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De l’excommunication des adhérents du mouvement de Mgr Lefebvre

Note explicative par le Conseil Pontifical pour les Textes Législatifs

1° Du Motu Proprio « Ecclesia Dei » du 2 juillet 1988 et du Décret « Dominus Marcellus Lefebvre » de la Congrégation pour les Evêques, du 1er juillet 1988, il ressort avant tout que le schisme de Monseigneur Lefebvre a été déclaré en réaction immédiate aux ordinations épiscopales conférées le 30 juin 1988 sans mandat pontifical (cf. CIC, Can. 1382). Il ressort également des documents susmentionnés qu’un acte de désobéissance aussi grave a constitué la consommation d’une situation globale progressive de caractère schismatique.

2° En effet, le n. 4 du Motu Proprio explique la nature de la « racine de cet acte schismatique », et le n. 5. c) avertit qu’une « adhésion formelle au schisme » (par laquelle il faut entendre « le mouvement issu de Mgr. Lefebvre ») entraînerait l’excommunication établie par le droit universel de l’Église (CIC, can. 1364 al.1). De même, le décret de la Congrégation pour les évêques fait explicitement référence à la « nature schismatique » des ordinations épiscopales susmentionnées et mentionne la peine d’excommunication (la plus grave) que l’adhésion « au schisme de Monseigneur Lefebvre » entraînerait.

3° Malheureusement, l’acte schismatique qui a donné lieu au Motu Proprio et au Décret n’a fait que conclure, d’une manière particulièrement visible et non équivoque – par un acte formel très grave de désobéissance au Pontife Romain – un processus d’éloignement de la communion hiérarchique. Tant qu’il n’y aura pas de changements susceptibles de conduire au rétablissement de cette nécessaire communion, l’ensemble du mouvement lefebvriste devra être tenu pour schismatique, compte tenu de l’existence d’une déclaration formelle de l’Autorité suprême à ce sujet.

4° On ne peut porter aucun jugement sur l’argumentation de la thèse de Murray (voir ci-dessous) car elle n’est pas connue, et les deux articles qui s’y réfèrent semblent confus. Cependant, on ne peut raisonnablement mettre en doute la validité de l’excommunication des évêques déclarée dans le Motu Proprio et le Décret. En particulier, il ne semble pas que l’on puisse trouver, en ce qui concerne l’imputabilité de la peine, des circonstances d’exemption ou d’atténuation. (cf. CIC, can. 1323) En ce qui concerne l’état de nécessité dans lequel Mgr. Lefebvre pensait se trouver, il faut garder à l’esprit qu’un tel état doit être vérifié objectivement, et qu’il n’y a jamais de nécessité d’ordonner des évêques contrairement à la volonté du Pontife Romain, Chef du Collège des Évêques. Cela impliquerait, en effet, la possibilité de « servir » l’Église par une tentative contre son unité dans un domaine lié aux fondements mêmes de cette unité.

5° Comme le déclare le Motu Proprio au n° 5 c), l’excommunication latae sententiae pour schisme concerne ceux qui « adhèrent formellement » audit mouvement schismatique. Même si la question de la portée exacte de la notion d’ « adhésion formelle au schisme » relève de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, il semble à ce Conseil pontifical qu’une telle adhésion formelle devrait impliquer deux éléments complémentaires :

a) de nature interne, consistant en un accord libre et éclairé avec la substance du schisme, c’est-à-dire dans le choix fait d’une manière de celle des disciples de Mgr Lefebvre, plaçant une telle option au-dessus de l’obéissance au Pape (à la base de cette attitude, il y aura généralement des positions contraires au magistère de l’Église),

b) l’autre de caractère externe, consistant dans l’extériorisation de cette option, dont le signe le plus manifeste sera la participation exclusive aux actes « ecclésiaux » lefebvristes, sans participer aux actes de l’Église catholique (il s’agit toutefois d’un signe qui n’est pas univoque, puisqu’il est possible qu’un fidèle participe aux fonctions liturgiques des disciples de Lefebvre, mais sans s’associer à leur esprit schismatique).

6° Dans le cas des diacres et des prêtres lefebvristes, il ne fait aucun doute que leur activité ministérielle dans le cadre du mouvement schismatique est un signe plus qu’évident du fait que les deux exigences mentionnées ci-dessus (n. 5) sont remplies, et donc qu’il y a une adhésion formelle.

