Le juge ne sera jugé ni par l’empereur, ni par tout le clergé, ni par les rois, ni par le peuple… « Le premier Siège ne sera jugé par personne »…
Où donc avez-vous lu que les empereurs, vos prédécesseurs, auraient pris part aux assemblées synodales à l’exception peut-être de celles dans lesquelles il a été traité de la foi, qui est universelle, qui est commune à tous, qui ne concerne pas seulement les clercs, mais également les laïcs et en fait tous les chrétiens ?… Plus une plainte est adressée au jugement d’une autorité supérieure, plus il faut se tourner vers une instance plus élevée, jusqu’à ce que, pas à pas, on parvienne à ce Siège dont le jugement est soit modifié en mieux par lui-même, si l’importance de l’affaire l’exige, soit réservé, sans interrogation, au seul jugement de Dieu.
En outre, si vous ne Nous écoutez pas, il en résultera que nécessairement vous serez pour Nous tels que notre Seigneur prescrit de considérer ceux qui dédaignent écouter l’Eglise de Dieu ; d’autant plus que les privilèges de l’Eglise romaine, confirmés par la bouche du Christ dans le bienheureux Pierre, disposés dans l’Eglise elle-même, reconnus depuis les temps anciens, célébrés par les saints synodes universels, et vénérés constamment par toute l’Eglise, ne peuvent d’aucune manière être diminués, limités et modifiés, car le fondement que Dieu a posé, une entreprise humaine ne peut pas l’écarter et ce que Dieu a établi tient de façon ferme et solide… Ces privilèges donc, conférés à cette sainte Eglise par le Christ qui n’ont pas été conférés par les synodes, mais seulement célébrés et vénérés par eux… Nous contraignent et Nous poussent à « avoir la sollicitude de toutes les Eglises » de Dieu (2Co 11,28)…
Car puisque selon les canons le jugement des instances inférieures doit être déféré à l’autorité supérieure pour être annulé ou confirmé, il est manifeste que le jugement du Siège apostolique, pour lequel il n’y a pas d’autorité plus grande, ne doit être réexaminé par personne, « et qu’il n’est permis à personne de juger de son jugement. Car les canons ont voulu qu’on fasse appel auprès de lui de toutes les parties du monde ; mais il n’est permis à personne de faire appel de son jugement »…
Si donc on admet que ce qui a trait au jugement de l’évêque de Rome ne doit plus être examiné – car la coutume le veut elle aussi -, nous ne nions pas que le jugement de ce Siège puisse être modifié en mieux lorsque quelque chose lui a échappé, ou que lui-même, compte tenu des circonstances et du moment, ou en raison d’une grave nécessité, avait décidé d’ordonner quelque chose de façon exceptionnelle, car l’excellent apôtre Paul a lui aussi, comme nous le lisons, fait certaines choses de façon exceptionnelle qu’ensuite, nous le savons, il a réprouvées ; mais dans le cas seulement où celle-ci, à savoir l’Eglise romaine, après examen attentif, a ordonné que cela soit fait, et non quand elle-même a refusé que ce qui a été bien défini soit examiné à nouveau…
Quant à vous, nous le demandons, ne portez pas préjudice à l’Eglise de Dieu : car elle, elle ne porte aucun préjudice à votre empire puisque, au contraire, elle supplie la divinité éternelle pour sa stabilité, et qu’elle prie, avec une dévotion incessante, pour votre conservation et votre salut. Ne vous arrogez pas ce qui lui revient : ne cherchez pas à lui enlever ce qui a été commis à elle seule : car vous le savez, autant il ne convient pas à un clerc, à un homme au service de Dieu, de se mêler aux affaires du siècle, autant assurément un homme chargé des affaires de ce monde doit rester à l’écart des choses sacrées.
Enfin Nous ignorons absolument comment ceux à qui il est permis seulement de présider aux choses humaines et non aux choses divines, osent juger ceux qui s’occupent de ces choses divines. Cela a existé avant la venue du Christ, lorsque certains étaient de façon exemplaire à la fois rois et prêtres; l’histoire sainte rapporte que saint Melchisédech l’a été (Gn 14,18) et cela le diable l’a imité dans ses membres, lui qui toujours cherche à revendiquer pour lui-même, de façon tyrannique, ce qui revient au culte divin, de sorte que les empereurs païens furent appelés en même temps » Souverains pontifes « . Mais dès que l’on fut parvenu à celui qui est à la fois le roi et le pontife véritable, l’empereur ne s’est plus arrogé les droits du pontificat, ni le pontife le nom impérial.
Car le même « médiateur de Dieu et des hommes, l’homme Christ Jésus » (1Tm 2,5) a séparé les fonctions des deux pouvoirs selon des activités propres et des dignités distinctes – voulant qu’elles soient portées vers le haut par leur propre – humilité, et non pas ramenées vers les profondeurs par l’orgueil humain – en sorte que les empereurs aient besoin des pontifes pour la vie éternelle et que les pontifes fassent usage des lois de l’empereur pour le cours des affaires purement temporelles : afin que l’activité spirituelle soit loin des incursions charnelles, et que donc celui qui est au service de Dieu ne se mêle d’aucune manière des affaires séculières (2Tm 3,4) et que d’autre part l’on ne voie pas présider aux affaires divines celui qui est mêlé aux affaires séculières ; en sorte que tout à la fois il soit pourvu à la modestie des deux ordres, afin qu’ils ne s’élèvent pas en s’appuyant sur l’un et l’autre, et que la fonction soit adaptée à chaque fois à ce que sont les actions.
Source : Denzinger ed. 1996, 638 à 642