I – Introduction
Après les sédévacantistes, un nouveau schisme a vu le jour : le bénéplénisme. Les tenants de cette position pensent que Benoît XVI n’a pas réellement renoncé à son pontificat, et donc qu’il serait toujours le pape légitime. Ainsi, le pape François ne serait qu’un imposteur. Quelque soient les raisons abracadabrantesques avancées pour soutenir cette position absurde, elle est certainement schismatique.
Premièrement, parce que les Papes Léon XII et Léon XIII ont rappelé aux schismatiques que si aucun évêque n’approuvait leur position, c’était la preuve évidente qu’ils n’étaient pas la vraie Eglise. Bien plus, Léon XII enseigne que la reconnaissance des actes de Pie VII par tous les évêques est la preuve de la fausseté de la position de la Petite-Eglise, donc la reconnaissance des actes de François par tous les évêques est la preuve de la fausseté de la position bénépléniste :
« Car, comment l’Église sera-t-elle pour vous une mère, si vous n’avez pas pour pères les Pasteurs de l’Église, c’est-à-dire les évêques ? […] De l’aveu même de vos maîtres, ou plutôt de ceux qui vous trompent, il ne reste plus aucun des évêques français qui soutienne et qui défende le parti que vous suivez. Bien plus, tous les évêques de l’Univers Catholique, auxquels eux-mêmes en ont appelé, et à qui ils ont adressé leurs réclamations schismatiques imprimées sont reconnus comme approuvant les conventions de Pie VII et les actes qui se sont ensuivis, et toute l’Église catholique leur est désormais entièrement favorable. »
– PAPE LÉON XII, PASTORIS AETERNI
« Absolument aucun évêque ne les considère et ne les gouverne comme ses brebis. Ils doivent conclure de là, avec certitude et évidence, qu’ils sont des transfuges du bercail du Christ. »
– PAPE LÉON XIII, EXIMIA NOS LAETITIA
Deuxièmement, parce que la légitimité d’un Pape est un fait dogmatique, obligatoire à tenir sous peine de ne plus être en pleine communion avec l’Eglise. En effet, le Cardinal Ratzinger écrira au nom de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans la Note doctrinale concernant la nouvelle Profession de Foi que l’assentiment aux vérités dites « de foi ecclésiastique » ou « de fide tenenda » est nécessaire pour demeurer « en pleine communion avec l’Eglise catholique » :
« La seconde proposition de la professio fidei affirme: « Fermement encore, j’embrasse et tiens toutes et chacune des vérités que l’Église propose de façon définitive concernant la doctrine sur la foi et les mœurs ». Ce qui est enseigné dans cette formulation comprend toutes ces doctrines ayant trait au domaine dogmatique ou moral qui sont nécessaires pour garder et exposer fidèlement le dépôt de la foi, même si elles n’ont pas été proposées par le Magistère de l’Église comme formellement révélées.
Ces doctrines peuvent être solennellement définies par le Pontife romain quand celui-ci parle « ex cathedra » ou par le Collège des Évêques réunis en concile. Elles peuvent être aussi enseignées infailliblement par le Magistère ordinaire et universel de l’Église comme une « sententia définitive tenenda » [sic] [14]. Tout croyant est donc tenu à accorder à ces vérités son assentiment ferme et définitif fondé sur la foi dans l’assistance que l’Esprit Saint prête au Magistère de l’Église, et sur la doctrine catholique de l’infaillibilité du Magistère dans ces domaines [15]. Qui les nierait se trouverait dans la position de celui qui rejette les vérités de la doctrine catholique [16] et ne serait donc plus en pleine communion avec l’Église catholique. »
– Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale illustrant la formule conclusive de la Professio Fidei (parue dans Acta Apostolicae Sedis, 1998, p. 544)).
Il enseigne ensuite que « la légitimité de l’élection du Souverain Pontife » fait partie des vérités « qu’on doit tenir pour définitives » :
« Eu égard aux vérités liées avec la révélation par nécessité historique, qu’on doit tenir pour définitives, mais qui ne pourront pas être déclarées comme divinement révélées, on peut indiquer comme exemples la légitimité de l’élection du Souverain Pontife ou de la célébration d’un concile œcuménique, la canonisation des saints (faits dogmatiques); la déclaration de Léon XIII dans la Lettre apostolique Apostolicae Curae sur l’invalidité des l’ordinations anglicanes [37], etc. »
– Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale illustrant la formule conclusive de la Professio Fidei (parue dans Acta Apostolicae Sedis, 1998, p. 544)).
