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Mythisme de Jésus 1 : la référence de Tacite à Jésus

Cet article est la traduction d’un article du 7 septembre 2017 écrit par Tim O’Neill, athée diplômé d’un Master en Histoire, sur le site History for Atheists, dans lequel les hyper-sceptiques de l’existence de Jésus sont réfutés quant au témoignage historique de Tacite.

Image: L’Incrédulité de saint Thomas, Cravage, 1603

Sommaire:
(en 4 pages)
Introduction
1. « Tacite ne fait référence qu’à l’existence des chrétiens, pas à Jésus »
2. « Tacite parlait d’une autre secte appelée les Chrestians »
3. «Tacite mentionne bien Jésus mais il ne fait que répéter ce que les chrétiens ont affirmé, ce n’est donc pas une preuve indépendante »
4. Le passage est une interpolation chrétienne ultérieure»
Conclusion


Publius Cornelius Tacite fut l’un des historiens romains les plus fiables, de nombreux personnages du premier siècle ne nous sont connus que parce qu’il les mentionnait. Cela signifie que sa référence à Jésus dans les Annales XV.44 reste un caillou dans l’engrenage de l’hypothèse du mythe de Jésus. Malgré la fiabilité de Tacite et l’accord des spécialistes sur l’authenticité de cette référence, les idéologues mythiques ont plusieurs moyens pour tenter de rejeter cette référence ; ils sont tous caractérisés par leur faiblesse.

La référence à Jésus se trouve dans le récit de Tacite sur le grand incendie de Rome, qui a fait rage dans la ville pendant plus de six jours en juillet 64 après J.-C. Lorsque la rumeur s’est répandue que Néron lui-même avait en fait ordonné le déclenchement de l’incendie, l’empereur a cherché des boucs émissaires pour le désastre :

« Pour apaiser ces rumeurs, il offrit d’autres coupables, et fit souffrir les tortures les plus raffinées à une classe d’hommes détestés pour leurs abominations et que le vulgaire appelait chrétiens. Ce nom leur vient de Christ, qui, sous Tibère, fut livré au supplice par le procurateur Pontius Pilatus. Réprimée un instant, cette exécrable superstition se débordait de nouveau, non seulement dans la Judée, où elle avait sa source, mais dans Rome même, où tout ce que le monde enferme d’infamies et d’horreurs afflue et trouve des partisans. On saisit d’abord ceux qui avouaient leur secte ; et, sur leurs révélations, une infinité d’autres, qui furent bien moins convaincus d’incendie que de haine pour le genre humain. »

(Ergo abolendo rumori Nero subdidit reos et quaesitissimis poenis adfecit, quos per flagitia invisos vulgus Chrestianos appellabat. auctor nominis eius Christus Tibero imperitante per procuratorem Pontium Pilatum supplicio adfectus erat ; repressaque in praesens exitiablilis superstitio rursum erumpebat, non modo per Iudaeam, originem eius mali, sed per urbem etiam, quo cuncta undique atrocia aut pudenda confluunt celebranturque. igitur primum correpti qui fatebantur, deinde indicio eorum multitudo ingens haud proinde in crimine incendii quam odio humani generis convicti sunt).

Cette référence au fondateur du christianisme par l’un des historiens les plus fiables et les plus attentifs de l’époque est quelque peu problématique pour l’hypothèse du mythe de Jésus. Les mythiciens doivent donc trouver des moyens de la faire correspondre à leur thèse et soutenir que, malgré cette référence claire à « Christus » en tant que personne historique, aucun Jésus historique n’a existé. En général, les mythiciens traitent cette référence de quatre manières principales :

  1. « Tacite ne fait référence qu’à l’existence des chrétiens, pas à Jésus »

  2. « Tacite parlait d’une autre secte appelée les Chrestians »

  3. « Tacite mentionne bien Jésus mais il ne fait que répéter ce que les chrétiens ont affirmé, ce n’est donc pas une preuve indépendante »

  4. « Le passage est une interpolation chrétienne ultérieure »

« Tacite ne fait référence qu’à l’existence des chrétiens, pas à Jésus »

Ce premier contre-argument à la référence tacitienne est généralement utilisé par les mythiciens d’un genre plus désinvolte, principalement parce qu’il est manifestement faux. Quiconque lit le passage peut voir que, s’il s’agit certainement des chrétiens de Rome dans les années 60 après J.-C., Tacite fait clairement référence à leur fondateur – « Christus » – et indique clairement qu’il considérait cette personne comme historique. Il donne quatre informations spécifiques sur cet individu : (i) il était le fondateur de la secte chrétienne, (ii) il a fondé la secte en « Judée », (iii) il a été exécuté par Ponce Pilate et (iv) cela s’est produit sous le règne de Tibère (14-37 après J.-C.). Ces éléments d’information nous permettent de savoir qui, quoi, où et quand pour ce « Christus » et donc de fixer Jésus à un moment et un lieu précis de l’histoire d’une manière qui concorde avec au moins certaines des informations contenues dans les récits évangéliques chrétiens. Puisque Pilate a gouverné la Judée de 26 à 37 après J.-C., la référence à Tacite nous donne une fenêtre claire sur l’époque où Jésus a existé. Ainsi, la tentative naïve de rejeter cette référence comme étant une simple référence aux chrétiens ne fonctionne tout simplement pas : il s’agit d’une référence à Jésus en tant que personnage historique et cela donne quelques détails sur lui.

