Cet article compile différentes citations du Pape saint Paul VI contre les erreurs modernistes. Il est recommandé de lire le Décret du Saint-Office Lamentabili (1907) promulgué par saint Pie X avant de lire cette compilation.
Années 60
« Tous savent que l’Eglise est plongée dans l’humanité, en fait partie, en tire ses membres, en reçoit de précieux trésors de culture, en subit les vicissitudes historiques, en favorise le bonheur. On sait également qu’à l’époque actuelle, l’humanité est en voie de grandes transformations, de bouleversements et de développements qui changent profondément non seulement ses manières extérieures de vivre, mais aussi ses manières de penser. Sa pensée, sa culture, son esprit sont intimement modifiés par le progrès scientifique, technique et social, soit par les courants de pensée philosophique et politique qui l’envahissent et la traversent. Tout cela, comme les vagues d’une mer, enveloppe et secoue l’Eglise elle-même : les esprits des hommes qui se confient à elle sont fortement influencés par le climat du monde temporel ; si bien qu’un danger comme de vertige, d’étourdissement, d’égarement, peut secouer sa solidité elle- même et induire beaucoup de gens à accueillir les manières de penser les plus étranges, comme si l’Eglise devait se désavouer elle-même et adopter des manières de vivre toutes nouvelles et jamais conçues jusqu’ici. Le phénomène moderniste, par exemple, qui affleure encore dans diverses tentatives d’expression hétérogènes à l’authentique réalité de la religion catholique, n’a-t-il pas été un épisode d’oppression exercée par les tendances psychologico- culturelles, propres au monde profane, sur l’expression fidèle et pure de la doctrine et de la règle de l’Eglise du Christ ? Or, il Nous semble que pour immuniser contre ce danger menaçant et multiple provenant de sources diverses, c’est pour l’Eglise un remède sain et tout indiqué que d’approfondir la conscience de ce qu’elle est vraiment, selon l’esprit du Christ conservé dans la sainte Ecriture et la tradition apostolique, interprété et développé par l’authentique tradition de l’Eglise ; cette transmission est, comme nous le savons, illuminée et guidée par l’Esprit Saint, encore toujours prêt, si nous l’implorons et l’écoutons, à répondre sans faute à la promesse du Christ : « L’Esprit Saint que le Père enverra en mon Nom vous enseignera toute chose et vous rappellera tout ce que je vous ai dit ». Jn 14,26 »
Encyclique Ecclesiam Suam, 6 août 1964, point 28
« Inspiration et vérité de la Sainte Écriture
Les réalités divinement révélées, que contiennent et présentent les livres de la Sainte Écriture, y ont été consignées sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Notre sainte Mère l’Église, de par la foi apostolique, tient pour sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint (cf. Jn 20, 31 ; 2 Tm 3, 16 ; 2 P 1, 19-21 ; 3, 15-16), ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même [17]. Pour composer ces livres sacrés, Dieu a choisi des hommes auxquels il a eu recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens [18], pour que, lui-même agissant en eux et par eux [19], ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, et cela seulement [20].
Dès lors, puisque toutes les assertions des auteurs inspirés ou hagiographes doivent être tenues pour assertions de l’Esprit Saint, il faut déclarer que les livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée dans les Lettres sacrées pour notre salut [21]. C’est pourquoi « toute Écriture inspirée de Dieu est utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice, afin que l’homme de Dieu se trouve accompli, équipé pour toute œuvre bonne » (2 Tm 3, 16-17 grec). »
Concile Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, 18 novembre 1965
« L’« aggiornamento » consiste-t-il à altérer la doctrine traditionnelle ?
Ce phénomène envahit également la religion, que beaucoup voudraient soumettre à une révision radicale, en essayant de la dépouiller des dogmes, c’est-à-dire des enseignements qui semblent dépasser par le progrès scientifique et sont incompréhensibles à la pensée moderne. Lorsque l’on essaie de donner à la religion catholique une expression plus conforme au langage actuel et à la mentalité courante, c’est-à-dire de mettre à jour l’enseignement de la religion, il est malheureusement fréquent que l’on bouleverse sa réalité intime. On cherche à rendre l’enseignement de la religion « compréhensible ». Pour ce faire, on change d’abord les formules dont l’Eglise enseignante l’a revêtu et avec lesquelles elle l’a, pour ainsi dire, scellé, afin de lui permettre de traverser les siècles en demeurant lui-même. Et puis, ensuite, on altère le contenu même de la doctrine traditionnelle en la soumettant à la loi dominante de l’historicisme transformateur. Alors la parole du Christ n’est plus la vérité immuable, toujours identique et pareille à elle-même, toujours vivante, lumineuse, féconde, même si souvent elle dépasse notre compréhension rationnelle ; elle se réduit à une vérité partielle, comme les autres, que l’esprit mesure et modèle selon ses propres limites, en étant tout prêt à lui donner une autre expression, à la génération suivante, selon un libre examen qui lui enlève toute objectivité et toute autorité transcendante.
