Universalité du Messie

Objections

1° : « Jésus répondit : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » (Matthieu 15 : 24). Le Messie n’a donc pas été envoyé aux païens.
2° : « Tels sont les douze que Jésus envoya, après leur avoir donné les instructions suivantes : N’allez pas vers les païens, et n’entrez pas dans les villes des Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. » (Matthieu 10 : 5-6). Puisque les Apôtres reçurent l’ordre de ne pas aller vers les païens, c’est qu’a fortiori la mission de celui qui les avait envoyés ne concernait pas ces derniers.
3° : Les Apôtres ne baptisaient et n’évangélisaient d’abord pas les païens comme on le voit dans le livre des Actes : « Les frères dispersés par la tourmente qui se produisit lors de l’affaire d’Étienne allèrent jusqu’en Phénicie, puis à Chypre et Antioche, sans annoncer la Parole à personne d’autre qu’aux Juifs. » (Actes 11 : 19).
4° : L’Apôtre Paul rapporte aux seuls circoncis la mission des Apôtres : « Ayant reconnu la grâce qui m’avait été accordée, Jacques, Céphas et Jean, qui sont regardés comme des colonnes, me donnèrent, à moi et à Barnabas, la main d’association, afin que nous allassions, nous vers les païens, et eux vers les circoncis. » (Galates 2 : 9). Ces paroles : « de toutes les nations faites des disciples. » (Matthieu 28 : 19), adressées aux Apôtres, ne doivent donc pas s’entendre comme une injonction à aller évangéliser les païens, mais comme concernant les israëlites de la diaspora dispersés parmi les nations.

En sens contraire :

Tant l’Ancien que le Nouveau Testament témoignent de l’universalité de la mission du Messie. De l’Ancien Testament :

La Genèse : « Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité. » (26 : 4).
Les Psaumes : « Les rois de la terre se dressent, les grands se liguent entre eux contre le Seigneur et son messie : […] Je proclame le décret du Seigneur ! Il m’a dit : « Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. Demande, et je te donne en héritage les nations, pour domaine la terre tout entière. Tu les détruiras de ton sceptre de fer, tu les briseras comme un vase de potier. » » (2 : 2, 7-10).
« Il dominera d’une mer à l’autre, Et du fleuve aux extrémités de la terre. […] Tous les rois se prosterneront devant lui, Toutes les nations le serviront. […] Son nom subsistera toujours, Aussi longtemps que le soleil son nom se perpétuera. » (72 : 8, 11, 17).
Isaïe : « Il sera le juge des nations, L’arbitre d’un grand nombre de peuples. » (2 : 4).
« En ce jour, le rejeton d’Isaï sera là comme une bannière pour les peuples ; Les nations se tourneront vers lui, Et la gloire sera sa demeure. » (11 : 10).
« Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu qui a toute ma faveur. J’ai fait reposer sur lui mon esprit ; aux nations, il proclamera le droit. […] Il ne faiblira pas, il ne fléchira pas, jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre, et que les îles lointaines aspirent à recevoir ses lois. […] Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice ; je te saisis par la main, je te façonne, je fais de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations : tu ouvriras les yeux des aveugles, tu feras sortir les captifs de leur prison, et, de leur cachot, ceux qui habitent les ténèbres. » (42 : 1, 4, 6-7).
« Je t’établis pour être la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu’aux extrémités de la terre. » (49 : 6).
Daniel : « Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » (7 : 13-14).
Michée : « Et toi, Bethléhem Ephrata, petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui dominera sur Israël, et dont l’origine remonte aux temps anciens, aux jours de l’éternité. […] il sera glorifié jusqu’aux extrémités de la terre. » (5 : 2, 4).
Zacharie : « Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi ; Il est juste et victorieux […]. Il annoncera la paix aux nations, Et il dominera d’une mer à l’autre, depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre. » (9 : 9-10).

