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La papauté schismatique, de Wladimir Guettée

Critique de l’oeuvre de Wladimir Guettée, par Oreste Brownson

Extrait traduit de « The Catholic World », 1867

Article I

Ce volume se veut la traduction d’un ouvrage français intitulé La Papaute Schismatique : ou Rome dans ses Rapports avec l’Eglise Orientale. La raison pour laquelle le traducteur ou l’éditeur a changé le titre nous est inconnue, à moins que cela ait été fait pour déguiser le réel caractère de l’œuvre et inciter ainsi les catholiques à l’acheter, en pensant qu’il a été écrit par un théologien de l’Eglise catholique.

Nous ne sommes pas en mesure de dire si une telle liberté avec le texte a été prise tout du long car nous n’avons pas eu la patience de comparer la traduction avec l’original, sauf dans de très rares cas ; mais dans l’ensemble ressort un manque d’honnêteté et de franchise. Sur la page de titre, on nous promet une introduction par l’évêque épiscopal protestant de Western New York mais dans le livre lui-même, on ne trouve que la préface de l’éditeur de quelques pages. Même cette préface manque de franchise et semble destiné à tromper. « L’auteur de ce travail », écrit le rédacteur,  n’est pas un protestant. C’est un érudit français élevé dans la communion avec Rome, et dévoué à sa cause dans un dessin de cœur et de vie ». Cela donne l’impression que l’auteur est encore un membre, et un membre dévoué de l’Église romaine, ce qui n’est pas le cas. « Mais son grand savoir l’ayant conduit à des conclusions contraires à celles des Jésuites, il tomba sous l’interdiction ; » c’est à dire, nous le supposons a été interdit. Cela continue la même tromperie, faisant croire qu’il a été interdit parce qu’il a rejeté certaines des conclusions des Jésuites tout en restant essentiellement orthodoxe et obéissant à L’Église, une chose qui n’a pas pu se produire, à moins qu’il n’ait attaqué la foi Catholique, l’autorité ou la discipline de l’Église en communion avec le Siège apostolique de Rome

Nous lisons encore : »Proscrit par la papauté, il accepte enfin les conséquences logiques de sa position…recevant la communion sous les deux espèces de la main des Grecs dans l’église de l’ambassade de Russie à Paris. » Pourquoi ne pas avoir dit simplement : L’auteur de ce travail a été élevé dans la communion de Rome mais tombant sous la censure des opinions émises dans ses écrits, il a quitté cette communion, ou a été coupé de celle-ci, a été ensuite reçu dans l’Église russe, ou la communion des dits Grecs, et a écrit ce livre pour prouver que la communion qui l’a reçu n’est pas légitime et que celle qui l’a formé est schismatique ? Cela aurait été la simple vérité ; mais nous oublions, l’éditeur est un poète et accoutumé à traiter dans la fiction.

            L’éditeur, qui a un talent rare pour embellir la vérité nous dit que « la notice bibliographique préfixée de l’œuvre… donne l’assurance de la capacité de l’auteur de traiter le sujet de la papauté avec la connaissance la plus intime de son caractère pratique. »Il ne fait pas une telle chose, mais, au contraire, prouve qu’il n’a jamais été dévoué à la communion de Rome ; que même lors de son enfance, il a assumé une attitude d’hostilité réelle, bien que secrète, à la papauté. Son premier ouvrage est une histoire de l’Église en France, dont le plan a été conçu et formé alors qu’il était au séminaire, et ce travail n’est guère moins défavorable à la papauté que celui que nous avons devant nous. Son esprit est anti-Roman, anti-papal, plein de venin contre les papes, et il semble avoir mené sa guerre contre la papauté sous le couvert du gallicanisme, jusqu’à ce que même son évêque gallican, qui ne pouvait plus le tolérer, lui interdise de dire la messe.

            Son biographe donne un aperçu plus complet de son caractère, qu’il ne l’avait prévu. «Dès son plus jeune âge, dit-il, son esprit semble s’être révolté contre la routine fatigante de l’instruction prescrite aux séminaristes, et, dans sa soif ardente de connaissance et d’acquisition rapide, il s’est affranchi des limites prescrites. Il lisait et étudiait en secret. » C’est-à-dire, en clair, il était impatient de direction dans ses études, révolté contre faire la préparation nécessaire pour lire et étudier avec avantage, rejeté le cours prescrit des études, et suivait son propre goût ou inclination à aborder des questions qu’il n’avait pas la connaissance préalable et la discipline mentale et spirituelle à aborder avec sécurité. Il y a en grand nombre des questions de grande importance qu’il convient nécessairement de traiter mais elles doivent l’être seulement à un moment adéquat après que les études classiques du séminaire soient achevé avec succès. La plupart des erreurs dans lesquelles les hommes tombent proviennent de la tentative de résoudre des questions sans les connaissances et la discipline nécessaires. Les études et la discipline du collège et du séminaire peuvent sembler épuisantes et inutiles aux jeunes hommes impatients et inexpérimentés, mais elles sont prescrites par la sagesse et l’expérience et celui qui ne s’est jamais soumis à ces dernières ni n’a jouit de leurs avantages ressent de l’attrait pour elles tout au long de sa vie, qu’importe le degré d’éminence auquel il ait pu parvenir sans elles. C’est une grande perte pour quiconque de ne pas avoir supporté le joug dans sa jeunesse.

Il ressort clairement de la biographie de M. Guettee qu’il n’a jamais étudié la question papale en tant qu’ami de la papauté. Il n’est donc pas mieux en mesure de le traiter que s’il avait été élevé dans l’anglicanisme ou dans le sein du schisme grec. Ce n’est pas un homme qui aurait cru une seule fois fermement au primat du Saint-Siège, et qui, par son étude et sa grande connaissance, se serait trouvé contraint à contrecoeur de le rejeter :mais plutôt, étant tombé sous la censure papale, il tente de se justifier en prouvant que le pape qui l’a condamné n’a aucune juridiction, et n’a jamais reçu de Dieu aucune autorité pour le juger. Il n’est pas un témoin insoupçonné, il n’est pas un juge impartial, car il juge dans sa propre cause. Sa condamnation a précédé son changement de communion. Il n’est pas un témoin vierge de tout soupçon, il n’est pas un juge impartial car il juge dans sa propre cause. Sa condamnation a précédé son changement de communion.

L’éditeur parle de la grande érudition de l’auteur, et dit à son propos : »il écrit avec science et précision, et avec la plume d’un homme de génie. » C’est peut-être vrai, mais nous n’avons pas découvert cela de notre côté. Son livre, nous l’avons trouvé très terne, et il a exigé tout l’effort dont nous sommes capables pour le parcourir. À notre connaissance, il manque à la fois de science et de précision. Il s’agit d’un livre de détails qui ne sont rattachés à aucun principe, et ses arguments reposent entièrement sur des déclarations vagues et inexactes ou des hypothèses audacieuses. Nous avons rarement rencontré une œuvre si peu sophistiqué et qui manquait à ce point de véritable logique. Quant à l’apprentissage, nous n’avons certainement rien appris, car l’auteur ne nous a rien raconté que nous ne connaissions pas auparavant. Il n’y a non plus aucun élément nouveau qui ne puisse être trouvé dans n’importe lequel de nos traités catholiques sur l’autorité du siège de Pierre et le pontife romain. Toutes ses objections qui vaillent la peine d’être remarquées peuvent être trouvées avec leurs réponses dans The Primacy of the Apostolic See Vindicated, par le regretté Francis Patrick Kenrick, ancien archevêque de Baltimore, une œuvre de modestes prétentions, mais d’un mérite réel difficile à exagérer.

            Bien que le livre de M. Guettee soit loin de nous déconcerter par ses enseignements ou de nous submerger par sa logique, nous ne trouvons pas facile d’y répondre de manière concise et rapide dans une mesure raisonnable. Ce n’est pas un travail scientifique. Des principes qu’il pose, il n’y en a aucun que l’auteur prouve ou développe, mais il s’attarde sur des détails, des déclarations détachées, des affirmations, et des critiques, qui ne peuvent être répondues séparément sans étendre la réponse environ deux ou trois fois la durée de l’œuvre elle-même, car une objection peut être formulée en beaucoup moins de mots qu’il n’en faut pour la réfuter. L’auteur écrit sans méthode, et ne semble jamais avoir songé à classer ses preuves, et d’arranger tout ce qu’il a à dire sous des têtes appropriées. En effet, il n’a pas de principes, et il ne fournit aucune preuve; il ne fait que des observations sur les preuves de la papauté avancées par nos théologiens et s’efforce de prouver qu’ils ne signifient pas ce que nous disons qu’ils signifient ou qu’ils peuvent être compris dans un sens différent. C’est pourquoi, les uns après les autres, il répète sans cesse les mêmes choses, avec une répétition des plus fatigantes, qui demande en réponse une répétition tout autant fatiguant. Si l’auteur avait pris le temps, s’il en avait eu la capacité de réduire ses objections à l’ordre et à leur valeur réelle, quelques pages auraient suffi à les énoncer et à les réfuter. Dans l’état actuel des choses, nous faisons de notre mieux dans l’espace de temps qui nous est alloué.

