
Ceci est la traduction d’un article de Dave Armstrong, publié le 5 avril 2017, et qu’il est possible de consulter ici (en anglais). Voir aussi tous ses articles où il examine spécifiquement chaque Père qui est détourné par les apologètes protestants comme soutenant la sola scriptura: https://www.patheos.com/blogs/davearmstrong/2021/12/church-fathers-vs-sola-scriptura-compendium.html
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Notre vidéo sur le sujet:
Ceci est une sorte de résumé, adapté à partir des grandes lignes d’un long débat que j’ai pu avoir avec le polémiste protestant et anti-Catholique Jason Engwer en Juillet 2003. En particulier, les pères de l’Église et leur point de vue pro-traditionnel & anti-Sola Scriptura seront traités séparément et de façon individuelle.
La doctrine du Sola Scriptura n’est pas présente dans les œuvres des pères ainsi que l’affirment régulièrement les nombreux historiens que je cite – Protestants pour la plupart. Toutes mes recherches m’ont jusque là d’autant plus convaincu que ces historiens ont absolument raison. Selon mon point de vue, soutenir le contraire, c’est faire, historiquement parlant, du révisionnisme et de l’anachronisme. J’ai massivement cité des savants protestants à cet égard, et j’en trouve relativement peu qui sont en désaccord avec la position Catholique (à ce sujet). J’ai également montré comment ces historiens relèvent la distinction entre la nécessité matérielle et formelle selon les opinions de plusieurs pères de l’Église. Je vois très peu voire aucune opposition entre les pères de l’Église et les croyances Catholiques, et beaucoup plus d’opposition entre ces mêmes pères de l’Église et les croyances en la Sola Scriptura des Protestants classiques et des évangéliques contemporains.
Je préfère absolument les historiens Protestants J.N.D. Jelly, Philip Schaff et Jaroslav Pelikan par rapport aux pseudo-intellectuels, réécrivant l’histoire, et à peine auto-publiés W. Webster et David T. King.
Si un Père de l’Église mentionne que l’Église est nécessaire dans l’interprétation et la définition de la norme de l’Orthodoxie, et que la tradition est contraignante, alors, il ne croit pas en la doctrine du Sola Scriptura. C’est aussi simple que cela. Il faut considérer chaque réflexion des pères dans le cadre de leur intention globale. Si nous citons uniquement leur pensée à propos des Écritures, alors nous aurons comme unique information leur opinion au sujet des Écritures. Il faut également considérer ce qu’ils ont à dire concernant la Tradition et l’Église, puisque la Sola Scriptura est une position qui prend une position particulière concernant l’importance et l’autorité de ces deux entités.
Qu’un père de l’Église défende en fait une position ou l’autre concernant la Sola Scriptura ne peut donc être déterminé qu’en observant ce qu’il dit de la Tradition et de l’Église. Ce que les polémistes Protestants anti-Catholiques font revient à trouver une citation qui ne contredit pas immédiatement un élément faisant partie de la Sola Scriptura, et ensuite, ils supposent illogiquement, en se basant uniquement sur cette citation, que ce père de l’Église n’avait aucune opinion sur l’autorité de la Tradition et de l’Église. Encore une fois, j’ai montré que dans chaque cas de citation de père de l’Église que j’ai eu à traiter à fond, cette affirmation était fallacieuse. C’est le cas d’école classique d’une citation isolée de son contexte qui sert à montrer ce qu’elle ne veut en réalité pas signifier. Il s’agit d’une erreur logique, portée par une extrême impatience de lire les pères de l’Église de façon anachronique, selon le point de vue moderne et Protestant, concernant l’autorité. Dans ma partie sur Irénée, j’ai cité Jaroslav Pelikan critiquant précisément cet état d’esprit :
Il s’agit clairement d’un anachronisme consistant à superposer aux discussions des second et troisième siècles des rubriques dérivées de controverses sur la relation entre l’Écriture et la tradition du XVIe siècle, puisque ‘dans l’Église anté-Nicéenne … il n’y avait aucune forme de Sola Scriptura, ni de doctrine de la Traditio Sola.
Un père de l’Église peut dire, par exemple, quelque chose comme : « Il n’y a rien de plus grand que la Sainte Écriture ». L’anti-catholique saute sur l’occasion et proclame triomphalement que ce père de l’Église croit en la Sola Scriptura. Mais ceci est une interprétation en toc, excessivement littérale. Le père de l’Église pourrait tout aussi bien dire cela dans le même sens que je pourrais dire toutes les formules suivantes, sans pour autant me contredire :
1. « Il n’y a rien de mieux que du pain sortant du four. »
2. « Il n’y a rien de mieux qu’une tarte aux pommes sortant du four ».