Si la légitimité de Benoît XVI était un fait dogmatique, il est impossible que toute l’Eglise la nie, a fortiori Benoît XVI, car alors toute l’Eglise nierait un fait dogmatique, ce qui constituerait sa défaillance. Et si Benoît XVI était encore pape lorsque François a été élu, alors, par déduction, l’illégitimité de ce dernier serait un fait dogmatique. Or, il est impossible pour la totalité des évêques de croire et d’enseigner quelque chose qui va à l’encontre d’un fait dogmatique, a fortiori Benoît XVI lui-même !
De plus, selon l’enseignement infaillible de l’Eglise, «L’Église catholique, en effet, a toujours considéré comme schismatiques ceux qui résistent opiniâtrement à ses légitimes prélats, et surtout au Pasteur suprême, et qui refusent d’exécuter leurs ordres et même de reconnaître leur autorité. » (cf. Pie IX, Quartus Supra, §12). Or, il est impossible pour tout les évêques de reconnaître un schismatique comme le Pape légitime, tombant ainsi dans le schisme également (a fortiori il est impossible pour le vrai Chef de l’Eglise de reconnaître publiquement qu’un faux pape serait légitime, cela serait entrer en schisme contre lui-même, ce qui est absurde).
Enfin, Pie XII enseigne que la visibilité du Pape est nécessaire :
« Il est, en outre, absolument nécessaire qu’il y ait, manifeste aux yeux de tous, un Chef suprême, par qui la collaboration de tous en faveur de tous soit dirigée efficacement pour atteindre le but proposé: Nous avons nommé le Vicaire de Jésus-Christ sur la terre. »
– Pape Pie XII, Mystici Corporis Christi
Pie XII enseigne aussi que la Tête requiert l’aide du Corps, donc le Pape requiert l’aide des clercs et des fidèles unis à lui :
« il ne faut pas penser que le Christ étant la Tête, occupant une place si élevée, ne requiert pas l’aide de son Corps. Car il faut affirmer du Corps mystique ce que saint Paul affirme du corps humain: La tête ne peut dire aux pieds : je n’ai pas besoin de vous (69). »
– Pape Pie XII, Mystici Corporis Christi
Ainsi, il est impossible que le pape ne soit plus reconnu par toute l’Eglise, car la séparation de communion entre la tête et le corps étant impossible, a fortiori que le pape légitime lui-même n’affirme plus sa propre légitimité mais celle d’un « imposteur », car alors le véritable pape ne serait plus « manifeste aux yeux de tous ».
Si la renonciation de Benoît XVI n’était pas légitime, comme le prétendent les schismatiques, alors il aurait obligatoirement fallu que Benoît XVI lui-même, et non pas seulement des évêques, aient publiquement affirmé sa légitimité, et ait nié celle du pape François. Or, les faits démontrent le contraire. Et puisque même s’il y avait eu 1000 évêques qui, dès le début, auraient reconnu François comme illégitime et Benoît XVI comme le seul pape légitime, si Benoît XVI lui-même ne reconnaît pas cette position, alors tous ces évêques seraient schismatiques, c’est pourquoi nous insisterons sur la reconnaissance de Benoît XVI vis-à-vis du Pape François. Toutefois, nous démontrerons que les évêques bénéplénistes actuels ont au départ reconnu François comme le pape légitime, et qu’ils ne sont devenus bénéplénistes que tardivement, car dès que l’Acceptation Pacifique Universelle a été posée pour le Pape François, donc en 2013, alors les évêques qui nieraient sa légitimité à l’avenir ne sauraient annuler l’Acceptation Pacifique Universelle de François, de même que les évêques sédévacantistes ne sauraient annuler l’Acceptation Pacifique Universelle reçue par saint Jean XXIII et ses successeurs.
Benoît XVI, bénépléniste ?
