύμϖν, quod pro vobis. Il est manifeste que cette phrase est incomplète ; il faut donc reconnaître ici une lacune ou une ellipse. D’autres manuscrits assez nombreux ajoutent : […], quod pro vobis frangitur. C’est la leçon adoptée par Erasme. La chair de Notre-Seigneur fut brisée et rompue par les fouets, par les épines, par les clous, par la lance. Cette leçon très-respectable se trouve dans saint Chrysostome , dans Théodoret et dans plusieurs autres écrivains anciens. […] Mais, soit qu’on lise datur, ou traditur, ou frangitur, ou seulement Τό ύπερ ύμϖν (ellipse qui s’entend bien en grec, et qui est encore plus conforme à la langue que parlait Notre -Seigneur), ce petit membre de phrase ne sert pas peu à prouver le dogme catholique. » – Chanoine Maunoury, Commentaire sur les deux Épîtres de Saint Paul aux Corinthiens, pp. 195-196,1879
L’abbé Migne, en répondant à la question de savoir si toute addition faite à la forme est capable de l’annuler, affirmait explicitement qu’ajouter le quod pro vobis tradetur ne pouvait l’invalider (en ajoutant toutefois qu’il était un sacrilège d’aller contre les rubriques (parce que seul un pape peut les modifier et que les prêtres ont l’obligation de les suivre)), parce qu’il ne changerait pas le sens des paroles de consécration :
« Qui dirait, Hoc est corpum meum, quod pro vobis tradetur, ne pourrait anéantir le sacrement : il parlerait d’après son maître, et ne donnerait à ses paroles que le sens qu’il leur a lui-même donné dans l’institution. Ce serait autre chose si l’addition tendait à tirer les paroles du Sauveur de leur sens propre, pour leur en donner un qui leur fût contraire. » – Abbé Migne, Encyclopédie théologique, p. 979, 1847
Le R. P. Richard affirmera la même chose en 1760 (en expliquant que de tels changements dans la forme de consécrations sont illicites (puisqu’un simple prêtre ne peut changer ainsi la forme comme il l’entend)) :
« On consacrerait aussi en ajoutant à la forme des paroles qui n’en changeraient pas le sens telles que celles-ci : hoc est corpus meum quod pro vobis tradetur ; mais si l’addition changeait le sens, on ne consacrerait pas. » – R. P. Richard, Dictionnaire universel dogmatique, canonique, historique, géographique et chronologique des sciences ecclésiastiques, p.938, 1760
Certains sédévacantistes prétendent que le Christ est certes « immolé » lors de la Messe, mais qu’il ne peut pas être « livré ». Mais cet argument est inventé : aucun auteur ne prétend une telle chose. Au contraire, les docteurs de l’Église ont enseigné que le corps du Christ était bien en quelque sorte « livré » lors de la Messe aussi, étant l’unique Sacrifice qui est renouvelé lors de chaque Messe. Puisque le Christ a été livré lors de sa Passion, alors il est livré aussi à chaque Messe, mais évidemment aucun catholique n’a les idées assez détournées pour imaginer que le terme doive signifier une nouvelle crucifixion.
Saint Alphonse, pour répondre aux zwinglistes prétendant que l’Eucharistie n’était qu’un symbole, et non véritablement le Corps et le Sang du Christ, citait également la terre de Saint Paul et affirmait que c’était ce même corps qui devait être attaché sur la croix, autrement dit, qui devait être livré:
« Nous leur donnons la même réponse, en citant les paroles de Jésus-Christ lui-même, qui assure que l’Eucharistie contient son propre corps, le même qui devait être attaché sur la croix : « Ceci est mon corps, qui sera livré pour vous ». C’est son corps et non ce qui n’en serait que la figure, que Jésus-Christ a livré à la mort. » – Saint Alphonse de Liguori, Œuvres, p. 25, ed. de 1879
Bien plus, Saint Thomas d’Aquin lui-même, après avoir cité Saint Paul, affirme que le sacrement de l’Eucharistie est une représentation de la Passion du Christ, incluant le fait qu’il fût livré :
« A ces paroles (verset 24) : qui sera livré pour vous, saint Paul exprime le mystère du sacrement de l’Eucharistie. L’Eucharistie représente la passion du Fils de Dieu, dans laquelle il a livré pour nous son corps à la mort, suivant cette parole d’Isaïe (L, 6) : « J’ai abandonné mon corps à ceux qui me frappaient » et (Ephés., V, 2) : « Il s’est livré pour nous. » » – Saint Thomas d’Aquin, Commentaire de la première épître de saint Paul aux Corinthiens, Chapitre XI, leçon 5, XIIIème siècle
Dans sa Somme Theologique (IIIa, Q78, a3, sol. 2), il affirmait bien que le quod pro vobis tradetur était « parole du Seigneur », « comme s’il disait « qui pour vous sera soumis à la passion » ».