Du Nouveau :

Matthieu : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. » (5 : 13-14).
« Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin. » (24 : 14).
« De toutes les nations faites des disciples » (28 : 19).
Marc : « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. » (16 : 15).
Luc : Syméon après avoir vu l’Enfant Jésus : « Mes yeux ont vu ton salut, salut que tu as préparé devant tous les peuples, lumière pour éclairer les nations, Et gloire d’Israël, ton peuple. » (2 : 30-32).
« Toute chair verra le salut de Dieu. » (3 : 6).
« Il en viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi ; et ils se mettront à table dans le royaume de Dieu. » (13 : 29).
« Ainsi il est écrit […] que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. » (24 : 46-47).
Jean : « Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (3 : 17).
« Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi. » (12 : 32).
Les Actes : « Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (1 : 8).
« Sachez donc que ce salut de Dieu a été envoyé aux païens, et qu’ils l’écouteront. » (28 : 28).

Réponse

Pour comprendre le sens de la mission du Messie, il est nécessaire d’y bien discerner ce qui relève de son ministère terrestre de ce qui relève de son rôle à l’égard de l’humanité, qui est d’être son rédempteur et son médiateur auprès de Dieu. Peuple élu de Dieu, les Juifs eurent le privilège – la « gloire » pour reprendre les mots du vieillard Syméon – d’être le peuple parmi lequel devait naître, grandir, prêcher, vivre et mourir le Messie. C’est à eux, parmi eux et pour eux qu’il fut d’abord envoyé. Néanmoins il était également destiné à être « lumière des nations », et cela s’est accompli par le ministère de ses Apôtres, de ses disciples et de leurs successeurs qui étendirent après sa mort la prédication de son Evangile à toute la Création.

Solutions

1° : Que le Messie n’ait pas été envoyé aux païens ne signifie pas qu’il n’ait pas été envoyé pour eux. Quoique la mission temporelle de Jésus (à peine trois années) n’ait concerné que la petite terre d’Israël et ses habitants, au regard de son rôle de rédempteur et de médiateur dans l’histoire du salut, de son message et de sa royauté, il est évident que sa mission est universelle.
2° : Cette mission des douze Apôtres s’étant faite durant le ministère terrestre du Christ, il convenait qu’elle soit à son image, c’est-à-dire limitée aux seuls Juifs. Toutefois à partir du moment où le Christ quitta cette terre, la mission des Apôtres, toujours à l’image de celle du Christ, s’étendit aux nations. On le constate particulièrement bien dans les Actes des Apôtres : « Vous serez mes témoins en Samarie » (Actes 1 : 8) après la résurrection vient explicitement remplacer la disposition précédente : « N’entrez pas dans les villes des Samaritains. » (Matthieu 10 : 6).
3° : Quoique destinée à s’étendre ultimement à toutes les nations, il convenait que l’annonce de l’Evangile respectât un certain ordre prescrit par le Seigneur : « Ainsi il est écrit […] que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. » Les Juifs furent donc évangélisés les premiers, les païens venant dans un second temps. Lorsque les Juifs eurent pour de bon rejeté l’Evangile, la tradition rapporte que les Apôtres quittèrent la Palestine pour aller vers les nations : ainsi il est historiquement presque certain que Pierre est mort à Rome, Jean à Ephèse.
4° : Les douze Apôtres étaient hébreux et parlaient exclusivement araméen, sauf peut-être quelques rudiments de grec pour Matthieu le collecteur de taxes et les pêcheurs du groupe amenés à faire du commerce (Pierre, André, Jacques et Jean). Il est donc naturel que leur prédication ait été dans un premier temps restreinte à ceux qui parlaient leur langue, en l’occurence les Juifs. Cependant, même s’ils ne pouvaient pas s’aquitter personnellement de cette tâche d’évangéliser les nations, ils ne contrevinrent pas pour autant aux ordres du Seigneur puisqu’ils prirent les dispositions nécessaires pour qu’elles aussi reçoivent l’annonce de l’Evangile, en particulier en leur déléguant ceux d’entre eux qui étaient les plus à l’aise en grec et les plus familiers avec les institutions païennes. C’est ce qu’indique saint Paul à la fin du verset : « Jacques, Céphas et Jean […] me donnèrent à moi et à Barnabas la main d’association afin que nous allassions vers les païens. » La tradition rapporte également qu’à la fin de sa vie Pierre se rendit lui-même à Rome et y affermit l’Eglise, usant alors d’un interprète (saint Marc) pour communiquer avec les chrétiens d’origine grecque ou latine.

Voir aussi: