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Réfutation des objections contre l’encyclique Fratelli Tutti

Dans cet article nous répondrons à diverses objections posées par les schismatiques à l’égard de la nouvelle encyclique du Pape François, Fratelli Tutti. Il sera probablement mis à jour dans les jours qui suivent, face à l’obstination de ses ennemis.

Vignette : Fratelli Tutti, signature de la nouvelle encyclique du pape en direct d’Assise (KTOTV), https://www.ktotv.com/

Objection : « Seuls les catholiques sont frères entre eux ! »

Saint Pie X enseigne dans son catéchisme que Dieu est le Père par la grâce des bons catholiques, mais aussi qu’il est Père de tous les hommes, qu’Il a créés.

« On donne à Dieu le nom de Père :
1 parce qu’il est par nature Père de la seconde Personne de la Très Sainte Trinité, c’est-à-dire du Fils qu’il a engendré ;
2 parce que Dieu est le Père de tous les hommes qu’il a créés, qu’il conserve et qu’il gouverne ;
3 enfin parce qu’il est le Père par la grâce de tous les bons chrétiens, appelés pour cela les fils adoptifs de Dieu. »

– Pape Saint Pie X, Catéchisme, Partie I, chapitre 2, § 1.

Aussi, Pie XI enseignait la même chose dans son Encyclique Ubi Arcano Dei Consilio :

« Tous les peuples, en tant que membres de l’universelle famille humaine, sont liés entre eux par des rapports de fraternité »

– Pape Pie XI, Ubi Arcano Dei Consilio

Son successeur, Pie XII, l’enseignera également dans son encyclique Summi Pontificatus :

« L’Apôtre des Nations, à son tour, se fait le héraut de cette vérité, qui unit fraternellement tous les hommes en une grande famille, quand il annonce au monde grec que Dieu  » a fait sortir d’une souche unique toute la descendance des hommes, pour qu’elle peuplât la surface de la terre, et a fixé la durée de son existence et les limites de son habitacle, afin que tous cherchent le Seigneur  » (Act., XVII, 26-27.) »

– Pape Pie XII, Summi Pontificatus

Plus tard, il citera le verset Eph., IV, 6, disant que Dieu est « Père de tous » :

« Merveilleuse vision, qui nous fait contempler le genre humain dans l’unité de son origine en Dieu : un seul Dieu, Père de tous, qui est au-dessus de tous, et en toutes choses, et en chacun de nous (Eph., IV, 6) »

– Pape Pie XII, Summi Pontificatus

Leur prédécesseur Benoit XV l’enseigna également :

« Ainsi, lorsque sera rétabli l’ordre de la justice et de la charité et que les nations se seront réconciliées, il est très désirable, Vénérables Frères, que tous les Etats, écartant tous leurs soupçons réciproques, s’unissent pour ne plus former qu’une ligue, ou plutôt qu’une sorte famille de peuples, mesurée à la fois pour le maintien de leur propre indépendance et pour le maintient de l’ordre social. »

– Pape Benoît XV, Encyclique Pacem Dei Munus Pulcherrimum (en anglais), point 17.

Benoît XV, par l’intermédiaire du Cardinal Gasparri, déclarait que « comme Chef de l’Eglise Catholique, fidèle à sa divine doctrine et à sa plus glorieuse tradition, il considère tous les hommes comme des frères et leur apprend à s’aimer » (Archives du Corriere della Sera, article « Gli ebrei americani e il Papa » du 16 Avril 1917).

Objections : « Le Pape cite le Talmud ! » & « Le Pape valoriserait les fausses religions ! »

Premièrement, les schismatiques critiquent le fait que le Pape cite le Talmud dans son encyclique :

« Dans les traditions juives, le commandement d’aimer et de prendre soin de l’autre semblait se limiter aux relations entre les membres d’une même nation. Le précepte ancien « tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18) était généralement censé se rapporter à des concitoyens. Cependant, surtout dans le judaïsme qui s’est développé hors de la terre d’Israël, les frontières se sont élargies. L’invitation à ne pas faire aux autres ce que tu ne veux pas qu’ils te fassent est apparue (cf. Tb 4, 15). Le sage Hillel (Ier siècle av. J.-C.) disait à ce sujet : « Voilà la loi et les prophètes ! Tout le reste n’est que commentaire ».[55] Le désir d’imiter les attitudes divines a conduit à surmonter cette tendance à se limiter aux plus proches : « La pitié de l’homme est pour son prochain, mais la pitié du Seigneur est pour toute chair » (Si 18, 13). »

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 59.

Ils évoquent également la référence à des figures non-catholiques :

« Dans ce cadre de réflexion sur la fraternité universelle, je me suis particulièrement senti stimulé par saint François d’Assise, et également par d’autres frères qui ne sont pas catholiques : Martin Luther King, Desmond Tutu, Mahatma Mohandas Gandhi et beaucoup d’autres encore. Mais je voudrais terminer en rappelant une autre personne à la foi profonde qui, grâce à son expérience intense de Dieu, a fait un cheminement de transformation jusqu’à se sentir le frère de tous les hommes et femmes. Il s’agit du bienheureux Charles de Foucauld. »

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 286.

Réponse :

Nous pouvons d’abord rappeler à propos de la première citation que le sage Hillel est décédé en l’an 10 après J.C., en un temps où les autorités juives étaient encore légitimes, Notre-Seigneur demandant à ses contemporains d’écouter ceux-là qui siègent sur la chaire de Moïse. Mais, de toute manière, le Pape ne fait ici que citer un passage judicieux du Talmud, sans porter un jugement sur l’ouvrage dans sa globalité. Par ailleurs, jamais sa condamnation n’a supposée que le moindre de ses mots étaient mauvais et faux, ce que cette citation réfute par ailleurs.