Aucun théologien n’a affirmé que le quod pro vobis tradetur invaliderait la nouvelle Messe, par conséquent cette idée est en fait une innovation et doit être rejetée.
« Quod pro vobis tradetur » et les saintes Écritures
Ces mots sont présents dans les Saintes Écritures, dans la Première Lettre de l’Apôtre Saint Paul aux Corinthiens, au chapitre 11 (I Cor. XI, 24). Nous les trouvons par exemple dans la Bible traduite par le Chanoine Crampon en 1923, qui est une traduction très fiable et approuvée par l’Église catholique :
« 23 Car, pour moi, j’ai reçu du Seigneur, ce que je vous ai aussi transmis, savoir, que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain,
– Bible Chanoine Crampon, I Corinthiens XI, 24, 1923
24 et après avoir rendu grâces, le rompit et dit : « [Prenez et mangez] ; ceci est mon corps, [qui sera livré] pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. » »
Bien plus, on retrouve le quod pro vobis tradetur dans la Vulgate, qui a été compilée et traduite en latin par Saint Jérôme au IVème siècle :
23 Ego enim accepi a Domino quod et tradidi vobis, quoniam Dominus Jesus in qua nocte tradebatur, accepit panem,
– Bible Vulgate, I Corinthiens XI, 24, IVème siècle
24 et gratias agens fregit, et dixit: Accipite, et manducate: hoc est corpus meum, quod pro vobis tradetur: hoc facite in meam commemorationem.
Certains de ces sédévacantistes objectent que la traduction de Saint Jérôme est erronée, car les mots originaux Τό ύπερ ύμϖν signifieraient « Ceci est mon corps qui est pour vous ». Or, la traduction du grec vers le latin n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air, et un simple sédévacantiste ne peut pas juger qu’un érudit comme Saint Jérôme, qui a passé la majeure partie de sa vie à traduire du grec vers le latin, se serait trompé, dans le but explicite de soutenir ses opinions schismatiques à l’encontre de la Nouvelle Messe. Affirmer une chose aussi extravagante tout en affirmant que ces mots invalideraient la Messe implique que Saint Jérôme aurait gravement induit l’Eglise en erreur, ce qui est un jugement téméraire grave. Et jamais l’Eglise, durant tous ces siècles, n’a insinué une telle chose: il s’agit d’une nouveauté totale.