Le pape émérite Benoît XVI a été pape de 2005 à 2013. Le 11 février 2013, il a renoncé à son ministère de telle sorte à ce que le Saint-Siège soit vacant le 28 février à 20h, et qu’un conclave devra être tenu par les cardinaux :
« Bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Évêque de Rome, Successeur de saint Pierre, qui m’a été confié par les mains des cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire. »
– Pape Benoît XVI, Declaratio (11 février 2013)
Dans son dernier discours en tant que pape, le 28 février 2013, il dit sans équivoque que le futur Pape se trouve parmi les Cardinaux, et qu’il priera personnellement pour l’élection du futur Pape à qui il voue son respect et son obéissance :
« Avant de vous saluer personnellement, je désire vous dire que je continuerai d’être proche de vous par la prière, en particulier au cours des prochains jours, afin que vous soyez pleinement dociles à l’action de l’Esprit Saint pour l’élection du nouveau Pape. Que le Seigneur vous montre quelle est Sa volonté. Et parmi vous, parmi le Collège cardinalice, se trouve également le futur Pape, auquel je promets dès aujourd’hui mon respect et mon obéissance inconditionnels. Pour cela, avec affection et reconnaissance, je vous donne de tout cœur la Bénédiction apostolique. »
– Pape Benoît XVI, Salut de congé aux cardinaux présents à Rome
A partir de ce moment-là, tous les évêques, les prêtres et les fidèles ont accepté le pape François comme légitime, donc ils ont accepté la renonciation du pape Benoît XVI.
Le 23 mars 2013, peu après l’élection du Pape François, Benoît XVI a tenu à le rencontrer pour déjeuner, s’entretenir et prier ensemble :

© Osservatore Romano/CPP
Cependant, à partir de 2014, les premières idées bénéplénistes commencèrent à se former. Ainsi, de plus en plus de personnes commencèrent à douter de la validité de la résignation de Benoît XVI, pensant toutefois que François et Benoît XVI gouverneraient l’Eglise à deux (ce qui est une hérésie, car il ne peut y avoir qu’un seul Chef, qui possède la plénitude de gouvernement). Ce dernier, dans un entretien au journal vaticaniste La Stampa, qualifiera ces doutes comme étant « absurdes » :
« « Il n’y a pas le moindre doute quant à la validité de ma renonciation au ministère pétrinien (la fonction de pape, ndlr). L’unique condition de la validité est une pleine liberté de décision. Les spéculations sur l’invalidité de la renonciation sont simplement absurdes », affirme le pape émérite, en réponse à des questions que lui avait posées par écrit La Stampa.
Il s’explique aussi sur la tenue blanche qu’il porte comme le pape François : « Le maintien de l’habit blanc et du nom de Benoît constitue une chose simplement pratique. Au moment de la renonciation, il n’y avait pas d’autres habits à disposition. Du reste je porte l’habit blanc d’une manière clairement distincte de celui du pape. Là aussi il s’agit de spéculations sans le moindre fondement. »
Enfin, Benoît XVI évoque les propos qu’il avait adressés récemment au contestataire suisse allemand Hans Küng, son ancien collègue d’université devenu le théologien le plus critique à son égard : « Le professeur Küng a cité littéralement et correctement les paroles de la lettre que je lui avais adressée. » Dans cette lettre, l’ancien pape affirmait : « Je suis reconnaissant de pouvoir être lié par une grande identité de vues et une amitié de cœur au pape François. Je considère que mon unique et ultime devoir est de soutenir le pontificat par la prière. »
– La Croix, Benoît XVI coupe court aux spéculations sur la validité de sa démission, 26 février 2014.
C’est également qu’en 2014, il participa aux deux cérémonies de béatification de saint Paul VI et de canonisation de saint Jean-Paul II et saint Jean XXIII, en concélébrant notamment la messe avec le pape François :
« C’est un événement historique. Le pape émérite Benoît XVI concélébrera la messe de canonisation de Jean-Paul II et Jean XXIII au côté du Pape François dimanche 27 avril.