            L’auteur prétend écrire du point de vue d’un grec non uni[à Rome], qui aurait eu peu de querelles avec Rome, sauf sur la seule question de la papauté. Il concède en quelque sorte le primat de Pierre, et que l’évêque de Rome est le premier évêque de l’Église. Bien que ne l’étant pas par droit ecclésiastique, il a le primat de la juridiction, mais pas la juridiction universelle; mais il nie que le pontife romain a la souveraineté de l’église universelle par droit divin. Il dit que son étude du sujet l’a amené à ces conclusions : « 1. L’évêque de Rome n’a pas depuis huit siècles possédé l’autorité de droit divin qu’il a depuis cherché à exercer; 2. La prétention de l’évêque de Rome à la souveraineté du droit divin sur l’ensemble de l’église était la véritable cause de la division, » ou schisme entre l’Est et l’Ouest.

            Ces mêmes propositions dans l’original, pour ne rien dire de la traduction, montrent un grand manque de précision dans l’auteur. Il aurait mieux exprimé sa propre pensée s’il avait dit : «L’évêque de Rome n’a pas pendant huit siècles tenu par le droit divin l’autorité qu’il a depuis réclamé, et la prétention de l’évêque de Rome à la souveraineté de toute l’église par droit divin a été la véritable cause du schisme ». Nous nous opposons à ce mot souveraineté, mais pour le moment passons.

            L’auteur s’engage à prouver ces 2 propositions, et il tente de les prouver en montrant ou en affirmant que les preuves que nos théologiens allèguent des Saintes Écritures, les pères et les conciles, ne prouvent pas la primauté revendiquée par l’évêque de Rome. Si cela était fait, ce serait adéquat si la question était autour de l’admission des revendications du pontife romain, mais en aucun cas lorsqu’il est question de rejeter ces revendications et évincer le pape de sa possession. L’auteur doit aller plus loin. Il ne suffit pas de démontrer que nos preuves de titre sont insuffisantes; il doit réfuter le titre lui-même, soit en prouvant qu’un tel titre n’a jamais été délivré, soit qu’il est dévolu à un demandeur adverse. Cela, comme nous le verrons, il ne le fait absolument pas. Il établit, à juste titre, aucun demandeur défavorable, et ne prouve pas qu’un tel titre n’a jamais été délivré.

            Il nous suffit, en réponse, de plaider possession. Le pape est, et a longtemps été, en possession par la reconnaissance de l’Orient et de l’Occident, et c’est à l’auteur de montrer les raisons pour lesquelles il devrait être évincé, et, si ces raisons n’invalident pas nécessairement ses possessions, le pape n’est pas obligé de montrer ses titres. Tout ce qu’il a besoin de réponse est. Olim possideo.

            Que le pape est en possession de tout ce qu’il prétend posséder est évident non seulement du fait qu’il a dès les premiers temps exercé la primauté de la juridiction réclamée pour lui, mais du Concile de Florence tenu en 1439. « Nous définissons », disent les pères du concile, « que le saint siège apostolique et le pontife romain détient la primauté dans le monde entier, et que le pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, prince des apôtres et vrai vicaire du Christ, et chef de toute l’Eglise, père et maître de tous les chrétiens, et que lui est donné en bienheureux Pierre, par notre Seigneur Jésus-Christ, pleine puissance pour nourrir, diriger et gouverner l’Église universelle; et ipsi B. Petro pasoendi, regeivli, et gubernandi plertampolestatem traditam

            Cette définition a été faite par l’église universelle, car le concile a été souscrit par les évêques de l’Orient et de l’Occident, et parmi les évêques de l’Orient qui l’ont accepté étaient les patriarches de Constantinople et d’Alexandrie, et les métropolites de Russie, avec ceux de Nicée, Trebizond, Lacedaemon et Mitylenae. Nous savons très bien que les Grecs non unis rejettent ce concile, bien que l’Église d’Orient y ait été plus pleinement représentée que l’Église d’Occident dans celle de Nicée, la première de Constantinople, Ephèse, ou Chalcédoine; mais c’est aux Grecs non unis de prouver que, en le rejetant et en refusant l’obéissance à ses décrets, ils ne sont pas schismatiques. En tout cas, le concile est suffisant pour prouver que le pape est en possession par le jugement de l’Est et de l’Ouest, et de renvoyer la charge de preuve à ceux qui nient l’autorité papale et affirment que la papauté est schismatique.

            Avant de dévoiler ses preuves, l’auteur examine les Saintes Ecritures pour vérifier « si les prétentions de l’évêque de Rome à une souveraineté universelle de l’Église ont, comme il est allégué, quelque fondement dans la parole de Dieu. » (p. 31.) La traduction ici est inexacte, il devrait être : « Si les prétentions, etc., à la souveraineté universelle de l’église ont, comme il est allégué, leur fondement dans la parole de Dieu. » L’auteur lui-même se serait mieux exprimé s’il avait écrit «la souveraineté de l’Église universelle», au lieu de «la souveraineté universelle de l’Église». Mais l’auteur se trompe sur la vraie question qu’il doit se poser. La vraie question pour lui n’est pas de savoir si la primauté que nous attribuons au pontife romain a son fondement dans la parole écrite mais si quelque chose dans la parole écrite la nie ou la contredit. Le primat peut exister comme un fait et cependant n’être pas cité dans les Ecritures. La constitution de l’Eglise est plus vieille que n’importe quelle partie du Nouveau Testament et il est très concevable que, comme l’église doit connaître sa propre constitution, il n’ait pas été jugé nécessaire d’en rendre compte dans la parole écrite. L’Eglise détient la parole écrite, mais n’existe pas par elle ou sous elle, mais de la nomination directe et immédiate de Jésus-Christ lui-même, et est inconcevable sans sa constitution.

            L’auteur commet une autre erreur, en utilisant le mot souveraineté au lieu de primauté. Les théologiens romains affirment la primauté, mais pas, dans l’ordre ecclésiastique, la souveraineté du pontife romain. La souveraineté est un terme politique, et non ecclésiastique ; elle est d’ailleurs exclusive, et on ne prétend pas qu’il n’y a pas d’autorité dans l’église de droit divin en dehors de celle du pontife romain. On ne prétend pas que les évêques sont simplement ses vicaires ou ses adjoints. À l’époque féodale, il y a peut-être eu des écrivains qui le considéraient comme suzerain, mais nous n’en connaissons aucun qui le tenait pour souverain. Certains écrivains, principalement français, l’appellent en effet souverain pontife, mais uniquement dans le sens de pontife suprême, pontifex maximus, ou summvsponlifex, pour indiquer qu’il est la plus haute autorité de l’Église, et non l’exclusive. Le Concile de Florence, sur lequel nous portons notre attention, le définit comme primate, et non comme souverain, et lui attribue l’autorité plénière pour nourrir, diriger et gouverner toute l’église, mais n’exclut pas les autres pontifes et les pontifes subordonnés qui, bien qu’ils reçoivent leur siège de lui, gouvernent en leur sein par un droit divin non moins immédiat que le sien. Le véritable et unique souverain de l’Église, au sens propre du terme, est Jésus-Christ lui-même. Le pape est son vicaire, et il est aussi lié par sa loi que le plus humble des chrétiens. Il n’est pas au-dessus de la loi, ni sa source, mais son ministre en chef et juge suprême, et son pouvoir législatif est limité aux rescrits, édits ou canons qu’il juge nécessaires à sa bonne administration. Le souverain fait la loi, et la différence, par conséquent, entre le pouvoir du souverain et celui revendiqué pour le pontife romain est très évidente et très grande. L’auteur pourrait donc prouver, à partir de l’écrit, que le pape ou le Saint-Siège n’est pas le souverain universel de l’église, il ne prouverait rien à son propos. « Pourtant, comme nous le verrons, c’est tout ce qu’il prouve.