7° Par contre, dans le cas du reste des fidèles, il est évident qu’une participation occasionnelle aux actes liturgiques ou à l’activité du mouvement lefebvriste, faite sans faire sienne l’attitude de désunion doctrinale et disciplinaire d’un tel mouvement, ne suffit pas pour que l’on puisse parler d’adhésion formelle au mouvement. Dans la pratique pastorale, il peut en résulter qu’il est plus difficile de juger de leur situation. Il faut tenir compte avant tout des intentions de la personne, et de la mise en pratique de cette disposition interne. C’est pourquoi les différentes situations vont être jugées au cas par cas, dans les forums compétents, tant internes qu’externes.

8° Toutefois, il faudra toujours faire la distinction entre la question morale de l’existence ou non du péché de schisme et la question juridico-pénale de l’existence du délit de schisme et de sa sanction conséquente. Dans ce dernier cas, on appliquera les dispositions du Livre V1 du Code de Droit Canonique (y compris les canons 1323-1324).

9° Il ne semble pas opportun de préciser davantage les conditions requises pour le délit de schisme (mais il faudrait le demander au Dicastère compétent, cf. Const. Apost. « Pastor Bonus« , art 52). On risquerait de créer davantage de problèmes par le biais de normes rigides de type pénal qui ne couvriraient pas tous les cas, laissant sans réponse les cas de schisme substantiel, ou en tenant compte de comportements extérieurs qui ne sont pas toujours subjectivement schismatiques.

10° Toujours du point de vue pastoral, il semble également opportun de recommander de nouveau aux pasteurs sacrés toutes les normes du Motu Proprio « Ecclesia Dei » avec lesquelles la sollicitude du Vicaire du Christ a encouragé au dialogue et a fourni les moyens surnaturels et humains nécessaires pour faciliter le retour des Lefebvristes à la pleine communion ecclésiale.

Cité du Vatican, 24 août 1996.


Commentaire du R. Gordon F. Read
(pour la revue de la Société de Droit Canonique de Grande Bretagne et d’Irlande)


Si les initiatives prises sous leurs auspices ont eu un impact positif, avec un certain nombre de nouveaux instituts religieux et des vocations florissantes, désormais en pleine communion avec le Saint-Siège, et de plus en plus accueillis par les évêques diocésains dans certaines parties du monde, il est également vrai qu’il existe de nombreux endroits où peu d’attention a été accordée à sa mise en œuvre.

De plus, si le mouvement lefebvriste a connu quelques revers, le nombre d’adhérents n’a pas diminué de manière significative. Un livre récent marquant les vingt-cinq ans de la Fraternité Saint-Pie X en Grande-Bretagne (R. Warwick, The Living Flame, Londres 1997) indique qu’il y a actuellement une vingtaine d’églises lefebvristes en Grande-Bretagne, avec environ 2000 fidèles. Aux Etats-Unis, la situation est plus étendue et beaucoup plus variée, avec de nombreux prêtres et chapelles indépendants, ainsi que des groupes sédévacantistes tels que la Société Saint-Pie X (NdT : Société Saint-Pie V) et la Communauté de Mount St. Michael.

La question de la succession apostolique est également devenue plus complexe. La nature fissiparée de ces groupes fait que tous leurs ordres ne proviennent pas de Mgr Lefebvre. Certains, ayant quitté la Fraternité Saint-Pie X, ont obtenu les ordres ou la consécration épiscopale de l’archevêque Ngo Dinh Thuc, ou de ses successeurs, de l’évêque Alfred Mendez (anciennement d’Arecibo), ou de vieux-catholiques ou de sources similaires. Pour les détails de la scène américaine, il faut consulter M. Cuneo, The Smoke of Satan, New York 1997, un livre informatif mais irritant et discursif.

Les partisans de la Fraternité Saint-Pie X distribuent fréquemment des brochures contenant des citations très sélectives ou tendancieuses. L’un d’eux, par exemple, affirme que la Fraternité n’est ni schismatique ni excommuniée. L’argument généralement avancé est que, puisque l’archevêque Lefebvre n’était pas schismatique, il n’était pas excommunié et, a fortiori, aucun de ses disciples ne l’était.

Le tract cite le Cardinal Castillo Lara selon lequel consacrer un évêque sans la permission du Pape n’est pas en soi un acte schismatique. Il poursuit en disant que le simple fait de consacrer des évêques, sans avoir l’intention de mettre en place une hiérarchie alternative au sens juridictionnel du terme, n’est pas un acte de schisme. Plusieurs canonistes sont cités comme approuvant ces vues, le comte Neri Capponi, avocat accrédité auprès de la Signatura, le professeur Geringer de l’Université de Munich, le père Patrick Valdini, professeur de droit canonique à l’Institut catholique de Paris, et le père Gerald Murray qui a présenté sa thèse sur le sujet à l’Université Grégorienne.

