« Il faut respecter la femme, ce qui n’est pas le cas dans un certain nombre de pays. La dignité et les droits de la femme peuvent être gravement mis en danger par des pratiques dangereuses. En Afrique, les jeunes filles doivent pouvoir pousser leurs études aussi loin que les garçons. De même, il faut lutter avec force contre les mariages forcés. Quand je voyage aux quatre coins du monde, je me rends compte que le vrai problème n’est pas une illusoire égalité, mais le respect de la dignité et de la liberté même des femmes. Les images que les médias occidentaux présentent de la femme sont trop souvent dégradantes et humiliantes. Le corps de la femme est traité comme une marchandise pour le plaisir dépravé de certains hommes. Par la prostitution organisée, la femme est un objet commercial. Pourtant l’Occident se prétend fallacieusement le champion de la défense des droits de la femme…
Il existe de petits groupes de femmes qui réclament en leur faveur l’ordination au sacerdoce et à l’épiscopat. Dans ce registre, des aberrations ont été accomplies dans certaines communautés protestantes. On accuse l’Eglise catholique de ne pas suffisamment honorer la place des femmes. Si je peux me permettre une remarque, il me semble que cette question est très typée géographiquement… Malheureusement, j’ai le sentiment que l’Occident cherche encore à influencer les autres cultures. Dans de nombreuses régions du monde, je ne pense pas que l’égalitarisme idéologique des rapports entre l’homme et la femme soit le modèle recherché.
On pousse l’extravagance de l’idéologie féministe jusqu’à vouloir rayer du vocabulaire certains termes : père et mère, époux et épouse. Dieu nous a créés complémentaires et différents. Si je regarde dans les Évangiles comment Jésus traitait les femmes, je vois qu’il avait un grand respect à leur égard. Le seul modèle de l’Eglise doit être cette manière douce et respectueuse du Christ d’associer les femmes à sa mission. En regard, il est dommage que certains tentent de culpabiliser le pape, les cardinaux ou les évêques en leur faisant croire que leurs positions sont rétrogrades.
L’idée d’une femme cardinal est aussi ridicule d’un prêtre qui voudrait devenir religieuse ! La référence de l’Eglise demeure le Christ qui se comportait avec les femmes et les hommes de manière juste, en donnant à chacun le rôle qui lui revenait. Depuis la Galilée, Jésus a été suivi par des femmes qui furent heureuses d’être à son service. Au pied de la Croix, il y avait Marie Madeleine et d’autres femmes profondément meurtries, qui observaient la terrible scène de la crucifixion. Selon les Évangiles, Marie Madeleine fut la première à voir Jésus ressuscité le matin à Pâques. Elle ne demandait rien d’autre qu’à servir le Seigneur dans sa spécificité de femme, dans sa pureté retrouvée et offerte.
Dans le monde, il y a des sociétés matriarcales ou patriarcales. Chacun y joue son rôle, en fonction de sa nature. Suivant le plan de Dieu, la femme est mère et l’homme est père. Les femmes devraient lutter pour qu’on n’utilise pas, en le commercialisant, leur corps sacré, parce qu’il est le temple de Dieu et le sanctuaire de la vie. Dans l’Eglise, les femmes peuvent avoir un rôle très important, à commencer par l’idéal le plus prestigieux, l’aspiration à la sainteté.
Comment ne pas citer la cohorte sans fin des filles de Dieu, en commençant par la Très Sainte Vierge Marie, sainte Monique, mère de Saint Augustin, Jeanne de Chantal, Thérèse d’Avilla, Thérèse de Lisieux, Maria Goretti, Mère Térésa de Calcutta, la bienheureuse Clémentine Anwarite, vierge et martyre, ou Joséphine Bakhita. L’Eglise sait depuis longtemps exalter et mettre en valeur le génie propre des femmes. Saint Jean-Paul II parlait d’elles comme des sentinelles de l’invisible ; il avait bien raison. L’Eglise ne doit pas se laisser impressionner par ce féminisme idéologique qui peut être apparemment généreux dans ses intentions, et fallacieux dans ses visées profondes. Surtout, il ne faut pas penser les problèmes en termes de fonction. Dieu nous demande de nous mettre au service de l’Eglise. Il ne s’agit pas de faire carrière. Le carriérisme touche déjà une trop grande partie du clergé ; nous ne saurions donc propager ce virus aux femmes !
La notion de postes réservés est peut-être un objectif politique, mais il ne semble pas qu’il s’agisse d’un critère de l’Esprit-Saint. Je comprends le grand piège qui consisterait à confier un dicastère du gouvernement romain à une femme du seul fait qu’elle soit une femme. Le premier critère ne doit pas être le sexe, mais la fidélité à la volonté de Jésus telle qu’elle a toujours été comprise par la tradition de l’Eglise. Alors, si une théologienne est en étroite union avec le magistère, et qu’elle veuille se mettre au service du Christ, comme la Vierge Marie ou Marie Madeleine, il n’y a aucun problème pour qu’elle apporte sa pleine collaboration à la mission d’un dicastère donné, pourvu que celui-ci corresponde à sa compétence.
En Afrique, il y a beaucoup de catéchistes, hommes et femmes ; les communautés chrétiennes font leur éloge et leur sont reconnaissantes pour ce grand travail d’évangélisation. Les femmes s’acquittent de cette mission avec la sensibilité et le sens maternel qui leur sont propres, exactement comme la présence spécifique qui reste la leur dans nos familles. Il ne viendrait à aucun homme de bon sens l’idée de vouloir conquérir cette tâche maternelle, et ce pouvoir prodigieux de transmission de la vie de la femme… De même, comment pouvons-nous imaginer que l’Eglise vivrait sur des schémas anthropologiques erronées depuis des siècles ? Je vois dans ces revendications féministes une grande arrogance et une forme rigide de volonté de pouvoir. Dans l’Évangile, Marie possède une des positions les plus hautes. Voilà notre véritable modèle. »
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Source : Dieu ou rien: Entretien sur la foi, Cardinal Sarah & Robert Diot, pp. 168 à 170.