            L’auteur prétend, p. 32, que l’autorité papale, la souveraineté dont il parle, est condamnée par le mot Dieu. L’affirmation, comprenant l’autorité papale telle que définie par le Concile de Florence, est à dessein mensongère, et il le prouve. Quelles sont donc ses preuves ? Les théologiens romains,  théologiens catholiques, affirment que l’église est fondée sur Pierre, et citent en preuve les paroles de notre Seigneur (Saint Matthieu, xvi. 18) : « Je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon église, et que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Mais cela ne prouve pas que Pierre est le rocher sur lequel l’église est fondée. L’Eglise n’est pas fondée sur Pierre, ou, si elle l’est, dans le même sens qu’elle l’est sur les autres apôtres. Le rocher sur lequel l’église est construite est Jésus-Christ, qui est le seul fondement de l’église. C’est ce que dit saint Paul (1 Cor. iii. 11) : « Nul ne peut poser d’autre fondement que celui qui est posé, c’est-à-dire Jésus-Christ lui-même. »

            Que Jésus-Christ soit le seul fondement de l’église au sens premier et absolu, personne ne le nie ni ne le remet en question, et nous l’avons dit en affirmant qu’il est le véritable et unique souverain de l’église ; mais cela n’exclut pas que Pierre en soit le fondement au sens secondaire et viscéral, le seul sens affirmé par les papistes les plus minutieux, comme en témoigne ce que saint Paul écrit aux Ephésiens, (ii. 20,) tel que cité par l’auteur : « Vous êtes bâtis sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ étant lui-même la principale pierre angulaire. » Le fondement principal, primaire et absolu est le Christ, mais les prophètes et les apôtres sont aussi les fondements de l’Eglise, comme elle le manifeste. Les fidèles sont élevés sur ces fondations, et forment l’édifice lui-même ; enfin, Jésus-Christ est la pierre principale, la pierre angulaire, qui donne la solidité au monument ». C’est absolument vrai, et nous soutenons, tout comme lui, qu’il n’y a « aucun autre fondement » au sens premier, c’est-à-dire « aucune autre pierre angulaire principale que Jésus-Christ » ; mais il affirme lui-même, tout comme saint Paul, d’autres « fondements » au sens secondaire. Ainsi, bien que notre Seigneur soit le fondement principal ou premier dans le sens où Dieu est la cause première de toutes les créatures et de leurs actes, rien n’empêche Pierre d’être un fondement secondaire, comme les créatures peuvent être et sont ce que les philosophes appellent des causes secondaires.

            Mais dans ce sens secondaire, « tous les apôtres sont le fondement, et l’église n’est pas plus fondée sur Pierre que sur le reste des apôtres ». Non fondée sur Pierre à l’exclusion des autres apôtres certes, mais il manque ici à Pierre le titre de prince des apôtres, ou chef du collège apostolique. On ne prétend jamais que Pierre exclut les autres apôtres. Notre Seigneur a en effet donné à Pierre seul les clefs du royaume des cieux, le constituant ainsi son intendant, le chef de sa famille ; mais il a donné à toutes les nations le pouvoir d’enseigner tout ce qu’il leur avait commandé, le même pouvoir de lier et de délier qu’il avait donné à Pierre, et il a promis d’être avec eux ainsi qu’avec lui tous les jours jusqu’à la consommation du monde. Il n’y a rien en cela qui exclue ou nie la primauté revendiquée pour Pierre, ou qui implique que notre Seigneur, comme le dit l’auteur, a simplement « donné à Pierre un ministère important dans son église ».

            L’auteur s’efforce de réfuter l’argument en faveur de la primauté de Pierre à partir du commandement de notre Seigneur à Pierre de « confirmer ses frères », et du commandement trois fois répété de « nourrir ses brebis » ; mais comme nous ne cherchons pas maintenant à prouver la primauté, mais simplement à repousser les arguments avancés contre elle, nous passons. Il tente de construire un argument contre la primauté de Pierre à partir des paroles de notre Seigneur à ses disciples, (St. Matthieu xxiii).

            2 : « Ne vous faites pas appeler Rabbi ; car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères. Et n’appelez personne votre père sur la terre, car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. Ne vous faites pas non plus appeler maîtres, car un seul est votre maître, le Christ. Celui qui est le plus grand parmi vous sera votre serviteur. » « Le Christ, donc, » p. 48, « a interdit aux apôtres de prendre, les uns par rapport aux autres, les titres de maître, de docteur, ou même de père, ou de pape, ce qui est la même chose. » Pourquoi, alors, l’auteur prend-il le titre d’Abbé, qui signifie père, ou souffre-t-il que son éditeur lui donne le titre de docteur en théologie ? Ses amis grecs non unis sont également aussi pour sa censure en cet endroit ; car ils appellent leurs simples prêtres papas ou papes, c’est-à-dire pères ; non, s’il interprète strictement les paroles de notre Seigneur, il doit nier toute autorité ecclésiastique, et, en fait, tout gouvernement humain, et même interdire au fils d’appeler son père sire. C’aurait été trop pour lui comme pour nous.

            La clé de compréhension de notre Seigneur n’est pas difficile à découvrir. Il ordonne aux disciples d’Iris de n’appeler aucun maître, enseignant ou père, c’est-à-dire de ne pas reconnaître comme obligatoire pour eux toute autorité qui ne vient pas de Dieu, et de se rappeler qu’ils sont tous frères et doivent obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Dieu seul est souverain, et nous sommes tenus de lui obéir, et à personne d’autre ; car, en obéissant à nos prélats que le Saint-Esprit a placés sur nous, c’est à Lui et à personne d’autre que nous obéissons. Il ordonne à ses disciples de ne laisser personne les appeler maîtres, car ce n’est pas de ces derniers que vient le pouvoir d’enseigner ou de gouverner, mais de leur Maître qui est dans les cieux. Ils ne doivent donc pas dominer sur leurs frères, mais gouverner dans le seul but de servir. « Que celui qui est le plus grand parmi vous soit votre serviteur. » La puissance n’est pas pour celui qui gouverne, mais pour ceux qui sont gouvernés, et c’est le plus grand qui sert le mieux ses frères. Le pape, en référence à l’admonition de notre Seigneur, et à l’humilité avec laquelle tout pouvoir donné aux hommes doit être tenu et exercé, se dit « serviteur des serviteurs ». Les mots ainsi compris – et ils peuvent l’être – n’interdisent pas l’autorité revendiquée pour le pontife romain en tant que vicaire du Christ, père et maître de tous les chrétiens, par autorité divine, et non par son propre droit.

            Voici tout ce que l’auteur ajoute à propos des Ecritures, cela revient à n’importe quoi, pour prouver « que l’autorité papale » est « condamnée par la parole de Dieu », et rien dans cette dernière ne la condamne dans le sens défini par le Conseil de Florence, ce que nous allons montrer.

            Partant des Ecritures, l’auteur passe à la tradition, et d’abord aux « vues de l’autorité papale des pères des trois premiers siècles ». Il ne nie pas que notre Seigneur ait traité Pierre avec une grande considération personnelle, et pense que Pierre peut être considéré par rapport aux autres apôtres comme « primus inter pares », les premiers anions étant égaux, mais sans juridiction ; et il dit, p. 48, « Nous pouvons affirmer qu’aucun père de l’église n’a vu dans la primauté de Pierre un titre de juridiction ou d’autorité absolue dans l’église ». Mais le premier père qu’il trouve et qui, comme il le prétend, nie absolument la primauté que les catholiques revendiquent pour Pierre, et par conséquent pour son successeur, est saint Cyprien, qui nous semble l’affirmer très positivement.

            L’auteur a une théorie, en prétendant s’appuyer sur saint Cyprien, qui expliquerait toutes les prises de position des temps primitifs des théologiens romains favorables à la papauté. Il ne la montre pas de manière très claire ou précise, et nous ne pouvons la recueillir qu’à partir d’affirmations éparses. Il nie que Pierre ait eu une autorité qui n’était pas partagée également par les autres apôtres ; ou que l’évêque de Rome ait eu ou ait de droit divin une prééminence sur tout autre évêque ; ou que l’Église de Rome ait une autorité qui n’était pas partagée également par les autres églises qui avaient pour fondateurs des apôtres. Il admet que Pierre et Paul ont fondé l’Église de Rome, mais nie que Saint Pierre n’ait jamais été son évêque ou l’évêque d’un autre siège particulier. Comment expliquer alors les nombreux passages des pères des trois premiers siècles, qui affirment indéniablement que Pierre était « le prince des apôtres », « le chef du collège apostolique », la supériorité et l’autorité du « siège de Pierre », « la chaire de Pierre », et reconnaissent la juridiction effectivement exercée dans toutes les parties de l’église par l’évêque de Rome ? Personne ne peut lire les premiers pères et nier que l’église de Rome était considérée comme l’église qui « préside », comme l’appelle saint Ignace, comme la racine et la matrice, comme le dit saint Cyprien, de l’église, comme détenant la prééminence sur toutes les autres églises, avec l’évêque desquelles il était nécessaire que toutes les autres soient d’accord ou en communion. L’auteur ne le nie pas ; mais Pierre voulait dire « la foi de Pierre », « la chaire de Pierre signifiait l’épiscopat tout entier », qui était une et détenue par tous les évêques in solido. La prééminence attribuée à l’église de Rome était en fait la conséquence de son importance extérieure en tant que siège de la capitale de l’empire. C’est là la théorie de l’auteur qu’il prétend trouver dans le Traité sur l’unité de l’Église, de saint Cyprien.