Telle n’était pas la pensée de Jean XXIII en convoquant le Concile
On objectera que le Concile a amorcé et autorisé cette façon de traiter l’enseignement traditionnel. Il n’y a rien de plus faux. Rappelons-nous les paroles de Jean XXIII, Notre vénéré Prédécesseur, l’« inventeur », si l’on peut s’exprimer ainsi, de cet « aggiornamento » au nom duquel on ose infliger au dogme catholique des interprétations dangereuses et parfois hasardeuses. Dans son célèbre discours d’ouverture du II° Concile œcuménique du Vatican, le Pape Jean a proclamé que celui-ci devait réaffirmer toute la doctrine catholique, « sans rien en soustraire », bien qu’il doive rechercher la façon la meilleure — et correspondant le mieux à la maturité des études modernes — de donner à cette doctrine une expression moderne plus adéquate et plus profonde (cf. A.A.S. 1963, 791-792). De sorte que la fidélité au Concile, nous encourage, d’une part à une étude nouvelle et attentive des vérités de la foi, et d’autre part nous ramène au témoignage sans équivoque, permanent et consolateur de Pierre, dont Jésus a voulu que la voix infaillible garantisse au sein de l’Eglise la stabilité de la foi, comme pour défier l’inconstance arbitraire et l’usure du temps. »
« Mise en cause des « structures »
Mais que se passe-t-il dans l’opinion publique, malheureusement souvent si superficielle, mal intentionnée et avide de découvrir et de créer des impressions sensationnelles, aussi irresponsable que vigoureuse dans ses affirmations sur les devoirs et les manques de la Hiérarchie ? Il advient que l’observation de la grande réalité mystérieuse de l’Eglise s’arrête aux aspects extérieurs, contingents, en y découvrant avec une profonde gravité, mais une trop rapide facilité les défauts évidents. On se plaît à en faire l’objet de scandales, et à reprocher à l’autorité de l’Eglise l’abandon de la foi de tous ceux qui, à bon droit, la voudraient digne et parfaite, spirituelle et sublime dans tout son comportement. La trouvant au contraire inférieure à l’idéal qu’elle ne réussit pas toujours à personnifier dignement, certains en font un prétexte, même parfois un mérite, pour professer un christianisme à leur manière, et en pratique sans engagement aucun, ni doctrinal, ni disciplinaire, ni cultuel, ni communautaire. Et s’ils sont nombreux à avoir la même attitude de libre critique, ils se réunissent et s’affirment en groupes particuliers, qui finissent par donner des préférences à d’autres idéologies soit religieuses (cf. modernisme ancien et récent), soit sociales (cf. marxisme), plutôt qu’à l’authentique foi chrétienne.
Un mot revient continuellement dans ce réformisme polémique : « les structures » qui dans le phénomène actuel de contestation illuministe désignent des organismes canoniques, des institutions juridiques, des institutions ecclésiastiques traditionnelles, des autorités hiérarchiques responsables, des systèmes archaïques déterminés, qui forment l’ossature du corps ecclésial, de doctrines dogmatiques établies, de magistère autorisé, de Curie romaine, etc. Les structures correspondent à ce qu’on appelle « Eglise institutionnelle » par rapport et aussi en opposition, à l’Eglise libre et spirituelle. Elles prennent donc une signification négative, contre laquelle le nouveau christianisme soi-disant charismatique, ou de libre interprétation biblique lance des insinuations corruptrices et revendique un droit arbitraire de jugement ou d’action. Si la religion s’éteint, si l’Eglise est désertée, la faute — dit-on — en est aux structures, l’obstacle est dans les structures : les structures sont sclérosées, les structures ne dérivent pas du Christ : libérons-nous des structures et nous aurons de nouveau un christianisme jeune et authentique.