3. « Il n’y a rien de mieux que son jour de mariage pour untel ».
4. « Il n’y a rien de mieux que la naissance du premier enfant d’untel ».
5. « Il n’y a rien de mieux que de ressentir être sur la bonne voie avec Dieu ».
Il peut le dire selon le même sens que l’Apôtre Jean lorsqu’il écrit : « […] vous n’avez pas besoin d’enseignement. Cette onction vous enseigne toutes choses […] » (I Jean II, 27). Selon la mode anti-Catholique de l’interprétation patristique, Jean exclut de toute évidence tout prêcheur Chrétien, n’est ce pas ? Après tout, c’est le sens de la phrase ; on ne peut y échapper : « pas besoin » signifie qu’il n’y a pas besoin qu’un enseignement soit apporté ! L’onction enseigne le croyant en toute chose, c’est pourquoi – c’est assez évident – rien d’autre ne reste pour être enseigné ; d’où l’absence de besoin en prédicateurs. Qui pourrait en douter ?
Mon but est de voir ce que les pères de l’Église, dans leur ensemble ou pris individuellement, ont cru à propos de la Bible et de sa relation à la Tradition, l’Église et la succession apostolique. S’ils avaient le même point de vue que le Protestantisme classique et que les courants protestants contemporains „orthodoxes“ et/ou „conservateurs“ , c’est-à-dire les courant „évangéliques“, alors ils défendaient la Sola Scriptura. Sinon, ils ne soutenaient pas la Sola Scriptura. C’est aussi simple que cela.
Si un chercheur Protestant farouchement anti-Catholique ou même plus œcuménique et plus sérieux venait à démontrer que 1, 2 ou 10 Pères de l’Église croyait en la Sola Scriptura, cela n’aurait pas d’impact sur le doctrine Catholique ou notre ‚étude historique dans la mesure où, en accord avec les Protestants, nous acceptons qu’il arrive quelque fois que les Pères de l’Église se contredisent entre eux -et contredisent même parfois les dogmes de l’Église. Nous n’affirmons pas que chacune des opinions des Pères de l’Église soit infaillible ou contraignante pour la foi, à moins qu’elle ne soit accidentellement identique à une proposition affirmée solennellement par l’Église dans un Concile ou par une proclamation papale infaillible, et dans ce cas, cela n’indique pas que le père possède le charisme de l’infaillibilité ; strictement parlant, il se trouve qu’il a dit a la vérité cette fois là.
Même St Augustin n’est pas tenu en si haute estime, ni le plus tardif St Thomas d’Aquin, reconnu comme un géant parmi les Pères de l’Église. Ce que nous affirmons, c’est que le consensus global des Pères de l’Église est une forte preuve historique en faveur de la vérité d’une doctrine Catholique en particulier.Si quelqu’un venait à montrer que 50 Pères de l’Église acceptaient la Sola Scriptura (la position ridicule de Webster), alors cela nous poserait un problème. Mais je maintiens que Webster, King, Engwer et les autres polémistes anti-Catholiques n’ont pas démontré qu’un seul Père de l’Église défendait la Sola Scriptura.
Des livres entiers sont écrits au sujet de la supposée croyance des Pères de l’Église en la Sola Scriptura, alors qu’en réalité, ils expriment leur croyance en la suffisance matérielle des Écritures, et son inspiration et sa suffisance pour réfuter, de façon générale, les hérétiques et les fausses doctrines.Il est simple de les présenter faussement comme des tenant de la Sola Scriptura en omettant de mentionner leurs autres opinions à propos de la Tradition apostolique, de la succession apostolique ou de l’autorité contraignante de l’Église, et particulièrement à l’occasion de ses Conciles.
Nous pourrions, par exemple, citer St Vincent de Lérins, qui semble presque répondre aux même questions polémiques anti-Catholique, et donner des réponses similaires aux miennes. Allant même jusque distinguer -conceptuellement – la suffisance matérielle et formelle :
[…] quelqu’un pourrait peut-être demander : „Puisque le canon des Écritures est complet, et est suffisant par lui même en toute chose, et plus que suffisant, d’où vient ce besoin d’y mêler l’autorité de l’interprétation de l’Église ?“ Pour cette raison, parce que du fait de la profondeur des Saintes Écritures, tous ne l’acceptent pas dans un même et unique sens, mais l’un la comprend d’une manière, un autre d’une autre manière ; ainsi, il semble qu’il soit possible qu’il y ait autant d’interprétations que de lecteurs.