            « ‘En fait, dit-il, p. 79, il (saint Cyprien) nie positivement la primauté de saint Pierre lui-même ; il fait de l’apôtre simplement le modèle de l’unité qui résidait dans le collège apostolique dans son ensemble, et par succession, dans tout le corps épiscopal, qu’il appelle le Siège de Pierre ». « Après avoir mentionné les pouvoirs promis à saint Pierre, saint Cyprien remarque que Jésus-Christ les a promis à lui seul, bien qu’ils aient été donnés à tous. Pour manifester l’unité, dit-il, le Seigneur a voulu que l’unité tire son origine d’un seul. Les autres apôtres étaient certainement ce que Pierre était, ayant le même honneur et le même pouvoir que lui. Tous sont des bergers, et le troupeau nourri par tous les apôtres ensemble est un, afin que l’Église du Christ apparaisse dans son unité ».

            Mais à cette explication de St Cyprien subsiste une légère objection, car nous ne voyons pas comment l’unité du collège apostolique ou de l’Église du Christ se manifeste ou se fait voir, c’est-à-dire, dans le sens de St Cyprien, qu’elle est rendue visible, ni comment on peut dire qu’elle tire son fondement d’une seule personne alors qu’elle tire son origine conjointement de plusieurs. Saint Cyprien dit que notre Seigneur ut unitatem manifestai’et, unam cathearam consbituit, vnitatis ejusdem originem db uno incijzientem sua auctoriiate disposuit ; c’est-à-dire que notre Seigneur a établi de son autorité une seule chaise, a fait en sorte que cette unité provienne d’une seule personne  afin que l’unité du corps soit manifestée ou rendue visible. Saint Cyprien enseigne évidemment que l’unité de l’église découle, comme le soutient l’auteur, de l’unité de l’épiscopat, et l’unité de l’épiscopat de l’unité du collège apostolique ; mais pour que l’unité du collège apostolique, et donc l’unité de l’Eglise, puisse être révélée, Notre Seigneur a fait en sorte que son fondement soit à partir d’une seule personne, c’est-à-dire Pierre. Tous les apôtres, en effet, ont hérité de ce que Pierre avait, c’est-à-dire l’apostolat, en partageant le même don, le même honneur et la même puissance ; mais le commencement procédait de l’unité, et la primauté a été donnée à Pierre, afin que l’église du Christ et le siège, l’apostolat, par succession le corps épiscopal si vous préférez, se manifestent comme un seul. Tous sont pasteurs, et le troupeau, qui est nourri par tous les apôtres à l’unanimité, est montré comme étant un, afin que l’unité de l’église du Christ puisse être démontrée. Hoc erant utique et cceteri apostoli quod fuit Petrus, pari consortio prcediti et honoris et potestatis, sed exordium db unitate proficisciUtr ; et primatus Petro datur,ut una Christiecclesia et cathedra una monstretur. Etpastores sunt omnes, et grex unus ostenditur, qui ab apostolis omnibus unanimi consensione pascatur, ut ecclesia Christi, una monstretur* Saint Cyprien s’efforce de montrer non seulement que l’église est une et l’épiscopat aussi un, mais que Notre Seigneur l’a arrangé de telle sorte que l’unité de chacun puisse apparaître et que tous deux soient considérés comme un. L’unité des apôtres, des pasteurs ou de l’église, considérée comme un corps collectif, est invisible. Comment, alors, si elle ne naît pas de l’unité, ou si elle n’a pas de centre visible et commence dans l’ordre visible, doit-elle être rendue visible ? Saint Cyprien affirme évidemment que l’unité du corps apostolique établit l’unité du corps épiscopal, puisqu’il considère les évêques comme les successeurs des apôtres ; et l’unité du corps épiscopal établit l’unité du troupeau, que chaque pasteur nourrit en union avec le corps, et donc l’unité de l’ensemble.

            *Opp. Cypriani, édition de Migne. De Unitate Ecclcaise, pp. 498-500. Les mots primatus Petro datur, qui font défaut dans certains manuscrits, sont rejetés par Baluze et quelques autres comme une interpolation. En effet, l’archevêque Kenrick ne les cite pas dans sa Primauté, alors qu’ils auraient été très utiles. On pense qu’ils étaient à l’origine une note marginale, et qu’ils se sont glissés dans le texte par l’intermédiaire d’un copiste ignorant ; mais il est tout aussi facile de supposer qu’ils ont été omis du texte par un copiste négligent, et placés dans la marge en guise de correction, puis restaurés à leur place dans le texte. Lorsque nous avons examiné la question avec les moyens à notre disposition, nous sommes parvenus à la conclusion qu’ils sont authentiques ou, du moins, qu’il n’y a pas de raison suffisante de les considérer comme faux. Elles expriment ce qui est évidemment le sens de saint Cyprien, et nous semblent nécessaires pour poursuivre et compléter son argumentation. Néanmoins, nous n’avons fait reposer aucun de nos raisonnements contre M. Guettee sur leur authenticité.

            Eglise du Christ. Mais il soutient tout aussi clairement que l’unité apostolique, pour exister, doit avoir un point de départ, ou avoir son centre et sa source d’où elle procède, et rayonne, pour ainsi dire, à travers tout le corps apostolique, faisant de ce derneier non pas une agrégation, mais un corps réellement un, avec sa propre source centrale de vie et d’autorité ; un corps organique et non pas simplement un corps organisé, car un corps organisé n’a pas d’unité réelle. C’est pourquoi il fait naître et rayonner l’unité à partir d’un seul corps, comme il se doit si l’unité existe. Celui-ci, ce point central, est, par l’ordination du Seigneur, Pierre. Il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet.

            Selon la vision de saint Cyprien, dont le traité sur l’unité de l’Église est peut-être le plus profond et le plus philosophique jamais écrit sur ce sujet, l’Église est un organisme avec Jésus-Christ lui-même pour son centre invisible et ultime et sa source de vie. Mais comme l’église doit traiter avec le monde et opérer dans le temps et l’espace, elle doit être visible aussi bien qu’invisible. L’invisible doit donc être exprimé ou représenté de manière visible. Mais cela ne peut se faire sans une expression ou une représentation visible dans le corps organique extérieur de ce centre et source intérieure et invisible d’unité, de vie et d’autorité qu’est notre Seigneur lui-même. Pour établir cette représentation extérieure ou visible, Notre Seigneur institue le collège apostolique, et par lui le corps épiscopal, par lequel tout le troupeau devient en union avec ses pasteurs, qui sont, en union avec les apôtres, un seul corps organique ; mais seulement s’il y a unité du collège apostolique, laquelle unité doit partir d’un seul, d’un centre visible et d’une source d’unité. C’est pourquoi notre Seigneur a choisi Pierre comme point central d’union pour le collège apostolique, et la chaire de Pierre, la cathedra una, comme centre visible d’union pour le corps épiscopal, et à travers eux de toute l’Église, afin que l’Église tout entière, dans l’apostolat, dans l’épiscopat et dans le troupeau, se montre une, représentée avec l’unité et l’autorité qu’elle a en Jésus-Christ.

Le problème de la théorie de l’auteur est qu’elle ne fait pas de Pierre le signe et le visage de l’unité ou de l’autorité du collège apostolique; car il ne reconnaît aucune unité apostolique ou épiscopale visible, puisqu’il ne reconnaît aucun centre ou source visible d’où elle provient ; et donc ni l’apostolat ni l’épiscopat, excepté Jésus-Christ, n’est une unité, mais une agrégation, comme nous l’avons dit, une réunion. En refusant la primauté ou cœur et commencement de l’unité à Pierre et à la chaire de Pierre individuellement, il nie ce que saint Cyprien soutient avoir été institué pour manifester ou montrer l’unité. Il nie à la fois la manifestation de l’unité et l’unité extérieure elle-même, deux éléments sur lesquels insiste vigoureusement saint Cyprien, qui, en effet, dit expressément dans sa lettre à saint Corneille, le pontife romain, que « l’Église de Rome », c’est-à-dire « la chaire de Pierre », est le centre d’où est née l’unité sacerdotale.

