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Embrassez la personne, pas la fonction

Cette traduction réalisée par Evangelium Production est basée sur l’article de Pedro Gabriel sur Where Peter Is, publié le 26 Mars 2019.

Le baiser de Judas, par Ludovico Carracci, ca. 1589

“ Hypocrites, Isaïe a bien prophétisé de vous quand il a dit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils m’honorent, en donnant des préceptes qui ne sont que des commandements venant des hommes. « 

– Evangile selon Saint Matthieu 15:7-9

Comme Mike Lewis l’a fait remarquer hier, lors d’un pèlerinage à Lorette, le pape François a prononcé un beau discours sur l’importance de la famille, basé sur la compréhension traditionnelle du mariage comme une union entre un homme et une femme.

Quelle a été la réaction des critiques habituels du pape, qui ne cessent de reprocher au pape de se dérober à cette partie de la doctrine ? Un soupir de soulagement ? Un signe d’approbation ? Un « il était temps », peut-être?

Non. Ce fait a été complètement ignoré et négligé par les critiques du pape. Dans ce cas, qu’est-ce qui a attiré leur attention? Le fait que pendant environ une minute, le pape a apparemment retiré sa main à certains des fidèles qui ont tenté d’embrasser sa bague. Le désespoir de déterrer quoi que ce soit (et n’importe quoi !) pour critiquer le pape et d’enterrer tout ce qui lui est digne d’éloges est si visible et si éhonté qu’il en est stupéfiant. Cela va au-delà d’une herméneutique de suspicion, c’est une herméneutique de dénigrement. Un tel parti pris anti-papal empêche de fait ces sources de se présenter comme fidèlement catholiques.

Maintenant, avant que je ne sois mal compris, je dois souligner ceci : je n’attaque en aucun cas les personnes dans la file qui ont voulu montrer leur dévotion au Pape et qui n’ont pas pu embrasser sa bague. Je me concentre sur ceux qui en ont profité pour faire avancer leur programme. Ma critique porte sur ceux qui passent leur temps à attaquer François et qui sont maintenant soudainement préoccupés par le fait de ne pas pouvoir embrasser sa bague en signe de respect envers lui.

Comment résolvent-ils cette incroyable dissonance cognitive ? Le tour de passe-passe est magistralement présenté dans un tweet par l’éminent critique papal Michael Voris : « Ils honorent la fonction. Pas l’homme. Cette histoire d' »humilité » est juste exagérée. »


Ce n’est pas un argument nouveau. En fait, nous l’avons déjà vu plusieurs fois. Il est déployé chaque fois que ces critiques veulent nuire au pape François tout en prétendant être des catholiques fidèles (et donc, fidèles au pape). Ils séparent la fonction de l’homme.

Stratégiquement, c’est une manœuvre remarquable. En tant qu’homme, le pape François peut être critiqué et dénigré à volonté. Mais si la « fonction » reste épargnée de leurs reproches, ils respectent effectivement le pape – c’est ce qu’ils disent.

Mais cela ne tient pas compte d’un fait très important : la papauté est bâtie sur des hommes réels. Il n’y a pas de papauté sans le pape. Il n’y a pas de tiare flottante qui hante le Vatican en attendant qu’elle trouve un hôte approprié. Il n’y a pas d’idéal platonique du pape, assis sur l’idéal platonique d’une cathèdre papale, signant un idéal platonique d’un document magistral avec une idée platonique d’une plume, dans l’univers des idéaux platoniques de l’autre monde.

Bien sûr, les critiques du pape seraient très heureux de prétendre le contraire, d’une manière qui illustre en fait l’extrême malhonnêteté de cet argument. Un idéal platonique vivant dans un monde abstrait ne constitue pas une personne réelle.

Une personne réelle peut vous contredire. Une personne réelle a des idiosyncrasies qui vous obligent à vous adapter, et donc à quitter votre zone de confort. Une personne réelle n’a rien à voir avec ce que vous aviez idéalisé.