Selon la même logique, le Saint-Père fait référence à quelques personnalités qui ont pu avoir un apport dans sa réflexion sur les questions abordées par l’encyclique. Mais de la même manière, le Pape Pie XII n’hésitait pas non plus à citer Cicéron, homme d’Etat romain, à trois reprises, pour nous enseigner sur « les principes sacrés de la religion et les normes de vie qu’elle édicte » dans son encyclique Fulgens Radiatur, et que Saint Thomas d’Aquin s’inspirait d’Aristote, philosophe grec d’avant J-C, sur de nombreux points. Léon XIII a même cité Tertullien ( De coron. milit., 13 PL 2, 116 ) du temps où il était tombé dans l’hérésie montaniste dans son Encyclique Arcanum Divinae.

Même Saint Thomas d’Aquin, le docteur angélique, reprenait des arguments religieux pertinents des musulmans et juifs: Selon le Dictionnaire de Théologie Catholique de 1908, les scholastiques ont emprunté des analyses théologiques faites chez les infidèles pour approfondir la doctrine [l’article parle de questions religieuses sur Dieu]:
« A la lumière des doctrines de l’Église, peu à peu un travail se fit qui consista à distinguer ce qui dans les Arabes n’était pas conciliable avec le dogme, et les doctrines que l’on ne pouvait pas accepter sans mettre en danger la foi chrétienne. Cette élimination faite dans leur esprit, et les controverses qu’ils eurent entre eux les aidèrent à la préciser, les docteurs chrétiens virent ce qu’ils pouvaient accepter des analyses souvent subtiles, quelquefois profondes des grands penseurs arabes; ils reconnurent que ces nouvelles données pouvaient quelquefois servir à résoudre certaines difficultés rationnelles; que d’autres, dont les germes se trouvaient dans la tradition chrétienne, ne demandaient qu’à être développées pour qu’il en résultât une meilleure intelligence du dogme. […] La multiplicité des emprunts faits par saint Thomas à Averroès en ce qui touche à la démonstration des attributs négatifs de Dieu explique pourquoi il répète souvent que les philosophes ont fort bien connu ceux-ci, et conclut que notre connaissance de Dieu est d’abord négative. Sum. theol., Ia, q. xn, a. 12. Les erreurs des Arabes et des Juifs sur les attributs positifs et spécialement l’agnosticisme qu’ils professaient presque tous, étaient d’ailleurs bien faits pour le confirmer dans cette manière d’apprécier les forces de la raison. Là encore, nous allons le voir, Averroès lui fut d’un grand secours. […] ses emprunts aux Arabes sont loins de s’être bornés à celui-ci. Avicebron, Maimonide, Avicenne lui ont donné plus d’un développement. […] la synthèse de saint Thomas n’est autre que la fusion harmonieuse du donné chrétien traditionnel, de la fleur de la pensée antique, et de tout ce qui est acceptable pour un chrétien soucieux de tradition dans la spéculation juive et arabe. » (article « Dieu (sa nature selon les scolastiques) »)

Citer des auteurs non-catholiques n’est donc pas blâmable en soi, pas même dans une Encyclique, et c’est une chose que l’Eglise n’a absolument jamais rejetée.

Objection : « Le Pape valoriserait les fausses religions ! »

Voici le paragraphe incriminé :

« Les différentes religions, par leur valorisation de chaque personne humaine comme créature appelée à être fils et fille de Dieu, offrent une contribution précieuse à la construction de la fraternité et pour la défense de la justice dans la société. Le dialogue entre personnes de religions différentes ne se réalise pas par simple diplomatie, amabilité ou tolérance. Comme l’ont enseigné les évêques de l’Inde, « l’objectif du dialogue est d’établir l’amitié, la paix, l’harmonie et de partager des valeurs ainsi que des expériences morales et spirituelles dans un esprit de vérité et d’amour ».[259]« 

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 271.

Les religions qui correspondent à la définition du Pape offrent effectivement une contribution à la société. De même que le peut, par exemple, la « foi en Dieu » (qui considérée généralement n’est pas le propre des catholiques), c’est l’enseignement de Pie XI :

« Dans ce combat engagé dans la puissance des ténèbres contre l’idée même de la Divinité, Nous gardons l’espérance que la lutte sera vaillamment soutenue, non seulement par ceux qui se glorifient de porter le nom du Christ, mais aussi par tous les hommes (et ils sont l’immense majorité dans le monde) qui croient encore en Dieu et l’adorent. Nous renouvelons donc l’appel lancé, il y a cinq ans, dans Notre Encyclique Caritate Christi, que tous les croyants s’emploient avec loyauté et courage  » à préserver le genre humain du grave péril qui le menace « . Car, disions-Nous alors,  » la foi en Dieu est le fondement inébranlable de tout ordre social et de toute responsabilité sur la terre; aussi tous ceux qui ne veulent pas de l’anarchie et du terrorisme, doivent travailler énergiquement à empêcher la réalisation du plan ouvertement proclamé par les ennemis de la religion  » (45). »

– Pape Pie XI, Encyclique Divini Redemptoris, point 72.

Les dissidents critiquent également ce passage de l’encyclique :

« L’Église valorise l’action de Dieu dans les autres religions et « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui […] reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes ».[271] […] »

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 277.

