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Cum Ex Apostolatus Officio n’a aucune force doctrinale

Démonstration

§6

L’on fait appel à la Bulle de Paul IV, Cum ex Apostolatus Officio, du 15 février 1559 [1], à laquelle nos opposants sont les plus désireux d’y attacher le caractère d’une décision doctrinale ex cathedra [2], disant que si cette Bulle n’est pas un décret doctrinal engageant l’Eglise universelle (sur ce point de l’autorité pontificale), alors aucun décret papal ne peut prétendre l’être [3]. Mais aucun des experts en théologie dogmatique n’a trouvé ce caractère jusqu’à présent [4], qui a été universellement considéré comme une émanation de l’autorité spirituelle pénale et non pas comme une décision de l’autorité doctrinale [5]. Nous constatons que les tactiques des adversaires de l’Eglise ont été inversées : autrefois les jansénistes et le jury du Parlement français ont nié que la Bulle Unigenitus était dogmatique, bien que tous les théologiens catholiques la considérèrent comme telle ; maintenant le parti de Janus et les juristes qui protestent contre le Concile du Vatican [I] affirment que la Bulle de Paul IV est dogmatique, ce que tous les théologiens catholiques nient. En vérité, ni la formulation de cette dernière, ni le contenu dans son ensemble, ni les règles universellement reçues chez les théologiens ne permettent de la considérer comme une décision dogmatique. Pour qu’un décret doctrinal engage toute l’Eglise il faut qu’une doctrine soit tenue ou qu’une proposition soit à rejeter, il faut qu’il soit présenté aux fidèles en termes impliquant une obligation, et qu’il soit proposé par l’autorité suprême de l’enseignement de l’Eglise. Ce n’est pas le cas avec cette Bulle. Le pouvoir du Pape est mentionné dans l’introduction de façon suffisamment correcte, ce qui est en accord avec l’opinion qu’on avait de lui au Moyen Âge. Mais ici, comme dans toute autre Bulle, la règle déjà évoquée est valable, non pas concernant l’introduction et les raisons alléguées, mais simplement et uniquement la décision (dispositive) imposée, la décision elle-même est obligatoire. Des introductions assez similaires peuvent être trouvées dans des lois purement relatives à des matières disciplinaires, comme tout un chacun consultant le Bullarium peut le remarquer [6]. En ce qui concerne la partie autoritaire de la Bulle en question, elle ne contient que des sanctions pénales contre l’hérésie, qui appartiennent incontestablement aux seules lois disciplinaires. Déduire de l’introduction une décision doctrinale émanant de l’autorité papale est tout simplement ridicule. Cela s’est déjà vu chez d’autres adversaires, qui n’ont donc pas, contrairement à Janus et Huber, déduit une définition dogmatique par rapport à la formule d’introduction choisie par le Pape, mais qui l’on déduite par rapport à la partie proposant une définition portant sur la morale.

« Pour savoir comment un catholique devrait se comporter envers les hérétiques et les chefs hérétiques, qu’il s’agisse d’une action de vol ou d’occupation, que l’on soit obligé, en conscience, de reconnaître une demande de succession ou d’autres droits légaux, – cela et les questions similaires doivent être considérés comme appartenant à la morale chrétienne même par les canonistes les plus tièdes. » [7]

Une telle affirmation venant de quiconque a vraiment lu la Bulle nous laisse peu d’espoir qu’il comprenne bien de quoi il parle. Paul IV renouvelle les censures et les lois pénales que ses prédécesseurs, agissant de concert avec les empereurs, avaient émis contre diverses hérésies ; il désire qu’elles soient observées partout et mises en vigueur là où elles n’ont pas été appliquées [8]. Il s’agit donc de l’exécution pratique des lois pénales précédentes, qui sont disciplinaires par leur nature, et procèdent non pas de la révélation divine, mais de l’autorité pénale civile et ecclésiastique. Il y a un ajout de nouvelles sanctions [9], outre le renouvellement des anciennes, qui appartiennent également à la sphère disciplinaire. De nombreuses peines sont entièrement calquées sur des lois, par exemple celles de Frédéric II (1220) [10]. Le Pape ne parle pas ici en tant que pasteur et docteur (ex cathedra), mais en tant que berger vigilant désireux de protéger les brebis des loups [11], à une époque où la chute imminente des évêques et des cardinaux [12] exigeait la plus grande vigilance et la plus forte des mesures. La Bulle de Paul IV peut être considérée trop sévère, peu judicieuse et immodérée dans ses sanctions, mais elle ne peut certainement pas être considérée comme une décision doctrinale ex cathedra. Aucun théologien catholique ne l’a considérée comme telle, ou l’a placée dans une collection de décisions dogmatiques ; et si cela avait été fait, cela aurait été ridicule ; car si cette Bulle devait être considérée comme une décision doctrinale, alors il en serait de même pour toute loi pénale ecclésiastique. Il est vrai que l’infaillibilité papale exclut toute erreur quant à l’enseignement moral, de sorte que le Pape ne puisse jamais déclarer quoi que ce soit de moralement mauvais comme étant quelque chose de bon, et vice versa ; mais l’infaillibilité ne concerne que les préceptes moraux et les principes généraux que le Pape prescrit à tous les chrétiens en tant que règle de bonne conduite ; et non pas l’application de ces principes aux cas individuels [13], elle n’exclut donc en aucun cas la possibilité que le Pape commette des erreurs dans son gouvernement par trop grande sévérité ou autre. Son infaillibilité, qui est la sienne uniquement en tant que pasteur et docteur, le préserve en effet de falsifier les doctrines de l’Église quant à la foi et à la morale, mais il n’y a aucune garantie qu’il fera toujours appliquer correctement ces doctrines et ne commettra jamais personnellement d’infraction à leur encontre.