L’auteur dit, p. 67, que « Saint Cyprien avait raison d’appeler l’Église de Rome la chaire de Pierre, l’Église principale, d’où émanait l’unité sacerdotale. Mais pour autant, il y croyait si peu à l’autorité de droit divin de l’évêque que, dans son De Unitate Eeclesia, il entend par la chaire de Pierre l’ensemble de l’épiscopat, considère saint Pierre comme l’égal des autres apôtres, nie sa primauté, et fait de lui le symbole simple de l’unité du collège apostolique ». L’Église de Rome « était la source de l’unité sacerdotale en ce sens, que Pierre était le siège et le symbole de l’unité du collège apostolique ». Saint Cyprien fait de saint Pierre, p. 79, « le symbole simple de l’unité qui résidait dans le collège apostolique dans son ensemble et, par succession, dans le corps épiscopal, qu’il appelle « le siège de Pierre » ». « Le siège de Pierre, dans l’idée de saint Cyprien, est l’autorité du corps apostolique et, par succession, du corps épiscopal. Tous les évêques ont le même honneur et la même autorité dans tout ce qui concerne leur ordre, comme tous les apôtres ont le même honneur et la même autorité que Pierre ». (p. 79, 80.)

            Pierre est donc le signe et le symbole d’unité apostolique et épiscopale, et « la chaire de Pierre », ou « le siège de Pierre », est le signe et le symbole d’autorité apostolique. Mais à supposer qu’il en soit ainsi et que Pierre ne se soit pas distingué des autres apôtres ou n’ait pas occupé de position particulière dans le corps apostolique, comment se fait-il qu’il soit considéré comme le signe et le type d’unité apostolique et que sa chaire soit le signe et le type d’autorité apostolique ? Il y a une logique dans le langage comme dans l’esprit humain dont il est l’expression, et il y a une raison à toute locution symbolique qui gagne en actualité. Si les pères et l’Église n’avaient pas considéré Pierre comme le prince des apôtres et s’il n’avait pas vu le centre et la source de l’autorité apostolique, auraient-ils ou auraient-ils fait de son siège le symbole de l’autorité apostolique, ou de Pierre lui-même le symbole, « le signe et le type », de l’unité apostolique ? Pourquoi le regard de Pierre plutôt que celui d’André, de Jacques ou de Jean ? ou de Pierre plutôt que celui de tout autre apôtre ? Le fait que saint Pierre et son siège aient été pris comme symbole, le signe et le type, celui de l’unité apostolique, et celui de l’autorité apostolique, est donc une preuve très concluante que la primauté lui a été donnée à lui et à son siège par notre Seigneur, et par succession au saint siège apostolique et au pontife romain, comme le définissent les pères de Florence et les théologiens romains.

Encore une fois, comment Pierre pourrait-il être un signe et un symbole de l’unité apostolique ou le signe et le symbole de l’autorité apostolique, si lui, Pierre, n’avait aucune relation, avec cette autorité qui n’est pas détenue de manière égale par tous les apôtres ? Dans l’Église de Dieu, il n’y a et ne peut y avoir de faux, de fausses croyances, de faux signes ou symboles, de non-sens, d’appel à des choses qui ne sont pas comme si elles étaient. Les signes qui ne signifient rien ne sont pas des signes, et les symboles qui ne représentent rien ne sont tout simplement pas des symboles. La véritable unité et autorité apostoliques sont internes, invisibles en Jésus-Christ lui-même, qui, au sens premier et absolu, comme nous l’avons vu, est le roc sur lequel l’Église est fondée, l’unique base de sa solidité et de sa permanence, le seul fondement de son existence et la source de sa vie, de son unité et de son autorité. Pierre et la vision de Pierre, si le signe et le symbole de cette unité invisible doivent la représenter ou la montrer dans l’ordre visible. Je sais comment Pierre peut représenter cette unité, à moins qu’il ne soit dans l’ordre visible son centre et sa source réels, dans lesquels elle commence et d’où elle émane ? Ou comment le siège ou la chaise de Pierre peut-il être le signe et le type de l’autorité apostolique invisible, à moins qu’il ne soit réellement sa source et son centre dans l’ordre visible ? L’extérieur ne peut représenter l’intérieur, le visible l’invisible, que dans la mesure où il le copie ou l’imite. En appelant Pierre le signe et le symbole de l’unité apostolique, l’auteur concède alors que Pierre représente notre Seigneur, et qu’il est, comme le définit le Concile de Florence, « le vrai vicaire du Christ » ; et en faisant voir à Pierre le signe et le type de l’autorité apostolique, il en fait le véritable centre dans l’ordre visible de cette autorité, et concède par conséquent les points mêmes qu’il rejette, et entreprend de prouver que saint Cyprien ne sert pas les prétentions de l’évêque de Rome.

Nous admettons volontiers que la primauté concédée ici involontairement par l’auteur n’est pas cette souveraineté absolue et unique que l’auteur accuse les théologiens catholiques d’affirmer pour Pierre et pour l’évêque de Rome comme son successeur, mais nous avons déjà montré que cette souveraineté n’est pas revendiquée. Le pape n’est pas le souverain, mais le vicaire ou le ministre en chef du souverain. Il gouverne l’Église dans l’unité apostolique, non pas comme isolé du corps épiscopal, mais comme son véritable chef ou chef suprême. On dit que son autorité est loquens ex cathedra, parlant depuis le siège de l’unité et de l’autorité apostolique et épiscopale. Il est le chef ou le pasteur suprême, et non le seul pasteur, ni le pasteur du tout considéré comme séparé de l’église. Il est le chef visible de l’église unie par une union vivante avec le corps ; car il est aussi nécessaire pour le chef d’être en union vivante avec le corps, qu’il l’est pour le corps d’être en union vivante avec le chef. Aucun des deux ne peut vivre et exercer ses fonctions sans l’autre ; mais le pouvoir de diriger, de contrôler ou de gouverner se trouve dans le chef. Saint Ambroise dit : « Là où est Pierre, il y a l’église », mais il ne dit pas que Pierre est l’église, et le pape ne dit pas non plus : « L’Eglise, c’est moi », je suis l’église. Succédant à Pierre comme chef du collège apostolique, il est le chef ou la tête de l’église. La théorie de l’auteur rend l’église dans l’ordre visible dans son ensemble, acéphale, sans tête, et donc sans cerveau.

L’auteur fonde son affirmation selon laquelle saint Cyprien nie la primauté de Pierre sur le fait qu’il dit : « Tous les autres apôtres avaient ce qu’il avait, le même honneur et le même pouvoir ». C’est avec M. Guettee un point capital. Sa doctrine, pour autant qu’il en ait, est que l’église n’a pas de chef visible ; que tous les apôtres avaient le même honneur et la même autorité ; que tous les évêques, en tant que successeurs des apôtres, sont égaux ; qu’un évêque n’a pas par droit divin une prééminence sur un autre ; et que, si l’un est plus influent qu’un autre, il le doit à son caractère personnel ou à l’importance extérieure de son siège. Et c’est là, selon lui, la doctrine de saint Cyprien. Mais, s’il avait compris l’argument de saint Cyprien, il n’aurait jamais fait à ce grand saint une injustice aussi flagrante. L’argument de saint Cyprien est, comme le montre le passage que nous avons longuement cité, que, bien que tous les apôtres aient reçu le même don, le même honneur et le même pouvoir, notre Seigneur, pour manifester l’unité, a constitué une seule chaire d’où devait partir l’unité et a donné la primauté à Pierre, afin que l’unité du corps apostolique ou épiscopal et de toute l’Église du Christ puisse être démontrée. L’auteur lui-même soutient que l’apostolat, et par succession l’épiscopat, est un et indivisible, et détenu par les apôtres ou les évêques in aolido. Ensuite, si tous les autres apôtres ont l’apostolat, ils doivent avoir précisément ce que Pierre a, et si les autres évêques ont l’épiscopat, ils doivent avoir précisément ce que le pontife romain a, mais sans avoir un autre apostolat ou un autre épiscopat que celui qu’ils reçoivent tous également et qu’ils tiennent dans son unité invisible, ou quoi que ce soit en plus de celui-ci. Il peut, néanmoins, être la tête ou le chef du corps épiscopal et le centre d’où proviennent l’unité et l’autorité épiscopales dans l’ordre visible, et d’où elles rayonnent à travers le corps, et des évêques vers leurs troupeaux respectifs, et les lient, ainsi que toute l’Église, en un seul, ce qui, comme nous le comprenons, est la doctrine précise de saint Cyprien, et certainement la doctrine de l’Église romaine et catholique.

