I. — Obéissance
[…]
Même lorsqu’il conseille
Lorsque le Pape nous transmet ses volontés, il n’emploie pas toujours le ton solennel du commandement, de l’ex cathedra, comme on dit. Père qu’il est — le mot Pape signifie Père, — il emploie d’abord le ton du bon papa, le ton de la douceur, insinuant plutôt ses volontés, les manifestant plutôt sous forme de simples désirs. Si ses enfants ne comprennent pas, il s’exprime alors plus clairement, plus explicitement, mais simplement, paternellement encore. Et ce n’est qu’en face de l’insouciance, de l’évidente mauvaise volonté qu’il use du commandement et recourt aux menaces.
Or, nous le savons, la volonté du père n’est pas moins dans ses insinuations, dans ses désirs à peine manifestés, que dans ses ordres les plus formels : et son enfant ne lui plaît pas moins en se rendant immédiatement aux premiers qu’en ne cédant aux seconds. Que dis-je ? il lui plaît bien davantage en devinant ses désirs et en prévenant ses ordres.
Comme, avec cette explication, ce rapprochement, l’on comprend le langage de Nosseigneurs les évêques dans leur Lettre collective :
« 75. Obéissez au Pape, Nos très chers frères, car qui n’écoute pas le Pape, n’écoute pas le Christ, ni le Père qui est dans les cieux : Qui vos spernit, me spernit ; qui autem me spernit, spernit eum qui misit me, Patrem.
« 76. Obéissez toujours au Pape ; quand il parle, quand il instruit, quand il conseille, quand il exhorte, comme quand il reprend ou condamne. Il est toujours la règle suprême de la vérité et du salut, car le Christ a prié pour lui, afin que sa foi ne défaille jamais, mais qu’il puisse, au besoin, confirmer et affermir ses frères dans la foi : Ego autem rogavi, ut non deficiat fides tua ; et tu aliquando conversus, confirma fratres tuos.
« 77. En catholiques sincères et loyaux, accptez la suprématie du Pape dans sa plénitude. Il est docteur, il enseigne ; sa doctrine s’impose ; l’intelligence, éclairée par la foi, se doit de l’accepter. Il est chef aussi, il ordonne ou il défend ; il a le droit de commander aux consciences, de leur définir le devoir et d’exiger d’elles l’obéissance, parce qu’il est le Chef spirituel et qu’il a la responsabilité de toute l’Eglise, de chacune des Eglises particulières et de chacune des âmes baptisées.
« 78. Qu’il n’y ait pas de place parmi vous, Nos très chers frères, pour cette erreur, trop répandue dans le monde insuffisamment instruit des vérités religieuses, qui prétend qu’un catholique n’est tenu de respecter que les seules définitions infaillibles du magistère ecclésiastique. Cela laisserait croire que le Pape n’est Souverain Pontife et Chef de l’Eglise que lorsqu’il parle ex cathedra. La vérité est plus vaste, plus riche, plus complète : le Pape possède l’infaillibilité et aussi l’autorité ; il peut définir une vérité de foi à croire, et il peut aussi, et il le fait quotidiennement, exposer ou rappeler la doctrine de l’Eglise dans une lettre encyclique ou de toute autre manière officielle.
« 79. Dans les deux cas, le Pape doit être écouté, obéi. Si quelqu’un rejetait l’enseignement infaillible du Pape, il deviendrait nettement hérétique. Si quelqu’un refusait d’accepter la doctrine ordinaire du Pape, il commettrait une témérité grave et exposerait sa foi aux risques de l’erreur. Il ne faut pas confondre l’infaillibilité du Pape avec son autorité doctrinale. L’une est différente de l’autre ; l’exercice de la seconde n’entraîne pas nécessairement l’exercice de la première. Mais l’une et l’autre exigent l’adhésion de notre esprit et la soumission de notre volonté ; l’une et l’autre relèvent du magistère pontifical.