La présence de Benoît XVI, qui vit retiré au Vatican depuis sa démission historique l’an dernier, n’était jusqu’ici pas confirmée officiellement. Elle ajoutera à la valeur exceptionnelle de l’événement, qui pourrait drainer près d’un million de personnes. »
– RTL, Canonisation de Jean-Paul II et Jean XXIII : Benoît XVI célébrera la messe avec François, 26 avril 2014

« Le Directeur de la Salle de Presse a annoncé aujourd’hui que Pape émérite Benoît XVI assisterait dimanche à la messe de béatification de Paul VI, comme les deux cardinaux ayant eux aussi été créés par Paul VI: Paulo Evaristo Arns (Brésil) et William Wakefield Baum (USA). »
– E. S. M., Benoît XVI assistera à la béatification de Paul VI, 17 octobre 2014


En 2016, Benoît XVI a passé un entretien pour l’ouvrage « Serviteur de Dieu et de l’humanité. La biographie de Benoît XVI » écrit par Elio Guerriero, également préfacé par le Pape François et publié en italien aux éditions Mondadori le 30 août 2016. Dans cet entretien, le pape émérite évoque son pontificat, sa renonciation pour raisons de santé physique, et surtout son obéissance envers le Pape François :
« Enfin, le pape émérite évoque ses relations avec son successeur, faisant état d’« un sentiment de communion profonde et d’amitié ». « L’obéissance à mon successeur n’a jamais été remise en question », ajoute-t-il.
« Au moment de son élection, confie Benoît XVI, j’éprouvai comme beaucoup un sentiment spontané de gratitude envers la Providence. Après deux pontifes provenant de l’Europe centrale, le Seigneur tournait pour ainsi dire le regard vers l’Eglise universelle et nous invitait à une communion plus large, plus catholique. »
« Personnellement, poursuit-il, je suis resté profondément touché, dès le premier moment, de l’extraordinaire disponibilité humaine du pape François à mon égard. Tout de suite après son élection il a cherché à me joindre au téléphone. N’ayant pas réussi, il me téléphona encore une fois immédiatement après la rencontre avec l’Eglise universelle depuis le balcon de Saint-Pierre et me parla avec une grande cordialité. »
Evoquant « un rapport magnifiquement paternel-fraternel », le pape émérite énumère les attentions du pape argentin pour lui : « Souvent m’arrivent ici des petits cadeaux, des lettres écrites personnellement. Avant d’entreprendre des grands voyages, le pape ne manque jamais de me rendre visite ». Benoît XVI, qui vit la « bienveillance humaine » du pape François comme « une grâce particulière de ce dernier stade de (sa) vie », assure de ses prières pour son successeur. »
– Zenit, Benoît XVI évoque son pontificat, sa renonciation et ses relations avec son successeur, 24 août 2016
La même année, il écrit un livre, sous forme d’entretien, avec Peter Seewald, intitulé Dernières conversations. Ce dernier y évoque notamment sa renonciation durant un chapitre entier et Benoît XVI y répond, notamment en réfutant les rumeurs qui courent depuis des années sur cette question :
Quand avez-vous pris cette décision ?
Je dirais que c’était pendant les vacances d’été, au milieu de l’année 2012.
En août ?
Oui, plus ou moins.
Etiez-vous en dépression ?
Non, pas en dépression, mais les choses n’allaient pas bien pour moi. Je me suis rendu compte que le voyage au Mexique et à Cuba m’avait vraiment épuisé. Le médecin m’a également dit que je ne pourrais plus survoler l’Atlantique. Comme prévu, les Journées mondiales de la jeunesse devaient avoir lieu à Rio en 2014. En raison de la Coupe du monde de football, elle a été avancée d’un an. Il était clair pour moi que je devais me retirer suffisamment tôt pour que le nouveau pape puisse planifier Rio. À cet égard, la décision a mûri progressivement après le voyage Mexique-Cuba. Sinon, j’aurais dû essayer de tenir jusqu’en 2014. Mais je savais que je ne pouvais plus le faire.
[…]
Quand et par qui la déclaration de renonciation a-t-elle été rédigée ?
Par moi. Je ne peux pas dire exactement quand, mais je l’ai écrit pas plus de deux semaines avant.