L’auteur, même s’il apparaît comme un homme cultivé, ne semble pas être un grand philosophe ni un grand théologien. Il y a dans la philosophie et la théologie de saint Cyprien des profondeurs qu’il semble incapable de sonder, et des hauteurs qui sont certainement au-dessus de son vol. Il est, nous devrions en juger, totalement ignorant de la constitution réelle de l’église, de la signification profonde de l’Évangile, de la vaste portée du système chrétien, de sa relation avec le système universel de la création, ou des raisons qui, dans la nature même des choses, justifient son existence, ainsi que l’existence et la constitution de l’église. Toutes les œuvres du Créateur sont strictement logiques et, ensemble, ne forment qu’un seul ensemble dialectique, ne sont que l’expression d’une seule pensée divine. Rien ne peut paraître plus mesquin ou sans valeur que les cavités peu profondes de l’auteur à un homme qui possède un peu de vraie science théologique.

L’auteur cite la controverse sur le baptême des hérétiques, pour prouver que saint Cyprien a nié la juridiction de l’évêque de Rome, ou son autorité de gouverner en tant que pontife suprême toute l’église, mais sans succès. Saint Cyprien a trouvé la coutume établie à Carthage, comme dans certaines églises d’Asie, de rebaptiser les personnes qui avaient été baptisées par des hérétiques, et il a insisté pour que cette coutume soit respectée. Il se plaint donc de saint Étienne, le pontife romain, qui lui écrit pour se conformer à l’ancienne et générale coutume de l’église. On ne sait pas s’il s’est conformé ou non, mais rien ne prouve qu’il ait nié l’autorité du pontife romain, et il n’a certainement pas rompu la communion avec lui, bien qu’il ait pu considérer l’exercice de son autorité dans ce cas particulier comme absuif et tyrannique. Il semblerait, d’après la lettre de saint Firmilien à saint Cyprien, si elle est authentique, ce dont on peut douter, comme c’est le cas de plusieurs lettres attribuées à saint Cyprien, et d’après l’adresse de saint Cyprien au dernier concile qu’il a tenu sur le sujet, que M. Guettee cite longuement, que la question était considérée comme une question de discipline, ou comme entrant dans la catégorie des questions pour lesquelles la diversité des usages dans les différentes églises et les différents pays est permise ou peut être tolérée, et pour lesquelles l’uniformité n’a jamais été exigée. Il n’a pas insisté pour que le monde entier se conforme à la coutume qu’il observait, mais a défendu, comme le feraient nos évêques aujourd’hui, ce qu’il croyait être les droits coutumiers de son église ou de sa province. Nous savons qu’il avait tort, car l’Église universelle a soutenu le pontife romain.

Nous ne pensons pas que l’auteur ait été très heureux de placer saint Cyprien à la barre contre la primauté du saint siège apostolique et du pontife romain. Le saint est un bien meilleur témoin pour nous que pour lui.

L’auteur, incapable de nier l’influence prépondérante du pontife romain et de son siège dans le gouvernement de l’église, et l’importance partout accordée à la communion avec l’évêque de Rome, cherche à échapper à la force du fait en l’attribuant non pas à la croyance en la primauté de l’église de Rome, mais à l’importance supérieure de la ville de Rome en tant que capitale de l’empire, comme si l’église catholique était simplement une église romaine, et non fondée pour le monde entier. Nous en entendons effectivement parler lorsque Constantinople, la Nouvelle Rome, est devenue la rivale de l’Ancienne Rome, et son évêque, en raison de l’importance civile et politique de la ville, s’est érigé en évêque œcuménique, et a revendiqué la première place après l’évêque de Rome ; mais nous n’en entendons pas parler pendant les trois premiers siècles, et l’auteur n’ajoute rien pour justifier son hypothèse. Tous les pères, tant en Orient qu’en Occident, attribuent la primauté de l’église de Rome non pas à l’importance de la ville de Rome dans l’empire, mais au fait qu’elle est « l’église qui préside », est la principale » ou « l’église qui gouverne », est « le siège de Pierre, tient la chaire de Pierre, prince des apôtres », est « la racine et la matrice de l’église catholique », et que Pierre « vit » et « parle » dans ses évêques. Maintenant, quoi qu’en dise notre savant auteur, nous pensons que ces grands pères, dont certains n’étaient qu’un éloignement des apôtres eux-mêmes, et qui ont presque tous obtenu la couronne de martyre, connaissaient les faits en l’espèce aussi bien que lui, et qu’il est fort probable qu’ils ont pensé ce qu’ils ont dit et écrit.

Nous voyons », dit l’auteur, p. 48, « que dès le IIIe siècle, les évêques de Rome, parce que saint Pierre avait été l’un des fondateurs de ce siège, prétendaient exercer une certaine autorité sur le reste de l’église, se donnant parfois le titre d' »évêque des évêques » ; mais nous voyons aussi que l’église tout entière protestait contre ces prétentions ambitieuses, et ne leur rendait aucun compte ». Que l’évêque de Rome ait été accusé par ceux que l’exercice de son autorité a offensé d’assumer le titre d’évêque des évêques, par le biais d’un ricanement, est peut-être très vrai, mais qu’il se soit surdonné ce titre, il n’y a, à notre connaissance, aucune preuve digne de foi.

« L’église a protesté contre ces prétentions ambitieuses. » Où cette protestation est-elle enregistrée ? Que les évêques soient alors aussi jaloux de leurs droits réels ou supposés, et toujours bien disposés à résister à tout empiètement sur ceux-ci, n’est nullement improbable ; et cela, si les évêques ont généralement considéré que le pontife romain n’avait pas plus d’autorité de droit divin sur l’église que tout autre évêque, doit avoir rendu extrêmement difficile pour lui de saisir la primauté de la juridiction sur eux. Leur pouvoir de résistance, au cas où ils croyaient pouvoir résister en toute bonne conscience, devait être, comme au IVe siècle, de 1 800 contre 1, un peu plus grand que le sien pour empiéter. Que les évêques ou les simples prêtres que le pontife romain admonestait ou censurait protestaient parfois, non pas contre son autorité, mais contre ce qu’ils considéraient comme son exercice injuste, arbitraire ou tyrannique, est sans doute vrai, et la même chose se produit encore, même chez ceux qui n’ont aucun doute de l’autorité papale ; mais le fait que toute l’église ait protesté n’est pas prouvé ; et dans tous les cas où des protestations ont été formulées par des évêques individuels devant un concile ecclésiastique, l’église universelle a uniformément soutenu le pontife romain. Lorsque Saint Victor excommunia les Quartodécimains, certains évêques lui reprochèrent d’être trop sévère, d’autres s’opposèrent à son acte, mais le concile de Nicée le soutint. Même avant ce concile, l’auteur du Philosophumena, dont l’ouvrage a dû être composé au début du IIIe siècle, traite les Quartodécimains d’hérétiques, bien que, sauf pour ce qui est du temps de la célébration de Pâques, leur foi soit irréprochable. Ainsi, sur la question du baptême des hérétiques, toute l’église, au lieu de protester contre la décision de saint Étienne, l’a approuvé, et le suit jusqu’à ce jour. Il ne suffit pas de dire que toute l’église a traité les actes de ces papes « comme de rien du tout ».

Les auteurs des lettres attribuées aux saints Cyprien et Firmilianus sont une bonne preuve que les papes ont revendiqué et exercé leur juridiction sur l’ensemble de l’église dans la controverse sur le baptême des hérétiques, et Tertullien n’apporte pas de preuve minime du même fait à une date encore antérieure. Dans un ouvrage écrit après qu’il est tombé dans certaines hérésies des montanistes, il écrit, comme le cite notre auteur, p. 78, « J’apprends qu’un nouvel édit a été donné, un édit péremptoire. Le souverain pontife, c’est-à-dire l’évêque des évêques, a déclaré : « Je remets les péchés d’impureté et de fornication ». Ô édit ! on ne peut pas faire moins que de lui donner une contravention – BON TRAVAIL ! Mais où un tel édit doit-il être affiché ? Sûrement, je pense, aux portes des maisons de prostitution. » Ce passage prouve sans doute que Tertullien lui-même, tombé dans l’hérésie, n’a pas apprécié la décision papale qui le condamnait, et peut-être qu’il était disposé à nier l’autorité du pontife de Rome ; mais si l’on avait généralement considéré que le pontife romain n’était pas plus dans l’église que n’importe quel autre évêque, et donc que sa décision ne pouvait avoir d’autorité hors de son diocèse ou de sa province, sa décision l’aurait-elle ému si profondément, et aurait-elle provoqué un tel déchaînement de colère ? Si la revendication de la primauté de l’autorité dans l’ensemble de l’église, et donc de la juridiction sur tous les évêques, n’était pas généralement reconnue et maintenue, quelle était l’occasion d’une telle indignation ? À quoi aurait servi le sarcasme, ou la force de l’ironie, de l’appeler le souverain pontife, ou l’évêque des évêques ? Le langage de Tertullien, qui visait manifestement à exagérer l’autorité revendiquée par le pontife romain, implique assez clairement qu’il était généralement considéré comme ayant l’autorité de prendre des décisions en matière de doctrine et de discipline pour l’ensemble de l’Église, et qu’une censure de sa part était bien plus importante que celle de tout autre évêque ou patriarche.