Nous le rappelons, Pie XII enseignait également que les autres religions contenaient des lueurs de vérité :

« Par ailleurs, les théologiens et les philosophes catholiques, auxquels incombe la lourde charge de défendre la vérité divine et humaine et de l’inculquer à toutes les âmes, n’ont pas le droit d’ignorer ni de négliger les systèmes qui s’écartent plus ou moins de la droite voie. Bien plus, il leur faut les connaître à fond, d’abord parce qu’on ne peut guérir que les maux que l’on connaît bien, puis parce que dans les systèmes erronés peut se cacher quelque lueur de vérité, et parce qu’enfin ces erreurs poussent l’esprit à scruter avec plus de soin et à apprécier mieux telle ou telle vérité philosophique et théologique. »

— Pape Pie XII, Humani Generis

Les sédévacantistes critiquent l’enseignement de François selon lequel Dieu agit dans les autres religions, mais dire le contraire équivaut à dire que les non catholiques ne bénéficient d’aucune grâce, ce qui est une hérésie janséniste condamnée par le Saint Office en 1690 :

« Les païens, les juifs, les hérétiques, et d’autres semblables, ne reçoivent aucune influence de Jésus Christ ; et on peut en conclure justement que la volonté est en eux nue et désarmée, sans aucune grâce suffisante. » (condamné)

Décrets du Saint Office, Erreurs des jansénistes, Denzinger 1996, n° 2305

« Tout ce qui ne provient pas de la foi chrétienne surnaturelle qui agit par amour est péché. » (condamné)

Décrets du Saint Office, Erreurs des jansénistes, Denzinger 1996, n° 2311

La Congrégation pour la Doctrine de la Foi expliquait ce que signifie l’action de Dieu dans les autres religions, dans sa Constitution Dominus Iesus :

« L’action salvifique de JésusChrist, avec et par son Esprit, s’étend à toute l’humanité, au delà des frontières visibles de l’Église. Traitant du mystère pascal, où le Christ associe déjà maintenant le croyant à sa vie dans l’Esprit et lui donne l’espérance de la résurrection, le Concile affirme : « Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal » [Gaudium et spes, n. 22]. »

Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Constitution Dominus Iesus.

Objection : « Le Pape a condamné la peine de mort, qui serait une chose éternellement admissible! »

Les schismatiques se plaignent du paragraphe suivant :

« Je voudrais faire remarquer qu’« il est impossible d’imaginer qu’aujourd’hui les États ne puissent pas disposer d’un autre moyen que la peine capitale pour défendre la vie d’autres personnes contre un agresseur injuste ». Les exécutions dites extrajudiciaires ou extra-légales sont particulièrement graves ; elles sont « des meurtres délibérés commis par certains États et par leurs agents, souvent maquillés en affrontements avec des délinquants ou présentés comme des conséquences involontaires du recours raisonnable, nécessaire et proportionnel à la force pour faire appliquer la loi ».[256]« 

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 267.

Avant cela, il a dit :

« Dès les premiers siècles de l’Église, certains se sont clairement déclarés contraires à la peine capitale. Par exemple, Lactance soutenait qu’« il ne fallait faire aucune distinction : tuer un homme sera toujours un crime ».[252] Le Pape Nicolas Ier exhortait : « Tâchez de délivrer de la peine de mort non seulement les innocents mais aussi tous les coupables ».[253] À l’occasion d’un procès contre des meurtriers qui avaient assassiné deux prêtres, saint Augustin a demandé au juge de ne pas leur ôter la vie. Et il se justifiait ainsi : « Ce n’est pas que nous nous opposions à ce qui doit ôter aux méchants la liberté du crime, mais nous voulons qu’on leur laisse la vie et qu’on ne fasse subir à leur corps aucune mutilation ; il nous paraîtrait suffisant qu’une peine légale mît fin à leur agitation insensée et les aidât à retrouver le bon sens, ou qu’on les détournât du mal en les employant à quelque travail utile. Ce serait là aussi une condamnation ; mais qui ne comprend qu’un état où l’audace criminelle ne peut plus se donner carrière et où on laisse le temps au repentir, doit être appelé un bienfait plutôt qu’un supplice. […] Réprimez le mal sans oublier ce qui est dû à l’humanité ; que les atrocités des pécheurs ne soient pas pour vous une occasion de goûter le plaisir de la vengeance, mais qu’elles soient comme des blessures que vous preniez soin de guérir ».[254]« 

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 265.

Dans l’attente d’un article synthétique, nous renvoyons ici à l’étude du Père Valuet.

Le point central en est que le licite et l’illicite ne peuvent pas être déterminés exclusivement dans l’abstrait, le jugement de saint Paul sur la peine de mort appartenait à son temps (l’esclavage est alors normalisé, existe selon certaines normes propres, etc.) et à la pastorale chrétienne d’alors (l’abolition n’était pas directement visée, car irréalisable) ; ce fait n’empêche pas les mots très durs du Pape Léon XIII qui juge que l’esclavage existe « contrairement à ce que Dieu et la nature ont d’abord établi », selon ce grand Pape l’esclavage est né « sans tenir le moindre compte ni de la communauté de nature, ni de la dignité humaine, ni de l’image divine imprimée dans l’homme. (cf. In Plurimis). Ce qu’il faut comprendre ici, c’est qu’absolument aucun Pape n’en a fait un absolu moral et tolérable en tous temps, car la peine de mort est bien conditionnée par des circonstances que le Pape, juge suprême des questions pastorales, considère inadéquates « aujourd’hui ».

Objection : « Le Pape a enseigné que l’on devait conserver les identités religieuses des immigrés ! »

Certains vont probablement se plaindre de ce passage de l’encyclique :

« Nos efforts vis-à-vis des personnes migrantes qui arrivent peuvent se résumer en quatre verbes : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. En effet, « il ne s’agit pas d’imposer d’en haut des programmes d’assistance, mais d’accomplir ensemble un chemin à travers ces quatre actions, pour construire des villes et des pays qui, tout en conservant leurs identités culturelles et religieuses respectives, soient ouvertes aux différences et sachent les valoriser sous le signe de la fraternité humaine ». »

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 129.