Dans ce contexte, mon approche dans l’étude des Pères de l’Église est d’examiner le contexte de leurs affirmations et de chercher s’ils pensent que l’Écriture est formellement suffisante afin d’être une autorité par elle même sans avoir la nécessité de l’aide de la Tradition et de l’Église, ou si ce n’est pas le cas, avec l’appui d’autres affirmations de leur part. Une proposition avancée par un intellectuel doit être examinée dans le contexte de sa pensée plutôt que d’être dispersée en morceaux sans lien avec les autres. En réalité, affirmer qu’une citation séparée de son contexte „prouve“ quelque chose qu’elle n’affirme pas ne prouve rien.
C’est pourquoi les Catholiques n’ont souvent pas le besoin de traiter ces citations apportées par les anti-Catholiques, puisque celle-ci montrent en réalité, de façon sélective et radicalement incomplète, le point de vue de ces mêmes personne sur les Écritures. Les Catholiques sont d’ailleurs totalement d’accord avec ces citations. Mais il est nécessaire d’examiner ce que la même personne a écrit à propos de la Tradition et de l’Église afin de pouvoir déterminer comment les Pères cités considéraient la relation entre les trois points suivants :
-l’Écriture, la Tradition et l’Église -,
il s’agit en fait du sujet de fond du débat : chaque point entretient une relation spécifique avec les autres, il s’agit du débat sur l’autorité propre de l’Église et de la Règle de Foi. Dans la plupart des cas, les citations patristiques sont un simple énoncé de la suffisance matérielle des Écritures, point qui n’est pas contesté ni par les Catholiques ni par les Protestants. Encore une fois, il est nécessaire d’avoir plus d’information sur Père de l’Église cité afin de pouvoir conclure quant à son opinion précise sur le sujet. En toute logique, les écrits des pères de l’Église concernant les Écritures ne rejettent pas une notion d’autorité, incluant la Tradition et l’Église, telle que formulée par les Catholiques.
La suffisance matérielle des Écritures énonce que toutes les doctrines Chrétiennes peuvent être trouvées dans les Écritures, de façon explicite ou implicite, pleinement développée ou sous forme embryonnaire. Les Catholiques croient en cette suffisance matérielle des Écritures.
La suffisance formelle des Écritures formule le principe de la Sola Scriptura en tant que la Règle de Foi. Les Catholiques n’acceptent pas cette suffisance formelle, et j’affirme que les Pères de l’Église en font autant quoique ayant été Catholiques durant une époque lointaine, moins développée du point de vue théologique et ecclésiologique.
Hâté de citer des Pères de l’Église en totale adéquation avec le point de vue Protestant de la Sola Scriptura, Jason Engwer rétorque : „Je ne connais pas de contradictions avec la Sola Scriptura chez Theonas ou Dyonysius d’Alexandrie“.
C’est une faible prestation étant donné que son camarade William Webster a affirmé que pratiquement tous les Pères de l’Église acceptaient la Sola Scriptura. Par ailleurs, demandons nous d’abord quel est le poids de Theonas ? C’est une figure si mineure que je n’ai pas trouvé son nom dans le Dictionnaire d’Oxford de l’Église Chrétienne, les commentaires de Schaff, Kelly, Latourette (Histoire de l’Église, volume2), de Pelikan ; pas même dans l’Encyclopédie Britannica. Restons sérieux tout de même. Je suspecte que le désigner en Père de l’Église est une exagération. Et c’est tout ce que Jason a pu fournir comme Pères ayant adoptés la Sola Scriptura. C’est un peu court pour être pris au sérieux. Cependant, Jason fait ailleurs la grandiose affirmation suivante :
Si les Pères de l’Église rejetaient le point de vue Catholique Romain de l’histoire de l’Église, son système d’autorité, sa vision du salut, [11 autres éléments sont mentionnés..]… que devrions nous penser de l’affirmation selon laquelle les Pères de l’Église étaient Catholiques ?