[…]
Pas de simplifications improvisées
Nous ne voulons pas nous faire le défenseur de l’immobilisme et du juridisme, car nous cherchons Nous-même à donner à l’Eglise un visage nouveau, un esprit vivant, une authenticité démontrée à ses institutions. La révision des structures actuelles est en plein développement, courageux mais réfléchi, dans toute l’Eglise responsable, mais Nous voulons mettre en garde les auteurs de simplifications improvisées, chirurgicales et parfois destructrices du patrimoine traditionnel de la vie ecclésiale. La modernisation de l’Eglise ne dépend pas toujours du rejet de ses structures traditionnelles, surtout quand celles-ci sont vérifiées par une expérience séculaire et encore capables d’une continuelle vie nouvelle (comme la paroisse, pour donner un exemple). L’authentique jeunesse de l’Eglise ne se fera pas par la sécularisation et la libéralisation de la vie ecclésiale, c’est-à-dire en l’affranchissant de ses structures extérieures, même si celles-ci ont désormais besoin de réformes intelligentes, mais plutôt en ravivant au sein de l’Eglise le souffle vivifiant de l’Esprit, la vie de prière et de grâce, l’exercice de la charité et de l’obéissance, la sainteté. La voix du Prophète que nous avons entendue durant le Carême résonne encore : « Déchirez votre cœur et non vos vêtements » (Jl 2,13). Ecoutons-la toujours. Avec Notre Bénédiction Apostolique. »
Années 70
« Le premier danger est celui du changement, voulu pour lui-même, ou en hommage au transformisme du monde moderne, du changement incompatible avec la tradition de l’Eglise, à laquelle on ne peut renoncer, L’Eglise est la continuité du Christ dans le temps. Nous ne pouvons nous séparer d’elle, de même qu’une branche, qui veut s’épanouir dans les fleurs nouvelles du printemps, ne peut se détacher de la plante, de la racine, d’où elle tire sa vitalité. C’est un des points capitaux de l’histoire contemporaine du christianisme, un point décisif : ou dans l’adhésion fidèle et féconde avec la tradition authentique et autorisée de l’Eglise, ou dans la séparation mortelle. Le contact normal avec le Christ ne peut se faire pour celui qui veut s’accrocher à lui selon des chemins qu’il a lui-même choisis, en créant un vide doctrinal et historique entre l’Eglise présente et l’annonce primitive de l’Evangile. « L’esprit souffle où il veut » (Jn 3,8), bien sûr, le Seigneur l’a dit, mais le Seigneur a lui aussi institué un fil conducteur ; « recevez l’Esprit Saint » a-t-il dit après sa Résurrection à ses disciples (ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20,23). Le Christ, certainement, demeure l’unique source, l’unique « vraie vigne », mais sa vie nous atteint à travers les branches vitales issues d’elle (cf. Jn 15,1 sq ; Lc 10,16). »
« Les vérités confiées aux Apôtres
Pouvons-nous supposer que la hiérarchie est libre d’enseigner ce qui lui plaît dans le domaine religieux, ou ce qui est susceptible de répondre aux exigences modernes de certains courants doctrinaux ou mieux encore anti-doctrinaux ? Non. Nous devons nous rappeler que l’Episcopat a un devoir primordial, celui de témoigner et de transmettre fidèlement le message du Christ, c’est-à-dire les vérités révélées et confiées aux Apôtres, en vue du Salut. Le christianisme ne peut modifier ses doctrines constitutionnelles. L’évêque doit, plus que tout autre « garder le dépôt », comme dit l’apôtre (1Tm 6,20 2Tm 1,14) et prendre pour lui les dernières paroles de Jésus : « Allez et enseignez à toutes les nations à observer ce que je vous ai prescrit » (Mt 28,20). Le Concile a repris ces paroles (cf. Dei Verbum, DV 4 DV 7) ainsi que l’avait explicitement demandé Vatican I (Sess. III, cha. IV). Nous ne devrions même pas penser à l’éventualité d’une transformation de l’Eglise dans le domaine de la foi (cf. tertullien, De Praescrip., c. 20 ; PL 2, 36-37). Le « Credo » demeure. Sous cet aspect l’Eglise est très conservatrice et ne vieillira donc jamais. »