[…]
Néanmoins, les médias italiens ont spéculé que le véritable contexte de votre démission se trouve dans l’affaire Vatileaks, non seulement dans le cas de Paolo Gabriele, mais aussi dans les problèmes financiers et les intrigues au sein de la Curie. En fin de compte, vous avez été tellement choqué par le rapport d’enquête de 300 pages sur ces questions que vous n’avez vu d’autre issue que de faire de la place à un successeur.
Non, ce n’est pas vrai, pas du tout. Au contraire, l’affaire Vatileaks a été complètement résolue. J’ai dit pendant que cela se passait encore – je crois que c’était à vous – que l’on n’a pas le droit de reculer quand les choses vont mal, mais seulement quand les choses sont apaisées. Je pouvais démissionner parce que le calme était revenu dans cette situation. Il ne s’agissait pas de reculer sous la pression ou de sentir que l’on ne pouvait pas faire face à la situation.
Dans de nombreux journaux, il a même été question de chantage et de conspiration.
C’est complètement absurde. Non, c’est en fait une affaire simple. Je dois dire à ce sujet qu’un homme – pour une raison quelconque – a pensé qu’il devait créer un scandale pour nettoyer l’Église. Mais personne n’a essayé de me faire chanter. Si cela avait été tenté, je ne serais pas parti, car vous n’avez pas le droit de partir parce que vous êtes sous pression. Ce n’est pas non plus le cas que j’aurais fait du troc ou autre. Au contraire, il y avait – grâce à Dieu – le sentiment d’avoir surmonté les difficultés, et un sentiment de paix. Un état d’esprit dans lequel on pouvait vraiment passer les rênes en toute confiance à la personne suivante.
[…]
Avez-vous regretté votre renoncement à un moment donné, même pour une minute ?
Non ! Non, non. Je vois chaque jour que c’était la bonne chose à faire.
En d’autres termes, vous ne vous êtes jamais dit…
Non, pas du tout. Cette décision a été longuement réfléchie et discutée avec le Seigneur.
– Benoît XVI, Dernières conversations, partie I, chapitre 2, traduction française
Au chapitre suivant, il parle du pape François, son successeur, reconnaissant également ses actes pontificaux :
Quand on dit que le bon Dieu corrige un peu chaque pape dans son successeur… en quoi serez-vous corrigé par le pape François ?
[Rires] Oui, je dirais, dans son contact direct avec les gens. C’est, je pense, très important. Mais c’est aussi un pape de la réflexion. Quand je lis Evangelii gaudium, ou même les interviews, je vois que c’est une personne réfléchie, qui se débat intellectuellement avec les questions de notre temps. Mais en même temps, c’est simplement quelqu’un qui est très proche des gens, qui se tient avec eux, qui est toujours parmi eux. S’il vit à Santa Marta plutôt qu’au Palazzo, c’est parce qu’il veut être parmi les gens à tout moment. Je dirais que c’est quelque chose que l’on peut réaliser là-haut aussi [au Palazzo Apostolico], mais cela montre le nouvel accent mis. Peut-être que je n’étais pas assez proche des gens. Et puis, je dirais qu’il y a le courage avec lequel il expose les problèmes et cherche des solutions.
[…]
Cela signifie-t-il que vous n’avez pas reçu au préalable la première exhortation apostolique du pape François, Evangelii Gaudium ?
Non. Mais il m’a écrit une très belle lettre personnelle de sa petite écriture. Elle est beaucoup plus petite que la mienne. Si on la compare à la sienne, mon écriture est grande.
C’est presque impossible à croire.
C’est vrai. La lettre était très affectueuse, à tel point que j’ai reçu cette Exhortation Apostolique d’une manière particulière. Et aussi enveloppé de blanc, ce qui est normalement fait uniquement pour le Pape. Je lis l’exhortation. Ce n’est pas un texte court, mais il est beau, d’une écriture captivante. Certes, tout n’est pas de lui, mais il y a beaucoup de choses qui lui sont personnelles.
[…]
De nombreux analystes ont interprété cette Exhortation comme un tournant, notamment pour son appel à la décentralisation de l’Église. Voyez-vous dans ce texte programmatique une rupture avec votre pontificat ?