« Tacite parlait d’une autre secte appelée les Chrestians »

Cet argument un peu bizarre se retrouve dans plusieurs versions, y compris dans celle d’un couple qui tente sérieusement de faire valoir qu’il n’y avait pas de christianisme avant le IVe siècle et que toutes les références à celui-ci avant cette date sont soit des textes plus frauduleux ou interpolés, soit simplement des références mal comprises à ces prétendus « chrétiens ». L’argument selon lequel la référence à Tacite concerne en fait cette prétendue autre secte repose sur deux prétendues preuves. Premièrement, tous les manuscrits que nous avons des Livres XI-XVI des Annales de Tacite sont des copies médiévales tardives d’un seul manuscrit antérieur : appelé le « Second Médicisien » ou M.II et qui se trouve maintenant à la Biblioteca Medicea Laurenziana, ou Bibliothèque laurentinienne à Florence. Ce manuscrit a été copié en écriture bénéventaine vers 1030-1050 après J.-C. dans le monastère de Monte Cassino et est probablement dérivé d’une copie antérieure, probablement carolingienne, ou d’une copie beaucoup plus ancienne du Ve siècle. Mais l’élément qui excite certains mythiciens est le mot « christianos » (chrétiens) dans le passage en question. En effet, un examen attentif du manuscrit révèle qu’il a été écrit à l’origine comme « chrEstianos », le « e » n’ayant été effacé et corrigé en « i » qu’à un moment ultérieur.

Le mot « christianos »/« chrestianos » dans les Annales 15.44 de M.II

La date exacte à laquelle la correction a été faite n’est pas claire, bien qu’il semble qu’elle ait été faite longtemps après que le manuscrit ait été copié, probablement aussi tard qu’au XIVe siècle (pour ceux qui souhaitent une analyse détaillée des preuves, voir Erik Zara, « The Chrestianos Issue in Tacite Reinvestigated », 2009). Le point pertinent ici est que l’orthographe originale du mot a été faite par le scribe du M.II et donc, selon les mythistes, c’est ce que Tacite a écrit à l’origine. La correction ultérieure, selon eux, est un exemple de la modification frauduleuse du texte par les chrétiens pour en faire un texte sur eux et leur Jésus.

Ils notent également une référence dans la vie de Claude par Suétone qui mentionne que, « depuis que les Juifs ont constamment fait des troubles à l’instigation de Chrestus, [Claude] les a expulsés de Rome » (Claudius, XXV). Ils affirment donc que les « chrétiens » de Tacite sont des adeptes de ce « Chrestus » antérieur et ne sont donc pas chrétiens du tout. Ce qui signifie que le « Christus » auquel Tacite fait référence n’est pas Jésus de Nazareth.

Le premier problème évident est qu’il repose sur la supposition qu’il y avait une secte telle que les « Chrestians » qui suivaient le « Chrestus » mentionné dans Suétone. Étant donné qu’il n’y a aucune mention d’une telle secte ailleurs, il s’agit d’une base hautement spéculative pour cette lecture du passage de Tacite. La mention « Chrestus » dans Suétone pourrait être une mention de quelqu’un de ce nom (c’était un nom grec commun à l’époque), ou pourrait être un malentendu de « Christus »/Χριστός/Messie et faire référence à des disputes théologiques juives sur l’eschatologie, ou pourrait faire référence à un juif prétendant être le Messie à Rome ayant reçu le titre de « Christus »/Χριστός/Messie, ou (évidemment) cela pourrait être une référence déformée à des disputes juives sur le Jésus « Christus »/Χριστός du christianisme. Supposer la première de ces options et supposer ensuite que ce « Chrestus » a fondé une secte que Néron a ensuite persécutée est hautement conjectural.

Et cette conjecture s’embrouille encore plus quand on examine ce que Tacite dit du fondateur de la secte à laquelle il se réfère. Il dit que ce fondateur a été exécuté en Judée par Pilate sous le règne de Tibère. Cela n’a aucun sens si ce fondateur était l’instigateur de « troubles » parmi les Juifs de Rome sous le règne de Claude, qui est arrivé à l’empereur quatre ans après la mort de Tibère et cinq ans après que Pilate ait été écarté du gouvernement de la Judée.

Bien sûr, il se peut que Suétone se soit trompé sur les troubles causés directement par ce « Chrestus » et qu’ils aient plutôt concerné cette personne, mais cela signifie tout de même que pour que ce « Chrestus » soit le fondateur d’un quelconque groupe de « chrestiens » dans le passage de Tacite, il faut alors que nous ayons deux sectes, aux noms remarquablement similaires, toutes deux prétendant être fondées par un homme exécuté en Judée par Pilate sous le règne de Tibère. Cette coïncidence est bien trop proche pour survivre à une application du rasoir d’Ockham.

Dans l’ensemble, cette hypothèse repose sur une série de conjectures douteuses et est trop fantaisiste pour être soutenue de manière crédible.

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