Un idéal platonique, en revanche, ne peut jamais s’immiscer dans votre vie, à moins que vous ne le laissiez faire. Une idée immatérielle, enfermée dans un monde complètement abstrait, totalement libre, ne peut jamais vous ennuyer, ne peut jamais vous contredire, ne peut jamais vous faire sortir de votre zone de confort.

Cela signifie que l’idéal platonique a encore un autre avantage solide sur les personnes réelles : il peut s’intégrer complètement dans votre tête. En fin de compte, même si vous n’êtes pas du tout conscient de ce processus, l’idée platonique peut prendre forme en s’imprégnant de vos propres pensées, opinions et préjugés.

En d’autres termes, elle peut être sculptée à votre propre image et ressemblance.

On comprend donc que les critiques du pape font appel à l’idéal platonique d’un pape. C’est bien trop commode. C’est la même stratégie qu’ils emploient lorsqu’ils tentent de délégitimer la démission du pape Benoît. Ils renversent le pape François de son trône papal, et le remplacent par un Benoît non consentant. Si Benoît est toujours le pape, ils peuvent simplement désobéir à François sans désobéir au pape.

L’élection de la Fonction pontificale, la Platonique, remplit le même rôle vicaire. En fait, c’est même mieux que d’imaginer que Benoît est toujours le pape. Parfois, Benoît a cette fâcheuse habitude de publier des lettres et des discours faisant l’éloge de François. Et les légitimistes de Benoît doivent les expliquer. La « fonction pontificale » ne ferait jamais cela. Ils peuvent élire le véritable pape, et la « fonction pontificale » fera toujours ce qu’ils veulent. La « fonction pontificale » est toujours là pour réprimander, reprocher et excommunier le même genre de personnes que ses disciples veulent voir réprimandées, reprochées et excommuniées… même le Pape François. Surtout le pape François. Puisque l’autorité de la « fonction pontificale » dépasse celle du Pape François, ils ne voient aucun problème à cela.

Il n’est pas étonnant qu’ils veuillent conserver la tradition de baiser la bague de la « fonction pontificale ». Et il n’est pas étonnant qu’ils détestent le pape François pour ne pas leur permettre de le faire. Il est très pratique de placer la fonction pontificale sur un piédestal intouchable, là où ces vrais papes humains ne pourront jamais l’atteindre et le pervertir. Mais n’est-ce pas là transformer la papauté elle-même en une idole ? N’est-ce pas là le genre de papolâtrie que les critiques ne cessent de dénoncer ? Non, c’est pire. Cette papolâtrie n’idolâtre pas le pape, mais plutôt une idée du pape construite à leur propre image et ressemblance. Ils ne font pas de la papolâtrie, mais de l’égopapolâtrie, une idolâtrie encore pire. Ils idolâtrent un vicaire du Christ selon leurs propres termes et l’appellent « fonction », de sorte qu’il ne puisse jamais leur retirer son anneau.


Mais cette stratégie, aussi pratique soit-elle, ne tient pas la route. L’un des plus grands avantages du catholicisme est que notre religion n’est ni gnostique, ni manichéiste. C’est une religion sacramentelle (c’est-à-dire un signe visible de la réalité de Dieu). C’est une religion construite autour de l’Incarnation de Dieu en tant qu’homme. C’est la religion avec la plus grande dévotion à la Présence réelle. C’est une religion construite sur des faits historiques. Ce n’est pas une religion de principes nobles, abstraits et intangibles. Pas une religion platonique, mais une religion thomiste-aristotélicienne. C’est une religion orientée vers des réalités concrètes et palpables.

Ce que nous avons, c’est un vrai pape en chair et en os, qui agit comme le vrai Vicaire du Christ, la réalisation des promesses de Jésus dans la chair : les promesses qu’Il resterait avec nous jusqu’à la fin des temps et que les portes de l’enfer ne prévaudront pas.