Non. Moi aussi, j’ai toujours voulu que les Églises locales vivent de manière aussi indépendante que possible et n’aient pas besoin de tant d’aide de Rome. Dans tous les cas, le renforcement des Églises locales est très important. Même s’il est toujours important qu’ils restent tous ouverts les uns aux autres, et ouverts au ministère pétrinien, car sinon l’élément politique, la nationalisation et avec cela un appauvrissement culturel peuvent prévaloir. L’échange entre l’Église mondiale et les Églises locales est fondamental. Je dois aussi dire que, malheureusement, ce sont les évêques qui sont contre la centralisation qui manquent d’initiatives comme on pourrait l’attendre d’eux. C’est pourquoi nous continuons à aider, toujours. En effet, plus une Église locale est vivante et tire sa vitalité de la centralité de la foi, plus elle contribue à la totalité de l’Église.
Vous ne voyez donc pas de rupture dans votre pontificat ?
Non. Je veux dire, bien sûr, il est possible de simuler une interprétation erronée sur certains points pour dire que tout a été chamboulé. Quand on prend des points isolés, il est possible de construire des oppositions, mais pas quand on regarde l’ensemble. Il y aura peut-être un nouvel accent sur certains aspects, bien sûr, mais pas d’opposition.
Donc, jusqu’à ce point, vous êtes satisfait du ministère du Pape François ?
Oui, il y a une nouvelle fraîcheur dans l’Église, un nouveau contentement, un nouveau charisme qui parle aux gens, cela seul est déjà une belle chose.
– Benoît XVI, Dernières conversations, partie I, chapitre 3, traduction française
Benoît XVI est également en communion avec les membres hiérarchiques soumis au Pape François. Son secrétaire personnel depuis 2003 est Mgr Georg Gänswein, qui a consacré un évêque en 2018 avec mandat du Pape François.
Il concélébrait la messe avec lui après sa renonciation chaque jour, tout en reconnaissant le pape François comme légitime. Durant la Messe, le nom du pape actuel est mentionné dans l’Una Cum, ce qui implique que les deux prélats disaient la Messe en union avec le Pape François :
« Chaque matin, [Benoît XVI] se lève à 5 h 30, une demi-heure plus tard qu’avant, célèbre la messe à 6 heures avec son secrétaire personnel, Mgr Georg Ganswein, et son frère aîné s’il est là (une chambre a été aménagée pour lui) et les quatre personnes qui sont depuis 2005 à son service. »
– Le Figaro, Article « La vie ordinaire et sereine d’un pape émérite«
Mgr Ganswein l’a également mentionné dans un reportage de Rome Reports en 2021, à l’occasion du 70ème anniversaire du sacerdoce de Benoît XVI.
En 2019, dans une lettre sur les abus sexuels, Benoît XVI fait référence au « pape François » à 3 reprises :
« Dans le cadre de la réunion des présidents des conférences épiscopales du monde entier, avec le pape François, la question de la vie sacerdotale, ainsi que celle des séminaires, a revêtu un intérêt particulier.
[…]
Puisque tout cela dépassait les capacités de la Congrégation pour la doctrine de la Foi et que des retards devaient être évités en raison de la nature du problème, le pape François a entrepris d’autres réformes.
[…]
Au terme de mes réflexions, je tiens à remercier le pape François pour tout ce qu’il fait afin de nous montrer, encore et toujours, la lumière de Dieu, qui n’a pas disparu, même aujourd’hui. Merci, Saint-Père !Benoît XVI »
– Benoît XVI, Lettre sur les abus sexuels, février 2019.
En 2020, Benoît XVI et François ont collaboré pour l’écriture d’un livre intitulé Une seule Eglise. Sur la préface, François a le titre de « pape » et Benoît XVI celui de « pape émérite » :

Dans une lettre à l’occasion du 100ème anniversaire de la naissance de saint Jean-Paul II, en mai 2020, Benoît XVI fit référence au « pape François » une fois et considère Jean-Paul II comme étant un saint tout au long de la lettre. Or, saint Jean-Paul II a été canonisé par le pape François le 27 avril 2014 :
« Cité du Vatican 4 mai 2020
Pour le centenaire de la naissance du saint pape Jean-Paul II (18 mai 2020)
[…]
C’est également ici qu’on constate l’unité intérieure du message de Jean-Paul II et des intentions fondamentales du pape François
[…]
Le saint est un homme ouvert à Dieu et imprégné de Dieu. Est saint celui qui détourne de lui-même et nous laisse voir et reconnaître Dieu. Vérifier cela juridiquement, dans la mesure du possible, c’est le sens des deux procès de béatification et de canonisation. Dans le cas de Jean-Paul II, les deux ont été effectués strictement selon les règles en vigueur. Ainsi, il se tient maintenant devant nous comme le père qui nous rend visible la miséricorde et la bonté de Dieu.