Pour prévenir les plaintes injustifiées, François cherche à promouvoir des valeurs de fraternité humaine sans imposer un changement de religion. En effet, la fraternité humaine, et plus généralement la justice, n’exigent pas absolument la conversion du migrant. Celui-ci doit effectivement être aidé, sans qu’il ne soit nécessaire de le forcer à quitter son « identité culturelle et religieuse », ainsi que l’enseigne Pie XII dans Exsul Familia :

« Par la parole, l’exemple, les dons en argent spontanément offerts, en même temps en suscitant la libéralité des évêques et des fidèles polonais, il [le Pape] vint en aide à plusieurs reprises aux réfugiés des régions de l’Europe orientale, de quelque région ou religion qu’ils fussent. »

– Pape Pie XII, constitution apostolique Exsul Familia, point 49.

Objection : « Le Pape enseigne qu’aujourd’hui aucune guerre n’est juste ! »

Ailleurs, les schismatiques jettent la pierre à ce passage :

« C’est ainsi qu’on fait facilement le choix de la guerre sous couvert de toutes sortes de raisons, supposées humanitaires, défensives, ou préventives, même en recourant à la manipulation de l’information. De fait, ces dernières décennies, toutes les guerres ont été prétendument “justifiées”. Le Catéchisme de l’Église catholique parle de la possibilité d’une légitime défense par la force militaire, qui suppose qu’on démontre que sont remplies certaines « conditions rigoureuses de légitimité morale ».[239] Mais on tombe facilement dans une interprétation trop large de ce droit éventuel. On veut ainsi justifier indument même des attaques ‘‘préventives’’ ou des actions guerrières qui difficilement n’entraînent pas « des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer ».[240] Le problème, c’est que depuis le développement des armes nucléaires, chimiques ou biologiques, sans oublier les possibilités énormes et croissantes qu’offrent les nouvelles technologies, la guerre a acquis un pouvoir destructif incontrôlé qui affecte beaucoup de victimes civiles innocentes. Incontestablement, « jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira toujours bien ».[241] Nous ne pouvons donc plus penser à la guerre comme une solution, du fait que les risques seront probablement toujours plus grands que l’utilité hypothétique qu’on lui attribue. Face à cette réalité, il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste”. Jamais plus la guerre ![242]« 

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 258.

Le Pape juge que les conditions internationales actuelles rendent généralement « très difficile » une défense de la guerre. Il rappelle cependant lui-même la doctrine catholique générale sur la question de la guerre juste, entre autre en citant le Catéchisme de l’Eglise Catholique.

En raison du pouvoir destructeur étonnant et horrible de l’armement moderne, la proportionnalité est difficile à maintenir. La guerre moderne déchaîne tant de maux graves qu’il est difficile d’imaginer une situation dans laquelle elle ne serait pas pire que l’injustice qui l’a précipitée. «  Ce qui peut apparaître comme une solution immédiate ou pratique à un endroit dans le monde crée un enchaînement de facteurs violents, très souvent imperceptibles, qui finit par affecter toute la planète et ouvrir la voie à de nouvelles et pires guerres à l’avenir. » (FT 259). Par exemple, la guerre en Irak, qui au début pouvait sembler justifiable en raison de fausses informations selon lesquelles Saddam Hussein aurait possédé des armes de destruction massive. Hussein était mort en trois ans, mais dix-sept ans plus tard, le monde souffre toujours d’effets continus qui dureront encore des décennies. Les enseignements du pape François dans cette encyclique font écho aux calamités des guerres en Irak et en Afghanistan. La remise en cause de la guerre comme moyen de justice a déjà été faite par Jean XXIII, que François cite : « il devient impossible de penser que la guerre soit le moyen adéquat pour obtenir justice d’une violation de droits » (FT 260, citant Pacem in Terris 127). Pour Jean XXIII, cela était dû aux armes nucléaires, mais François mentionne aussi les armes chimiques et biologiques. La doctrine de la guerre juste a été formulée à une époque où les soldats se sont alignés sur les champs de bataille et se sont attaqués avec des épées et des boucliers, dont les effets néfastes – aussi mauvais soient-ils – étaient plus facilement contenus que ceux des armes nucléaires, chimiques et biologiques.

Le Pape Pie XII également disait que pour les conflits internationaux, la théorie de la guerre comme moyen proportionnel et adapté était désormais dépassée:

Personne ne pourrait saluer cette évolution avec plus de joie que celui qui a défendu depuis longtemps le principe que la théorie de la guerre, comme moyen apte et proportionné de solution pour les conflits internationaux, est désormais dépassée. Personne ne saurait souhaiter plus ardemment plein et heureux succès à cette collaboration commune, qui est à entreprendre avec un sérieux d’intention inconnu jusqu’ici, que celui qui s’est employé consciencieusement à amener la mentalité chrétienne et religieuse à réprouver la guerre moderne et ses monstrueux moyens de lutte.

Radiomessage de Noël 1944 au monde entier

C’est aussi dans cette ligne que Saint Jean XXIII, pape universellement accepté, décrétait:

il devient humainement impossible de penser que la guerre soit, en notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir justice d’une violation de droits.

Encyclique Pacem In Terris, 11 avril 1963

Objection : « Le Pape emploie les mots ‘liberté, égalité, fraternité’ ! »

Les dissidents reprochent à François d’avoir employé la formulation en tant que sous-titre concernant les paragraphes 103 à 105.

« Liberté, égalité et fraternité

103. La fraternité n’est pas que le résultat des conditions de respect des libertés individuelles, ni même d’une certaine équité observée. Bien qu’il s’agisse de présupposés qui la rendent possible, ceux-ci ne suffisent pas pour qu’elle émerge comme un résultat immanquable. La fraternité a quelque chose de positif à offrir à la liberté et à l’égalité. Que se passe-t-il sans une fraternité cultivée consciemment, sans une volonté politique de fraternité, traduite en éducation à la fraternité, au dialogue, à la découverte de la réciprocité et de l’enrichissement mutuel comme valeur ? Ce qui se passe, c’est que la liberté s’affaiblit, devenant ainsi davantage une condition de solitude, de pure indépendance pour appartenir à quelqu’un ou à quelque chose, ou simplement pour posséder et jouir. Cela n’épuise pas du tout la richesse de la liberté qui est avant tout ordonnée à l’amour.