« 80. Que votre respectueuse soumission s’étende à tout l’enseignement du Souverain Pontife, non seulement sur les choses qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi sur les principes qui doivent nous guider dans les questions sociales, économiques et politiques. Le rôle du Pape est de « ramener à la règle et au droit sentier de l’honnêteté, dans la vie publique et dans la vie privée, sur le terrain social et sur le terrain politique comme sur le terrain strictement religieux, tous les hommes et chacun d’eux en particulier, ceux qui commandent et ceux qui obéissent, car ils sont tous fils d’un même Père qui est aux cieux. »
« 81. Que votre obéissance, Nos très chers frères, soit filiale, vous êtes les fils d’un même Père. Que votre obéissance soit joyeuse et empressée, vous êtes les enfants du meilleur des Pères. »
Fruits de cette obéissance
S’il était besoin d’un nouvel argument, nous ajouterions :
Tout ce que l’on fait par obéissance, ou simplement en esprit d’obéissance, profite. C’est le Roi-Prophète qui nous l’assure dans son Psaume premier. Comparant le juste — partant le vrai obéissant — à un arbre planté sur le bord des eaux, il dit qu’il porte des fruits en son temps ; et que tout ce que fait le juste prospérera. Remarquez l’expression : tout. Il n’excepte rien. C’est bien le cas des saints — les vrais obéissants — dont les moindres actions, les moindres paroles, les moindres gestes, que dis-je, parfois les insuccès apparents portent toujours d’abondants fruits, sinon de leur vivant, du moins après leur mort.
Tandis qu’au contraire les œuvres de ceux qui agissent contre l’obéissance sont toujours stériles et voués au néant, en dépit des succès apparents. Leurs auteurs sont tout d’abord privés de mérite devant Dieu ; et c’est bien le plus grave châtiment qu’ils puissent encourir. Personne n’est plus pauvre que celui à qui Dieu manque… Mais ce qui est également certain, c’est que toutes leurs œuvres convergent tôt ou tard vers la ruine et que toutes leurs tentatives avorteront immanquablement. Dieu, en effet, se rit de ses ennemis. Et jamais, au grand jamais, il ne bénit leurs entreprises ; s’il le faisait, il se dédirait, il se contredirait.
Même si, par impossible, il se trompait
Et qu’on ne dise pas : « Mais si le Pape allait se tromper ? Il n’est infaillible, en effet, qu’en matière de foi et de mœurs ; et encore, seulement lorsqu’il parle ex cathedra… »
Quand il lui arriverait de se tromper — ce qu’il faudrait d’abord démontrer, — vous, en obéissant, vous ne vous tromperez jamais.
Comment cela, me direz-vous ?
Je suppose que vous mandiez à un bambin, moyennant dix sous, d’aller vous faire une commission à la deuxième rue et que vous vous trompiez d’endroit… Est-ce que le bambin ne vous réclamera pas les dix sous convenus, en dépit de votre erreur ?
Et si vous lui dites : « Je me suis trompé d’endroit ; va maintenant à la troisième rue.
— Oui, dira-t-il, moyennant quinze autres sous, car c’est une rue plus loin. »
Et je ne garantirais pas que ledit bambin, âpre au gain comme tous les enfants, ne souhaiterait pas que vous vous trompiez encore, pour avoir, lui, une nouvelle occasion de gagner davantage… Et, après tout, qui pourra l’en blâmer ? C’était à vous de faire attention.
Ainsi de nous avec nos supérieurs, et avec Dieu, je dirais. S’il y avait erreur quelque part, ce n’est pas nous qui en souffririons. On nous a demandé d’obéir et nous avons obéi. Nous avons mérité qu’on nous récompense maintenant… Et Dieu qui est fidèle : fidelis Deus, fera que nous soyons bien récompensés.
Garantie de véracité qu’offre sa parole
Même du seul point de vue humain, les directives du Souverain Pontife l’emportent de beaucoup, en gage de véracité et même en valeur d’intellectualité, sur tout ce qui émane de l’esprit et de la plume des hommes.
« Personne, dit Mgr Pâquet (Académie Saint-Thomas-d’Aquin, Septième Session) n’est placé dans une situation aussi avantageuse que celle des Papes pour recueillir les informations les plus authentiques sur la vie universelle. Par la voix de ses nonces, par celle des évêques de toutes les contrées qui le visitent, par tant de délégués, de pèlerins, de multitudes qui lui portent chaque année l’hommage de leur vénération filiale et l’attestation confiante de leurs besoins et de leurs vœux, le Pontife de Rome peut apprendre de la façon la plus exacte l’état véritable de l’Eglise…
« Lorsque le Souverain Pontife parle, c’est donc en parfaite connaissance de cause.
« Et maintenant, à quelles sources, pleines et profondes, s’alimente son enseignement ?