« La liberté de pensée, le libre examen, le pluralisme philosophique m et religieux viennent secourir cette victime de la mentalité moderne, lui prescrivant le pseudo-remède susceptible de renforcer ses idées propres, qui côtoient l’infaillibilité. Mais cela ne suffit, pas aux-esprits vraiment libres et honnêtes. Le grand problème de la vérité demeure, les tourmente secrètement et les pousse à de, nouvelles recherches. En ce qui concerne la foi, les solutions sont étranges : confiance aveugle, fidéisme, abandon total au sentiment religieux ; d’une part, démythisation, la foi religieuse est dépouillée de toute valeur historique, de tout sens concret, laissant l’illusion que cette soi-disant purification suffise à combler le désir d’une foi authentique et essentielle ; d’autre part, retour prudent aux règles religieuses traditionnelles, mais toujours situées dans un cadre théologique déterminé et moderne. Mais, pour pénétrer dans le royaume de la foi, il faut une clé qui n’est pas toujours disponible, il faut une “ grâce ”, la grâce de la foi, car avant même d’être vertu, la foi est une grâce, un don, un souffle mystérieux de l’Esprit Saint qui la rend acceptable et possible. »
« Par ces affirmations, Fils très chers, notre doctrine se détache des erreurs qui marquent notre culture moderne et risquent de fausser notre conception chrétienne de la vie et de l’histoire. Le modernisme a été l’image caractéristique de ces erreurs et, bien que sous d’autres noms, il existe encore (cf. Décr. Lamentabili de St Pie X, 1907, Ency. Pascendi ; DENZ.-SCH. DS 3401 ss.). Nous comprenons pourquoi l’Église Catholique a donné et donne tant d’importance à la conservation de la Révélation authentique qu’elle considère comme un trésor sacré, qu’elle a le devoir de défendre sévèrement et qu’elle doit transmettre en termes non équivoques. L’orthodoxie est sa première préoccupation. Le Magistère Pastoral est sa fonction fondamentale et providentielle ; l’enseignement apostolique fixe en effet les règles de sa prédication ; et, la consigne de l’apôtre Paul : Depositum custodi est, pour Lui, un engagement tel que l’enfreindre serait le trahir. L’Eglise n’invente pas sa doctrine, elle en est le témoin, la gardienne, l’interprète ; en ce qui concerne les vérités propres du message chrétien, Elle en est la conservatrice fidèle et intransigeante. Et, à ceux qui lui demandent d’adapter Sa foi à la mentalité moderne, elle répond avec les Apôtres : non possumus, nous ne pouvons pas (Ac 4,20). »
« En face du monde contemporain
Deux excellents principes illustrés par le Concile : celui de la mise à jour, c’est-à-dire du propre renouvellement et celui de l’insertion dans la fébrile et fermentante vie du monde contemporain ; excellents principes, dirons-nous, et toujours valables, ils n’ont pas toujours été bien interprétés ni bien appliqués. Dans certains milieux, la figure idéale de l’Eglise ne s’est pas déformée et renouvelée mais s’est déformée au moins d’une manière conceptuelle. La formule plus ou moins radicale de “ l’Eglise sans ” a brillé pour certains esprits inquiets et pour beaucoup de gens dépourvus d’une culture suffisante. C’est une formule qui a son histoire : hérésies et schismes pendant des siècles s’en sont amplement servis.
On a cherché par exemple à avoir une Eglise sans dogmes difficiles, enlevant ainsi du trésor de la foi les mystères de la Pensée divine et réduisant les Réalités de la religion révélée à la dimension du cerveau humain ; processus réductif qui, malheureusement, ici et là, continue à vider la doctrine catholique de son contenu et de sa certitude. A côté de ce premier “ sans ” est née une autre Eglise sans autorité, soit du magistère, soit du gouvernement, comme si elle était une Eglise libérée et rendue accessible à tous ceux qui la voudraient purement spirituelle et indifférente aux préceptes moraux objectifs et sociaux. Une Eglise facile si elle est ainsi rêvée sans configurations hiérarchiques ni juridiques, une Eglise sans obéissance, sans règles liturgiques ; une Eglise sans sacrifice. Mais qu’est-ce qu’une Eglise sans la Croix ?