[…]
Cher saint Jean-Paul II, priez pour nous!
Benoît XVI »
– Benoît XVI, Lettre pour le centenaire de la naissance du saint pape Jean-Paul II, 4 mai 2020
Le 8 décembre 2021, jour de l’Immaculée Conception, Benoît XVI reçut une crèche de Bavière. Elle a été remise à son secrétaire général. Il posa avec Benoît XVI, et un autre évêque, Mgr Rudolf Voderholzer, qui a d’ailleurs consacré deux évêques par mandat du Pape François :

Les bénéplénistes qui prétendent être soumis à Benoît XVI sont donc hypocrites, étant donné que Benoît XVI lui-même a affirmé à de nombreuses reprises qu’il avait renoncé validement à son pontificat et que François était le véritable pape.
Evêques bénéplénistes
Avant de traiter des évêques bénéplénistes actuels, nous tenons à rappeler qu’aucun bénépléniste ne prétend, à notre connaissance, qu’il y aurait eu dès le début des évêques qui tiennent leur position. Cependant, afin de prévenir toute tentative de cette sorte, nous tenons à démontrer qu’il ont tenu la position inverse pendant des années après l’élection du pape François, et donc que ces évêques bénéplénistes, bien loin de constituer la vraie Eglise, se sont en réalité détaché d’elle en reniant son jugement sur la légitimité du Pape François, et sont devenus schismatiques et illégitimes par ce fait.
Mgr Lenga

Mgr Jan Paweł Lenga (1950-) a été consacré évêque en 1991 et renoncé à sa charge en 2011 (cf. ici).
En 2015, il se confiera publiquement au sujet de la crise dans l’Eglise. Dans cet entretien, il fait référence à « Saint Jean-Paul II » et au « Bienheureux Pape Paul VI ». Or, saint Jean-Paul II a été canonisé le 27 avril 2014 et Paul VI béatifié le 19 octobre 2014, par le pape François. Bien plus, malgré le fait qu’il pense qu' »il est difficile de croire que le Pape Benoît ait renoncé librement à son ministère de successeur de Pierre », Mgr Lenga dit que « le Pape Benoît était le Chef de l’Eglise » et qu' » il était concrètement impossible pour de nombreux évêques d’aider le Pape dans son service de chef et gouverneur de toute l’Eglise », ce qui laisse à entendre que, selon lui, il ne l’est plus :
« Pendant mon ministère d’évêque j’ai été en contact avec le Pape Saint Jean-Paul II, ainsi qu’avec de nombreux évêques, prêtres et fidèles en différents pays et en différentes circonstances. J’ai fait partie de quelques assemblées du Synode de Evêques au Vatican qui traitaient de sujets comme « Asie » et « Eucharistie ».
[…]
Il est difficile de croire que le Pape Benoît ait renoncé librement à son ministère de successeur de Pierre. Le Pape Benoît était le chef de l’Eglise, son entourage toutefois a été loin de traduire en acte ses enseignements, les a souvent contournés dans le silence ou a même fait obstruction à ses initiatives pour une authentique réforme de l’Eglise, de la liturgie, de la manière d’administrer la Sainte Communion. Compte tenu du grand secret au Vatican, il était concrètement impossible pour de nombreux évêques d’aider le Pape dans son service de chef et gouverneur de toute l’Eglise.
[…]
Ce n’est pas sans raison que le Bienheureux Pape Paul VI avait déclaré : « L’esprit de Satan est entré par une fissure dans l’Eglise ». »
– Mgr Lenga, Témoignage, 1er janvier 2015
Or, puisqu’affirmer que Jean-Paul II est saint, et Paul VI bienheureux, équivaut à affirmer la légitimité du Pape François, et donc à nier celle de Benoît XVI, Mgr Lenga ne peut donc pas être utilisé par les bénéplénistes pour nier le fait que François ait été universellement accepté.