« Les textes scripturaires les plus riches lui livrent leurs trésors. Les traditions théologiques les plus pures lui versent leur sève vivifiante. La société quotidienne des plus grands savants en même temps que des plus grands saints, comme les Augustin, les Thomas d’Aquin, lui prêtent l’incomparable lustre de leurs vues les plus hautes, de leur science la plus profonde, la plus véridique, comme de la vertu la plus éprouvée et la plus éclairée. »
Nous devons, même du seul point de vue humain, aux enseignements et aux directives papales, un hommage d’adhésion franche, empressée.
« S’il n’en coûte pas aux citoyens d’un pays d’adhérer au programme politique tracé par les chefs en qui ils ont mis leur confiance, pourquoi les fidèles, citoyens d’un royaume infiniment supérieur à tous les royaumes et à toutes les républiques terrestres, hésiteraient-ils à saluer dans les communications adressées par les Papes à l’univers catholique, autant de messages opportuns de vérité, autant de gages assurés de salut public ?
« C’est donc notre devoir, à nous, ses dévoués fils, de nous pénétrer de l’esprit du Pape, de ses principes de prudence, de justice, de concorde, de pacification. C’est notre devoir, soit dans la presse, soit dans les congrès, soit dans tous les mouvements d’action sociale catholique, comme aussi dans l’orientation culturelle de nos groupes, de toujours tenir nos regards fixés sur ce que Rome enseigne, sur ce que Rome prescrit et de nous employer de toutes nos forces à faire triompher les directives pontificales.
« Ne soyons ni des aveugles volontaires, qui ferment les yeux aux clartés faites pour nous éclairer, nu des insensés qui refusent d’entendre les leçons très bienfaisantes de l’incomparable Maîtresse de toutes les âmes et de toutes les nations. »
II. — Dévotion
[…]
Ce que comporte cette dévotion
Etre dévot au Pape ce sera donc :
a) Croire en lui ;
b) L’aimer ;
c) Epouser ses causes et les propager.
Portée de l’expression
A. — Croire au Pape
Croire au Pape, c’est, en somme, croire le Pape et croire dans le Pape. En d’autres termes, c’est avoir foi et confiance en lui.
Avoir foi en lui, car sa parole est vraie, toujours vraie ; et, en bien des cas, nous avons la certitude qu’elle est infaillible.
En choisissant saint Pierre pour premier Pape, Notre-Seigneur lui dit : « Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. ».
Par « portes de l’enfer » on entend les erreurs du monde, les machinations de l’ennemi, les diverses ruses du démon.
Mais ce n’est pas tout ce que Notre-Seigneur dit à saint Pierre : « J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. Quand tu seras affermi, confirme tes frères. Je te donne les clefs du ciel. Tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel . ».
Peu après, il adressait les mêmes paroles au reste des apôtres. Et pour témoigner qu’il entendait bien parler aussi pour leurs successeurs, les autres papes et les autres évêques, il ajoutait : « Je serai avec vous jusqu’à la consommation des siècles. ».
Jésus-Christ est demeuré avec nous dans son Eucharistie, dans les saintes Ecritures, dans la personne du prochain, en particulier dans la personne de nos supérieurs, ses représentants.
Sa divine voix, par l’organe du Souverain Pontife, de Nosseigneurs les évêques, de nos prêtres, mais c’est toutes les semaines, presque tous les jours que nous l’entendons ou la lisons : encycliques, lettres collectives, lettres pastorales, sermons, instructions, catéchismes, causeries radiodiffusées, articles de journaux, etc., etc. Il faudrait être sourd et aveugle pour y échapper. Le ton n’y fait rien : qu’il soit solennel ou simple, peu importe. Réjouissons-nous bien plutôt que, la plupart du temps, il soit simple, familier, engageant. Reconnaissons-y la voix maternelle de notre Mère la sainte Eglise qui, comme toute mère, ne sait qu’aimer et ne commande qu’en priant.
[…]
Que dire maintenant des documents à portée juridique et sociale, où la sagesse papale trace aux peuples et à leurs chefs les larges avenues de la grandeur morale et de la félicité même temporelle !
Le 1er novembre 1935 marquait le cinquantième anniversaire de la la lettre à jamais mémorable Immortale Dei, par laquelle Léon XIII, en face d’opinions perverses, réaffirmait, en les précisant et en les développant, les maximes du droit public et de la haute politique qui doivent gouverner la société civile, ainsi que ses rapports nécessaires avec la société religieuses.