§7

Mais il est dit : « Cette bulle s’adresse à toute l’Eglise, elle est signée par les Cardinaux, et a ainsi été publiée dans la forme la plus solennelle, et est certainement ex cathedra. » [1]. Ces caractéristiques, cependant, ne suffisent pas à en faire une déclaration de doctrine dogmatique. Le droit obligatoire erga omnes comme la discipline a aussi été signé par les Cardinaux, et proclamé solennellement. Même la Bulle Cum divina d’Alexandre VII. (26 mars 1661), qui imposait à toutes les propriétés ecclésiastiques d’Italie certaines dîmes afin d’aider les Vénitiens dans leur lutte contre les Turcs, avait été signée par les Cardinaux [2]. Et d’autres lois de discipline pontificale ont été publiées « de plénitude de puissance » (de plenitudine potestatis) [3] ; le terme « define » est utilisé dans d’autres cas également de jugements judiciaires [4] ; et des lois déclarées comme étant de validité perpétuelle (constitutio in perpetuum valitura) ont par la suite rapidement été abrogées, car s’étant révélées n’être d’aucune utilité pour l’Eglise [5]. Le type de preuves que nos opposants mettent en avant dans cette question montre une totale ignorance des bulles pontificales [6]. Comparons, par exemple, une autre Bulle du même Pape dirigé contre les projets ambitieux de ceux qui convoitent son titre [7] ; cette Bulle a également l’accord des Cardinaux, est publiée dans la plénitude du pouvoir pontifical, est déclarée être de validité perpétuelle, elle menace autant les dignitaires spirituel que temporel sans exception, etc. Et pourtant il est indubitable que ce n’est pas du tout une Bulle dogmatique. Si tel était le cas, les canonistes auraient difficilement eu quelques lois ecclésiastiques récentes (opposées aux dogmes) à disserter ; alors que les experts en théologie dogmatique auraient tous été dans une étrange ignorance de leur domaine.

Notes

§6

[1] Lib. Sept. c. ix. de Haeret. v. 8. Raynald. a. 1559, n. 14, M. Bull. i. 840. Sentis, Lib. Septimus, v. 5, 23, p. 164.
[2] Janus, p. 405 seq. Schulte, ii. 12. La Bulle a été présentée à la Sorbonne, 1627-1629, comme étant décisive pour ceux qui, comme les Dominicains de Testefort, voulaient considérer les décrets papaux comme les Saintes Écritures (Du Plessis, t. ii. P. ii. pp. 248-289).
[3] Huber, p. 47.
[4] Le prof. Denzinger a recueilli toutes les décisions dogmatiques dans son Enchiridion Definitionum, qui a été édité quatre fois depuis 1853, a été recommandé par de nombreux évêques, et a été loué par le Saint-Père. Aucun théologien correcteur dans toute la Chrétienté ne s’est plaint de l’omission de la Bulle en question ; tous auraient plutôt considéré une demande pour son insertion comme ridicule.
[5] Dr. Fessler, p. 44. Cf. Anti-Janus, p. 168, seq. Votum on the Vatican Council, Mainz, 1871, p. 45 seq.
[6] Par exemple Urbain VIII, Const. 12, d. 7, Mart. 1624 (Bulle ed. Lux. t. v. p. 40): « Romanus pontifex, in quo dispositione incommutabiliti divina providentia universalis Ecclesiae constituit principatum, auctoritatem a Christo per B. Petrum Apostolorum culmen sibi traditam intelligens, ut noxia evellat, et destrust, utiliaque plantet et aedificet,» etc. La Bulle entière se rapporte à la Constitution des Fratres Reformati strictioris observantiae Ordinis S. Francisci. Pareillement, Const. 64 d. 6 Fév. 1626, se rapportant à l’abolition d’une congrégation de Franciscains (ib. p. 119, § 1).
[7] Allgemeine Zeitung, 12 Avril 1871, Supplement.
[8] Omnes er singulas excommunicationis, suspensionis, et interdici ac privationis et quaevis alias sententiae, censurae, et poenas […] contrea haereticos aut schismaticos quomodolibet latae et promulgatae apostolica observantis, si forsan in ea non sint, reponi et esse debere, nec non quoscunque […] (haereticos cujuscunque status) censuras et poenas praedictas incurrere volumus atque decernimus.
[9] Par exemple perte ipso facto de tous offices et dignités, incapacité d’en tenir d’autres, confiscation des biens, etc.
[10] Frider. II. Const. a. 1220 (Walter, Fontes, pp. 84, 85, §6) :