Le „système d’autorité“est le sujet principal à traiter vis à vis de la Sola Scriptura. Si „les Pères de l’Église“ rejetaient le système d’autorité „Romain“, alors il est très probable qu’ils acceptaient une autorité alternative. Pressé de répondre, Jason a évoqué 2 Pères qui, selon lui, ont immanquablement défendu la Sola Scriptura ; l’un deux est extrêmement inconnu et il est même à peine approprié de le désigner comme l’un des Pères ? Est-ce supposé être une position impressionnante ? Désolé ; je pense que ce n’est pas du tout le cas. Je trouve cela risible.
J’ai déjà réfuté ses propos concernant Dyonisus. Je suis convaincu que même si je trouvais quoi que ce soit sur le très discret Theonas, Jason ne changerait pas d’opinion. Même si Theonas était d’accord avec Jean Calvin (qui ne le cite pas dans son Institution de la religion Chrétienne, tandis que l’ouvrage mentionne plutôt des douzaines de Pères de l‘Église), et alors ? Il s’agit d’une personne considérée comme si mineure parmi tous les Pères … Le discret Theonas et Dionysus ne sont pas suffisant afin de former un „consensus“ important. C’est pourquoi je maintiens mon opinion actuelle qui est de plus corroborée par les faits historiques ainsi que par des historiens Protestants de renom.
La nature exacte de certaines traditions auxquelles un Père se réfère est un sujet distinct du fait que ce Père attribue une relation entre cette tradition et l’Écriture. La Sola Scriptura est une opinion concernant la relation entre l’Écriture, la Tradition et l’Église (ou la Règle de Foi). L’opinion Catholique de la question s’en distingue. La Sola Scriptura attribue une place inférieure ou subordonnée à la Tradition. Jason Engwer affirme que :
Les opposants à la Sola Scriptura répondent souvent à de telles citation (des Pères de l‘Église) en proposant des citations des Pères de l’Église se référant à la Tradition. Cependant, il ne s’agit pas de savoir s‘ils croyaient en la Tradition. La problématique est de savoir quelle était leur règle de Foi.
Ceci montre la confusion et la mauvaise compréhension par Jason (et par l’archétype des anti-Catholiques) des problématiques faisant l’objet de la discussion en cours ; et c’est pourquoi ils pensent ensuite que toutes mes citations traitant de la Tradition, de l’Église, et de la succession apostolique sont hors sujet, alors qu’elle sont précisément nécessaires afin de déterminer quelles étaient les croyances des Pères. La Sola Scriptura considère de façon particulière la place et l’importance de la Tradition et de l’autorité de l’Église par rapport à la Sainte Écriture. Il s’ensuit assez évidemment qu’il est nécessaire de comprendre comment un Père considérait l’autorité de la Tradition et de l’Église afin de déterminer s’il croyait en la Sola Scriptura ou sur une autorité reposant sur 3 pieds, les 3 canaux de la révélation.
Ainsi donc, chaque citation que j’apporte au sujet de la tradition, l’Église et la succession apostolique est tout à fait appropriée et même nécessaire au dialogue (et plus il y en a, mieux c’est, puisque cela apporte plus d’indices et de données à traiter). La Règle de Foi est directement liée à la nature de l’autorité Chrétienne : La Bible, l’Église, et la Tradition et leurs relations entre elles : comment elles s’ordonnent et se complètent.
De plus, la présence de conceptions différentes de la Tradition chez les Pères ne nuit pas à mon objectif de déterminer s’ils croyaient en la Sola Scriptura ou non. Admettons que 3 Pères considèrent différemment ce qu’est la Tradition. Ceci ne pose aucune difficulté pour mon raisonnement, car il ne nécessite pas une définition claire et précise de la Tradition partagée par chaque Père, mais plutôt de la manière dont cette Tradition est considérée par rapport à l’Écriture. Prenons l’exemple ci-dessous :
1.Le Père de l’Église n°1 croit que la tradition est l’ensemble des choses uniquement orales qui se sont transmises et qui sont toujours explicitement mentionnées dans l’Écriture.
2.Le Père de l’Église n°2 croit que la tradition est l’ensemble des choses uniquement orales qui se sont transmises et qui sont toujours explicitement ou implicitement mentionnées dans l’Écriture.
3.Le Père de l’Église n°3 croit que la tradition est l’ensemble des choses orales ou écrites qui se sont transmises et qui sont toujours explicitement mentionnées dans l’Écriture.