Bien plus, la Vulgate a été infailliblement approuvée par l’Église, lors du saint Concile de Trente. Tous les théologiens affirment qu’il est un fait dogmatique que la Vulgate ne peut contenir aucune erreur contre la foi. Pie XII réaffirma la même chose :
« Cette autorité éminente de la Vulgate ou, comme l’on dit, son authenticité, n’a donc pas été décrétée par le Concile surtout pour des raisons critiques, mais bien plutôt à cause de son usage légitime dans les Eglises prolongé au cours de tant de siècles. Cet usage, en vérité, démontre que, telle qu’elle a été et est encore comprise par l’Eglise, elle est absolument exempte de toute erreur en ce qui concerne la foi et les mœurs ; si bien que la même Eglise l’attestant et le confirmant, on peut la produire en toute sûreté et sans péril d’erreur dans les discussions, dans l’enseignement et dans la prédication. » – Pie XII, Encyclique Divino Afflante Spiritu
Ainsi, prétendre qu’elle contiendrait une erreur dangereuse, laissant faussement entendre que le sacrifice se réalise dès la consécration du pain, et que cette erreur rendrait le sacrement invalide; qu’est-ce donc, sinon affirmer que Saint Jérôme induirait à l’hérésie en invalidant la consécration dans la bouche de Saint Paul et indirectement dans celle du Christ lui-même? qu’est-ce donc, sinon affirmer que la Vulgate a erré dans la foi ? Affirmer une telle chose semble blasphématoire, et absolument personne dans l’histoire ne prétendit que la Vulgate contenait une telle erreur. S’il devait effectivement y avoir une erreur de traduction dans la Vulgate, il ne peut s’agir que d’une erreur bénigne qui n’implique pas d’erreur théologique et encore moins l’invalidité d’un sacrement.
« Quod pro vobis tradetur » dans les rites anciens et orientaux
Il existe plusieurs rites, autres que le rite romain, qui contiennent les mots quod pro vobis tradetur ou quod pro vobis frangitur (qui sont équivalents, d’après ce que les auteurs ont affirmé). Par exemple, selon le R. P. Augustin Calmet, dans son commentaire sur l’épître de Saint Paul, met une note en bas de page :
« V. 24. HOC EST CORPUS MEUM , QUOD PRO VOBIS TRADETUR. Ceci est mon Corps qui sera livré pour vous. Le Grec imprimé : ( b ) Ceci est mon Corps qui est brisé pour vous ; comme s’il vouloit dire, que de même que le pain qu’il tenait dans ses mains, et dont il faisait son Corps par sa vertu toute-puissante, allait être brisé et mis en pièce, pour devenir la nourriture spirituelle de ses Apôtres : ainsi son Corps devait être tourmenté, déchiré, mis à mort dans sa Pasion qui était toute prochaine. » – R. P. Calmet, Commentaire litteral sur tous les livres de l’ancien et du nouveau testament, p. 487, 1716
Cette note renvoie à plusieurs textes liturgiques qui utilisent les mots quod pro vobis frangitur, prouvant l’équivalence des termes:

En 1967, le Père Vaganini cite le rite Paléo-Hispanique qui contient les mots quod pro vobis tradetur, dans son livre The Canon of the Mass and liturgical reform :
Comme ce tableau le démontre, les mots tradetur et frangitur étaient présents dans d’autres rites anciens et orientaux :
Ces rites ont été en usage depuis très longtemps, sans que l’Église catholique n’ait remis en cause leur validité sous ce prétexte. Notons aussi que quand Rome a unifié les anaphores orientales avec celle du rite latin, comme au Concile de Florence, il ne s’agissait pas « d’une définition sur la forme qu’il serait nécessaire d’employer pour la validité du sacrement » (cf. DTC), ce qui veut dire qu’imposer une anaphore latine à un rite ne suggère pas que ce rite était invalide.
Bien plus, les mots quod pro vobis tradetur ont été utilisés dans la liturgie mozarabe, qui était une liturgie catholique célébrée au Portugal et en Espagne entre le VIIème siècle et le XIIème siècle. Plusieurs papes y ont apporté des modifications, avant de supprimer le rite au XIIème siècle (cf. DTC), sans jamais remettre en cause la forme du rite.
Lors de la réforme du rite mozarabe par le cardinal Francesco Ximénès en 1500, ce dernier a conservé les mots quod pro vobis tradetur dans le missel mozarabe.