104. On n’obtient pas non plus l’égalité en définissant dans l’abstrait que ‘‘tous les êtres humains sont égaux’’, mais elle est le résultat d’une culture consciente et pédagogique de la fraternité. Ceux qui ne peuvent être que des partenaires créent des cercles fermés. Quel sens peut avoir dans ce schéma une personne qui n’appartient pas au cercle des partenaires et arrive en rêvant d’une vie meilleure pour elle-même et sa famille ?

105. L’individualisme ne nous rend pas plus libres, plus égaux, plus frères. La simple somme des intérêts individuels n’est pas capable de créer un monde meilleur pour toute l’humanité. Elle ne peut même pas nous préserver de tant de maux qui prennent de plus en plus une envergure mondiale. Mais l’individualisme radical est le virus le plus difficile à vaincre. Il nous trompe. Il nous fait croire que tout consiste à donner libre cours aux ambitions personnelles, comme si en accumulant les ambitions et les sécurités individuelles nous pouvions construire le bien commun. »

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, points 103 à 105.

En lisant ces paragraphes, on peut constater que François s’approprie cette devise pour lui donner un sens catholique. Il y dénonce justement les dérives de la Révolution française : une liberté sans entraves, un égalitarisme exacerbé et une fausse fraternité qui brille par son absence. Pedro Gabriel l’explique en détail dans cet article traduit en français.

On peut noter que Léon XIII aussi se réapproprie les mots « liberté, égalité, fraternité » dans Humanum Genus pour leur donner un sens conforme au catholicisme :

« Le principal est de conduire les âmes à la liberté, à la fraternité, à l’égalité juridique, non selon l’absurde façon dont les francs-maçons entendent ces choses, mais telles que Jésus Christ a voulu enrichir le genre humain et que saint François les a mises en pratique. »

– Pape Léon XIII, Encyclique Humanum Genus

Objection : « Le Pape aurait nié le péché originel ! »

Les sédévacantistes critiquent ce paragraphe :

« Cela nous aide à reconnaître qu’il ne s’agit pas toujours d’obtenir de grands succès, qui parfois sont impossibles. Dans l’activité politique, il faut se rappeler qu’« au-delà de toute apparence, chaque être est infiniment sacré et mérite notre affection et notre dévouement. C’est pourquoi, si je réussis à aider une seule personne à vivre mieux, cela justifie déjà le don de ma vie. C’est beau d’être un peuple fidèle de Dieu. Et nous atteignons la plénitude quand nous brisons les murs, pour que notre cœur se remplisse de visages et de noms ! ». Les grands objectifs rêvés dans les stratégies ne sont que partiellement atteints. Mais au-delà, celui qui aime et qui a cessé de comprendre la politique comme une simple recherche de pouvoir « est sûr qu’aucune de ses œuvres faites avec amour ne sera perdue, ni aucune de ses préoccupations sincères pour les autres, ni aucun de ses actes d’amour envers Dieu, ni aucune fatigue généreuse, ni aucune patience douloureuse. Tout cela envahit le monde, comme une force de vie ». »

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 195.

Ils pensent voir une hérésie en lisant que « chaque être est infiniment sacré et mérite notre affection et notre dévouement. ». En effet, ils pensent qu’à cause du péché originel, l’homme aurait perdu sa dignité et ne serait donc pas « infiniment sacré » (ou immensément sacré en anglais). Or, il ne s’agit nullement d’une négation du péché originel, car l’homme tient sa dignité sacrée du fait qu’il est à l’image de Dieu.

La Congrégation pour la Doctrine de la Foi expliquait déjà bien à Mgr Lefebvre que l’homme n’a pas perdu sa dignité naturelle à cause du péché originel, en rappelant l’enseignement du Concile de Trente :

« Le péché originel a détruit la dignité surnaturelle et préternaturelle de l’homme (basée sur la grâce et sur les autres dons surnaturels et préternaturels), mais n’a pas détruit sa dignité naturelle ; celle-ci fut simplement diminuée : « in deterius commutata » (6), comme la nature humaine elle-même. »

– Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Réponse aux dubia de Mgr Lefebvre.

De plus, le Pape a affirmé l’existence du péché originel à plusieurs reprises :

« Bethléem : le nom signifie maison du pain. Dans cette ‘‘maison’’, le Seigneur donne aujourd’hui rendez-vous à l’humanité. Il sait que nous avons besoin de nourriture pour vivre. Mais il sait aussi que les aliments du monde ne rassasient pas le cœur. Dans l’Écriture, le péché originel de l’humanité est associé précisément au manger : « elle prit de son fruit, et en mangea » dit le livre de la Genèse (3, 6). Elle prit et elle mangea. L’homme est devenu avide et vorace. Avoir, amasser des choses semble pour beaucoup de personnes le sens de la vie. Une insatiable voracité traverse l’histoire humaine, jusqu’aux paradoxes d’aujourd’hui ; ainsi quelques-uns se livrent à des banquets tandis que beaucoup d’autres n’ont pas de pain pour vivre. »

– Pape François, Messe en la Solennité de la Nativité du Seigneur (24 décembre 2018).

« L’Écriture, dans le récit du meurtre d’Abel par son frère Caïn (cf. Gn 4, 8-12), révèle, dès les débuts de l’histoire humaine, la présence dans l’homme de la colère et de la convoitise, conséquences du péché originel. L’homme est devenu l’ennemi de son semblable. Dieu dit la scélératesse de ce fratricide :  » Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie vers moi. Maintenant donc maudit sois-tu de par le sol qui a ouvert sa bouche pour prendre de ta main le sang de ton frère  » (Gn 4, 10-11). »

– Catéchisme de l’Eglise Catholique, point 2259.