Oui, il en est qui pensent pouvoir se contenter du Christ, mais sans l’obligation de contempler sa Croix ni d’admettre sa Résurrection et, en outre, sans entrer dans l’expérience sacramentelle et morale de notre participation à ce mystère pascal et central de mort et de vie, surnaturel. »
« La lecture de l’Evangile (Lc 24,35-48) que nous venons d’écouter, nous invite à réfléchir sur un des sujets fondamentaux de notre foi, le thème de la résurrection du Seigneur, notre Jésus. Saint Paul n’a-t-il pas dit : « Si tu confesses de vive voix que Jésus est le Seigneur et si tu crois de tout ton coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé » ? (Rm 10,9). Et la narration évangélique de la Sainte Messe, que nous célébrons en ce moment, semble vraiment vouloir nous attester la réalité du fait de la résurrection du Christ, réalité objective, historique, démontrée même par l’expérience directe et tangible des sens, bien qu’elle appartienne à un ordre surnaturel ; elle semble également vouloir nous stimuler à ancrer notre foi, irrésistible et plus vive que jamais, dans cette réalité inouïe et, comme Saint Thomas, l’homme de la critique, du doute, de la vérification, elle nous invite à crier ces paroles encore vibrantes aujourd’hui : « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28). »
« Quant au sens des formules dogmatiques, il demeure toujours vrai et identique à lui-même dans l’Église, même lorsqu’il est éclairci davantage et plus entièrement compris. Les fidèles doivent donc bien se garder d’accueillir l’opinion que l’on peut résumer ainsi : tout d’abord les formules dogmatiques ou certaines catégories d’entre elles seraient incapables de signifier d’une manière déterminée la vérité mais n’en signifieraient que des approximations changeantes, lui apportant une déformation, une altération, ensuite ces mêmes formules ne signifieraient la vérité que d’une manière indéterminée, comme un terme à chercher toujours au moyen des approximations susdites. Ceux qui adopteraient cette opinion n’échapperaient pas au relativisme dogmatique et ils corrompraient le concept de l’infaillibilité de l’Église, lequel se réfère à la vérité enseignée et tenue d’une manière déterminée.
Pareille opinion s’écarte certainement des déclarations du Ier Concile du Vatican qui, tout en étant conscient du progrès de l’Église dans la connaissance de la vérité révélée (38), a néanmoins enseigné : « Le sens des dogmes que notre Mère la Sainte Église a proposés une fois pour toutes doit toujours être maintenu et on ne peut jamais s’en écarter avec la vaine prétention d’en obtenir une intelligence plus profonde (39). » Il a condamné aussi l’opinion selon laquelle il pourrait se faire qu’ « aux dogmes enseignés par l’Église on doive, eu égard au progrès de la science, donner un jour un sens différent de celui que l’Église a compris et comprend (40) ». Il n’est pas douteux que, d’après ces textes du Concile, le sens des dogmes proposé par l’Église ne soit déterminé et irréformable.
L’opinion en question s’écarte également de la déclaration faite par le Souverain Pontife Jean XXIII au sujet de la « doctrine chrétienne », lors de l’inauguration du IIe Concile du Vatican : « Il importe que cette doctrine certaine et immuable, à laquelle on doit se soumettre fidèlement, soit étudiée et exposée d’une manière conforme aux exigences de notre temps. Autre chose est en effet le dépôt de la foi, c’est-à-dire les vérités contenues dans la doctrine sacrée, autre chose la manière d’exprimer ces vérités en gardant toutefois leur sens et leur acception (41). » Etant donné que le successeur de Pierre parle ici de la doctrine chrétienne certaine et immuable, du dépôt de la foi identique aux vérités contenues dans cette doctrine et de ces vérités dont on ne peut changer la signification, il est clair qu’il reconnaît un sens des dogmes, discernable par nous, vrai et immuable. La nouveauté que par ailleurs il recommande, compte tenu des exigences de notre temps, concerne la manière d’étudier, d’exposer et d’énoncer cette doctrine avec son sens permanent. Pareillement, le Souverain Pontife Paul VI déclara, en exhortant les pasteurs de l’Église : « Nous devons nous appliquer avec ardeur aujourd’hui à garder à la doctrine de la foi la plénitude de sa signification et toute sa portée, tout en l’exprimant d’une manière qui parle à l’esprit et au cœur des hommes auxquels elle est communiquée (42). » »
Déclaration Mysterium Fidei (sur la doctrine catholique concernant l’Église en vue de la protéger contre les erreurs d’aujourd’hui), 24 juin 1973
« Le péché nuit également à l’Eglise ; et ce dommage fait à la communauté ecclésiale se retourne contre l’auteur de cette offense : il se fait que le pécheur interrompt lui-même, pourrait-on dire, le flux vital qui l’unissait à l’arbre vital de l’Eglise, même si celle-ci n’intervient pas par un acte explicite de rejet, par une excommunication prononcée canoniquement.