Sit enim intestabilis, ut nex testamenti liberam hebeat factionem, nec ad haereditatis successionem accedat. Nullus praeterea ei super quocumque negotio, sed ipsi alii respondere cogatur. Quod si forte judex extiterit, ejus sententia nullam obtineat firmitatem, nex causae aliqua ad ejus audientiam, nec causae aliquae ad ejus audientiam perfectantur. Si fuerit advocatus, ejus patrocinium nullatenus admittatur. Si tabellio, instrumenta confecta per ipsum nullius penitus sint momenti.

Paul IV, Constit. Cum ex Apostolatus officio :

Qu’ils ne puissent pas tester, ni hériter, en outre que personne ne soit contraint de répondre d’eux en quelque commerce. Et si par aventure ils sont Juges, que leurs sentences n’aient aucune force, qu’ils n’entendent plus aucune cause. S’ils sont Avocats, que leurs défenses ne soient plus reçues, s’ils sont Notaires, que leurs actes soient tout à fait dénués de force et d’importance.

Que quelqu’un montre ne serait-ce qu’un seul cas d’une conformité similaire à des lois dans une Bulle vraiment dogmatique.

[11] Nulle part Paul IV ne s’appelle lui-même « docteur », il agit « comme un berger vigilant », « capturer les renards occupés à saccager la vigne du Seigneur et écarter les loups des bergeries » (§1)
[12] Comme l’évêque Victor de Bergamo (Raynald. a. 1558, n. 20), l’évêque Jacob de Nevers (ib. a. 1559, n. 13), le Cardinal Chastillon évêque de Beauvais (ib. a. 1561, n. 86), etc. Cf. the Brief of Paul IV, against the bishops suspected of heresy, ib. a. 1559, n. 19 : « Cum sicut nuper. »
[13] Cf. Suarez, de Fide, disp. 5 § 8, n. 7. Aussi Schaetzler, Die Päpstliche Unfehlbarkeit, Freiburg, 1870, p. 197 ; et Merkle de Augsburg Pastoralbatt, 11 Fév. 1871, pp. 47-50.

§7

[1] Schulte, i. p. 34, n. 1.
[2] Bull. ed. Lux. t. vi. p. 142 seq.
[3] Cf. Bened. XI. 1304, c.iii. de Elect. i. 3. Joh. XXII. a. 1319, c. xi. de Praebend. iii. 2, in Xvagg. com. Clem. X. 1671, Const. 52. Romanus Pontifex, Bullar. ed. Lux. vx. 376 seq. Const. Creditae Nobis, 1670, ib. p. 321 (Indult for the residence of the Papal Court). Innocent XII. Const. Speculatores, 1694, § 3 (Conc. Trid. ed. Richter, p.531). Pius IX. 26 Aug. 1852 (Acta Pii IX. Vol. i. p. 376, Indult for the Congr. Lauretana), etc.
[4] Innoc. III. l. vi. ep. 90, 104, 109, 189, 202, 203, pp. 96, 111, 114, 208, 227 seq. ; l. Viii. ep. 60, 61, 106, 155, p. 626 seq. 675, 734, et autre part. Donc l. ix. ep. 83, p. 905 : « Quod est a nobis sententialiter definitum; » l. vii. ep. 29, p. 311 :  « Lis ante judicem debet contestari et causa per judicem definiri. »
[5] Ainsi l’Empereur Frédéric II dit aussi de sa loi contre les hérétiques (1220): ʻHoc edicto in perpetuum valituroʼ (Walter, Fontes, p. 84, § 6). Cf. Pius V. Const. Cum nil magis, c. un v. 14, de Monet. Tonsor. Const. 2, 3, de Ambitu, v. 10, in libro sept. Const. Romanus Pontifex, 1568 (Conc. Trid. ed Richter, p.502): ʻDe apostolicae potestatis plenitudine hac perpetua valitura constitutione.ʼ De la même façon, Alex VII. Const. 25, In sublimi ; Clem. X. Cons. 21, In gravissimis (Bull. vi. 42 seq. 328 seq. ed. Luxemb.), pour lequel dans les Etats pontificaux, l’abrogation des exemptions de certaines taxes est déclarée, et dans d’innombrables autres Bulles.
[6] Voir ma critique de Schulte dans l’Archiv für Kirchenrecht, 1871. vol. xxv. p. cxxix. § 17 ; also Fessler, l. c. p. 82 seq.
[7] Cap. i. Cum secundum Apostolum. l. v. 10, de Ambitu in lib. vii. Decret.

Source

Hergenröther, Joseph. Catholic Church and Christian State: A Series of Essays on the Relation of the Church to the Civil Power. Vol. 1. Burns and Oates, 1876 : pp. 41 à 45.

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