« Mais d’où vient la tentation ? Comment agit-elle en nous ? Pour répondre à ces interrogations, le Pape a eu recours à nouveau au texte de la lettre de Jacques. « L’apôtre — a-t-il observé — nous dit qu’elle ne vient pas de Dieu mais de nos passions, de nos faiblesses intérieures, des blessures que le péché originel a laissées en nous. C’est de là que viennent les tentations ». Et à ce propos, il s’est arrêté sur les caractéristiques de la tentation, qui, a-t-il dit, « grandit, contamine et se justifie ». Le Pape a observé que la tentation se justifie toujours, « depuis le péché originel », quand Adam accuse Eve de l’avoir convaincu de manger le fruit interdit. Et dans son développement, sa contamination et sa justification, celle-ci « nous enferme dans un milieu dont on ne peut pas sortir facilement ». »

– Pape François, Méditation matinale du 18 février 2014.

« Il s’agit de la lutte quotidienne contre « la mondanité » et contre l’« envie, la luxure, la gourmandise, l’orgueil, la jalousie », autant de passions « qui sont les blessures du péché originel ». »

– Pape François, Méditation matinale du 30 octobre 2014.

Objection : « Le Pape donnerait une définition naturaliste de la concupiscence ! » & « Le Pape aurait nié que la concupiscence vient du péché originel ! »

Ces deux objections concernent ce paragraphe de l’encyclique :

« Tout cela serait précaire si nous perdions la capacité de percevoir la nécessité d’un changement dans les cœurs humains, dans les habitudes et dans les modes de vie. C’est ce qui se produit lorsque la propagande politique, les médias et les faiseurs d’opinion publique persistent à encourager une culture individualiste et naïve face aux intérêts économiques effrénés et à l’organisation des sociétés au service de ceux qui ont déjà trop de pouvoir. Voilà pourquoi ma critique du paradigme technocratique n’implique pas que nous pourrions nous trouver en sécurité en essayant uniquement de contrôler ses travers. Car le plus grand danger ne réside pas dans les choses, dans les réalités matérielles, dans les organisations, mais dans la manière dont les personnes les utilisent. Le problème, c’est la fragilité humaine, la tendance constante à l’égoïsme de la part de l’homme qui fait partie de ce que la tradition chrétienne appelle “concupiscence” : le penchant de l’être humain à s’enfermer dans l’immanence de son moi, de son groupe, de ses intérêts mesquins. Cette concupiscence n’est pas un défaut de notre temps. Elle existe depuis que l’homme est homme et simplement se transforme, prend des formes différentes à chaque époque ; et, somme toute, elle utilise les instruments que le moment historique met à sa disposition. Mais il est possible de la dominer avec l’aide de Dieu. »

– Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 166.

En premier lieu, les sédévacantistes pensent voir une hérésie naturaliste car le Pape décrit la concupiscence comme étant « le penchant de l’être humain à s’enfermer dans l’immanence de son moi, de son groupe, de ses intérêts mesquins ». D’une part, le Pape ne fait qu’en donner une explication globale; mais surtout le Pape rappelle, à la fin du paragraphe, qu’ « il est possible de la dominer avec l’aide de Dieu. ». Cela détruit la la fausse interprétation naturaliste que l’on tente d’attribuer au Pape, car le naturalisme suppose l’absence de Dieu.

En second lieu, les sédévacantistes interprètent cette phrase comme hérétique : « Elle existe depuis que l’homme est homme », comme s’il parlait du moment exact où Dieu l’aurait créé sans péché. Or, un peu de charité et de raison suffisent pour comprendre que c’est une expression qui signifie tout simplement « depuis les débuts de l’humanité », le premier homme étant lui-même tombé dans la concupiscence. Inutile de spéculer davantage. C’est de la même façon que l’on pourrait comprendre l’expression « depuis que le monde est monde », qui ne suggère pas une période stricte.

Bien que ça soit évident, « Depuis que l’homme est homme » est une expression italienne (aussi présente dans d’autres langues) qui n’est jamais utilisée pour parler littéralement du moment exact où il a commencé à exister, par exemple Mattia Feltri dans La Stampa l’utilisait pour dire que depuis que l’homme est homme, il pratiquait la mise à feu de livres (« Da che l’uomo è uomo fa roghi di libri »), ce qui est évidemment impossible pour les tout premiers hommes qui n’avaient pas de livres.

On ne peut donc pas être de bonne volonté et en même temps insister pour le comprendre de façon littérale comme si c’était le sens à accepter. Ce serait comme insister pour comprendre « le diable pèche dès le commencement. » (1 Jean 3:8) de façon absolue et rétorquer que le diable n’a pas été créé pécheur, ou de dire que le pape Pie XII enseignait une hérésie quand il déclarait que « Sans doute, il y a toujours eu des chutes morales » (en italien : « Senza dubbio vi sono stati sempre falli morali ») juste parce qu’il n’y a pas littéralement « toujours » eu des chutes morales. 

Bref, voyez comme cette logique malsaine tombe très vite dans l’absurde quand on la mène jusqu’au bout.

Le Pape François, et ce serait un jugement téméraire de prétendre le contraire, sait très bien que l’homme a chuté par le péché originel et n’a pas absolument toujours été concupiscent. Il enseignait déjà bien que « Dans l’Écriture, le péché originel de l’humanité est associé précisément au manger : « elle prit de son fruit, et en mangea » dit le livre de la Genèse (3, 6). Elle prit et elle mangea. L’homme est devenu avide et vorace. Avoir, amasser des choses semble pour beaucoup de personnes le sens de la vie« , décrivant là encore une forme de concupiscence. Il se référait ailleurs au catéchisme enseignant que :

« L’Écriture, dans le récit du meurtre d’Abel par son frère Caïn (cf. Gn 4, 8-12), révèle, dès les débuts de l’histoire humaine, la présence dans l’homme de la colère et de la convoitise, conséquences du péché originel. »

– Catéchisme de l’Eglise Catholique, point 2259.