Il est également fait référence à la décision de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, datée du 28 juin 1993, selon laquelle l’excommunication imposée aux partisans de Mgr Lefebvre le 1er mai 1991 par Mgr Ferraio, évêque d’Hawaï, n’était pas valide puisqu’il n’y avait pas eu d’actes schismatiques au sens strict. On ne peut être certain de l’exactitude de ces citations, du moins en termes d’exhaustivité. Par exemple, le décret mentionné ajoutait un avenant indiquant qu’il existait d’autres motifs pour lesquels l’évêque pouvait prendre des mesures.

Je ne sais pas si la thèse du P. Murray a été publiée, mais il semblerait que le Conseil ait reçu non pas la thèse mais deux articles publiés dans le numéro d’automne de la revue « Latin Mass ». Le premier était une interview du P. Murray réalisée par Roger McCaffrey (pp.50-55). Le second était un résumé de la thèse préparé par Steven Terenzio (pp.55-61).

La première ligne d’argumentation de Murray semble être que les adeptes laïcs de la Fraternité Saint-Pie X n’encourent pas l’excommunication, car seule une violation externe d’une loi ou d’un précepte peut faire l’objet d’une peine canonique (art. cit. p.56), et il doit y avoir une grave imputabilité. Les avertissements contenus dans le Motu Proprio ne donnent aucune indication précise sur ce qui constitue une « adhésion », ce qui rendrait la responsabilité de la peine au moins douteuse.

Une deuxième ligne d’argumentation est que l’archevêque a nié le schisme, et que la simple désobéissance ne constitue pas un schisme, mais seulement le refus systématique et habituel de la dépendance.

Une troisième ligne d’argumentation est que l’opinion erronée selon laquelle la nécessité justifie son action aurait rendu son action coupable, mais aurait supprimé la malice canonique et donc la responsabilité de l’excommunication (canon 1323, 7°). Son argument est que les dispositions du Code de 1983 sont si exigeantes pour que l’imputabilité soit prouvée et la peine encourue, que l’archevêque et ses partisans s’échappent en vertu de la législation postconciliaire à laquelle ils s’opposent.

« D’autre part, le Canon 209 prescrit : « §1 Les fidèles sont liés par l’obligation de garder toujours, même dans leur manière d’agir, la communion avec l’Église. §2 Ils rempliront avec grand soin les devoirs auxquels ils sont tenus tant envers l’Église tout entière qu’envers l’Église particulière à laquelle ils appartiennent selon les dispositions du droit. ». Il est évident qu’un laïc qui fréquente exclusivement des chapelles dirigées par des prêtres suspendus de la Fraternité Saint-Pie X, qui fonctionnent sans la permission de l’Église locale ou universelle, ne vit pas, en fait, au moins en communion externe avec l’Église. Nous nous trouvons donc dans la situation anormale d’un groupe de fidèles qui vivent en fait, d’une certaine manière, en dehors de la communion réelle avec l’Église, mais qui ne sont presque certainement pas soumis aux sanctions canoniques destinées à décourager et à punir un tel comportement. »

– Steven Terenzio, art. cit. p.61.

La Note a été clairement préparée comme une réponse aux arguments de ce genre (cf. n.4). L’idée que l’on puisse douter de l’excommunication déclarée par la Congrégation pour les évêques dans le cas de l’archevêque et de ceux qu’il a consacrés n’a pas été retenue.

Il convient de rappeler que la peine a été portée à l’excommunication en raison de la création de l’Association catholique patriotique en Chine et de la consécration d’évêques sans mandat. Le Code de 1917 (canon 2370) n’avait prévu que la suspension.

Historiquement, la situation s’était présentée en Amérique latine lorsque des conditions de voyage difficiles avaient retardé l’arrivée du mandat et qu’une consécration prévue avait eu lieu sans lui, mais sans intention schismatique. Ici, la situation était tout à fait différente, et bien que l’intention n’ait pas été de créer une juridiction alternative, mais seulement de fournir les sacrements, c’est de facto ce qui se passait déjà. De plus, étant donné que le protocole signé à l’origine par l’archevêque Lefebvre prévoyait en fait la consécration d’un seul évêque, la nécessité ne pouvait guère être contestée.

La Note se tourne ensuite vers ceux dont l’excommunication n’a pas été déclarée, à savoir le clergé et les fidèles associés à la Fraternité Saint-Pie X. Le Conseil se préserve de toute décision qui pourrait être prise par la Congrégation pour la doctrine de la foi, mais énonce deux critères juridiques généraux qui seraient requis pour une « adhésion formelle ».

