BULLE DE NOTRE TRÈS-SAINT PÈRE PIE IV,
PAPE PAR LA PROVIDENCE DIVINE.
SUR LA CONFIRMATION DU CONCILE OECUMÉNIQUE ET GÉNÉRAL DE TRENTE.
Pie, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour en perpétuer le souvenir.
Béni soit Dieu, Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui a daigné jeter les yeux sur sa sainte Église, battue et agitée de tant d’orages et de tant de tempêtes, et qui a donné enfin aux maux qui la travaillaient tous les jours de plus en plus le remède dont elle avait besoin et qu’elle attendait depuis si longtemps. Paul III de pieuse mémoire, notre prédécesseur, dans le désir d’extirper plusieurs hérésies pernicieuses, de corriger les mœurs, de rétablir la discipline ecclésiastique, de procurer la paix et la concorde entre les Chrétiens, avait, il y a longtemps, convoqué dans la ville de Trente le Concile œcuménique et général, qui dès lors avait été ouvert et où il s’était tenu quelques sessions. Le même Concile ayant été de nouveau convoqué dans la même ville par Jules, son successeur, après quelques autres sessions qui s’y étaient tenues, n’avait pu être encore pour lors achevé à cause de divers obstacles et embarras qui étaient survenus ; de sorte qu’au grand déplaisir de tous les gens de bien, il avait été longtemps discontinué, pendant que tous les jours l’Eglise implorait de plus en plus ce remède. Mais entré au gouvernement du Siége apostolique, Nous avons incontinent commencé, nous confiant en la divine miséricorde, et mu par le zèle pastoral que notre devoir nous inspirait de travailler à la conclusion de cet ouvrage si saint et si nécessaire, favorisé du pieux empressement de notre très-cher fils en Jésus-Christ, Ferdinand, empereur élu des Romains, et de tous les autres rois, républiques, et princes de la Chrétienté, Nous avons enfin obtenu ce que nous avions tâché sans cesse de procurer et par nos soins et par nos veilles continuelles, et ce que nous avions tant demandé par nos prières jour et nuit au Père des lumières. De manière que des évêques et autres prélats considérables s’étant, sur nos lettres de convocation, et par leur propre zèle, rendus de toutes les nations de la Chrétienté dans ladite ville en un nombre très-grand et digne d’un concile œcuménique; outre plusieurs autres grands personnages recommandables par leur piété, par leur science dans les saintes lettres, et par leur connaissance des lois divines et humaines, les légats du Siége apostolique présidant audit Concile, et Nous, de notre part, favorisant encore la liberté de l’assemblée, jusque-là que, par nos lettres écrites à nos légats, Nous lui aurions laissé volontiers entière liberté de disposer dans les choses mêmes qui sont proprement réservées au Siége apostolique ; tout ce qui restait à traiter, définir ou ordonner touchant les sacrements et autres choses qui avaient paru nécessaires pour détruire les hérésies, ôter les abus et corriger les mœurs, a été discuté avec tout le soin possible et dans une entière liberté par le saint Concile, et défini, expliqué et ordonné avec toute l’exactitude et toute la circonspection qui s’y pouvaient apporter.Toutes ces choses étant · ainsi achevées, le Concile a été clos et terminé dans une si grande concorde et union de tous ceux qui y assistaient, qu’il a paru visiblement qu’un consentement si unanime a été l’ouvrage du Seigneur, dont nos propres yeux et ceux de tout le monde ont été avec nous dans l’admiration. Aussi nous sommes-nous empressé d’ordonner des processions publiques dans cette sainte ville où le clergé et le peuple ont assisté solennellement avec beaucoup de dévotion ; et Nous nous sommes appliqué à faire rendre grâce à Dieu et à lui témoigner notre juste reconnaissance pour une faveur si singulière et pour un si grand bienfait de sa divine majesté, puisqu’en effet le succès si favorable du Concile Nous donne une espérance très-grande et presque certaine que de jour en jour l’Église tirera de plus grands avantages de ces décrets et de ces ordonnances.
Cependant ledit saint Concile, par le respect qu’il a eu pour le Siége apostolique, et s’attachant aux traces des anciens conciles, Nous ayant demandé par un décret rendu à ce sujet dans une session publique la confirmation de tous ces décrets, qui ont été rendus sous notre pontificat et du temps de nos prédécesseurs. Nous, ayant été informé de la demande dudit Concile, premièrement par les lettres de nos légats, et ensuite depuis leur retour par ce qu’ils nous ont fidèlement rapporté de la part dudit Concile; après une mûre délibération à ce sujet, avec nos vénérables frères les cardinaux de la sainte Église romaine, et après avoir avant toutes choses invoqué l’assistance du Saint-Esprit, ayant reconnu tous lesdits décrets être catholiques, utiles et salutaires au peuple chrétien : à la gloire du tout-puissant, de l’avis et du consentement de nos dits frères, avons de l’autorité apostolique confirmé aujourd’hui dans notre consistoire secret tous et chacuns desdits décrets, et ordonné qu’ils soient reçus et gardés par tous les fidèles ; comme par la teneur des présentes, et pour une plus ample connaissance de tous, Nous les confirmons, et ordonnons qu’ils soient reçus et observés.