Puisque c’est l’enseignement constant de François que la concupiscence de l’homme n’est qu’une conséquence du péché originel, il est raisonnable de tenir que l’expression « depuis que l’homme est homme » signifie « dès les débuts de l’histoire humaine ». D’ailleurs, l’expression est traduite par « depuis le début de l’humanité » dans d’autres langues comme l’anglais, (ce qui ne signifie pas « depuis le moment exact de la création de l’homme », mais bel est bien « dès les débuts de l’histoire humaine » comme le catéchisme l’enseigne). S’il avait voulu parler du moment exact de sa création, alors il en aurait précisé le terme. C’est donc une calomnie tout à fait forcée et malhonnête; et qui va contre l’enseignement de Sixte IV sur la nécessité de toujours interpréter les textes théologiques dans leur sens orthodoxe:

« 1407 – De même que notre désir saint et louable ne peut donc être condamné par personne à bon droit, de même l’intention et la saine compréhension qui vise seulement un bien manifeste ne doivent pas être combattues par le moyen de l’ambiguïté, puisque selon la règle de la science théologique toute proposition qui contient en elle un sens douteux doit toujours être comprise selon le sens qui conduit à une affirmation vraie. »

-Sixte IV, Encyclique Romani Pontificis Provide, 27 Novembre 1477. Denzinger 1996.

Ou de Saint Pie X qui enseignait que la bonne attitude d’un chrétien face à l’incompréhension des raisons de la doctrine était de se soumettre humblement :

« Aucun chrétien ne doit discuter si ce que l’Eglise catholique croit de cœur et enseigne de bouche est ou n’est pas ; mais, en s’attachant inébranlablement à sa foi, en l’aimant et en vivant selon elle ; il peut chercher en toute humilité la raison de ce qui est. Et s’il peut comprendre, qu’il rende grâces à Dieu ; s’il ne le peut pas, qu’il ne fonce pas avec ses cornes contre l’obstacle, mais plutôt qu’il courbe la tête avec révérence ! »

– Pape Saint Pie X, Communium Rerum.

Objection : « Le Pape nierait le droit à la propriété privée ! »

Les détracteurs du Pape François s’attaquent à ce passage :

« Je viens de nouveau faire miennes et proposer à tous quelques paroles de saint Jean-Paul II dont la force n’a peut-être pas été perçue : « Dieu a donné la terre à tout le genre humain pour qu’elle fasse vivre tous ses membres, sans exclure ni privilégier personne ».[94] Dans ce sens, je rappelle que «la tradition chrétienne n’a jamais reconnu comme absolu ou intouchable le droit à la propriété privée, et elle a souligné la fonction sociale de toute forme de propriété privée ».[95] Le principe de l’usage commun des biens créés pour tous est le « premier principe de tout l’ordre éthico-social »[96]; c’est un droit naturel, originaire et prioritaire.[97] Tous les autres droits concernant les biens nécessaires à l’épanouissement intégral des personnes, y compris celui de la propriété privée et tout autre droit « n’en doivent donc pas entraver, mais bien au contraire faciliter la réalisation »,[98] comme l’affirmait saint Paul VI. Le droit à la propriété privée ne peut être considéré que comme un droit naturel secondaire et dérivé du principe de la destination universelle des biens créés ; et cela comporte des conséquences très concrètes qui doivent se refléter sur le fonctionnement de la société. Mais il arrive souvent que les droits secondaires se superposent aux droits prioritaires et originaires en les privant de toute portée pratique. » – Pape François, Encyclique Fratelli Tutti, point 120.

Or, dans les paragraphe précédent, le Pape remet les choses en contexte. Il explique que cela concerne le devoir d’aider les personnes démunies qui ont besoin de ces biens; citant notamment le Pape Saint Grégoire le Grand qui justifie tout son propos :

118. Le monde existe pour tous, car nous tous, en tant qu’êtres humains, nous naissons sur cette terre avec la même dignité. Les différences de couleur, de religion, de capacités, de lieu de naissance, de lieu de résidence, et tant d’autres différences, ne peuvent pas être priorisées ou utilisées pour justifier les privilèges de certains sur les droits de tous. Par conséquent, en tant que communauté, nous sommes appelés à veiller à ce que chaque personne vive dans la dignité et ait des opportunités appropriées pour son développement intégral.

119. Au cours des premiers siècles de la foi chrétienne, plusieurs sages ont développé un sens universel dans leur réflexion sur le destin commun des biens créés.[91] Cela a amené à penser que si une personne ne dispose pas de ce qui est nécessaire pour vivre dignement, c’est que quelqu’un d’autre l’en prive. Saint Jean Chrysostome le résume en disant que « ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs ».[92] Ou en d’autres termes, comme l’a affirmé saint Grégoire le Grand : « Quand nous donnons aux pauvres les choses qui leur sont nécessaires, nous ne leur donnons pas tant ce qui est à nous, que nous leur rendons ce qui est à eux ».[93]

Il suffirait à cela, pour les dissidents qui doivent probablement tout ignorer de la doctrine sociale catholique traditionnelle, de leur rappeler l’enseignement de Saint Thomas d’Aquin sur la priorité du bien commun:

Cependant, dans la nécessité tous les biens sont communs. Il n’y a donc pas péché si quelqu’un prend le bien d’autrui, puisque la nécessité en a fait pour lui un bien commun.