4.Le Père de l’Église n°4 croit que la tradition est l’ensemble des choses orales ou écrites qui se sont transmises et qui sont toujours explicitement ou implicitement mentionnées dans l’écriture.
5.Le Père de l’Église n°5 croit que la Tradition est l’ensemble des choses orales ou écrites qui se sont transmises et qui sont toujours explicitement ou implicitement mentionnées dans l’Écriture, incluant l’Écriture elle-même, puisque la Bible est inspirée constitue une part proéminente de la tradition apostolique au sens large, et est aussi importante que la „parole de Dieu“ et l’“Évangile“ avec la „Tradition“.
Et ainsi de suite. Il peut y avoir un grand nombre d’opinions différentes, mais ils acceptent tous l’autorité de la tradition apostolique. L’argument de fond étant qu’un Père peut concevoir n’importe laquelle de ces définitions de la „tradition“et tout de même être en opposition avec la Sola Scriptura, selon la manière dont il considère la tradition par rapport à l’Écriture et vice versa. Donc, si l’objectif de la discussion est de montrer qu’un Père ne croyait pas en la Sola Scriptura, le sens qu’il attribue à la „Tradition“ n’affectera pas la démonstration s’il attribue en réalité à la tradition une autorité telle que s’opposant à la règle de foi protestante de la Sola Scriptura.
Ainsi donc, si les Pères de l’Église 1, 2, 3 4 et 5 appliquent chacun leur définition spécifique de la „tradition“ et croient que l’Église et la Tradition partagent dans la pratique une autorité et un rôle nécessaire dans l’interprétation des Écritures, et qu‘il est alors insensé de les opposer l’un à l’autre et qu’elles ne s’opposent pas, mais sont complémentaires, ils rejettent la Sola Scriptura. Point. Peu importe la définition de la „Tradition“ adoptée par les Pères ; le raisonnement porte sur les relations entre la Tradition, l’Église et l’Écriture. Peu importe que les points de vue des Pères ne coïncident pas en tout point, selon le contexte historique et le développement théologique qui est le leur, au mien -celui d‘un Catholique contemporain. Par définition, les Pères ne peuvent pas croire en des enseignements de l‘Église et en la tradition infaillibles et contraignantes d’un côté et adhérer en la Sola Scriptura de l’autre.
Nous nous attendons à ce qu’il y ait des différences et des discussions et des développements du concept de la tradition et de l’autorité comme cela a été le cas pour tout le reste. C’est là toute la raison d’être de la théologie et la mise en pratique de la vie et des enseignements chrétiens.
Les historiens Protestants que j’ai cité sont d’accord avec mon raisonnement de manière générale :
Philip Schaff :
Les pères de l’Église, et tout particulièrement Irénée et Tertullien, ne se réfèrent pas qu‘à l’Écriture, en effet la „Règle de Foi“ est également mentionnée avec autant de force ; il s’agit de la foi commune de l’Église, oralement transmise par la succession apostolique ininterrompue depuis le Christ et ses apôtres jusqu’au temps des Pères.
Heiko Otherman :
Augustin reflète […] le principe de l’Église primitive de la coexistence de l’Écriture et de la Tradition. Alors qu’il affirme répétitivement que l’autorité ultime est l’Écriture, Augustin ne s’oppose en rien à l’autorité de l’Église Catholique […]
Jaroslav Pelikan :
Mélanger les discussions des IIe et IIIe siècle d’une part et les catégories dérivées des controverses nées au XVIe siècle ayant pour sujet la relation entre l’Écriture et la Tradition d’autre part, consiste de toute évidence à faire un anachronisme […] Cette tradition apostolique était si présente que même si les apôtres n’avaient pas laissé l’Écriture comme élément normatif assurant leur doctrine, l’Église serait encore capable de suivre „la structure et la tradition qu’ils léguèrent à ceux à qui ils ont remis l’Église.“ [Haer, 3, 4, 1]
J.N.D. Kelly