Mandons au surplus, en vertu de la sainte obéissance et sous les peines établies par les saints Canons, et autres plus grièves, même de privation et telles qu’il nous plaira de les décerner, à tous et chacuns de nos vénérables frères, les patriarches, archevêques, évêques, et quelques autres prélats de l’Eglise que ce soit, de quelque état, degré, rang et dignité qu’ils soient, quand ils seraient honorés de la qualité de cardinal, qu’ils aient à observer exactement lesdits décrets, statuts, dans les églises, villes et diocèses, soit en jugement ou hors de jugement, et qu’ils aient soin de les faire observer inviolablement, chacun par ceux qui leur sont soumis, en ce qui pourra les regarder, y contraignant les rebelles et tous ceux qui y contreviendront par sentences, par les censures mêmes et les autres peines ecclésiastiques, portées dans lesdits décrets, sans égard à appellation, et implorant même pour cela, s’il en est besoin, l’assistance du bras séculier.
Avertissons pareillement et conjurons par les entrailles de la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ, notre très-cher fils l’empereur élu, et tous les autres rois, républiques et princes de la chrétienté, qu’avec la même piété avec laquelle ils ont favorisé le Concile par la présence de leurs ambassadeurs, et avec la même affection pour la gloire de Dieu et pour le salut de leurs peuples, par le respect aussi qui est dû au Siége apostolique et au saint Concile, ils veuillent appuyer de leur secours et assistance les prélats qui en auront besoin pour exécuter et faire observer les décrets dudit Concile, sans permettre que les opinions contraires à la doctrine saine et salutaire du Concile s’introduisent parmi les peuples de leurs provinces, mais les interdisant absolument.
Au reste, pour éviter le désordre et la confusion qui pourraient naître, s’il était permis à chacun de mettre au jour des commentaires et des interprétations tels qu’il lui plairait sur les décrets du Concile ; Faisons expresse défense, de l’autorité apostolique, à toutes personnes, tant ecclésiastiques, de quelque rang, dignité et condition qu’elles soient, que séculières, de quelque puissance et autorité qu’elles puissent être, aux prélats, sous peine d’interdiction de l’entrée de l’église, et à tous les autres quels qu’ils soient, sous peine d’excommunication encourue par le fait, d’entreprendre sans notre autorité de mettre en lumière, de quelque manière que ce soit, aucuns commentaires, gloses, annotations, remarques, ni généralement aucune sorte d’interprétation sur les décrets dudit Concile, ni de rien statuer à ce sujet, à quelque titre que ce soit, quand ce serait sous prétexte de donner plus de force auxdits décrets, de favoriser leur exécution, ou sous quelque autre couleur que ce soit.
Que s’il y a quelque chose qui paraisse obscur à quelqu’un, soit dans le terme, soit dans le sens des ordonnances, et qui lui semble pour cela avoir besoin de quelque interprétation ou décision, qu’il ait recours au lieu que le Seigneur a choisi, c’est-à-dire au Siége apostolique, d’où tous les fidèles doivent tirer leur instruction, et dont le saint Concile a reconnu avec tant de respect l’autorité. Si donc au sujet desdits décrets, il s’élève quelques difficultés et quelques questions, Nous nous en réservons l’éclaircissement et la décision, ainsi que le saint Concile lui-même l’a ordonné, et Nous sommes prêt, comme il se l’est promis de nous avec justice, à pourvoir aux besoins de toutes les provinces en la manière qu’il nous paraîtra la plus commode ; déclarant nul et de nul effet tout ce qui pourrait être fait et entrepris contre la teneur des présentes, par qui que ce soit et par quelque autorité que ce puisse être, avec connaissance ou par ignorance. Et afin qu’elles puissent venir à la connaissance de tout le monde, et que personne ne puisse alléguer pour excuse qu’il les a ignorées, voulons et ordonnons que dans l’église du prince des Apôtres au Vatican, et dans celle de Saint-Jean de Latran, au temps que le peuple a coutume de s’y assembler pour assister à la grand’messe, les présentes soient lues publiquement et à haute voix par des huissiers de notre cour; et qu’après que lecture en aura été faite, elles soient affichées aux portes de ces églises, à celles de la chancellerie apostolique et au lieu ordinaire du champ de Flore; et qu’elles y soient laissées quelque temps, pour qu’elles puissent être lues et connues de tous. Et lorsqu’elles en seront ôtées, y laissant des copies selon la coutume, qu’elles soient livrées à l’impression dans cette sainte ville de Rome, afin qu’elles puissent être plus commodément portées dans toutes les provinces et royaumes de la Chrétienté. Enjoignons et ordonnons aussi qu’aux copies, écrites ou signées de la main d’un notaire public, et autorisées du sceau d’une personne constituée en dignité ecclésiastique, il soit ajouté foi sans aucune difficulté. Qu’il ne soit donc permis à personne d’enfreindre ces présentes lettres de confirmation, d’avertissement, de défense, de réserve et de déclaration de notre volonté touchant les susdites ordonnances et décrets, ni d’y contrevenir par un acte téméraire. Et si quelqu’un était assez hardi pour entreprendre de le faire, qu’il sache qu’il encourra l’indignation du Dieu tout-puissant et des bienheureux Apôtres saint Pierre et saint Paul. Donné à Rome dans Saint-Pierre, le vingt-sixième janvier, de l’Incarnation de notre Seigneur l’an 1564, le cinquième de notre pontificat.
PIE, évêque de l’Église universelle.
F. cardinal de Pise, évêque d’Ostie, doyen.
Fréd. card. Césius, évêque de Porto.
J. card. Moron, évêque de Frascati.
A. card. Farnèse, vice-chancelier, évêque de Sab.
R. card. de Saint-Ange, grand pénitencier.