L’abbé de Vallemont, dans un ouvrage publié en 1721, répondait à une objection en citant le Missel mozarabe publié en 1500 par l’ordre du cardinal Ximénès, qui a fait renaître ce rite en le réformant. Or, la formule de consécration est : Hoc est corpus meum quod pro vobis tradetur :
« La seule inspection de la page 227 du Missel des Mozarabes, imprimé en 1500 par le commandement du cardinal Ximénés […] suffit pour s’assurer de ces deux faussetés. Voici l’endroit du Canon, qui contient la Consécration […] : […] HOC EST CORPUS MEUM QUOD PRO VOBIS TRADETUR […]. Voici l’endroit du Canon, où est la Consécration […] fidèlement rapportée » – Abbé Pierre le Lorrain de Vallemont, Du secret des mystères, ou l’apologie de la rubrique des missels, pp. 128-130, 1721.
Voici la page 227 (CCXXVII) du Missel en question :
Les mots quod pro vobis tradetur y sont bel et bien présents, toutefois une note en marge précise que la formule mozarabe de consécration du pain a été incluse par simple rappel historique, et que désormais la forme romaine doit être utilisée. (cf. DTC)
C’est également le cas pour ce Missel datant de 1770 (image trouvée ici), publié par le cardinal Francisco Antonio de Lorenzana y Butrón, archevêque de Tolède :
Malgré le fait que la forme mozarabe n’est plus utilisée, l’auteur affirme qu’il est totalement faux de soutenir l’idée que la forme mozarabe serait invalide, puisqu’elle signifie la même chose que la forme romaine, et parce qu’elle est littéralement tirée de l’Évangile selon Saint Paul :
« C’est la forme de la consécration du Rite gothique, et bien qu’aujourd’hui les prêtres de ce Rite utilisent les mots que vous avez utilisés dans le Missel romain pour éliminer toute ambiguïté, il n’est pas juste de dire que la Consécration n’a pas été correctement et valablement effectuée à l’époque où le rite gothique était utilisé, car ce sont essentiellement les mêmes mots. (…) L’Apôtre a dit : Dominus Jesus in qua nocte tradebatur, accepit panem, et gratias agens fregit, et dixit: ACCIPITE ET MANDUCARE : HOC EST ENIM CORPUS MEUM, QUOD PRO VOBIS TRADETUR (…). Voici tous les mots qui sont inscrits dans le Missel Gothique. Mais puisqu’il n’est pas permis d’affirmer dans une affaire d’une si grande importance qu’il y avait une variation substantielle et essentielle, ou une contradiction entre les Evangélistes et l’Apôtre, ils peuvent très bien se concilier. » – Cardinal y Butrón, Missa Gothica seù Mozarabica, pp. 117-118, 1770.
Le journaliste catholique Melchior Du Lac explique qu’au début du XVIème siècle, le rite mozarabe réformé par le cardinal Ximénès obtint l’approbation pontificale du pape Jules II dans le diocèse de Tolède par deux bulles pontificales dans lesquelles il loua l’ancienneté et surtout remplie d’une grande devotion, ce qui n’aurait guère de sens si le quod pro vobis tradetur l’invalidait depuis des siècles :
« Mais, dit-on, la Liturgie mozarabe existe encore, (…) à la prière de Ximénès, Jules II rendit deux bulles, l’une en 1508, où il la qualifie de très ancienne et remplie d’une grande dévotion, et par lesquelles il institue canoniquement le rite gothique dans les quelques églises qui lui furent désormais affectées. » – Melchior Du Lac, La liturgie romaine et les liturgies françaises, p. 155, 1849.
Conclusion
Comme nous avons pu le constater, ces sédévacantistes, en voulant utiliser leur jugement privé pour condamner le nouveau rite, commettent non seulement un péché grave de jugement téméraire, mais bien plus, leur jugement implique aussi de condamner Saint Jérôme, tous les Docteurs et théologiens, le Concile de Trente et même des rites anciens et orientaux en usage dans l’Église catholique. De cela il faut en déduire une leçon importante : ce n’est pas à un auteur privé que revient le rôle de juger si oui ou non un rite est valide, mais seulement à la hiérarchie ecclésiastique ; quant à nous, nous sommes tenus de la suivre sous peine de nous séparer de la communion et d’être contraint de ne pouvoir suivre que des auteurs privés faillibles, dont nous pouvons constater le manque de fiabilité.
Pour aller plus loin :