ENCYCLIQUE « ORIENTALIS ECCLESIAE » et le retour à l’unité des frères séparés

Au lien de la foi il faut joindre la charité qui nous unit entre nous et au Christ ; la charité qui, animée et mue par le Saint-Esprit, relie entre eux d’un lien indestructible les membres du Corps mystique du Rédempteur. Cette charité ne doit pas refuser d’embrasser les égarés et ceux qui se sont trompés de route ; on peut en voir un exemple dans la façon d’agir si remarquable de saint Cyrille. En effet, bien qu’il eût combattu énergiquement l’hérésie de Nestorius, il déclare cependant ouvertement, brûlant de charité, qu’il ne permet à personne de prétendre aimer Nestorius plus ardemment qu’il ne l’aime lui-même. Et cela à bon droit. Il faut, en effet, considérer ceux qui s’écartent du droit chemin comme des frères malades et les traiter avec douceur et bonté. A ce propos, il sera utile de rappeler ces très prudents conseils du patriarche d’Alexandrie : « L’affaire, dit-il, réclame une grande modération. » « Car d’âpres discussions poussent la plupart à l’impudence ; mieux vaut subir avec douceur ceux qui résistent que de leur créer des embarras à la pointe du droit. De même que si leur corps était malade, il faudrait le palper d’une main légère, ainsi il faut secourir leur âme chancelante avec une certaine prudence en guise de remède. De cette façon, eux aussi reviendront pas à pas à la sincérité. » Et il ajoute ailleurs : « Nous avons imité la diligence des médecins habiles : ceux-ci, en effet, ne soignent pas aussitôt par le feu ou le fer les maladies et les blessures du corps, mais ils traitent d’abord la plaie avec des médicaments lénitifs, attendant le moment opportun de la cautérisation et de l’opération. » Animé d’une telle miséricorde et bienveillance pour les égarés, il se déclare ouvertement « amant passionné de la paix et totalement étranger aux disputes et aux querelles, tel, enfin, qu’il souhaite les aimer tous et être réciproquement aimé de tous ».
Ce penchant du saint docteur pour la concorde apparaît tout spécialement alors que, revenu de sa sévérité antérieure, il vaquait avec soin et diligence à l’établissement de la paix avec les évêques de la province d’Antioche. A propos de leur légat, il écrit entre autres : « Peut-être se figurait-il aller au-devant de rudes combats pour nous persuader que les Eglises devaient être unies dans la concorde et la paix, qu’il fallait écarter le prétexte à la moquerie des hétérodoxes, qu’il fallait briser la coalition de la méchanceté diabolique. De fait, il nous a trouvé si bien disposé à tout cela qu’il n’a eu absolument rien à faire. Nous nous souvenons, en effet, de ces paroles du Sauveur : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix. » Mais comme à l’établissement de cette paix faisaient obstacle les douze chapitres composés par saint Cyrille au synode d’Alexandrie — chapitres traitant de « l’union physique » dans le Christ, et pour cette raison rejetés comme hétérodoxes par les antio-chéens — le très bienveillant patriarche, sans les désavouer ni rejeter, puisqu’ils proposaient une doctrine orthodoxe, s’expliqua néanmoins dans plusieurs lettres, de manière à écarter la moindre apparence d’erreur et à aplanir la voie à la concorde. Et de ceci, il avisa les évêques « non comme des adversaires, mais comme des frères ». En effet, écrit-il, « pour la paix des Eglises et afin qu’elles ne soient pas divisées par des divergences d’opinions, les condescendances ne sont pas inutiles ». Il s’ensuivit heureusement que la charité de saint Cyrille recueillit en abondance les fruits si désirés de la paix. Quand il put enfin contempler cette paix naissante et embrasser d’un coeur fraternel les évêques de la province d’Antioche qui condamnaient l’hérésie nestorienne, rempli de joie surnaturelle il s’écria : « Que les cieux se réjouissent et que la terre exulte ! Car elle est abattue la paroi qui nous séparait, calmée la cause de notre affliction, écartée toute discorde, puisque le Christ, notre Sauveur à nous tous, a accordé la paix à ses Eglises. »