D’une certaine manière […], comme par exemple contre les hérétiques, Augustin a rendu l’autorité de la Sainte Écriture dépendante de l’autorité de l’Église Catholique. […] L’église Protestante rend l’autorité des conciles généraux, et des toutes les traditions ecclésiastique dépendante à la Sainte Écriture selon leur degré de conformité à celle-ci, tandis que les églises Romaine et Grecque les font s’harmoniser. Il n’y a pas non plus de distinction faite entre une église visible et une église invisible. Toute l’antiquité Catholique n’a pensé qu’à une une église réelle, historique. […]. Les Pères de cette période ont tous vu dans l’Église, bien qu’à des degrés de précisions différents, […] la détentrice et l’interprète des Saintes Écritures, la mère de tous les fidèles. […] Identiquement, le caractère apostolique est inséparable de l’Église ; il s’agit de la continuité historique, de la succession ininterrompue. […] Du point de vue des pères, tout égarement, même théorique, de cette église empirique, tangible et catholique est une hérésie. […] Aucune hérésie ne peut atteindre la conception de l’Église,[…] elle est divine et indestructible. Ceci est sans aucun doute l’opinion des Père anté-Nicéen, et même celle des spiritualistes et spéculatifs Alexandriens.[…]
[…] Il n’y a rien, les probabilités diraient très peu plausible voire invraisemblable, qui puisse suggérer que les prêcheurs Chrétiens avaient ces livres en tête [le Nouveau Testament] la plupart des fois où ils se réfèrent au témoignage apostolique. Il est bien plus probable qu’ils faisaient généralement allusion au corps des faits et doctrines suffisamment définis dans les grandes lignes, quoique énoncés de façon variable, et trouvant leur fondement dans les prêches quotidiens de l’Église, la liturgie, les instructions catéchétiques aussi bien que dans ses documents formels […]. […]alors que les Écritures (l’Ancien Testament) et le témoignage apostolique étaient formellement mutuellement indépendants, ces pères semblent avoir traités leurs contenus comme virtuellement coïncident. […]. Deuxièmement, le témoignage apostolique n’était pas encore connu en tant que ‚Tradition‘.(Early Christian Doctrines, HarperSanFrancisco, édition révisée de 1978, 33-34; référence à la „période primitive“)
Kelly continue en évoquant la période d’Irénée et Tertullien (IIe siècle) :
[…] la distinction entre les Écritures et la tradition vivante de l’Église comme canaux d’égale importance de ce témoignage apostolique devint alors plus claire, et une importance plus grande commença à être lié à la tradition. (Ibid., 35-36)
Évoquant les IIe et IV siècle, il déclare :
[…] les fondements de la tradition se sont étendus et sont devenus plus explicites. La révélation originale confiée par le Christ et communiquée à l’Église par Ses apôtres demeura l’autorité doctrinale suprême, Il s’agit de la ‚Tradition‘ (paradosis, traditio) divine ou apostolique au sens strict du terme. Il a ensuite été pris pour acquis que cette Tradition trouva son fondement dans les Saintes Écritures, la liturgie, et de façon générale dans l’enseignement oral de l’Église ; et l’usage du terme ‚Tradition‘, avec ou sans les qualificatifs ‚ecclésiastique‘ ou bien encore ‚des pères‘ afin de décrire la tradition telle que susmentionnée est devenue de plus en plus commune. (Ibid., 41-42)
Au cours de cette période, l’Écriture et la Tradition furent considérés comme des autorités complémentaires ; des médias différant par la forme mais dont le contenu coïncidait. Mener l’enquête afin de déterminer lequel des deux prévalait revient à poser le problème en des termes anachroniques et trompeurs. Si l’Écriture était amplement suffisante sur le principe, la tradition fut reconnue comme le moyen le plus certain afin de l’interpréter, puisque l’Église a conservé dans la tradition un témoignage des apôtres qui a été imprimé dans les organes de la vie institutionnelle, et une attache infaillible au rôle et au sens réels de la révélation à laquelle l’Écriture et la tradition rendent témoignage. (Ibid., 47-48)
William Webster, amateur, historien quasi auto-édité et anti-Catholique, soutient que pratiquement tous les pères de l’Église croyaient en la Sola Scriptura tandis que des historiens professionnels et de renom comme Schaff, Kelly et Pelikan croient que ce n’était le cas d’aucun père. Les historiens qui sont familiers avec les pères, qui se spécialisent en patristique, et en histoire de l’Église, et en histoire de la théologie ainsi que dans les développements doctrinaux de cette dernière contredisent catégoriquement ces affirmations anti-Catholiques.
Les Anti-Catholiques concluent rapidement que les Pères étaient aussi logiques que des bretzels et totalement incohérents.
J’ai plus de facilité à conclure qu’eux-mêmes sont ceux qui font preuves de difficulté en matière de logique, et non pas ces hommes brillants que sont les pères, malgré les erreurs qu’ils ont pu commettre aussi bien que n’importe qui. Je préfère me tromper en choisissant la prudence et en me rangeant du côté des pères.
