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Saint Grégoire le Grand au sujet des juifs, 592

S. Gregorio Magno, de Mathias Stom, XVIIème siècle.

Bacauda, évêque de Formies, et Agnellus, évêque de Fundi, devront s’acquérir, avec l’évêque Pierre de Terracine, si la psalmodie des juifs de la synagogue s’entend de l’église voisine, et, s’il est nécessaire, assigner aux juifs un autre local. Ne pas molester les juifs.

Grégoire à Bacauda et Agnellus ¹, évêques, au sujet des juifs

Lettre originale en Latin

Supplicauerunt nobis Hebraei Terracinae degentes ut locum, quem sub synagoge hactenus habuerunt, eum illis nostra quoque auctoritate esset habendi licentia. Sed quia peruenit ad nos eo quod locus ipse sic uicinus esset ecclesiae, ut etiam uox psallentium perueniret, scripsimus fratri et coepiscopo nostro Petro, ut si ita esset, ut uox de eodem loco in ecclesiae ore sonaret, Iudaeorum celebrationibus priuaretur. Ideoque fraternitas uestra cum suprascripto Petro fratre et coepiscopo nostro locum ipsum diligenter inspiciat, et si ita est, aut aliquid uobis ecclesiae fuerit uisum officere, alium locum intra ipsum castellum praeuidete, ubi praefati Hebraei conueniant, quo sua possint sine impedimento cerimiona celebrare. Talem uero fraternitas uestra praeuideat, si hoc fuerint loco priuati, ut nulla exinde in futuro querella nascatur.
Praedictos uero Hebraeos grauari uel affligi contra rationis ordinem prohibemus. Sed sicut Romanis uiuere legibus permittuntur, annuente iustitia actosque suos ut norunt, nullo impediente, [disponente] disponant. Eis tamen Christiana mancipia habere non liceat.

Lettre traduite en Français

Les Hébreux qui habitent Terracine nous ont supplié de leur donner l’autorisation, en vertu de notre autorité, de posséder le lieu qu’ils ont eu jusqu’à présent comme synagogue. Mais comme il est parvenu à notre connaissance que ce local est tellement proche de l’église que la voix de ceux qui y chantent les psaumes s’y fait même entendre, nous avons écrit à Pierre, notre frère et collègue dans l’épiscopat ², que s’il était vrai que le son des voix venant de ce lieu s’étend à l’entrée de l’église, les célébrations des juifs ne s’y fassent plus. Votre Fraternité, avec notre dit frère et collègue dans l’épiscopat Pierre, inspectera donc ce lieu avec soin ; et s’il en est ainsi, ou si vous voyez que l’église en souffre quelque inconvénient, prévoyez à l’intérieur de ce castrum un autre lieu de réunion pour ces Hébreux, où ils puissent sans difficulté célébrer leurs cérémonies. S’ils sont privés de ce lieu, que Ta Fraternité en prévoie un qui soit tel qu’aucune querelle n’en surgisse à l’avenir.
Nous interdisons que ces Hébreux soient molestés ou tourmentés de façon déraisonnable. Mais, de même qu’on leur permet de vivre sous les lois romaines, qu’ils agissent aussi selon la justice, en connaissance de cause, sans que personne vienne les troubler. Qu’il ne leur soit cependant pas permis d’avoir des esclaves chrétiens ³.

Notes

1. Bacauda, évêque de Formies (cf. 1, 4 et 8), et Agnellus de Fundi (cf. III, 13).
2. Cf. I, 34. Mais les circonstances (le chant des psaumes) montrent qu’il ne s’agit pas de la lettre dont il est ici question, et qui est perdue.
3. Cod. Theod. XVI, 9 ; Cod. Just. I, 30.


Que Pierre, évêque de Terracine, restitue aux juifs leur lieu de réunion. Qu’il les convertisse à la foi chrétienne par la douceur.