Jointe à quelques autres lettres, notamment à celle qui, sous le titre Humanum Genus, démasque et dénonce la franc-maçonnerie, l’encyclique Immorale Dei, dont l’apparition fut tout un événement, renferme la formule constitutive la plus nette, la plus complète, la plus sagement progressive que l’on ait concernant les Etats chrétiens. Dans les temps troublés où nous vivons, c’est l’étoile polaire des nations…
Quant aux sphères familiales, scolaires, ouvrières, sur lesquelles ne s’exerce pas moins la sollicitude de Rome, d’autres lettres magistrales, telles les lettre Arcanum et Casti connubii, Affari vos et Divini illius Magistri, Rerum novarum et Quadragesimo anno, y ont tour à tour promené des faisceaux de clartés très vives, très rayonnantes, dont toutes les familles, toutes les écoles, toutes les classes sociales peuvent très largement bénéficier.
Enfin, dans l’ordre international, n’avons-nous pas l’encyclique Ad beatissimi apostolorum, de Benoît XV, sur la paix et la fraternité des peuples ; puis, surtout, l’encyclique Quas primas, de Pie XI, sur la Royauté du Christ, royauté transcendante faite de la plus sublime sagesse et de la plus parfaite équité et dont l’influence unique est si éminemment propre à sauvegarder tous les droits et à favoriser les intérêts de l’humanité entière ?
Si, maintenant, du domaine papal, nous descendons au domaine épiscopal, qui n’en est que le prolongement, nous avons, ici au Canada, les substantielles et si opportunes lettres collectives de Nosseigneurs les archevêques et évêques, sur l’Esprit chrétien dans l’individu, la famille et la société, sur le Fléchissement des mœurs, sur le Retour à la terre, sur la Tempérance, sur le Jubilé épiscopal de Sa Sainteté Pie XII.
A tout ceci s’ajoutent désormais les allocutions fréquentes radiodiffusées de Notre Saint-Père le Pape et de S. Em. le cardinal Villeneuve.
N’est-il pas vrai que nous pouvons communiquer presque quotidiennement à la pensée de notre commun Père spirituel, le Pape, et à celle de nos évêques, les remplaçants, les dédoublements de son auguste personne ?
B. — Aimer le Pape
Que Notre Saint-Père le Pape et Nosseigneurs les évêques nous aiment, qui en doutera ? Cela se perçoit à l’accent de leur voix. J’en appelle à ceux d’entre vous qui les ont entendus parler, soit dans les églises, soit à la radio. Et, c’est précisément cet accent sympathique qui leur gagne tous les cœurs, même de ceux qui ne partagent pas nos croyances. Ah ! c’est que, voyez-vous, l’amour appelle naturellement l’amour !
C. — Epouser ses causes et les propager
Mais le véritable amour se traduit par les actes. Il y a longtemps que saint Grégoire a dit : « Probatio amoris, exhibitio operis. La preuve de l’amour, c’est l’acte. ».
Si nous aimons le Pape, nous épouserons ses causes et nous nous appliquerons à en assurer le succès. Pour cela, nous y mettrons du zèle, du dévouement et nous consacrerons à ce travail toutes nos industries, toutes nos énergies.
Mais qui nous fera connaître les causes du Pape et la part que nous devrons prendre à leur réussite ?
Les programmes d’Action catholique, d’Action catholique spécialisée, que l’on a définie : « la participation des laïcs à l’apostolat hiérarchisé de l’Eglise elle-même ». Inutile de nous y arrêter : vous connaissez ces formules. Plus d’une fois on vous a instruits de leur plein sens.
Résumons :
Foi dans la parole du Pape, confiance dans ses directives, amour pour sa personne et tout ce qui le regarde ; zèle ardent pour la propagande de ses idées, dévouement total, persévérant et sans limite dans la mise à exécution de ses programmes, consécration à ce travail de tout ce que nous possédons de talents, d’industries, d’énergies et de ressources ; c’est là, croyons-nous, ce que l’on peut appeler dévotion au Pape.
Source : Nos devoirs envers le Pape, du R. P. Bonaventure Péloquin, O. F. M. ; Œuvre des tracts MONTREAL (N° 296 — Février 1944), propriété Bibliothèques et Archives nationales Québec (BAnQ).
Imprimi potest : P. Damasus Laberge, O. F. M., Min. Prov.
Nihil obstat : Antoine Garneau, S. J., Cens. dioc.
Imprimatur : † J.-C. Chaumont, Ev. d’Arena, Aux. de Montréal
9 janvier 1944