            L’auteur cite au même titre que Tertullien l’ouvrage publié à Paris il y a quelques années sous le nom d’Origène, intitulé Philosophumena, « justement attribué, dit-il, à saint Hyppolyte, évêque d’Ostie, ou au savant prêtre Caïus ». L’auteur de l’œuvre est inconnu, et aucun document n’a encore été découvert qui permette aux savants de déterminer avec un quelconque degré de certitude par qui elle a été ou aurait pu être écrite. L’œuvre, cependant, porte la preuve interne d’avoir été écrite par quelqu’un appartenant à l’Orient, et qui a vécu pendant les pontificats de saint Victor, saint Zéphyrne, saint Callistus, saint Urbain, et peut-être saint Pontife, évêques de Rome, c’est-à-dire de 180 à 235, certainement pas plus tard. L’ouvrage, publié par M. Miller à Paris, en 1851, a attiré l’attention des protestants anglais et allemands par ses accusations grossières contre les deux vénérés pontifes et martyrs romains, saint Zéphyrne et saint Calliste – accusations qui se réfutent pour la plupart d’entre elles. Mais si les protestants n’ont pas pu en faire grand cas contre la papauté, les catholiques y ont trouvé des preuves nouvelles et inattendues de l’autorité exercée sur l’Eglise dans toutes les parties du monde par les papes de cette première période. « Dans ses invectives, dit l’abbé Cruice, l’adversaire de Callistus reconnaît son grand pouvoir et fournit des preuves nouvelles et inattendues de la suprématie du Saint-Siège ». L’Abbé Cruice, dont nous pensons avoir entendu parler comme évêque de Marseille récemment décédé, a publié à Paris, en 1851, une intéressante Histoire de l’Eglise de Rome sous les pontificats de Saint Victor, Saint Zéphyrne et Saint Callistus, dans laquelle il a incorporé ces preuves avec beaucoup de jugement et d’effet. Comme nous ne considérons pas maintenant les preuves affirmatives de la primauté du Saint-Siège, mais les arguments destinés à prouver le schisme de la papauté, nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à cet ouvrage savant et à la Philosophumena elle-même. Nous nous contenterons de remarquer que l’auteur inconnu est beaucoup plus amer à l’égard des papes que son contemporain Tertullien, et qu’il laisse des preuves plus évidentes de l’étendue du pouvoir papal. Personne ne peut lire le Philosophumena sans percevoir dans les plaintes et les remarques incidentes de l’auteur que la hiérarchie à la fin du deuxième siècle était aussi régulièrement organisée que maintenant, et précisément de la même manière, avec le pontife romain à son sommet.

            Mais cela nous amène à une remarque qu’il est peut-être bon de garder à l’esprit. Toutes les églises fondées par les apôtres l’ont été pendant la totalité des trois premiers siècles d’existence, et ont conservé la doctrine ou la tradition apostolique, et on pouvait l’apprendre d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem, d’Éphèse, etc. sans qu’il soit nécessaire, au moins dans les occasions ordinaires, de revenir à l’autorité suprême de Rome. L’auteur cite plusieurs des pères qui appellent le siège d’Antioche le siège de Pierre ; il est peut-être allé plus loin, et a montré que chacun des quatre grands sièges patriarcaux, Rome, Alexandrie, Antioche et Jérusalem, étaient appelés ainsi, et parce qu’ils étaient censés avoir été fondés par Pierre. C’est la raison pour laquelle ils ont reçu la dignité et l’autorité des églises patriarcales. Pierre était tenu de survivre et de gouverner dans chacune d’elles, mais plus particulièrement à Rome, où il a donné sa vie pour sa foi, et où se trouve son tombeau. C’est Pierre qui gouverne un et indivisible en toutes, et par conséquent, pour obtenir l’autorité de Pierre, il n’était pas nécessaire, sauf en dernier recours, de s’adresser à son successeur au siège de Rome. C’est ce fait, mal compris par l’auteur, qui lui a fait affirmer que le siège de Pierre, ou la chaire de Pierre, signifie l’épiscopat universel que tous les évêques, comme le dit saint Cyprien, tiennent in soliao. Chaque évêque en communion avec le siège de Pierre était sans doute considéré comme solidaire de l’ensemble du corps épiscopal et apostolique, comme nous l’avons déjà expliqué ; mais nous n’avons pas trouvé le « siège de Pierre » ou la « chaire de Pierre » appliqué à des églises particulières, sauf celles qui, selon la tradition, ont été fondées par Pierre, et seuls ces sièges avaient à l’origine une juridiction patriarcale, et ce fait n’est pas en soi une preuve minime que la primauté a été considérée comme appartenant à Pierre, comme nous l’avons déjà expliqué, et l’auteur nous a donné l’occasion de prouver, à partir de l’étude de St. Cyprien.

            Le fait que Pierre ait été tenu de gouverner dans les quatre grands sièges patriarcaux, bien que de manière suprême seulement dans l’église de Rome, explique pourquoi, dans les premiers temps, nous ne trouvons pas de cas plus fréquents d’exercice de la juridiction au-delà de son propre patriarcat d’Occident par le pontife romain. Les évêques de ces églises pétriniennes n’étaient pas appelés patriarches à l’origine, mais ils exerçaient le pouvoir patriarcal bien avant de recevoir ce nom, et probablement depuis des temps qui ont immédiatement succédé aux apôtres. Tant que ces patriarches restaient en communion avec l’évêque de Rome, leur tête et chef, la plupart des questions de discipline, et beaucoup de celles de foi, pouvaient être, et étaient, réglées par le patriarche, ou l’autorité locale, sans avoir recours au pontife romain. Mais lorsque ces sièges tombaient de l’unité dans l’hérésie ou le schisme, Pierre restait seulement au siège romain, et toutes les causes qui avaient été précédemment réglées par les patriarches d’Orient devaient être portées immédiatement à Rome, devant la cour suprême.

            Rome, Alexandrie et Antioche étaient les trois principales villes de l’empire, et des capitales. La première l’était de l’empire lui-même, et les autres de ses deux plus grandes et plus importantes préfectures. Ce fait peut sembler favoriser la théorie de l’auteur selon laquelle la supériorité ecclésiastique découle de la supériorité civile ; mais s’il en avait été ainsi, Jérusalem n’aurait guère été choisie comme siège du troisième patriarcat d’Orient. La position géographique et l’importance civile et politique de ces villes ont peut-être influencé l’apôtre dans son choix pour en faire les sièges principaux du gouvernement ecclésiastique qu’il fondait sous le Christ, mais elles n’auraient pas pu être le fondement de leur juridiction ecclésiastique supérieure, car l’église n’était pas organisée comme une religion nationale, ou en vue du seul Empire romain, et les apôtres eux-mêmes ont porté l’évangile au-delà des limites les plus éloignées de cet empire, dans des régions jamais pénétrées par les aigles romains. L’église était catholique, et devait subsister à toutes les époques et enseigner à toutes les nations, ainsi que toute la vérité. Notre Seigneur a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde ; il ne tient pas des royaumes de ce monde, et il est indépendant de ceux-ci, tant dans sa constitution que dans ses pouvoirs. Ceux-ci restent toujours et partout les mêmes, quelles que soient les révolutions ou la montée et la chute des États et des empires. L’autorité de l’Église vient immédiatement de Dieu ; sa grandeur et sa gloire sont spirituelles et ne découlent pas de la grandeur, de la richesse ou de la puissance des villes terrestres. Saint Augustin fait de la ville de Rome le type de la ville du monde, qu’il oppose à l’église ou à la ville de Dieu. L’idée que le rang ou l’autorité de l’évêque dérive du rang civil et de l’importance de la ville dans laquelle il tient son siège est une idée de Constantinople dont on n’a pas entendu parler avant le cinquième siècle, et, comme nous le verrons à sa place, une des causes principales du schisme entre l’Orient et l’Occident.

            L’auteur nie que saint Pierre n’ait jamais été, au sens propre du terme, évêque de Rome, ou d’un siège particulier. S’il a raison, comment l’unité de l’église pourrait-elle avoir un point de départ ou un centre visible ? Ou comment pourrait-on dire qu’elle part de Pierre ou de la chaire de Pierre, comme l’affirme son propre témoin, saint Cyprien ? Si Pierre n’avait pas de point de vue particulier, n’avait pas établi son point de vue, ou n’avait pas installé sa chaise, sa cathèdre, nulle part en particulier, tout l’argument de saint Cyprien quant à l’origine et à la manifestation de l’unité est sans fondement et ne sert à rien. En outre, il est contredit par la tradition universelle. Le témoignage selon lequel Pierre avait sa chaise à Rome est amplement suffisant et ne laisse rien à désirer. Mais là n’est pas la question. C’est à l’auteur de prouver qu’il n’était pas évêque de Rome ; car il s’est engagé à prouver que la papauté est schismatique, et à chaque pas qu’il fait, la charge de la preuve lui incombe. Où sont ses preuves ?