Quel est donc le rôle du pape ? Être servo servorum Dei, le serviteur des serviteurs de Dieu. Cela signifie que, si le pape voulait supprimer le baiser de l’anneau, il pourrait le faire, et rien ne lui serait enlevé de sa dignité pour cela. De même que rien n’a été soustrait par l’abandon de la tiare papale par saint Paul VI, ou la mise à la retraite des gestatoria sedia. Il est toujours le Pape. Il est du seul ressort du Pape de renoncer à de telles externalités, et il n’incombe pas aux démagogues d’exiger de telles renonciations, comme on le voit souvent dans les médias laïques. Mais ces externalités ne sont en aucun cas intrinsèquement liées à l’essence de sa fonction, de telle sorte qu’il cesserait d’être le Pape s’il ne les avait pas.

Ce qui est essentiel, c’est que le pape existe pour diriger et guider l’Église universelle. Il existe pour confirmer les fidèles. Il existe pour interpréter magistériellement les Écritures et la Tradition, d’une manière qui commande l’assentiment de la volonté et de l’intellect des fidèles, même lorsqu’il ne fait pas de déclarations infaillibles.

En d’autres termes, vous ne pouvez pas respecter la fonction du Pape si vous êtes en désaccord avec ses enseignements magistériels.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous dénigrez publiquement les documents qu’il promulgue.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous trouvez des excuses à la dissidence de Laudato Si’. Vous ne respectez pas la fonction du Pape si vous trouvez des excuses pour être en désaccord avec sa révision du Catéchisme sur la peine de mort. Vous ne respectez pas la fonction du Pape si vous trouvez des excuses pour être en désaccord avec Amoris Laetitia et son interprétation magistérielle (les directives de Buenos Aires) selon la volonté manifeste du Pape.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous dites que vous n’avez pas besoin d’approuver ses enseignements non infaillibles.

Vous ne respectez pas la fonction du pape lorsque vous lisez sa papauté à travers une herméneutique de suspicion.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous passez tout votre temps à accuser le pape, au point d’essayer de trouver quoi que ce soit qui puisse le miner, même si c’est superficiel.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous le calomniez constamment, si vous l’insultez sans cesse, si vous le calomniez à plusieurs reprises.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous prenez les actions d’un pape réputé pour son humilité pour essayer de le piéger, afin de juger ses intentions et son cœur, comme si son humilité n’était que pour le spectacle.

Vous ne respectez pas la fonction du pape en le dénigrant toute la journée sur les médias sociaux.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous consommez et partagez les médias avec un parti pris anti-papal notoire.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous accordez plus de crédit au programme d’un parti politique qu’aux enseignements du pape.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous voyez l’autorité du pape être sapée, et vous parcourez le monde en donnant des conférences et des interviews sur les limites de la papauté, sans corriger les dissidents lorsqu’ils s’approprient vos arguments.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous vous posez en véritable interprète de la Tradition et des Ecritures contre le pape.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous voulez l’honorer avec des externalités, tout en lui manquant de respect quand et où cela compte vraiment.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous essayez de le dépouiller de sa fonction.

Vous ne respectez pas la fonction du pape si vous manquez de respect à la personne du pape.

En conclusion, il est complètement inconcevable de critiquer le pape pour avoir prétendument manqué de respect à sa fonction en ne permettant pas aux gens d’embrasser sa bague, tout en fermant les yeux (ou même en se livrant à toutes sortes de manques de respect envers sa fonction et sa personne). S’ils réprimandent le pape pour cela, ils feraient bien de retirer d’abord le poutre de leurs yeux. Personne n’a jamais été aussi irrespectueux de la fonction du pape qu’eux. Personne n’a fait plus de tort à la papauté qu’eux. Leurs baisers sont creux, car leur cœur ne suit pas leurs lèvres.

Les détracteurs de François pourraient vouloir séparer la fonction du pape de la personne du pape. Mais ce sont des réalités interconnectées qui n’existent pas séparément les unes des autres. Comme les dissidents eux-mêmes le proclament comme une vérité sacrée : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ».

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