Rappelons-nous cette triste possibilité, pour confirmer la nécessité du ministère sacerdotal : il est humain, c’est vrai, dans ses formes et dans ses limites, mais surhumain dans son pouvoir de réaliser la parole divine dont le prêtre est le ministre autorisé. « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez ; ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez » (Jn 20,23). »
Catéchèse du 12 mars 1975 (sur le sacrement de Pénitence et de Réconciliation)
« L’inaltérable dépôt de la foi
65. Dans ce sens précisément Nous avons voulu prononcer, à la clôture de la troisième Assemblée du Synode, un mot clair et plein de paternelle affection, insistant sur le rôle du Successeur de Pierre comme principe visible, vivant et dynamique de l’unité entre les Eglises et donc de l’universalité de l’unique Eglise.[93] Nous insistions aussi sur la grave responsabilité qui Nous incombe, mais que Nous partageons avec nos Frères dans l’épiscopat, de garder inaltérable le contenu de la foi catholique que le Seigneur a confié aux Apôtres : traduit dans tous les langages, ce contenu ne doit pas être entamé ni mutilé revêtu des symboles propres à chaque peuple, explicité par des expressions théologiques qui tiennent compte des milieux culturels, sociaux et même raciaux divers, il doit rester le contenu de la foi catholique tel que le Magistère ecclésial l’a reçu et le transmet. »
Exhortation Apostolique Evangelii Nuntiandi, 8 décembre 1975, point 65
« Seconde proposition, aujourd’hui la moins facile, mais, pour autant, non moins vraie et nécessaire : la vérité de la foi, dans son expression authentique et digne de foi, ne change pas avec le temps, ne s’use pas le long de l’histoire. Elle pourra admettre, et même exiger, qu’on lui garde sa vitalité pédagogique et pastorale de langage et qu’ainsi on lui trace une ligne de développement. Mais il faut que ce soit suivant la célèbre sentence traditionnelle de Saint Vincent de Lérins (la petite île au large de Cannes, en Gaule méridionale), un moine du Veme siècle qui dans son oeuvre, brève mais bien connue, le Commonitorium, défendit la tradition doctrinale de l’Eglise par la formule : « quod ubique, quod semper, quod ab omnibus » (ce qui partout, toujours et par tous) a été cru doit être considéré comme faisant partie du dépôt de la foi. Pas de libre invention, rien de « modernité », rien qui puisse faire interpréter la foi de manière différente de celle du magistère de l’Eglise. Cette fixité dogmatique défend et protège le patrimoine authentique de la Révélation, c’est-à-dire de la religion catholique. Le « Credo » ne change pas ,ne vieillit pas, ne se dissout pas (cf. Denz.-Schon., DS 3020). »
Catéchèse du 29 septembre 1976
« Nous ne désirons pas répéter ici combien il Nous tient à coeur de défendre et de promouvoir la saine doctrine. En effet, en ce qui concerne Notre préoccupation, le message que Nous avons adressé à tous les évêques, cinq ans après la conclusion du Concile Vatican II, garde toute son actualité et son poids (cf. Exhortation Apostolique, Quinque iam anni, AAS LXIII, 1971, PP 97-106). La fidélité envers le dépôt de la Révélation exige manifestement aussi, qu’aucune vérité essentielle ne soit passée sous silence. « Le Peuple, confié à nos soins, jouit du droit sacré auquel il ne peut renoncer de recevoir la Parole de Dieu, c’est-à-dire toute la Parole de Dieu » (ib. pp. PP 99-100).
Cela a donc été pour Nous un grand réconfort de constater que la nécessité absolue d’une catéchèse bien structurée et cohérente a été soulignée par tous, car un tel approfondissement du mystère chrétien lui-même distingue fondamentalement la catéchèse de toutes les autres formes d’annonce de la Parole de Dieu. Vous l’avez clairement enseigné et mis en lumière, convaincus que personne ne peut atteindre la vérité intégrale par une simple expérience privée, c’est-à-dire sans une explication adéquate du message du Christ, qui est « Voie, Vérité et Vie » (Jn 14,6), alpha et oméga, principe et fin de toutes choses (cf. Ap Ap 22,13). L’annonce intégrale du message du Christ contient évidemment aussi l’exposé de principes moraux de ce message, tant du point de vue de chaque personne que de toute la société. Eduquer à la foi des enfants et les jeunes appartenant à nos communautés signifiera à la fois les éduquer à la « sequela Christi », comme vous Nous l’avez bien indiqué dans la douzième proposition qui Nous a été transmise. C’est là d’ailleurs le sens de la doctrine de l’Apôtre Saint Jean, quand il nous dit : « Qui dit ‘je le connais’ (Dieu), et n’observe pas ses commandements, est un menteur » (1Jn 2,4). »