Conclusion :
Ce qui est de droit humain ne saurait déroger au droit naturel ou au droit divin. Or, selon l’ordre naturel établi par la providence divine, les être inférieurs sont destinés à subvenir aux nécessités de l’homme. C’est pourquoi leur division et leur appropriation, oeuvre du droit humain, n’empêchent pas de s’en servir pour subvenir aux nécessités de l’homme. Voilà pourquoi les biens que certains possèdent en surabondance sont dus, de droit naturel, à l’alimentation des pauvres ; ce qui fait dire à S. Ambroise et ses paroles sont reproduites dans les Décrets : « C’est le pain des affamés que tu détiens ; c’est le vêtement de ceux qui sont nus que tu renfermes ; ton argent, c’est le rachat et la délivrance des miséreux, et tu l’enfouis dans la terre. »

Toutefois, comme il y a beaucoup de miséreux et qu’une fortune privée ne peut venir au secours de tous, c’est à l’initiative de chacun qu’est laissé le soin de disposer de ses biens de manière à venir au secours des pauvres. Si cependant la nécessité est tellement urgente et évidente que manifestement il faille secourir ce besoin pressant avec les biens que l’on rencontre – par exemple, lorsqu’un péril menace une personne et qu’on ne peut autrement la sauver -, alors quelqu’un peut licitement subvenir à sa propre nécessité avec le bien d’autrui, repris ouvertement ou en secret. Il n’y a là ni vol ni rapine à proprement parler.

Somme Théologique, IIae, Q. 66, Article 7

Certains cherchent aussi à créer une contradiction artificielle entre ce texte et Rerum Novarum de Léon XIII (ce qui est réfuté en détail ici). Mais il est facile de comprendre que là où Léon XIII réfutait l’idée qu’on puisse supprimer ce droit à la propriété privée, le Pape François réfutait l’idée qu’on ne puisse pas y toucher du tout pour le bien commun, chose que Léon XIII lui-même à rappelé en disant que l’Etat pouvait en « tempérer l’usage et le concilier avec le bien commun ». Pie XII expliquait en des mots semblables:

Tout homme, en tant qu’être vivant doué de raison, tient en fait de la nature le droit fondamental d’user des biens matériels de la terre, quoiqu’il soit laissé à la volonté humaine et aux formes juridiques des peuples de régler plus en détail l’actuation pratique de ce droit. Un tel droit individuel ne saurait en aucune manière être supprimé, pas même par d’autres droits certains et reconnus sur des biens matériels. Sans doute, l’ordre naturel venant de Dieu requiert aussi la propriété privée et la liberté du commerce réciproque des biens par échanges et donations, comme en outre la fonction régulatrice du pouvoir public sur l’une et l’autre de ces institutions. Tout cela, néanmoins, reste subordonné à la fin naturelle des biens matériels, et ne saurait se faire indépendant du droit premier et fondamental qui en concède l’usage à tous, mais plutôt doit servir à en rendre possible l’actuation, en conformité avec cette fin. (Radiomessage du 1er Juin 1941)

Objection : « Il n’a utilisé le terme X que Y fois »

Cette objection est un exemple de rhétorique fallacieuse employée par ceux qui ne veulent pas lire un texte attentivement et se contenter de chercher des mots en utilisant ctrl+f de leur clavier. La malhonnêteté avec laquelle cette méthode a été employée maintes fois, est exposée dans cet article.

Certains comptent le nombre d’occurrence du terme « nouveau »/ »nouvel/ »… dans l’encyclique, en prétendant que cela indiquerait quelque chose de négatif, ce qui n’a aucun sens hors de son contexte. Il est utilisé pour parler du Nouveau Testament, pour dénoncer de « nouvelles formes de violence » etc. ce qui est parfaitement légitime.

D’autres comptent aussi le nombre d’occurrence de « Jésus Christ » ou « Dieu le Père », en omettant Jésus seul, Christ seul, Seigneur, Dieu, Créateur, l’usage du terme Père en référence à Dieu et toutes les autres manières de se référer à lui. Ils essaient aussi de lui reprocher de ne pas parler du salut, en ommettant la citation directe de Saint Luc dès le deuxième chapitre à propos de comment hériter de la vie éternelle, en sachant que nombreuses aussi sont les citations des Saintes Ecritures. Ces dernières n’apparaissent pas dans les notes en bas de page tout simplement parce que les références Bibliques sont ajoutées directement derrière les citations. Les tentatives de dire que c’est un document plus sécularisé que religieux sont donc totalement malhonnêtes en vérité, elles s’adressent à ceux qui sont trop parresseux pour lire le texte et assez naïfs pour se complaire dans des chiffres.

L’exercice peut d’ailleurs être fait pour des encycliques qui précèdent le Pape François, comme Divini Redemptoris du pape Pie XI, ou Rerum Novarum de Léon XIII, dont le nombre de termes peut facilement être manipulé pour faire croire aux plus naïfs que les textes sont plus matérialistes que religieux:

Objection : « Fratelli Tutti est une encyclique gauchiste ! »

Ces accusations sont assez ironiques. Aucune autre encyclique n’offre une critique explicite d’une approche « gauchiste ». Dans Fratelli Tutti, François évoque de telles idéologies lorsqu’il écrit :

« L’amour du prochain est réaliste et ne dilapide rien qui soit nécessaire pour changer le cours de l’histoire en faveur des pauvres. Autrement, des idéologies de gauche ou des pensées sociales en viennent quelquefois à côtoyer des habitudes individualistes et des façons de faire inefficaces qui ne profitent qu’à une petite minorité. Dans le même temps, la multitude de ceux qui sont abandonnés reste à la merci du bon vouloir éventuel de quelques-uns. »

– Pape François, encyclique Fratelli Tutti, point 165

Pedro Gabriel l’explique en détail dans cet article traduit en français.

Un commentaire sur “Réfutation des objections contre l’encyclique Fratelli Tutti

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