Grégoire à Pierre, évêque de Terracine ¹

Lettre originale en Latin

Ioseph praesentium lator Iudaeus insinuauit nobis de loco quodam, in quo ad celebrandas festiuitates suas Iudaei in Terracinensi castro consistentes conuenire consueuerant, tua eos fraternitas expulisset, et in alium locum pro colendis similiter festiuitatibus suis, te quoque noscente et consentiente, migrauerint. Et nunc de eodem loco etiam expelli se denuo conqueruntur. Quod si ita est, uolumus, tua fraternitas ab huiusmodi se querela suspendat et locum, quem sicut praediximus cum tua conscientia quo congregentur adepti sunt, eos sicut mos fuit ibidem liceat conuenire. Hos enim qui a christiana religione discordant, mansuetudine, benignitate, admonendo, suadendo ad unitatem fidei necesse est congregare, ne, quos dulcedo praedicationis et praeuntus futuri iudicis terror ad credendum inuitare poterat, minis et terroribus repellantur. Oportet ergo ut ad audiendum de uobis uerbum Dei benigne conueniant, quam austeritate, quae supra modum extenditur, expauescant.

Lettre traduite en Français

Le juif Joseph, porteur des présentes ², nous a fait savoir ceci : les juifs qui habitent au castrum de Terracine avaient coutume de se réunir dans un certain local pour célébrer leurs fêtes. Ta Fraternité les en ayant chassés, ils avaient, à ta connaissance et avec ton consentement, émigré ailleurs pour fêter semblablement leurs solennités. Et maintenant ils se plaignent vivement d’avoir été de nouveau chassés de cet endroit. S’il en était vraiment ainsi, nous voulons que Ta Fraternité s’abstienne de ce genre de querelle, et qu’au lieur où, nous venons de le dire, ils avaient obtenu avec ton agrément de se réunir, il leur soit permis de le faire comme ils en avaient coutume. Eux, en effet, qui sont en désaccord avec la religion chrétienne, c’est par la douceur et la bonté, par les avertissements et la persuasion, qu’il faut les amener à s’agréger à l’unité de la foi, de peur que menaces et craintes n’écartent ceux que la douceur de la prédication et la venue imprévue du juge futur auraient pu inviter à croire. Il faut donc qu’ils en arrivent à venir volontiers à vous écouter leur donner la parole de Dieu, au lieu d’être épouvantés par cette sévérité qui dépasse la mesure.

Notes

1. Pierre, évêque de Terracine, mort avant novembre 592 (III, 13, 14). Il semble qu’il persévéra dans ses injustes agissements envers les juifs, même après cette semonce de Grégoire, comme on peut le penser d’après la lettre II, 45.
2. Vingt-six lettres du Registre concernant les juifs, dont à peu près la moitié sont adressées à des recteurs du Patrimoine. Cette correspondance montre que les juifs savaient qu’ils pouvaient toujours aller demander au pape d’intervenir en leur faveur contre les injustices et les vexations dont ils étaient l’objet de la part d’évêques ou de représentants de l’Eglise (par exemple IX, 38, 40, 196). Envers les juifs, Grégoire, formé à l’école des juristes, applique le droit, c’est-à-dire le Code Théodosien et celui de Justinien. Et ses positions sont d’autant plus importantes que les papes du XIIe et XIIIe siècles s’appuieront sur elles lorsqu’ils auront à statuer sur les juifs. Si, pour Grégoire, la religion judaïque est une « superstition », une « dépravation », la charité chrétienne n’est jamais oubliée dans l’application du droit : elle lui fait un devoir de ne pas causer un préjudice aux propriétaires (cf. IV, 21). On doit les laisser pratiquer leur culte sans vexations (I, 34 ; II, 45 ; IX, 196). Si la loi leur interdit la construction de nouvelles synagogues, qu’on leur laisse l’usage pacifique de celles qui existent (IX, 196), ou, si elles ont été transformées en églises et consacrées, il faut dédommager les juifs et leur restituer livres et ornements (VIII, 25 ; IX, 38). Le grand souci de Grégoire vis-à-vis des juifs est leur conversion. Mais il ne veut pas qu’on use pour cela de la violence (I, 45) ; que ce soit par la mansuétude, par la bonté, en les exhortant, en les persuadant, comme le dit la présente lettre.


Source

Registre des lettres Tome I Livre II, Sources Chrétiennes 371 (ed. du Cerf 1991).

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