            L’auteur dit que St. Linus était l’évêque de Rome lorsque Pierre est arrivé dans cette ville. Une église qui a un évêque est déjà une église fondée et constituée. Pourtant, l’auteur autorise et cite des autorités qui prouvent que Pierre était le fondateur, ou du moins l’un des fondateurs, de l’église romaine ! Que St. Linus ait été le premier évêque de Rome après St. Pierre, il n’y a aucun doute ; qu’il ait été le premier évêque, ou évêque de Rome, avant l’arrivée de St Pierre, nous disons qu’il n’y a pas de preuves. Les listes données par les pères l’énumèrent parfois comme premier et parfois comme second, car elles incluent ou n’incluent pas l’apôtre ; mais toutes font de lui le successeur de Saint Pierre. Les pères, en donnant les listes des autres sièges apostoliques, ne sont pas uniformes, et parfois ils incluent et parfois ils excluent l’apôtre, et ne comptent que de sa mort. Eusèbe dit, cité par l’auteur, p. 144 : « Après le martyre de Paul et de Pierre, Linus fut le premier à recevoir l’épiscopat à Rome ». Tertullien, également cité par l’auteur, p. 145, dit que « Pierre était assis sur la chaire de Rome » ; mais il soutient que Tertullien « ne signifie pas qu’il était évêque, mais qu’il y enseignait », c’est-à-dire que saint Pierre était professeur de théologie à Rome ! Cela aurait pu être le cas si Tertullien avait traité de la Sorbonne, ou de l’université française, mais nous ne répondrons pas ici. En langage ecclésiastique, chair, cathedra, signifie simplement le siège de l’évêque, et figurativement l’autorité épiscopale. Dire que Pierre était assis dans le fauteuil, ou cathèdre de Pomé, c’est dire simplement qu’il était évêque de Rome. On présume que Tertullien a voulu dire ce qu’il a dit, compris selon les usages de la langue qu’il a utilisée. En outre, si la chaise peut parfois être utilisée au sens figuré pour l’enseignement, il appartient à l’auteur de prouver qu’elle a bien été utilisée dans ce cas particulier. Ce qu’il ne fait pas et ne peut pas faire.

            L’auteur prétend que la tradition qui fait de Pierre sept ans évêque d’Antioche et vingt-cinq ans évêque de Rome est évidemment fausse ; car chacun peut voir en comptant qu’il n’y a pas eu assez de temps pour cela entre le jour de la Pentecôte et le martyre de Pierre. Nous ne prétendons pas être de très bons calculateurs, mais en comptant sept ans d’évêque d’Antioche et vingt-cinq ans d’évêque de « Rome nous trouvons en tout trente-deux ans. Le jour de la Pentecôte, selon le décompte habituel, était en l’an 33, et saint Pierre a subi le martyre à Rome sous Néron, A. n. 66, ou au plus tôt 65. Tillemont dit 66, ce qui laisse trente-trois ans, au moins trente-deux ans ; et nous ne voyons aucune raison de supposer que l’organisation de l’église à Jérusalem et le fait de la confier aux soins de Jacques, son premier évêque, et l’installation de sa chaire à Antioche, n’auraient pas tous été faits avant la fin de l’année de la crucifixion. Mais même une erreur dans la chronologie ne prouverait pas que Pierre n’était pas évêque de Rome.

            La prétention qu’il était incompatible avec la dignité d’un apôtre d’être l’évêque d’un siège particulier n’a rien pour la soutenir. Il n’est pas nécessaire de supposer que Pierre, en établissant son siège à Rome, a été obligé de limiter toute son attention et son travail à cette église particulière, ou qu’il est resté constamment à Rome. En effet, il est très possible, et beaucoup le pensent, qu’il ait confié la garde de cette église pendant ses absences à Saint Linus, son vicaire, et il existe plusieurs sources à ce sujet. Anacletus, St. Cletus, ou, comme le disent les Grecs, Anencletus, et St. Clément, successivement évêques de Rome, avec St. Linus dans le gouvernement de l’Église romaine sous Pierre durant sa vie ; mais, quoi qu’il en soit, la tradition est constante que St. Linus était le successeur immédiat de Pierre, ce qui implique au moins que Pierre était considéré comme ayant tenu le siège et aidé à le fonder ; sinon, St. Linus n’aurait pas pu être considéré comme son successeur, et aucune raison ne pourrait être donnée pour qu’il soit appelé le successeur de Pierre plutôt que de Paul, qui a également aidé à le fonder, et qui est honoré aujourd’hui encore par l’Église romaine comme l’un de ses fondateurs.

Nous avons repris point par point la théorie de l’auteur, et nous constatons qu’il ne parvient absolument pas à l’établir en tout ou en partie. Ses allégations sont formulées avec beaucoup de confiance, mais les autorités qu’il cite ne les soutiennent pas, et ne sont pas à la hauteur de son objectif ou, comme St Cyprian, tirent directement contre lui. Il a peut-être démoli l’homme de paille qu’il avait lui-même mis en place, mais il laisse debout la papauté telle qu’elle est tenue par l’Église catholique et définie par le Concile de Florence. Il a affirmé en termes très forts l’ignorance, la chicane, le sophisme et la malhonnêteté des théologiens romains, et ne laisse aucun doute dans l’esprit des lecteurs intelligents qu’il les surpasse grandement dans les qualités et les pratiques qu’il leur attribue ; mais il n’ajoute rien au-delà de ses propres affirmations et fausses représentations contre leur équité et leur franchise, et leur intelligence et leur savoir. Ses ricanements à leur égard ne sont pointés que par sa propre ignorance ou sa malice, et le présentent sous un jour des plus défavorables. Son langage, si abondant à leur égard, est très grossier et tout simplement dégoûtant. Du début à la fin, il prouve qu’il lui manque, nous ne dirons pas l’humilité du chrétien, mais la modestie et la réserve du véritable savoir et de la science, et qu’il est animé non par l’amour de la vérité, mais par un esprit de haine et de vengeance.

Nous pourrions bien conclure ici, car l’auteur a été réfuté par saint Cyprien lui-même, en prouvant par son propre témoignage que la primauté de la juridiction de droit divin était possédée de plein fouet au troisième siècle, alors qu’il a délaissé toute l’argumentation et les autorités invoquées par les théologiens romains de l’Écriture et de la tradition pour prouver affirmativement l’autorité papale de droit divin, ou par la nomination positive de Jésus-Christ dans toute leur force. Mais les raisons qui nous ont d’abord amenés à commencer l’examen des élucubrations de l’auteur nous incitent à les poursuivre. L’ouvrage a été traduit et publié ici sous les auspices des protestants, érigé en ouvrage important contre l’autorité papale et l’Église de Rome, « la racine et la matrice de l’Église catholique », comme le dit saint Cyprien, et, s’il était laissé inaperçu ou non remplacé, beaucoup de gens pourraient le prendre pour ce qu’il est vraiment et conclure que nous ne pouvons pas y répondre parce que nous ne l’avons pas fait.

            En outre, la divergence entre de grandes masses de protestants et de catholiques se réduit à deux questions : l’honneur que nous rendons à Marie, mère de Dieu, et l’autorité que nous attribuons au Saint-Siège et au pontife romain. M. Guettee, ayant été élevé dans notre communion nous a quitté parce qu’il n’était pas des nôtres. Il a fait de son mieux dans ce travail pour prouver que la papauté était schismatique, et ce type d’affirmation ayant été la cause du schisme entre l’Orient et l’Occident, cela nous offre une occasion aussi bonne que possible de discuter de cette dernière question, et d’examiner les arguments, les faits et les autorités allégués dans leur défense par ceux qui refusent leur obéissance à St Pierre dans son successeur. L’ouvrage est décousu, et composé de détails très fastidieux à lire, et difficile à mettre sous une forme dans laquelle sa valeur réelle peut être mise à l’épreuve. Mais c’est un juste spécimen dans l’esprit et l’arrangement des ouvrages écrits contre l’Eglise romaine et catholique, et contient sous une certaine forme tout ce que les schismatiques allèguent en premier et dernier lieu contre elle. Nous pouvons tout aussi bien en faire notre manuel pour la discussion que n’importe quel autre.

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