Mgr Gracida

Mgr René Henry Gracida (1923-) a été consacré en 1972 et renoncé à sa charge en 1997 (voir ici).
Le 5 mars 2017, il signa la Déclaration sur les conditions actuelles de la musique sacrée, avec Mgr Athanasius Schneider, plus d’une dizaine de prêtres, et des dizaines de laïcs (docteurs, professeurs,…). Cette Déclaration cite le Pape François à trois reprises, notamment dans son encyclique magistérielle Lumen Fidei, rédigée par Benoît XVI, puis le pape François, et promulguée par ce dernier en 2013 :
« Nous soussignés, musiciens, pasteurs d’âmes, enseignants, chercheurs et amateurs de musique sacrée, nous présentons à la communauté catholique du monde entier cette déclaration exprimant notre grand amour du trésor de la musique sacrée de l’Église et notre profond malaise devant l’état malheureux où elle se trouve.
[…]
Dans son homélie de la Fête-Dieu le 4 juin 2015 le pape François disait : « L’Eglise n’en finit jamais de s’émerveiller devant cette réalité [du Très-Saint Sacrement]. Un émerveillement qui nourrit toujours sa contemplation, son adoration et sa mémoire. » Mais dans bien des églises de par le monde, où se retrouvent ce sens de la contemplation, cette adoration, cet émerveillement pour le mystère de l’Eucharistie ? Ils ont été perdus car nous vivons une espèce d’Alzheimer spirituelle, cette maladie qui nous enlève nos mémoires spirituelle, théologique, artistique, musicale, culturelle. On a pu dire qu’il nous faut apporter la culture de chaque peuple à la liturgie—sans doute, mais dans la bonne optique ; non pas en ce sens que la liturgie (et, partant, la musique) devienne le lieu où l’on doive exalter une culture séculière. C’est plutôt le lieu où la culture, toute culture, est relevée et purifiée.
Le rétablissement de l’unité, de l’intégrité et de l’harmonie de l’enseignement catholique est la condition de la restauration à leur noblesse originelle et de la liturgie et de la musique. C’est bien là ce que nous enseignait le pape François dans sa première encyclique : « La connaissance de nous-mêmes n’est possible que lorsque nous participons à une mémoire plus vaste. » (Lumen Fidei 38).
Dans son encyclique Lumen Fidei, le pape François rappelait le lien que tisse la foi entre le passé et le futur :
« Il est vrai qu’en tant que réponse à une Parole qui précède, la foi d’Abraham sera toujours un acte de mémoire. Toutefois cette mémoire ne fixe pas dans le passé mais, étant mémoire d’une promesse, elle devient capable d’ouvrir vers l’avenir, d’éclairer les pas au long de la route. On voit ainsi comment la foi, en tant que mémoire de l’avenir, memoria futuri, est étroitement liée à l’espérance. » (LF 9)
Cette mémoire, ce trésor qu’est notre tradition catholique n’appartient pas qu’au passé seul. Elle demeure une force vitale aujourd’hui, et sera à tout jamais un don de beauté aux générations futures. « Chantez Yahvé, car il a fait de grandes choses, qu’on le proclame sur toute la terre. Pousse des cris de joie, des clameurs, habitante de Sion, car il est grand, au milieu de toi, le Saint d’Israël. » (Is 12, 5-6) »
[…]
The Most Reverend Rene Henry Gracida, D.D.
Bishop Emeritus of Corpus Christi
– Cantate Dominum, Cantate Novum : Déclaration sur les conditions actuelles de la musique sacrée, 5 mars 2017
Or, cela équivaudrait à un déni de la soi-disant « invalidité » de Benoît XVI, cela équivaudrait à un déni que Benoît XVI soit le Chef suprême dans l’Eglise en 2017, donc les bénéplénistes ne peuvent pas utiliser cet évêque pour nier le fait que François ait été universellement accepté. Bien plus, si les bénéplénistes avaient raison, Mgr Gracida aurait été ipso facto excommunié pour schisme notoire.