Le premier est un critère interne, celui de l’intention. La violation externe d’une loi ne peut entraîner une peine lorsqu’il y a ignorance non coupable, inadvertance ou erreur en ce qui concerne la violation de la loi (can. 1323 2°). De même, la peine doit être réduite lorsque la personne n’a pas eu connaissance de la peine, sans qu’il y ait eu faute de sa part, ou n’a pas eu une pleine imputabilité (can. 1324 9° et 10°). Il y a une exigence d’intention schismatique, c’est-à-dire l’acceptation libre et consciente de la substance du schisme, c’est-à-dire le fait de placer son choix personnel au-dessus de l’obéissance au Pape. En général, cela se caractérise par une position habituelle contraire au Magistère de l’Église.

Le deuxième critère est externe, l’effet extérieur donné à ce choix. Le signe le plus évident de ce choix est d’assister uniquement et exclusivement aux célébrations conduites par les disciples de Mgr Lefebvre, et d’éviter celles de l’Église traditionnelle, non seulement l’évêque et le clergé locaux, mais, par exemple, ceux qui utilisent légitimement les livres liturgiques de 1962, comme la Fraternité Saint-Pierre.

Dans une certaine mesure, le Conseil accepte l’argumentation présentée par le Père Murray en ce sens qu’une violation externe de la loi est requise, et non simplement une supposée attitude d’esprit interne, et qu’il faut davantage, subjectivement, que la présence, même habituelle, aux centres ou aux célébrations lefebvristes. Cette dernière est compatible avec une disposition interne qui accepte encore l’autorité du Pape. Cependant, il se sépare de lui en soutenant que la désobéissance qu’implique le fait de s’aligner sur les lefebvristes implique en soi une intention schismatique, même si l’on ne rejette pas formellement l’autorité du Pape ou de l’évêque local. Une telle position est logiquement incohérente, et il faut se demander quelle est l’intention prévalente dans un cas particulier.

La Note rappelle qu’il faut distinguer entre la question morale du péché de schisme, et la question juridique du délit et de son imputabilité. Dès lors qu’il y a eu une violation externe, l’imputabilité est présumée jusqu’à ce qu’il apparaisse autrement (can. 1321 al. 3). Il incombe à la personne d’établir des éléments supprimant ou réduisant l’imputabilité. Dans le for interne, une telle présomption n’existe pas. Cela signifie que dans le cas des profanes, leur position sera souvent difficile à discerner. Dans cette situation, il faut tenir compte de la liberté garantie par le canon 18. Dans le cas des clercs, leur participation externe au ministère dans le cadre du mouvement schismatique est en soi une preuve suffisante que les critères internes et externes de l’adhésion formelle ont été remplis. Toutefois, une telle censure est non déclarée et donc soumise aux limites mentionnées aux canons 1331 et 1335.

Si le document parle des lefebvristes, il ne se réfère pas nommément à la Fraternité Saint-Pie X, et les critères devraient donc être appliqués également à d’autres groupes similaires qui sont associés aux partisans de l’archevêque, aux communautés religieuses, au clergé dissident du diocèse de Campos au Brésil, mais aussi à d’autres, comme ceux mentionnés ci-dessus, qui occupent des positions similaires, même si leurs hiérarques n’ont pas été déclarés excommuniés.

Elle ne s’applique pas à ceux qui appartiennent à des groupes dont la position a été régularisée par la Commission Ecclesia Dei, ou établie par l’autorité de l’évêque local de Scranton le 24 mai 1998.

La situation des clercs « indépendants », retraités ou libérés d’une autre manière de leur diocèse, mais qui ne font l’objet d’aucune autre sanction, qui gèrent des chapelles sans en référer à l’évêque local, ou au mépris de ses souhaits connus, doit être jugée sur la base de leurs mérites individuels. Dans certains cas, il se peut que ce soit l’évêque plutôt que le clerc qui ne soit pas ouvert au dialogue pour régulariser leur situation conformément aux dispositions du Motu Proprio. Il peut en être de même pour des groupes de laïcs qui recherchent un soutien spirituel sous forme d’aumônerie et qui ont eu recours aux services d’un prêtre ou d’un évêque dont la situation est irrégulière.

S’il est possible d’approcher directement la Commission pontificale Ecclesia Dei, cette dernière hésite à forcer la main des évêques et préfère travailler par la persuasion.

15 juillet 1998
Rev. Gordin F. Read
P. Michael Brown, Vicaire judiciaire adjoint, Tribunal diocésain de Hexham & Newcastle


Sources :

Anglais : The Excommunication of Followers of Archbishop Lefebvre, Catholic Culture.
Italien : Sulla scomunica per scisma in cui incorrono gli aderenti al movimento del Vescovo Marcel Lefebvre, site Web du Vatican.

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