En vérité, Vénérables Frères, à notre époque comme en ces temps lointains, pour travailler avec succès à cette conciliation des fils dissidents, à laquelle tendent tous les gens de bien, le secours le plus efficace sera sans aucun doute, avec l’inspiration et l’aide de Dieu, une sincère et efficace bienveillance des esprits. Cette affectueuse bienveillance favorise la connaissance réciproque, que Nos prédécesseurs se sont tant efforcés de procurer et de développer par diverses entreprises, en particulier par fondation dans la Ville éternelle de l’Institut pontifical destiné à promouvoir les hautes études orientales. Il faut de même envelopper d’une estime méritée tout ce qui constitue pour les Orientaux comme un patrimoine propre légué par leurs ancêtres, à savoir ce qui regarde la liturgie sacrée et les ordres hiérarchiques, ainsi que tout ce qui concerne les autres aspects de la vie chrétienne, pourvu que tout cela soit en complet accord avec la vraie foi religieuse et les normes des bonnes moeurs. Il est nécessaire, en effet, que chacun et tous les peuples de rite oriental, en tout ce qui dépend de leur histoire particulière, de leur génie et caractère propre, jouissent d’une légitime liberté pourvu qu’elle n’aille pas à l’encontre de la vraie et intégrale doctrine de Jésus-Christ. Et ceci, qu’ils le sachent et le considèrent attentivement, aussi bien ceux qui sont nés dans l’Eglise catholique que ceux qui tendent vers elle par leurs désirs et leurs voeux ; de plus, que tous soient bien certains et convaincus que jamais ils ne seront forcés d’échanger leurs légitimes rites propres et leurs antiques institutions avec les rites et institutions latines. Les uns et les autres doivent être tenus en égale estime et honneur parce qu’ils entourent l’Eglise, Mère commune, comme d’une royale variété. Bien plus, cette diversité de rites et d’institutions, en gardant intact et inviolable ce qui pour chacun est ancien et précieux ne s’oppose aucunement à une vraie et sincère unité. Plus que jamais, en ces temps où la discorde et la rivalité de la guerre ont presque partout éloigné les uns des autres les esprits des hommes, il faut que tous, mus par la charité chrétienne, soient de plus en plus stimulés à rétablir par tous les moyens l’union dans le Christ et par le Christ.
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Nous, Vénérables Frères, qui célébrons le quinzième anniversaire de cette naissance céleste, Nous désirons et souhaitons vivement que tous ceux qui se réclament du nom de chrétiens travaillent chaque jour davantage, sous le patronage et à l’exemple de saint Cyrille, à l’heureux retour à Nous et à la seule Eglise de Jésus-Christ des frères orientaux dissidents. Que la foi pure et orthodoxe soit une pour tous ; une la charité qui nous unisse tous dans le Corps mystique de Jésus-Christ ; une, enfin, zélée et agissante, la fidélité envers le Siège du bienheureux Pierre. Qu’à cette oeuvre très noble et méritoire consacrent toutes leurs forces, non seulement tous les hommes qui vivent en Orient et qui, par une estime réciproque, par des relations bienveillantes, par l’exemple d’une vie irréprochable, pourront plus facilement attirer à l’unité de l’Eglise les frères séparés, surtout les ministres du sanctuaire, mais aussi tous les fidèles du Christ en implorant de Dieu par leurs prières un seul royaume du divin Rédempteur dans le monde entier, un seul bercail pour tous. A tous ceux-là Nous recommandons avant tout ce secours très puissant qui, dans toute oeuvre à entreprendre pour le salut des âmes, doit être le premier dans le temps et le principal dans l’efficacité : c’est-à-dire la prière adressée à Dieu avec un coeur ardent, humble et confiant. Nous désirons qu’ils fassent intervenir le très puissant patronage de la Vierge Mère de Dieu, pour que, par l’intercession de cette très bienveillante avocate et mère très aimante de tous, le divin Esprit éclaire de sa lumière surnaturelle les esprits des Orientaux et que nous soyons tous un dans l’unique Eglise fondée par Jésus-Christ, nourrie d’une intarissable pluie de grâces et stimulée à la sainteté par l’Esprit Paraclet lui-même. A ceux qui vivent dans les séminaires ou dans d’autres collèges, Nous voulons recommander spécialement « la Journée pour l’Orient » ; qu’en ce jour des prières plus ferventes s’élèvent au divin Pasteur de l’Eglise universelle et que l’on excite les jeunes avec plus d’ardeur; à désirer cette très sainte unité. Enfin, que tous ceux qui collaborent avec la hiérarchie ecclésiastique, soit qu’ils aient reçu l’honneur des ordres sacrés, soit qu’ils fassent partie de l’Action catholique ou d’autres associations, travaillent à promouvoir toujours plus l’union si désirée de tous les Orientaux au Père commun, tant par la prière que par les écrits et par la parole.