Beaucoup de passages patristiques sont cohérents avec la Sola Scriptura prima facie (et ce, de façon logique), mais aucun ne montre que les personnes assénant ces affirmations professent la Sola Scriptura : il faut plus d’information afin de pouvoir déterminer cela. Par exemple, on retrouve cette même différence entre les deux propositions suivantes :
1. L’affirmation A est cohérente avec la doctrine de la Sola Scriptura et ne la contredit pas.
*
2. L’affirmation A prouve sans aucun doute que son rédacteur professe la Sola Scriptura en tant que principe formel d’autorité contre la règle de Foi Catholique ; la Bible, la Tradition, l’Église et la succession apostolique – que le rédacteur rejette dans le même passage.
Je soutiens après avoir étudié le sujet qu’on se trouve dans le cas #1 et pas dans le cas #2. Je ne vois aucune citation patristique anti-Catholique s’approcher d’une proposition telle que la #2, et, dans les faits, d’autres citations des mêmes pères démontrent ou suggèrent grandement qu’il ne croyaient pas en la Sola Scriptura (ceci a été montré en regardant comment ces pères considéraient l’Église, la Tradition, et la succession apostolique par rapport à la Sainte Écriture). Voici ci-après quelques exemples de citations remplissant les conditions de la proposition #1 :
1.L’Écriture est un ensemble de textes magnifiques et inspirés ; les paroles de Dieu, le meilleur livre du monde, la révélation divine, infaillible et profitant à tous ses lecteurs spirituellement parlant.*
2.Toutes les doctrines Chrétiennes se trouvent dans l’Écriture.
3.Toute l’Écriture est inspirée par Dieu ; elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ; grâce à elle, l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien. (2 Tim 3:16-17)
4.[…]le canon de l’Écriture est complet, et suffisant en lui-même pour tout […]. (St Vincent de Lérins, Commonitory2:5)
5.Nous acceptons tout ce qui a été établi par les preuves et les enseignements de la Sainte Écriture. (Dionysus d’Alexandrie)
6.Si une personne avait une Bible sur une île déserte, et ne connaissait pas la moindre chose du christianisme, l’Église ou l’histoire de l’Église,alors elle pourrait certainement atteindre le salut eschatologique par le moyen de la Bible seule.(Dave Armstrong, more biblical evidence for catholicism, chapitre 11 : „les problèmes pratiques insurmontables posés par la Sola Scriptura, p.73)
Toutes ces affirmations sont parfaitement cohérentes avec la Sola Scriptura et la position Catholique. Mais il n’y a pas assez d’information dans l’une d’elle afin d’affirmer de façon positive qu’elles enseignent la Sola Scriptura et pas une autre opinion. Dans cette ambiguïté se trouve toute la distinction entre„être cohérent avec“ou bien encore „non contradictoire“et „une preuve positive“.
J’ai même fait preuve de fair play en acceptant la possibilité que certains Pères aient en effet adhéré à la Sola Scriptura (il est nécessaire de rester ouvert d’esprit envers tout fait potentiellement démontrable), mais j’affirme que les polémistes anti-Catholiques et pseudo-historiens amateurs n’ont, à ce jour, et dans aucun cas, démontré cette éventualité.
De mon côté, je continue d’accepter le jugement général des historiens que j’ai cité : les Pères, pris comme un groupe, ne croyaient pas en la Sola Scriptura. Absolument rien parmi ce que les anti-Catholiques ont pu apporter ne m’a fait changé d’avis.
La plupart des affirmations des Pères (et peut-être même toutes ) que les anti-Catholiques ont mis sur la table ne sont pas incohérentes avec la Sola Scriptura (ceci a été ma position tout le long du développement, et c’est pourquoi les polémistes Protestants pensent voir à tort tant de „preuves patristiques“ de la Sola scriptura), elles ne sont tout simplement pas des preuves adéquates, et cette inadéquation est systématique (ceci est tout aussi vrai concernant les „preuves“ autoproclamées de la Sola Scriptura dans l‘Écriture). Je n’ai toujours pas vu un seul texte probant qui puisse soutenir la position adverse dans ces deux cas.
Pour soutenir le travail de Dave Armstrong, vous pouvez lui faire un don via les instructions ici ou au compte paypal suivant: apologistdave @ gmail.com.